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Jeudi 4 octobre 2018, 15h30


Jean Walder était le président du parti d'extrême droite genevois : GENÈVE D'ABORD, la GdA. Hans et Alice se rendaient chez lui. À Conches, au pied du Salève. Ils avaient pris la voiture d'Alice, histoire de ne pas consommer de l'essence inutilement. Alice était beaucoup plus à cheval sur les questions environnementales que Hans, et c'est elle qui lui proposa l'option Mini-Cooper pour se rendre chez l'hurluberlu politique de la république.

"Elle consomme quand même nettement moins que ta grosse BM", avait-elle argumenté avec un sourire dans lequel on pouvait lire un reproche.

Alice triait tout. Le plastique, le verre, les épluchures de légumes, le papier. Et sa prochaine Mini, elle adorait la Mini, serait la nouvelle électrique ou hybride, elle hésitait encore.

" Non mais tu te rends compte ! Hans !, s'exclamait-elle. Un jour j'aurai des enfants. Ma sœur en a déjà. Eh bien ! On va leur laisser quoi comme monde si on continue comme ça !? "

Hans avait répliqué :

- Tu vas à Paris tout les quinze jours. D'accord ?! En train ? En voiture électrique ? À vélo ?

À pied ?

- ...en avion..., s'excusa-t-elle.

Alice adorait l'avion. Hans tenait sa réplique de défense quand sa coéquipière s'y mettait, à le harceler sur les questions de la protection de l'environnement.

Ils arrivèrent devant la villa de Jean Walder. Hans appuya sur la sonnette du portail. Se présenta. Ils avaient rendez-vous à 15h45. Le portail en fer forgé se mit en branle et la Mini d'Alice pénétra sur le territoire du président du GdA .

Somptueux. Grande maison d'architecture moderne, entièrement en bois. Sur trois niveaux. Tout autour, un splendide jardin peuplé d'arbres centenaires. Géants ! Une grande piscine. De quoi en mettre plein la vue et d'envie à quiconque visiterait ces lieux.

Alice parqua sa voiture entre une Porsche Cayenne et une Mercedes coupé sport.

- Ah ! Tu risques fort d'avoir quelques préjugés, Alice !

- T'as gueule, Hans, fit la jeune femme en riant.

Ils sortirent du véhicule et l'homme qu'ils étaient venus interroger arrivait à leur rencontre. Bientôt la cinquantaine. Pas très grand. Les cheveux gominés, déjà légèrement grisonnant, un peu comme le procureur Franco Bernardi, pensa Hans. Aujourd'hui, il faisait beau et chaud pour un début d'octobre, alors c'était chemise manches courtes rose pâle, pantalon blanc de plage et au pied, de simples schlap. Des lunettes aux fines montures métallique lui donnaient cet air intelligent, pondéré, et ses yeux bleus, mis particulièrement en valeur par un bronzage parfait, vous enveloppaient gracieusement. Jean Walder ne dépareillait pas, faisait partie intégrante du décor : agréable, le bon goût dans le luxe, on avait envie d'être avec lui là, dans ce lieu où l'on se sentait bien, en sécurité. Genève d'abord.

- Bonjour ! Inspecteur Pfäfi, mademoiselle Noît ! Soyez les bienvenus ! Où voulez-vous que nous nous installions ? Au jardin ? Sur la terrasse ? À l'intérieur ?

Hans jeta un rapide coup d’œil autour de lui. Un salon d'extérieur qui avait du coûter une fortune les attendaient bras ouvert. Ils s'y installèrent. La femme du politicien leur amena des boissons, de l'eau gazeuse pour les deux inspecteurs, une bière pour monsieur Walder, et les laissèrent évidemment seuls. Alice l'observa rejoindre la maison : grande, dix ans de moins que son mari, élégante blonde en longue robe blanche et chaussures à talon haut.

- Tout d'abord, avait un peu balbutié Jean Walder avec une sorte d'émotion dont on ne pouvait véritablement identifier la sincérité. Permettez-moi de vous dire que je suis encore sous le choc de ce qui est arrivé hier à ce pauvre George Pendal.

Hans hocha simplement la tête. Alice but une gorgée d'eau. De l'Henniez verte moyennement gazeuse.

- Mais avez-vous des choses à me dire à ce sujet ? Êtes-vous sur une piste ? Qui a pu faire une chose aussi innommable ? insista-t-il.

Hans soupira :

- Une chose n'a pas été divulguée dans la conférence de presse d'hier, et cette chose vous concerne...

- Me concerne !, fit Walder, légèrement affolé.

- Oui. Le meurtre de Pendal a donc été revendiqué par "E", comme vous le savez. Mais dans sa revendication il ou elle vous a proposé comme l'idéal remplaçant de feu George Pendal.

- Quoi !!??

- Ouaips !, fit Alice.

Jean Walder était intelligent. Cela le plaçait immédiatement sur la liste des suspect :

- Je vois. Je pourrais donc être "E" !, fit-il.

Puis au bout de trois secondes de silence. Surréaliste. Il eut un éclat de rire. Court. Puis re-silence. Extrêmement gênant. Ses deux interlocuteurs demeuraient totalement froids et inexpressifs. Comme s'ils tenaient sa brève analyse de la situation comme juste et acquise. Et que dans deux secondes l'un des deux allait sortir des menottes d'une de ses poches.

- Mais cela n'a aucun sens !, fit-il enfin, se ressaisissant.

- Tout-à-fait, acquiesça Hans.

Walder sourit :

- Ah ! Quand même ! Vous m'avez pris au dépourvu, je dois vous l'avouer. Mais comment ça "E" m'a désigné comme possible successeur du président Pendal ?

- Tenez ! Je vous laisse en prendre connaissance, fit Hans en lui tendant un papier sur lequel avait été retranscrit, à la virgule près, le message de "E".

Walder but une gorgée de bière, comme pour se donner du courage, puis se lança dans la lecture de la prose de "E". Les sourcils froncés. Les lèvres pincées. La mine outragée.

- Mon Dieu ! Quelle horreur ! furent ses mots.

Puis il rendit le message à Hans du bout des doigts comme s'il était porteur d'une maladie hautement infectieuse.

- Mais à part cela, monsieur Walder ?

- À part cela ? Je suis contre, le GdA est contre, toute forme de violence, monsieur Pfäfi ! C'est aussi simple que cela !

- Votre parti a deux-mille-cinq-cent-cinquante-deux membres actifs. Tous sont d'accord avec cette affirmation ?

- Alors, je ne connais évidemment pas, personnellement, tous les membres de mon parti.

- Peut-être que quelqu'un a une vision plus radicale que vous, et vous loue une allégeance d'ordre psychotique ? questionna Alice.

- Mon Dieu ! Quelle horreur vous insinuez là, mademoiselle.

- Nous aimerions avoir la liste complète des membres de votre parti, demanda Hans.

- Vous l'aurez ! Mais je ne puis imaginer qu'un des membres ait pu commettre de tels actes !

Alice omit les pincettes :

- Monsieur Walder. Ce que "E" prône dans ses revendications, rejoint que vous le vouliez ou non, les positions de votre parti sur l'utilisation des frontaliers à Genève. Donc, même si vous réfutez toute violence, voir vos idées soutenues de la sorte doit, au fond de vous-même, tout de même, dans un sens, vous procurez une certaine satisfaction, non ?

Walder sourit. But encore une gorgée de bière. Regarda les arbres autour de lui. Enleva ses lunettes, se frotta les yeux. Remit ses lunettes :

- Mademoiselle, je n'ai pas de moustache, et je ne suis pas un fasciste. Je ne peux en aucun cas, me satisfaire d'atteindre des objectifs d'une façon criminelle. C'est tout ce que je peux vous dire. Je suis pour la justice, l'état de droit. Pas l'état qui opte pour la « solution finale » !!! Non mais ! Comment pouvez-vous pensez, ne serait-ce qu'une seule seconde une chose pareille !?

- Simple supposition honnête et logique qui s'appuie sur l'observation du comportement humain, rétorqua Alice. Personne n'est un saint. Et chacun d'entre nous est capable de pensées tout-à-fait inavouables...je le répète, c'est humain et normal, j'en suis intimement convaincue...

- Eh bien dis donc ! Vous êtes cruelle avec le genre humain !

- Réaliste, monsieur Walder. Donc, quelqu'un qui est de votre côté, votre parti, et qui serait de tendance psychopathe, pourrait être "E"...

- Oui, monsieur Walder, par la force des choses et des événements, quelqu'un de votre parti, actif ou passif, peut être "E". C'est notre première piste sérieuse tout de même, depuis jeudi dernier et l'assassinat de Jérôme Bonnetière, ajouta Hans. Mais il est évidemment essentiel que cette piste ne soit pas divulguée. Ce dont nous discutons ici à l'instant, doit rester entre nous ! J'espère que nous nous comprenons bien !

- Reçu cinq sur cinq ! monsieur Pfäfi.

Walder avait fini sa bière et posa son verre sur la table basse.


À 17h00, la Mini-Cooper quitta le domaine de Jean Walder. Celui-ci avait remis à l'inspecteur la liste des membres du GDA.

Jean Walder monta alors dans son bureau du 1er étage, ferma la porte, s'assit face à son ordinateur et commença, comme le faisait à l'instant Hans à la place du mort de la Mini-Cooper, à consulter la liste des membres de son parti.


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