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Samedi 20 avril 2019, Paris


Alice se retrouva à Paris, ce samedi 20 avril, à l'aéroport d'Orly, en train de prendre Diae dans ses bras, de l'embrasser, et cela, dans un état intérieur des plus confus.

Il y a deux jours maintenant, elle avait, avec un plaisir qu'elle ne pouvait réfuter, fait de même avec Hans. Et elle avait même été à deux doigts de se donner à lui.

Ce qu'il y avait de plus déstabilisant dans sa vie actuelle, était qu'elle passait énormément de temps en compagnie de Hans. Et très peu avec Diae. Et Alice, en son for intérieur, se décevait elle-même. Car elle voyait bien que malgré toute la bonne volonté qu'elle pensait avoir, toute l'assurance qu'elle croyait avoir quant à sa propre fidélité envers Diae, eh bien, elle avait failli. Elle n'était pas mieux qu'un Nicolas Vidon. Qui représentait pour elle, jusqu'à maintenant, un peu la quintessence de l'irrespect de la femme et de la relation de couple. Elle-même avait finalement trompé Diae, comme elle le soupçonnait également de l'avoir trompée, elle. Mais peut-être que lui ne l'avait pas fait? Peut-être était-ce elle la méchante dans leur relation. Celle qui a fauté. La Eve et lui l'Adam! Peut-être que le soupçon qu'elle entretenait à l'égard de l'étudiant en cardiologie était une projection, une totale création de son esprit. Peut-être qu'inconsciemment elle avait souhaité que cela soit vrai pour lui permettre de justifier son passage à l'acte avec Hans. Car elle ne pouvait plus se voiler la face. Et elle était tombée de haut mercredi soir.

Après être rentrée chez elle, elle s'était préparée une tisane calmante, s'était installée dans son canapé et avait réfléchi. Cela faisait depuis des mois qu'elle n'avait pas voulu voir son propre jeu. Que à plein de reprise, elle avait eu des gestes, des pensées, des réflexions et des idées qui semblaient concerner le travail mais qui en réalité n'avaient pas d'autres buts que de se retrouver le plus possible avec l'inspecteur suisse-allemand. Tout avait été, involontairement, comme prémédité! Comme un meurtrier qui organise son crime. Elle se voyait maintenant, effarée, embrasser Hans sur la joue. Lui toucher l'épaule avec affection, lui sourire avec insistance, cela en espérant un retour sur investissement, qu'il lui rende son sourire, évidemment. Chose qu'il faisait régulièrement. Et à chaque fois, cela lui avait fait chaud au cœur. Et s'il ne le faisait pas, elle se devait de l'avouer maintenant, tout en sirotant sa tisane calmante, elle avait ressenti un pincement. Une douleur. Et elle se rappelait son attitude lors de la nuit à l'hôtel de Montreux. Elle avait sciemment exagéré son agacement pour dissimuler autant à Hans qu'à elle-même, qu'elle avait en fait envie de passer cette nuit à l'hôtel avec Hans. Qu'elle aurait peut-être même pu craquer cette nuit-là et faire l'amour avec lui. Elle repensa du coup à Nicolas. Et eu un peu honte. Nicolas avait été viré de l'enquête alors qu'il n'était sans doute pas si incompétent que ce que l'on voulait bien le dire. Elle avait senti la jalousie de Nicolas depuis des mois, et elle avait fait semblant qu'il n'avait aucune raison de l'être. Ce qui était en fait totalement faux. Il avait parfaitement vu le jeu, ce qui se tramait entre elle et Hans. Elle avait, à ce moment de sa réflexion, pensé envoyer un message à Nicolas, avant de se raviser. Ne créons pas plusieurs foyers d'incendie.

Il était maintenant 19h30. Elle se trouvait dans l'appartement de Diae et celui-ci, pour la première fois qu'ils étaient ensemble, avait préparé un dîner.

Le dîner!

Et il en était pas peu fier. Et il faut dire que il s'était donné un mal de chien. Ce n'était pas une pizza. Ce n'était pas des pâtes. Ce n'était pas des hamburgers. Non. C'était le repas préféré du roi Philippe le Bon: du porc aigre doux au gingembre!

Et Alice était assise là. Sur la table: des verres à vin, des assiettes en porcelaine, des serviettes en papier couleur saumon. Une nappe en tissue blanche! Une bougie! Il avait fait très fort. Avait sauté directement du "je sors une boite de thon, un bout de pain à", je me lance quasi dans la cuisine gastronomique. Son Diae, à nouveau apparemment amoureux transi, par rapport à son attitude de ces deux derniers mois, apporta les assiettes préalablement remplies à la cuisine.

De la viande, des pommes de terre, des légumes. Et tout cela dégageait une odeur tout-à-fait appétissantes. Diae retourna à la cuisine et en revint avec une bouteille de bordeaux qu'il avait déjà débouchée. Il en versa un peu dans le verre d'Alice. Elle fit semblant de le sentir, elle ne connaissait rien en vin, le goûta en se donnant un air de spécialiste et dit avec un grand sourire qu'il était excellent.

Diae s'assit à son tour, il leva son verre et porta un toast :

- À l'art de la cuisine ! fit-il, enthousiaste et presque théâtrale.

- À l'art de la cuisine ? répéta Alice, un peu incrédule.

Elle n'avait jamais remarqué un quelconque intérêt de Diae pour la cuisine. Ils avaient déjà mangés dans plein d'excellents restaurants parisiens, et jamais il ne s'était enthousiasmé d'une quelconque façon pour ce qui se trouvait dans son assiette. Ce subit intérêt semblait être tombé du ciel sur la tête de Diae Fasi !

- Mais...depuis quand est-ce que tu t'intéresses à la cuisine, Diae ? demanda alors Alice tout en savourant l'excellent bordeaux qu'elle venait d'avaler.

Diae souriait. Il tenait son verre de vin à la main et avant d'en boire une gorgée, il lança :

- Depuis que j'ai rencontré Marianne !

Ce fut un tsunami intérieur pour Alice.

Quoi ? Il y en avait donc bien une autre !? Ses soupçons étaient donc fondés. Elle pensa à Hans. Et pourquoi elle ne coucherait pas avec lui en rentrant ? Hein ? Elle en avait envie, lui aussi ! Pendant que Diae se faisait sa Marianne.

- Non mais...c'est pas ce que tu crois, fit alors Diae.

Alice se sentit conne. Diae avait vu à travers elle et avait désamorcé la bombe.

Elle parvint à se contenir, ravaler sa colère et dit :

- Alors c'est quoi ?

Un peu sèchement tout de même.

- C'est elle qui m'a apprit à préparer ce que tu manges en ce moment.

Alice ne comprenait rien.

- Marianne est la copine de Alex, un ami étudiant comme moi. Et elle m'a passé le virus de la cuisine. La cuisine c'est génial, Alice.

- ...la cuisine c'est...génial ?...je ne te reconnais plus ! Diae !

- Oui. Et je crois que je...je...vais...

- Tu vas quoi ? Tu vas laisser tomber la cardiologie !?

Diae eut un mouvement de recul, étonné.

- Comment t'as deviné ?

- Je suis inspecteur de police...

- Ah oui, c'est vrai.

Alice prit un morceau de viande dans sa bouche. But une gorgée de bordeaux. Et resta un moment sans rien dire. Elle dégustait. Au sens propre et figuré. Ce n'était pas qu'elle était fondamentalement contre l'idée. Mais il lui fallait un petit moment d'adaptation.

- Ces derniers temps...tu étais...

- Distant, Alice, oui t'as raison. Parce que j'étais un peu perdu.

- Mais tu vas vraiment abandonner tes études. Tes examens de juillet, tu vas pas les faire ?

- Euhh...oui...je vais pas les faire...

Silence.

- Eh ben dis donc, ça c'est une nouvelle...fit Alice.

Mais sans enthousiasme. Plutôt un peu dépitée. Elle se surprenait elle-même. Elle pensait être quelqu'un d'optimiste. Et là, elle se découvrait un peu bassement rétrograde. Comme si elle pensait quand même que cardiologue c'était mieux que cuisinier. Et que le salaire n'était évidemment pas le même. Elle se déçu sacrément elle-même en cet instant.

Diae se leva et se mit debout derrière elle. Il lui caressa les épaules, descendit ses mains le long de ses bras, passa ses mains sur sa poitrine et commença à déboutonner son chemisier, mais il sentit que le cœur n'y était pas du côté d'Alice.

- Tu n'as pas envie ? lui demanda-t-il, doucement à l'oreille.

- Euh...ce soir...non...répondit-elle en reboutonnant son chemisier.

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