56 - Lucy

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Aujourd'hui, c'est le grand jour. Avec l'aval des médecins qui me suivent, je vais enfin pouvoir revenir en cours. Pour le moment, il est convenu que je n'y aille que le matin. C'est toujours mieux que rien. J'en ai marre d'être seule la journée, surtout que je n'arrête pas de penser à ce qui a pu me traumatiser dans la boutique et à ce gars qu'on a vu lors de la soirée de Kim. J'essaie de faire le rapprochement entre les deux, mais sans succès. Mes souvenirs sont tellement fugaces que parfois, souvent même, je me demande si je ne les ai pas rêvés.

Assise en tailleur sur le lit, je regarde Logan se préparer sans se presser. Je n'arrive toujours pas à croire que nous sommes fiancés. Sa demande m'a plus que surprise, néanmoins, elle m'a fait admettre que mes peurs n'ont pas lieu d'être. Il m'aime, tout comme je l'aime.

— Arrête de me reluquer comme ça, sinon tu risques de devoir attendre demain pour retourner au bahut.

Son sourire espiègle ne laisse aucun doute sur ses intentions. Son désir brille dans ses yeux et allume un brasier au fond de mon ventre. Je raffole tellement de ce qu'il me fait ressentir quand il me touche que je pourrais passer des heures et des heures à lui faire l'amour.

Cesse de penser avec tes hormones.

Ma conscience a raison. Si je veux retourner voir mes profs, je ferais mieux de cesser de le mater, sinon je risque de ne jamais quitter cette maison. Parfois, j'ai du mal à me comprendre moi-même, depuis mon réveil, je suis devenue une véritable nymphomane. J'ai ce besoin ardent de sentir ses mains sur ma peau, de le sentir en moi. J'ai toujours aimé nos moments intimes, sauf que là j'ai l'impression que c'est bien pire que ça. C'est comme si, inconsciemment, je lui demandais de graver encore et encore son empreinte sur moi.

Pauvre fille. T'as vraiment pété un câble lors de ton coma.

Cette pensée débile m'arrache un sourire qui n'échappe pas à l'Adonis qui se trouve devant moi, toujours torse nu.

— C'est dû à quoi ce sourire ?

Sous son regard scrutateur, je ne me vois pas lui mentir. De toute façon, il finirait par me faire dire la vérité d'une manière ou d'une autre.

— Je me disais juste que parfois, je pouvais être débile.

Son étonnement se lit clairement sur son visage.

— Toi ? Débile ? Mouais, je suis pas certain que ce soit un terme correct pour te qualifier, mais si tu le dis…

Je ne sais pas ce qui lui passe par le crâne, cependant il éclate de rire. Comment peut-il être aussi beau ?

— Allez, magne-toi, beau gosse, sinon je pars avec ta frangine.

Surpris par ma réplique, il reprend aussitôt son sérieux.

— T'oserais pas !

Pour lui faire comprendre que ce ne sont pas des paroles en l'air, je me lève et me dirige vers la porte. Je n'ai pas le temps d'appuyer sur la poignée que son torse se colle à mon dos. D'un mouvement sec, il me retourne vers lui. Son odeur des plus agréables me chatouille les narines. Quand je relève la tête, son regard happe le mien. Il me paraît si sérieux à cet instant.

— Tu ne pars pas sans moi !

Il me réprimande comme si j'étais une enfant. Mon idée ne semble pas du tout lui plaire.

Joueuse, je me mordille la lèvre, je sais qu'il adore ça.

— Vous jouez à quoi là, mademoiselle Calaan ? me demande-t-il en plaquant ses mains sur mes fesses.

Sa colère s'est totalement envolée. Il n'y a plus que désir dans son regard. Et si je n'en étais pas totalement convaincue, son érection contre mon ventre ne laisse place à aucun doute. Comme aimanté, mon index vient tracer un sillage sur son torse en direction du sud. Je n'ai pas le temps de le voir venir qu'il abat sa bouche sur la mienne. Son baiser se veut aussi ardent que les flammes qui brûlent mon intimité. Je dois vraiment me reprendre avant qu'on aille plus loin.

D'une main sur son cœur, je le repousse. Il grogne d'insatisfaction et se dirige vers son armoire.

— Je te laisse cinq minutes pour te préparer, sinon on se retrouve au bahut.

— Petite allumeuse !

Bien que dos à moi, j'entends son sourire dans sa voix. Je me rince l'œil quelques secondes supplémentaires, avant de quitter la chambre. Si j'y reste, je pense qu'il a raison, nous n'irons jamais jusqu'au bahut. Or, je dois m'y rendre. Non seulement pour me changer les idées, mais aussi parce qu'il est important que je reprenne les cours, afin d'avoir un excellent dossier pour l'université. Hier soir, il m'a dit qu'il avait appelé Columbia pour accepter leur offre et a en même temps refusé celle des Crimson Tide. J'aurais aimé qu'on en reparle avant qu'il prenne cette décision. Malheureusement, j'étais inconsciente quand il les a contactés et désormais, il est trop tard pour qu'il fasse marche arrière. Il a signé le contrat la semaine dernière. En attendant, si je veux étudier au même endroit que lui, j'ai intérêt d'avoir un dossier en béton. Je vais vraiment devoir m'accrocher pour décrocher une place dans l'une des universités de la Ivy League. Au pire, si je ne suis pas prise, je ferais un dossier pour l'université de New York. Nous ne serons peut-être pas sur le même campus, néanmoins nous vivrons dans la même ville et donc partagerons le même appartement. Hors de question de vivre loin de lui. Et si jamais, on me refusait partout, alors je prendrai une année sabbatique, je trouverai un travail en attendant. Je bosserai le soir pour améliorer mes résultats et le rejoindre l'année suivante. Je refuse juste qu'on soit séparés. Mettre des milliers de kilomètres entre nous est inconcevable.

— Mon frangin t'a fait planer avant que tu descendes ou quoi ? Ça fait trois fois que je te pose la même question.

Perdue dans mes pensées, je n'avais pas entendue Deb me parler. Je secoue la tête pour remettre mes idées en place.

— Tu disais ?

— Bon, c'était comment ?

Hein ? Quoi ? De quoi elle me parle là ? Les yeux aussi ronds que des billes, je lui fais part de mon étonnement. Si en plus, elle pouvait cesser de se marrer, ça serait sympa.

— Plus sérieusement, je te demandais quel était ton premier cours.

Sous ordre de leur père, mon emploi du temps a été modifié afin que je sois toujours avec un de mes amis ou avec mon chéri. Du coup, je suis obligée de le sortir de mon sac pour savoir par quelle matière, je vais commencer. Maths, beurk, je déteste ça.

— Maths avec monsieur Meyer.

— Oh, génial ! On va être ensemble ! On se retrouve là-bas ou tu veux que je t'emmène ?

— Désolé, frangine, mais personne d'autre que moi l'emmène.

Je me retourne vers mon beau brun, qui cette fois, est enfin correctement habillé. Il n'en reste pas moins aussi beau. J'adore quand il porte ce genre de t-shirt qui met ses muscles en valeur, même si je suis certaine que je ne serai pas la seule à baver devant lui. Pour ne pas que la jalousie me torde les tripes, je me raccroche au fait que je partage son lit toutes les nuits et que nous sommes fiancés. Les autres filles pourront le regarder la bouche en cœur, aucune d'elle n'obtiendra ce que moi j'ai.

Lorsque nous arrivons sur le parking du lycée, j'aperçois nos amis en pleine discussion. Chris brille par son absence. Je suppose que pendant mon hospitalisation, ils ne se sont pas reparlés.

— Chris n'accepte toujours pas qu'on soit ensemble.

Logan se tourne vers moi, une drôle de lueur passe dans son regard.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

— Il n'est pas avec les autres.

— T'as pensé qu'il pouvait être en retard ou malade ?

Son ton cinglant m'indique qu'il cache des choses. Je les connais assez pour savoir que c'est le cas, surtout, qu'en plus, il fixe le pare-brise maintenant.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Il glisse une main dans ses cheveux et pousse un soupir d'exaspération. J'ai l'impression de le soûler, même si je ne sais pas ce que j'ai pu dire pour le contrarier. Est-ce que ça se passe si mal entre Chris et lui ? Est-ce qu'il lui manque, mais ne sait pas comment revenir vers lui ?

— On y va ?

J'ai vraiment la drôle d'impression qu'il veut fuir cette conversation. Je déteste qu'on se cache des choses. On s'est promis de ne plus le faire, alors s'il veut qu'on quitte sa bagnole, il va devoir m'en dire un peu plus. Au moment où il ouvre sa portière, je pose ma main sur sa cuisse pour le retenir. Il tourne la tête dans ma direction, son regard qui était si clair tout à l'heure, s'est considérablement assombri. On dirait que quelque chose le ronge. Un quelque chose qu'il tient à ce que j'ignore.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

Il enroule ses doigts autour de ma nuque et m'attire vers lui. Ses yeux plantés dans les miens, il me regarde avec un tel sérieux que je crains un instant ce qui pourrait sortir de sa bouche.

— Ça ne te regarde pas.

Sans me laisser le temps de lui dire qu'on s'est promis de tout se dire, de ne plus avoir aucun secret l'un envers l'autre, il claque sa bouche sur la mienne, puis quitte sa voiture. Je reste quelques secondes seules avec mes questions, me demandant pourquoi il tient tant à me tenir à l'écart de ce qui a pu se passer entre eux. Quand Deb se met à me faire des signes pour que je la rejoigne, je sors à mon tour.

Comme si notre conversation n'avait jamais eu lieu, mon fiancé vient poser son bras autour de mes épaules, après que j'ai salué tous nos amis. Tous semblent heureux de me revoir parmi eux. Pour ma part, je suis super contente d'être là. Ils m'ont tous horriblement manqué ces derniers jours, même Reed que je connais à peine.

Lorsque la première sonnerie retentit, nous nous dirigeons vers l'intérieur de l'établissement. Les gens se retournent sur notre passage. Si au début, je pensais qu'on matait les trois play-boys qui nous accompagnent, je me rends très vite compte que c'est en réalité moi qu'on dévisage avec pitié. Arrivée devant mon casier, Logan m'embrasse, avant d'aller rejoindre le sien qui est juste dans mon dos.

— Salut, Lucy.

Surprise par cette voix que je ne connais pas, je me retourne. Une fille de mon cours d'art me sourit de toutes ses dents. Par contre, ne me demandez pas son prénom, je ne l'ai jamais retenu.

— Salut…

— J'ai appris ce qui t'était…

— On y va, bébé ? la coupe Logan en glissant ses doigts entre les miens.

Le regard qu'il lance à cette fille est indéchiffrable.

— Attends, je pose mes affaires et c'est bon.

Quand je me retourne, il a entraîné l'autre élève à quelques pas de là. Elle semble très mal à l'aise devant lui. Je ne sais pas ce qui lui dit, mais à la vue des traits tirés de mon fiancé, j'ai comme l'impression qu'il est en train de la menacer. Mon cœur se serre en imaginant le pire. Aurait-il couché avec elle pendant que j'étais dans l'inconscient ?

— Oh, mais regardez qui voilà ! Une revenante !

J'ai pas besoin de me retourner pour savoir qui est dans mon dos. Cette conne de cheerleader me sort par les yeux. Je me retourne vers elle, bras croisés sur la poitrine, et la fusille du regard. Elle n'a pas intérêt à m'emmerder.

— Qu'est-ce que tu veux, Mandy ?

— Je me demandais comment tu arrivais à te regarder encore dans une glace. D'ailleurs, ce n'est pas trop dur pour Logan de te baiser encore ?

Quoi ? Perplexe, je fronce les sourcils. Oui, j'ai eu un accident et j'ai été sacrément amochée, mais pourquoi Logan aurait dû mal à me faire l'amour ? Ça n'a aucun sens.

— Tu dérailles, ma pauvre !

— Qu'est-ce que tu lui veux, Mandy ? intervient mon fiancé.

Il la jauge de toute sa hauteur.

— Je lui demandais juste si ce n'était pas trop dur pour toi, bébé, de la sauter après ce qui lui est arrivée.

Je ne comprends rien à ce qui se passe l'instant suivant. Le dos de Mandy vient de buter contre les casiers à côté de moi. Logan est hors de lui. Il la fixe, mâchoires crispées. Si je ne fais rien, ma grenade risque d'exploser. Alors, pour éviter que mon retour se déroule dans de sales conditions, je pose ma main sur son bras. Il tourne sa tête vers moi et me jette un regard rempli de haine. Puis, quand il comprend que ce n'est que moi, il souffle un bon coup. Il recule de plusieurs pas, sans quitter la capitaine des cheerleaders des yeux.

— Tu n'arriveras jamais à la cheville de ma fiancée, Mandy ! lui crache-t-il, hargneux. Si je te revois l'emmerder, j'te jure que je refais ta réputation. Et vu le nombre de gars que tu t'es tapée, il ne me faudra pas longtemps pour que tu te fasses passer pour la traînée du bahut.

Sans un mot pour ma part, il passe un bras autour de mes épaules et nous commençons à avancer en direction de ma salle de cours.

— Elle a quoi de plus que moi ? crie l'autre conne dans mon dos.

Logan passe sa tête par-dessus son épaule, afin de lui répondre.

— Tout.

Ce simple mot fait battre mon cœur très vite. C'est comme s'il venait de résumer tout son amour pour moi dans cette seule syllabe. Je m'arrête devant lui et, la main sur sa nuque, j'attire son visage vers le mien. Notre baiser doit sembler torride aux yeux des autres, puisque des sifflements s'élèvent autour de nous. En tout cas pour moi, il est plus que grisant. Je perds totalement la tête, surtout quand sa langue se met à jouer avec la mienne et qu'il m'attire un peu plus contre lui pour que nos corps se moulent l'un à l'autre.

Le reste de la matinée se déroule sans encombre. Killian, qui a partagé tous mes cours, hormis celui de maths, ne leur en a pas trop laissé l'occasion. Un seul regard noir de sa part suffit à les tenir à l'écart. J'adore mon frère de cœur, mais parfois j'aimerais me débrouiller un peu seule. Je n'ai pas envie que les autres me voient encore comme la pauvre paria, incapable de se défendre sans son garde du corps. Surtout que j'ai entendu des rumeurs sur notre dos, alors que je me trouvais aux toilettes. Des filles se sont mises à raconter que je trompais sûrement Logan pour que mon meilleur ami prenne ainsi ma défense. Les pauvres, je crois qu'elles ne peuvent pas comprendre qu'il y a une grosse différence entre l'amour fraternel et l'amour tout court. Cependant, les deux mecs qui sont chers à mon cœur me protégeront avec autant de hargne l'un que l'autre. Et si jamais, j'entends de sales choses sur eux, j'en ferais tout autant, aussi bien pour l'un que pour l'autre. Je les aime tous les deux, bien que ce soit de manière différente.

Lorsque, à midi, je rentre à la maison, accompagné d'un policier, je repense à cette matinée. Les cours m'ont paru difficiles, si bien qu'il va vraiment falloir que je bûche si je ne veux pas totalement décrocher. Par contre, ils m'ont totalement claquée. Je suis morte de chez morte et je n'ai qu'une hâte, quand je franchis la porte, c'est d'aller me coucher.

J'ai à peine posé la tête sur l'oreiller que je me sens plongée dans le sommeil.

À genoux, les poignets attachés au barreau d'un lit en métal, je suis nue devant eux. Dès que je suis rentrée ici, ils m'ont arraché mes fringues. J'ai froid et je tremble de partout. Mon ventre se serre tellement je suis effrayée. J'ai peur de ce qu'ils vont me faire. Je ne veux pas qu'ils mettent leurs sales pattes sur moi. Je tente de toutes mes forces d'arracher mes liens, mais je ne fais que m'entailler la peau.

— T'as voulu jouer, hein, petite salope ? Maintenant, c'est à mon tour.

Sa voix me fait frissonner. Mon estomac se tord de douleur en comprenant que maintenant ce n'est plus ma mère qui le suppliera d'arrêter, mais moi. Terrorisée, je hurle en tenant encore de m'arracher à ces liens. La douleur dans mes poignets m'arrache un gémissement, mais c'est un hurlement qui quitte mes lèvres quand un premier coup violent s'abat sur mon dos. Suivi d'un autre et encore un autre. Plus j'en reçois et plus mes forces me quittent. Je voudrais rester droite pour ne pas le laisser gagner, mais je n'y arrive plus. Ma tête part sur le côté et ma tempe percute violemment le montant. Des étoiles dansent devant mes yeux, avant que je ne m'effondre.

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