46 - Debbie/Killian

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Un peu plus tôt dans la journée…

Debbie

Dehors devant le local du journal, j'attends Killian, qui devrait déjà être là depuis un bail. On avait convenu de se retrouver ici pour dix-sept heures, afin de pouvoir aller prendre un verre en ville avant de rentrer. Peu importe ce qu'en pense mon frère, ça ne le regarde pas.

Je frotte mes mains l'une contre l'autre pour me réchauffer, tout en regardant mes camarades quitter la salle derrière moi les uns après les autres. À l'intérieur, il ne doit rester que Caleb, l'assistant-rédacteur en chef. Il m'a promis de tout finaliser avant la parution de demain. Peut-être devrais-je aller lui filer un coup de main au lieu de me les peler dans le froid ?

Quand la sonnerie de mon téléphone retentit, je me tiens prête à passer un savon à celui qui me fait poireauter depuis des lustres. Non, mais pour qui il se prend ? Si un problème urgent le retenait au garage, il aurait pu me prévenir plus tôt. Ce n'est pas bien compliqué, si ?

Je glisse ma main dans mon sac et en sors mon téléphone, avant de le porter à l'oreille sans même regarder le nom qui s'y affiche.

— Ça t'amuse de me poser un lapin, McKenzie ?

— Je ne savais pas que vous sortiez ensemble, mais désolée, ce n'est pas lui.

Je me rends compte de mon erreur en reconnaissant la voix de Kate. Oups !

— On ne sort pas ensemble ! grogné-je.

Un léger ricanement se fait entendre à l'autre bout de la ligne. Vraiment ? Elle est en train de se moquer de moi là ?

J'aurais dû regarder qui m'appelait avant de décrocher, ça m'aurait éviter de me retrouver dans cette situation. Je me frappe le front du plat de la main, tellement je me sens stupide.

La connaissant, je suis certaine qu'elle va tout aller rapporter à Logan. Je suis bonne pour l'entendre me râler dessus durant des heures maintenant. Je ne sais pas pour quelles raisons il se mêle de mes oignons, mais depuis dimanche il m'énerve avec ça.

Si j'avais su que retrouver mon grand frère signifierait devoir supporter son côté surprotecteur, je crois que j'aurais bouclé ma bouche devant Tundermann. En quoi ça le regarde si Killian et moi sommes proches ? On est amis, rien de plus. Bon, c'est vrai qu'à la patinoire, je lui ai avoué que j'aurais aimé qu'il m'embrasse, mais je ne sais pas ce qui m'a pris de lui dire un truc du genre. Moment de folie, peut-être. Enfin, j'en sais rien, parce que chaque fois que je pense à lui, j'ai cette sensation bizarre dans mon estomac, mon cœur s'amuse à cogner un peu plus fort ma poitrine et quand il me touche, j'ai l'impression qu'il me marque au fer rouge. Puis, il y a aussi les autres fois où il plonge son regard dans le mien et où je me sens me liquéfier. Mais, hier, on s'est mis d'accord, entre nous, ce ne sera qu'une amitié.

Oui, mais si, au final, cette amitié ne me suffisait pas...

Je pousse un lourd soupir face à toutes les pensées contradictoires qui me traversent l'esprit.

— Deb ? Deb ? Tu m'entends ?

La voix de la meilleure pote de mon frère finit de me tirer de mes pensées.

— Oui, oui.

— T'as compris au moins ce que je t'ai dit ou t'étais en train de penser à ce beau blond ?

— En fait, je ne t'ai pas trop écouté.

— C'est bien ce que je pensais. Je disais que je t'ai appelé au moins cinq fois. Ton frère est à l'hôpital et…

À cet instant le monde se met à tourner autour de moi. Un feu brûlant m'oppresse la poitrine, si bien que je n'arrive plus à laisser entrer l'air correctement dans mes poumons.

Mon frère… à l'hôpital….

Ces mots tournent en boucle dans ma tête si bruyamment, que je n'entends plus rien d'autre, hormis mon cœur qui cogne sans relâche contre ma poitrine. Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Est-ce qu'il va s'en sortir ? En état de choc, je recule jusqu'au mur derrière moi, une main plaquée sur ma bouche. Les larmes me brouillent la vue tandis que je me laisse glisser le long du béton. Je ramène mes jambes contre ma poitrine et les entoure de mon bras libe, le téléphone toujours à l'oreille.

Killian

Quand Logan est venu me voir avant d'aller à la salle de muscu, je lui ai promis de me tenir à l'écart de sa frangine. Nos échanges de regard au self ne lui ont pas échappés et il a tenu à me rappeler cette foutue promesse. À raison, parce que j'ai vraiment du mal à me contenir dès que je suis un peu trop proche d'elle. Je crève tellement d'envie de la prendre dans mes bras et de l'embrasser que c'en devient intolérable.

Dans mon idée, j'aurais dû lui poser un lapin et la laisser se démerder toute seule pour rentrer. Elle n'aurait pas eu le choix que de voir en moi le connard que je suis. De toute façon, je n'ai rien à lui apporter, sauf des emmerdes. Depuis dimanche, je tente de me convaincre que je ne suis pas un gars pour elle. Pourtant, savoir qu'elle est au journal avec l'autre qui la reluque comme si elle était sienne me fout les nerfs. À cran, je finis par choper mes clés de bagnole pour aller la chercher. Du moins, si elle ne s'est pas déjà barrée avec son assistant.

Si jamais il la touche, je lui explose la tronche, à cet enfoiré.

C'était quoi cette putain de pensée ? Bordel, hors de question que je sois jaloux ! Je dois la laisser vivre sa vie et me tenir à l'écart. Pas le choix, putain !

Nerveux, je pianote rapidement mon volant tandis que je patiente à un feu rouge. Cette fille est en train de me rendre barge et je déteste ça. Hier, j'aurais mieux fait de lui tourner carrément le dos, plutôt que de lui proposer cette foutue amitié. N'être qu'amis avec elle me paraît intenable. Je vais crever chaque fois que je me tiendrai près d'elle. Putain, et dire que je m'étais juré de ne plus jamais retomber dans le piège d'une nana après Cassie, là, j'ai la sale sensation d'etre un foutu poisson accroché à un hameçon. Y a plutôt intérêt à ce que la ligne pète avant que je ne puisse plus revenir en arrière

Quand je descends de ma caisse et que je ne la vois pas, mon cœur fait une chute vertigineuse. Ce con s'imagine qu'elle s'est cassée avec l'autre et qu'il est en train de tenter sa chance. Peut-être, même, est-il déjà en train de lui rouler une pelle. Rageur face à cette idée, mes poings se serrent avec tant de force que je sens mes ongles marquer mes paumes.

Puis, je me souviens de ce qu'elle m'a dit à la patinoire et ça me rassure. Elle aussi avait envie de ce baiser, alors pour quelles raisons irait-elle embrasser ce Jared ou Tayeb ou…

J'en ai rien à foutre de son prénom à ce gars !

Décidé à savoir de quoi il en retourne, je pars vérifier si elle se trouve encore au local du journal. Quand j'y arrive, je la découvre assise à même le sol, les jambes repliées contre sa poitrine, son téléphone contre son oreille. Ma jolie brunette ne semble même pas percuter ma présence. Au moment où je me rends compte qu'elle pleure et qu'elle tremble, je n'ai qu'une envie, la prendre dans mes bras pour la rassurer. J'ai horreur de la voir dans cet état, ça me rend malade à chaque fois. Ses larmes sont des saletés de poignards qui adorent chahuter mon cœur.

Qu'est-ce qui la met dans cet état, putain ?

— Debbie ! Deb !

Aucune réaction, merde !

En entendant une voix tenter de l'appeler à travers son téléphone, je m'en empare.

— Allô ?

— Killian ? s'étonne la voix de Kate à l'autre bout de la ligne.

— Ouais. Qu'est-ce que t'a sorti a Deb pour qu'elle soit en train de chialer ?

Parce qu'à part un truc de sa part, je ne vois pas ce qui aurait pu mettre ma brunette dans cet état.

Et me revoilà parti avec ce stupide surnom !

— Je voulais juste savoir le numéro de ses parents, parce que son frère est à l'hôpital.

Quoi ?

— Comment ça, il est à l'hôpital ?

Elle m'explique plus ou moins ce qu'il s'est passé, avant de raccrocher pour aller le rejoindre.

Putain, ce qu'ils lui ont fait, c'est dégueulasse ! Ces cons mériteraient que je les saigne. Si j'étais à Boston, je ne me gênerai pas, mais là je ne sais pas si c'est une bonne idée de vouloir les retrouver. Je ne sais pas qui ils sont, ni d'où ils viennent. Si ce ne sont que des petits merdeux, je pourrais les remettre à leur place, mais vu la description faite par Kate, je n'en suis pas certain. Si ce sont des membres du gang, je risque encore plus d'emmerdes. Pas sûr que cette fois, Josh soit encore derrière mon cul pour me sauver la mise. Ou alors si, mais c'est lui qui me butera ensuite. Le faire intervenir deux fois, coup sur coup, pas certain qu'il apprécierait. Je repense à son foutu coup de fil, qui m'a fait prendre conscience que c'est grâce à lui si je m'en suis si bien tiré.

La gueule totalement amochée, je rentre chez moi. Mais, putain, qu'est-ce qui m'a pris de tout balancer comme ça ? Je voulais juste intégrer le gang, pas tout bazarder ainsi.

Lessivé, je pars direct dans ma chambre. J'aurais sûrement besoin d'un bon nettoyage de la tronche avant que Jenna me trouve dans cet état, mais ça attendra demain. J'enlève mes chaussures et mon manteau, puis m'affale sur mon plumard. J'ai à peine croisé les bras derrière la tête que mon portable vibre dans la poche arrière. Vu l'heure, je laisse sonner.

Quand il vibre pour la troisième fois, je finis par décrocher, soûlé qu'on insiste autant.

— Tu voulais crever ou quoi, gamin ?

La voix de Josh gronde avec une force inouïe. Pour bien être sûr que je ne suis pas en train de rêver, je passe ma main sur mon visage. Vu comme ça fait un putain de mal de chien, pas de doute, je suis bien réveillé.

— De quoi tu parles ?

— C'était quoi ton putain de délire ce soir ? Les Reds Dragons, hein ? Sérieusement ? Ce n'est pas parce que je t'ai laissé te barrer à Albuquerque que tu ne fais plus partie des nôtres !

Et merde ! Il a vraiment l'air furax.

— Je… Je…

Un peu trop sonné de l'entendre à l'autre bout de la ligne, je n'arrive même pas à aligner deux mots à la suite.

— Quand Jeff m'a parlé de ta petite visite, je me suis douté que t'allais tenter un truc du genre. T'as vraiment du bol, gamin, que Max fasse partie de ma famille et que je l'ai prévenu avant que tu n'ailles le voir. Vu ce que tu leur as sorti, sans ça, tu ne serais plus là pour m'entendre te gueuler dessus !

Fautif, je ferme les yeux et me masse la nuque. En même temps, si j'en suis arrivé à cet extrême, c'est un peu de leur faute. S'ils avaient accepté de se bouger le cul, je n'aurais sûrement pas tenté le diable. Qu'il n'aille pas me faire croire que je fais encore partie de sa famille, vu comment ils m'ont tourné le dos.

— T'es bien silencieux, Killian ?

— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Vous m'avez lâché quand j'avais besoin de vous !

Une boule se forme dans ma gorge en me revoyant au QG le week-end dernier.

— Quand Jeff m'en a parlé, tu t'étais déjà barré... Je t'ai vu grandir, petit. T'as été le mec de ma fille pendant plus d'un an et j'avais de grands projets pour vous deux. Et vu ton implication dans l'organisation, j'étais prêt à te trouver une place au côté de Jeff, avant que ton père me supplie de te laisser partir. Alors, tu crois vraiment que je t'aurais lâché comme ça ?

— J'en sais rien. Ça te va comme réponse ?

Et c'est la vérité, parce que j'y ai vraiment cru.

— T'es comme un fils pour moi et je ne laisse pas tomber ma famille, fous-toi ça dans le crâne, gamin ! J'aimerais que tu me fasses une promesse, parce que je ne pourrais pas te sortir des mauvais pas à chaque fois. Promets-moi de te tenir loin d'eux.

Un sanglot étranglé me ramène au présent. Mes yeux se posent aussitôt sur Debbie qui, les deux bras autour de ses jambes, se balancent d'avant en arrière. Je l'appelle une nouvelle fois pour la faire réagir, mais rien de chez rien. C'est comme si elle se trouvait à des milliers de kilomètres de moi. Sans trop savoir quoi faire, je glisse une main dans mes cheveux et me masse le crâne. Il faut que je trouve moyen de la ramener vers moi.

Je m'accroupis devant elle et les mains en appui sur ses deux genoux, je lui parle calmement. Savoir que son frère est à l'hôpital a dû lui faire un sacré choc. Alors, je tente de la rassurer en lui disant que tout va bien. J'ignore si c'est vrai, mais Kate m'a certifié à deux reprises que ses jours ne sont pas en danger et qu'il devrait sortir dès l'arrivée de ses parents.

D'un coup, ma jolie brunette pousse un long soupir. En sentant son souffle chaud sur mes lèvres, je réprime l'envie de me jeter sur les siennes.

Comme un prince qui veut réveiller sa princesse d'un simple baiser.

J'émets un léger ricanement devant cette connerie qui vient de me traverser le crâne.

Non, mais n'importe quoi ! Faut vraiment que j'arrête mes délires par moment.

Les beaux yeux bleus de Debbie viennent harponner les miens. Je ne cille pas une seule seconde afin qu'elle puisse s'y accrocher autant qu'elle le désire.

Debbie

Quand je vois ces deux magnifiques prunelles aussi sombre qu'un soir d'orage devant moi, je m'y accroche de toutes mes forces.

— Je suis là, je ne te lâcherai pas, me rassure la voix grave de Killian.

Mes yeux dans les siens, je continue à lutter contre la crise qui m'a envahie quand j'ai appris que…

— Mon frère est a l'hôpital, lâché-je d'un coup.

Effrayée à l'idée qu'il puisse ne pas s'en sortir, tous mes membres se mettent à trembler.

Je ne veux pas le perdre. Pas maintenant que je viens juste de le retrouver. Je hais tellement les hôpitaux !

La boule de chaleur se reloge sous ma poitrine et je me sens à nouveau perdre pied. Mon regard part dans tous les sens, totalement affolée, avant que deux mains froides se placent sur mes joues et me forcent à fixer ses deux obsidiennes qui me font face.

— Il va bien. On va aller le voir, d'accord ?

Après que j'ai hoché la tête, killian se relève et me tend la main pour que j'en fasse autant. Affaiblie par ma crise, je perds l'équilibre. Propulsée en avant, je me raccroche à son blouson pour ne pas m'effondrer. D'une main dans mon dos, il m'aide à me rétablir. Son corps contre le mien, de drôles de frissons viennent se glisser sous ma peau. Quand je relève la tête, mes joues me brûlent en voyant le regard intense qu'il fixe sur moi. Chacune de mes terminaisons nerveuses prennent feu au moment où il baisse les yeux sur mes lèvres. Je passe ma langue dessus alors que je meurs d'envie qu'ils viennent y goûter.

— On ne devrait…

Les mains sur ses épaules, je me hisse sur la pointe des pieds pour venir plaquer ma bouche sur la sienne, avant même qu'il ait eu le temps de finir sa phrase. Surprise par mon audace, je recule un peu pour observer sa réaction. Tout un tas d'émotions contradictoires passent dans son regard. La peur qu'il me rejette se fait ressentir un instant alors qu'il semble lutter contre lui-même.

— Et merde ! grogne-t-il, avant de m'attirer à nouveau à lui.

Je goûte sa bouche tout comme il goûte la mienne. Quand sa langue vient caresser mes lèvres, je les entrouvre pour qu'ils viennent approfondir notre baiser. Y a pas a dire, ce mec sait vraiment embrasser. Je ne suis plus que neige au soleil. Une guimauve qu'il peut modeler à sa guise. C'est bon. Profond. Intense. Je crois qu'il pourrait continuer des heures et des heures sans que je ne m'en lasse. Je frissonne et mon cœur se croit sur un trampoline tant il bondit dans tous les sens. C'est la première fois que je ressens autant de choses avec un simple baiser. J'en veux encore et encore. Si bien que lorsqu'il se recule d'un bond, comme si je venais de le brûler, je tombe dans un vide abyssal. Je le regarde se diriger vers le parking, tout en essayant de me remettre de mes émotions. Je ne comprends rien. Pourquoi réagit-il comme ça ?

Une fois remise, je cours vers lui. Dès que je le rejoins, je l'attrape par le bras et le force à s'arrêter. Je veux comprendre. Il ne peut pas m'embrasser comme un Dieu et se barrer ensuite.

— C'est quoi le problème ?

Sa façon de me regarder comme s'il venait de commettre la plus belle erreur de sa vie me déstabilise. Je n'aime pas ça du tout.

— On doit aller voir ton frangin, non ?

— Oui, mais ce n'est pas le souci. Tu m'embrasses et ensuite, tu te barres comme si…

— Ce qui s'est passé n'aurait jamais dû se produire, alors oublie ! me coupe-t-il.

Sonnée, j'en lâche son bras. Comment peut-il oser me sortir un truc pareil ? Si je l'ai embrassée la première, lui est revenu à la charge, il ne peut pas me demander d'oublier comme si rien ne s'était passé.

Médusée, je secoue la tête de droite à gauche.

— T'en as pas envie ? Tant pis pour toi, parce que toi et moi, ce n'est pas possible !

Mon cœur fait une chute vertigineuse pour venir s'éclater à mes pieds. Il n'a rien compris lui non plus.

— T'es qu'un con, McKenzie !

Il hausse les épaules tandis qu'il déverrouille sa voiture. Mon cœur a du mal à se relever par sa faute et lui semble en avoir rien à faire. Connard !

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