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Vendredi 29 septembre 2018, 18h30


- On mange un morceau ?

Hans Pfäfi et Alice Noît sortaient tous deux du commissariat de police. Il faisait encore jour, le ciel était parfaitement bleu. Seuls quelques nuages roses flottaient au-dessus du Salève. Hans n'avait pas envie de se retrouver seul chez lui à boire une heineken. Manger une pizza en compagnie d'Alice Noît était la perspectivede clore cette journée d'une façon beaucoup plus conviviale. Hans aimait bien Alice. Âgée de vingt-sept ans, elle était enquêtrice depuis trois ans et prenait son travail très au sérieux. À croire qu'elle avait des origines suisse-allemande. Elle était toujours à l'heure, elle ne parlait pas pour rien dire, son bureau était toujours parfaitement rangé, ce qui était loin d'être le cas des deux autres enquêteurs, Nicolas Vidon et Abdel Chentali.

Et elle était très agréable à regarder, grande, svelte, avait des longs cheveux brun bouclés et avait une écriture de cochonne. C'était le seul défaut que Hans lui avait trouvé depuis qu'il la connaissait. Cinq mois.

- D'accord, fit-elle. On va où ? Au Sole Mio , comme la dernière fois ?

Elle était parfaitement détendue et souriante. Ses grands yeux noirs regardaient Hans qui réfléchissait.

- Ok ! Sole Mio, comme la dernière fois !

Après une courte marche à pied, ils s'installèrent à une table recouverte d'une nappe rouge à carreaux blancs. Le restaurant était une simple pizzeria italienne au cadre agréable.

Le serveur s'approcha:

- Alors, ce sera quoi aujourd'hui?, demandat-il.

- Une pizza quatre saisons et une bière, fit Alice.

- Une napolitaine et une bière également. Et une petite salade mêlée...

- Ah moi aussi, une petite salade mêlée...

Le serveur souriait, répéta la commande à voix haute et repartit.

- Tu sais, la voiture qui a embouti le tram à la place Neuve, dit Alice en jouant avec la couverture de son smartphone, la fermant et l'ouvrant sans cesse.

- Oui. Ça a fait des bouchons pas possible.

- Ils ont mis une heure pour désincarcérer le conducteur, tellement il était coincé dans le tram.

- Mais il a pas vu le tram...

- Il a foncé dedans en klaxonnant !

- En klaxonnant ? Hans se mit à rire. Il croyait quoi. Ôte-toi de là tram, laisse moi passer. Il avait pas toute sa raison...

- Alors il parait que ses freins ont lâchés...

- Ouhh là là ! De nos jours, les freins qui lâchent !? Je parie que c'était une voiture française.

- Je sais pas. Peut-être... Alice interrompit son « anti-stress » de la couverture, le serveur avait posé les bières. Elle souleva la sienne.

- à l'affaire « E », Hans !, fit-elle solennelle.

Hans l'imita :

- à l'affaire « E » !

Les bières s'entrechoquèrent et chacun avala sa première gorgée. Alice regardait Hans droit dans les yeux.

- Je suis vraiment contente que Franco t'ai donné l'affaire. Parce que c'est vraiment chouette de travailler avec toi, dit-elle.

Le compliment rassura le destinataire mais lui rappela également qu'il aurait du retrouver Amriswil début novembre et que très vraisemblablement, ce ne serait pas le cas.

- Ta femme. Tu lui a dit ?

Hans sourit.

- Merci Alice. Oui je lui ai téléphoné hier soir, et...

- Elle a gueulé.

- Ouais.

- Je la comprends.

- Moi aussi ! Il rit encore. Plus fort. Alice aussi. Et le serveur posa les deux salades mêlées sur la table.

- C'est terrible ce genre d'histoire, dit Hans. On est coincé entre deux choses qu'on aime : la famille et le travail...

- Je crois que c'est pour ça que je n'ai pas de famille.

- Ah oui !?

- Oui. J'aime trop mon job, et si j'avais une famille , évidemment que je l'adorerais. Et il faudrait évidemment à un moment donné que je frustre l'un ou l'autre de ces amours.

Elle attrapa un morceau de tomates recouverte de sauce blanche qu'elle avala. Puis elle s'adressa directement à Hans:

- Il y a une chose qui me stupéfie chez toi.

- Je sais.

- Ton langage. Ton français ! Putain ! On dirait que tu es français.

Alice employait rarement des mots vulgaires, mais des fois, elle en lâchait un pour exprimer quelque chose de vraiment fort pour elle.

- C'est pas possible que tu parles et comprennes la langue de Molière comme tu le fais, juste parce que t'as passé tes vacances d'enfant d'été chez ton oncle à Montreux !

Hans prit un bout de pain et le passa sur son assiette, il avait rapidement mangé sa salade et imbibait le pain de la sauce blanche.

- Et pourtant !, fit-il presque gêné.

- Un jour, j'apprendrais qu'en fait tu n'es pas thurgovien mais...parisien !

- Parisien ?

- Non. Parisien ce serait pas possible, t'as pas l'accent. Non mais, je rigole.

Le samsung de Hans, qui était posé sur la table en face de l'iphone d'Alice, sonna. Et s'illumina:Franco Bernardi.

- Ah ! Le chef nous interrompt, dit Hans en saisissant le portable.

- Le chef nous interrompt, le chef nous interrompt !

La bonne tournure de phrase, le bon choix de vocabulaire, pensa Alice. Y a un truc !

Hans écoutait Franco sans l'interrompre autrement que par des « hum », « oui », « tiens », « ouais », et un « d'accord à demain » final.

- Alors qu'est-ce qu'il a dit le big boss ?, demanda Alice.

Hans posa le téléphone au même moment que le serveur débarrassa les assiettes des salades et apporta les deux pizzas. L'air un peu mystérieux, il attendait que le serveur parte.

- Oui, alors !, s'impatientait Alice.

Hans mit de l'huile pimentée sur sa pizza.

- Alors figure-toi que l'accident de ce matin, la voiture dans le tram...n'était pas un accident...

- Pas un accident !

- Non. Les premiers éléments de l'enquête sont formels : les durites de freins et le câble du frein à main ont été sectionnés.

- Sectionnés !!!??

- Ouais. Il y eut un silence. Alice ne touchait pas à sa pizza.

- Mais quel est le rapport avec l'affaire « E » ? Pourquoi Franco t'appelle un vendredi soir à 20h15 pour te donner cet info ?

Hans finissait un morceau de pizza qu'il tenait à la main.

- Alors, ça peut-être intéressant. Les enquêteurs ont été intrigués de retrouver des traces de rouge à lèvre sur le pare-brise de la voiture. Ils ont interrogé la victime, qui soit-dit-en-passant n'a pas une égratignure, mise-à-part un solide choc, qui leur a affirmé que quelqu'un avait gribouillé son pare-brise de rouge à lèvre. Qu'il a effacé avec le lave-glace...

- Je ne vois toujours pas le rapport avec Jérôme Bonnetière...

- Alors oui. Justement. Le lien pourrait-être que les deux victimes travaillent, ou travaillait pour le cas de Bonnetière, à l'état. Alice buvait une gorgée de bière, puis :

- Hum. Oui. Ça peut-être intéressant...

On en était au café lorsque Hans se demanda si le gribouillage en était vraiment un. Si ce n'était pas plutôt un message.

- HANS ! Franco a raison de te comparer à Sherlock Holmes !

Il regardait Alice. Ses grands yeux noirs. Qui semblaient le scruter.

- Je ne sais pas ce que vous avez tous à me comparer à l'illustre figure, ficitive, je le rappelle du héros de Conan Doyle, ma très chère mademoiselle Watson!, fit-il en levant sa bière (il restait une petite gorgée).

Alice l'imita avec sa verveine, et ils firent santé pour la deuxième fois de la soirée.

Hans paya l'addition et il regagnèrent le poste de police et leurs véhicules respectifs: la BMW X6 pour lui, la mini cooper pour elle.

Il fut 22h30 lorsque Hans gara sa voiture dans le garage en sous-sols de son appartement. Perdu dans ses pensées, il mit du retard à répondre à la voisine qui promenait ses chiens :

- Bonsoir, madame !

Comme la veille, il s'écroula dans le canapé en cuir bleu. Cette fois trop tard. Trop fatigué pour appeler Klara.

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