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Alice et Diae visitait Notre-Dame.

En sortant sur le parvis, ils tombèrent nez-à-nez sur Anna Paguel de Widen, la Chancelière d'État de Genève.

Alice tombait des nues :

- Mais! Bonjour ! Quelle surprise de vous trouver ici !?

La chancelière ne semblait pas la reconnaître. Se montrait quelque peu gênée. Mais la mémoire lui revenait:

- Ah oui...l'inspecteur...euh...

- Alice Noît, aida la jeune femme.

- Ah oui c'est cela...

- Que faites-vous à Paris?

Alice avait immédiatement retrouvé ses habitudes. Quelque chose lui paraissait bizarre, elle se devait de poser des questions!

- Pour le boulot.

- Le boulot ?!?

Alice ne voyait absolument pas en quoi la chancelière faisait son boulot...à Paris?

- Sylvie Delcourt m'a chargée de la remplacer. Et je représente donc Genève pour un séminaire sur l'enseignement du français dans les pays francophones.

- Ah oui, Sylvie Delcourt. Je comprends.

- C'est terrible ce qui lui arrive. Quand j'y pense j'en ai les larmes aux yeux...

Alice pensa à la cheffe du DIP. Elle avait vu dans quel état, l'épisode de l'enveloppe à l'hôtel des Bergues l'avait mise. Elle commit cependant une maladresse digne de Hans Pfäfi:

-...les larmes aux yeux, c'est le cas de le dire...

Même Diae tiqua. Il était au courant de toute l'histoire. À travers les médias, l'affaire "E" dépassait largement les frontières genevoises, et savait parfaitement ce qui était arrivé au mari de la conseillère d'État et en avait été horrifié. Cet acte était d'une perversité inouïe. Alors il fut fortement surpris du cavaliérisme de sa bien-aimée, tout comme Anna Paguel de Widen, qui toutefois, malgré une expression qui en disait long sur l' incompréhension que suscitait chez elle la touche d'humour très noir de l'inspectrice, éluda:

- Et que faites-VOUS à Paris ? demanda-t-elle.

Alice, qui n'avait apparemment pas capté le malaise répondit avec un grand sourire:

- Week-end en amoureux !

Et elle saisit la main de Diae et l'agita comme pour dire: « C'est lui l'heureux élu! » Mais elle s'empressa d'ajouter:

- Mais je ne crois pas au hasard ! Si je vous rencontre ici, c'est pour pouvoir vous poser quelques questions...vous avez un moment ? On boit un café ?

La chancelière, qui était une grande professionnelle également, accepta. Elle avait une petite heure à disposition et elle connaissait un excellent café à deux pas.

Ils se retrouvèrent donc, même Diae était convié, dans un sympathique petit café. Et l'étudiant en médecine ne fut pas insensible au charme et la classe de la chancelière. Ses longs cheveux brun, ses lèvres pulpeuse, ses yeux et son regard vif. Diae était impressionné. Mais, cette Anna Paguel de Widen ressemblait à quelqu'un. Il le sentait, il le savait. Il avait la réponse sur le bout de la langue :

-...euh...vous ressembler à...

- Hillary Shawk, répondit-elle du tac-au-tac au jeune homme. On me le dit chaque jour.

- Exactement ! fit Diae, tout content d'avoir la réponse qui lui résistait.

Alice le regarda. Elle n'avait pas apprécié le ton. Elle avait crû y déceler de l'attirance. Elle sentait elle-même une sorte de bestialité féline chez la Chancelière, et se surprit elle-même de cette réflexion. Elle se ressaisi:

- Vous êtes très en contact avec les conseillers et conseillères d'états, est-ce que vous auriez pu remarquer quelque chose, ces derniers temps, quelque chose d'inhabituelle, une personne au comportement étrange qui aurait été où aurait tenté d'entrer en contact avec vos supérieurs ?

La chancelière pianota sur la table et Alice remarqua la beauté de ses mains. Fines, lisses, gracieuses et des ongles parfaitement vernis d'un rouge éclatant. Anna Paguel de Widen réfléchissait et semblait extrêmement perplexe :

- Aïe...vous me posez une colle là. J'aimerai vraiment pouvoir vous aidez mais...

- Réfléchissez bien. Ça peut-être un petit détail de rien du tout, fit l'inspectrice en sortant sa carte de son sac. Tenez, vous pouvez me contacter, sm-messer à ce numéro 24 heures sur 24.

La chancelière prit la carte, et la rangea dans son sac, l'air soulagée de ne pas devoir répondre immédiatement à cette question. Alice changea de sujet :

- Mais parlez-moi alors un peu de votre travail. De vos relations avec les conseillers d'États. De la qualité de ces relations.

La chancelière sourit. Oublié le malaise de tout à l'heure, Alice dégageait maintenant quelque chose de bienveillant, de sympathique. Elle sentait que la policière était quelqu'un de consciencieuse dans son travail, d'impliquée, voire de passionnée. Qualités dont elle était la première à déplorer l'absence récurent dans les sphères politiques. Un comble ! Et donc la première à en apprécier la présence.

- Mon métier !? C'est une très bonne question. Alors je suis la première femme à occuper ce poste depuis qu'il existe.

- Je sais...

- Et donc j'essuie les plâtres...

Alice laissa échapper un éclat de rire.

- Mais ça ne m'intéresse pas d'entrer dans le débat égalitaire. D'autres le feront. Moi, j'ai envie de foncer, de faire comme si l'égalité était déjà acquise. Ça me demande un peu plus d'effort, mais je veux passer outre !

- Je partage entièrement votre position.

- Donc, vu que je suis une femme...que je n'ai pas 59 ans, et que je ne pèse pas 90 kilos...

- Vous êtes une très belle femme, résuma Alice.

- Merci. Les quatre conseillers mâles ont quelques problèmes avec cela. Certains plus que d'autres. Pour les femmes, Sylvie Delcourt, c'est une amie, une sœur pour moi, Elizabeth Page ça passe très bien aussi, quoique elle me trouve tout de même trop ingérente, que je dépasse tout de même trop mes prérogatives...

- Elle est plus de l'ancienne école, non ?

- Oui. Mais notre entente est globalement bonne. Je sais juste que pour certaines choses je dois faire un peu attention.

- Par exemple ?

- Ben, ce voyage. Ça va parce que je remplace Sylvie, alors c'est ok, mais...

- Des fois vous avez fait des voyages avec lesquels elle n'était pas d'accord ?

- Oui. Je suis allée à Vienne l'année dernière pour un congrès sur le vote numérique, c'est mon cheval de bataille, le vote numérique. Et là, elle était pas d'accord.

- Pourquoi ?

- Parce que selon elle, je n'ai pas à m'occuper de ça. C'est aux politiques de le faire. Mais bon. Je m'occupe d'organiser toute les réunions des 7, de vérifier que les décisions qui y sont prises sont appliquées, et j'ai les yeux ouverts, et un cerveau qui fonctionne. Pour qu'une société démocratique fonctionne optimalement, et nous avons la chance en Suisse d'être un pays où tout le monde peut voter sur presque tout, il faut que un maximum de gens utilise ce droit, et devoir, de voter. Et qu'est-ce qui fait que malgré tout, autant de gens, surtout chez les jeunes ne votent pas : la flemme d'aller au bureau de vote le dimanche matin, et pire, la flemme de lire le courrier qui leur explique tout les enjeux de la votation, de remplir le formulaire et poster le bulletin de vote ! Mais pourquoi ? Parce que tout va bien en Suisse, non !? Pas de raison de chercher à changer quoi que ce soit. Nous avons le niveau de vie le plus élevé du monde. Alors pourquoi se remuer. Parce que il n'en sera pas toujours ainsi. Voilà pour mon opinion. Bon. Aujourd'hui, pourtant, tout est informatisé et ce serait si simple et sans doute plus séduisant de procéder entièrement par internet ! Et ce serait un excellent moyen d'amener plus de population à être participatif politiquement. Et c'est pour ça que j'ai pris l'initiative de représenter Genève à Vienne, puisque personne d'autre ne semblait vouloir le faire. Elizabeth Page non plus.

- Initiative personnelle.

- Entièrement !

- Qui n'était pas d'accord ?

- Elizabeth Page et Isabelle Luck. Elle. Elle ne me supporte pas !

- Pourquoi ?

- Je sais pas. Ça ne passe pas du tout. Je soupçonne de la jalousie.

- Et les hommes ?

- Non. Tous ok. Georges Pendal m'a même félicité pour mon initiative. Et Patrick Cheland m'encourageait vivement, il aurait même souhaiter m'accompagner. J'aime beaucoup Patrick Cheland. Il s'intéresse d'ailleurs beaucoup à l'histoire du vote électronique.

- J'ai vu, vendredi soir, Elizabeth Page, au Remor. C'est incroyable comme le hasard fait bien les choses, n'est-ce-pas, fit Alice en riant. Nous avons eu une discussion fort intéressante. Elle était accompagnée d'une amie, Elena Pericolo, vous la connaissez ?

- Ah oui, Elena. C'est une des, si ce n'est la meilleure amie d'Elizabeth. Elles vont très bien ensemble...

- Pourquoi vous dites cela ?

- Pfft... ?...(elle réfléchissait)...elles ont toutes les deux une assez forte éthique, je dirais. Elles ont de la peine avec les compromis. Moi, je pense que en politique, on est obligé de faire des compromis. C'est même une nécessité si l'on ne veut pas tomber en dictature.

- C'est drôle. On a eu la même discussion.

- Je sais que Elena a reprocher à Elizabeth d'avoir lâcher certaines idées...

- Quelles idées ?

- Oh là ! Je ne m'en rappelle pas. Ce dont je me rappelle c'est que j'ai eu plusieurs fois l'impression que Elena participait dans un sens aux décisions prisent par les 7, parce que à travers sa discussion avec la conseillère, elle influençait celle-ci.

- Comment ça ?

- C'est juste une hypothèse personnelle. Quand on est très proche de quelqu'un, que l'on partage plein d'idées, que l'on se connaît très bien, et que en plus, l'une des deux personnes a du pouvoir politique, ça peut tout-à-fait avoir une influence concrète sur les décisions qui vont être prises par cette personne et par les 7.

- Oui. Je suis d'accord avec vous.

- Mais vous avez des soupçons sur Elena ? fit Anna, un peu inquiète tout d'un coup.

- Non. Ou pour être tout-à-fait honnête, dans une affaire comme celle-ci, j'ai des soupçons sur tout le monde. Même vous ! répondit Alice en éclatant de rire.

Suivit de Diae. Puis de la chancelière tout de même un peu interloquée que l'on puisse la soupçonner.

- Non. Sérieusement. On doit effectivement toujours être ouvert à toutes les pistes. Je ne pense pas du tout que Elena puisse être "E", mais je pense que Elena pourrait peut-être sans le vouloir, sans le savoir, m'emmener sur une piste qui pourrait me permettre de me rapprocher de "E". Voilà. CQFD ! Ce qu'il fallait dire !

- Wouaw. Oui. Et bien dit...

L'heure que la chancelière avait à leur disposition venait d'être dépassée de quinze minutes.

- Mon Dieu ! Il faut que j'y aille, fit elle en se levant. Imités par Alice et Diae.

- C'est pour moi, fit Alice en posant un billet de dix euros sur la table.

Et elle se surpris elle-même à avancer son visage vers Anna Paguel de Widen. Ils se firent la bise. Elle remarqua son parfum. Quasi sûre d'un Chanel no 5.

Diae eu aussi droit aux trois bisous sur la joue.

Puis Alice et Diae prirent congé de la chancelière.

Quelques instant plus tard, tout en marchant pour rejoindre l'appartement de Diae, Alice ne put s'empêcher :

- Alors, elle te plaît la chancelière ? lui dit-elle un peu narquoise.

- Alice ! Tu vas pas me faire ta jalouse...

- Non. Mais...elle te plaît ?

Diae était très étonné, décontenancé, et ce fut presque machinalement, comme sous hypnose qu'il répondit:

- Oui. Elle me plaît.

- Moi aussi elle me plaît...

- Comment ça ? Elle te plait ?

- C'est pas parce que je suis une femme que je ne peux pas relever la beauté d'une femme.

- Non mais là, tu ne dis pas qu'elle est belle, tu dis qu'elle te plait . Ne me dis pas que tu vas me faire ton coming-out...tu n'es paaas...

- Lesbienne. Non. Mais une femme comme la Chancelière peut me faire penser à ce que cela doit être de caresser une femme, l'embrasser, embrasser son sexe, caresser ses seins. Ça peut réveiller ce questionnement, avec une pointe d'envie d'essayer.

- Non mais Alice! Tu me choque...

- Oh aller arrêtes Diae ! Je suis sûre que là tu bandes...

Il sourit. Ils arrivèrent devant son allée et une fois dans l'appartement, ils se déshabillèrent et firent comme la veille : l'amour.

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