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Mme Bonnetière fumait cigarette sur cigarette. Elle était chez elle, elle en avait le droit.

C'était une jolie femme de quarante cinq ans, trois de plus que son défunt mari. Aujourd'hui, elle ne s'était pas maquillée. Elle n'en avait pas eu la force, ni le courage, ni la volonté. Elle n'était cependant pas, à proprement parler, triste, mais plutôt complètement soufflée et ahurie qu'un tel événement soit survenu dans sa vie. Que Jérôme se fasse assassiner comme dans un roman d'Agatha Christie, la laissait pantois. D'admiration ? Presque ! Avec une lettre énigmatique à l'appui ! Non. L'exceptionnel s'était tout d'un coup immiscé dans leurs vies banales et monotones. Monotonie dont Jérôme se dérobait en chassant toute personne du sexe opposé, jeune et sexy. Conditions sine qua non. Eliah Bonnetière, elle-même, avait parfois des aventures avec d'autres hommes. Ils n'avaient pas eu d'enfants, et ne se sentaient pas d'obligation particulière à remuer ciel et terre pour construire leur couple. Leur situation financière était très bonne et contribuait au statu quo conjugal ainsi qu'à la magnifique maison au bord du lac d'Annecy.

L'inspecteur lui avait montré l'autorisation spéciale qu'il avait obtenue de la préfecture pour pouvoir l’interroger chez elle, en France. La police genevoise devait amasser le maximum d'éléments le plus rapidement possible, pour découvrir qui avait assassiné son mari. Donc, elle, qui n'avait pas la force, ni le courage et la volonté de se rendre au poste de police genevois, avait proposé à Hans Pfäfi de venir dans son salon.

- Tout d'abord, permettez-moi de vous présenter mes condoléances, lui avait dit l'inspecteur.

Il était accompagné d'un jeune homme et d'une jeune femme avec laquelle, elle se surprit de le penser, son mari aurait bien aimé coucher.

- Madame, est-ce que vous auriez une idée sur qui aurait pu tuer votre mari? Lui en vouloir au point de souhaiter sa mort ?

Hans regardait madame Bonnetière. Elle tirait sur sa cigarette. Le salon empestait le tabac, mais on n'interdisait pas une fraîche veuve d’enfumer son chez-soi. Et elle avait regardé dans le vide, puis avait éclaté de rire.

- Tuer Jérôme ? Même moi, ça ne me tenterait pas...

Alice la regardait avec un étonnement que Eliah Bonnetière trouva rafraîchissant. Non, Jérôme n'aurait pas pu la baiser, celle-là. Elle a bien trop de classe et d'intelligence, celle-là. De volonté aussi.

- À quoi pensez-vous mademoiselle, demanda-t-elle à Alice. Elle avait senti instinctivement que la jeune inspectrice n'était pas mariée. Alice lui répondit en souriant :

- Que votre vie va être drôlement chamboulée, madame. Et qu'il faudra prendre soin de vous.

Le « mes condoléances » de l'inspecteur ne pouvait toucher personne au monde. Le « prendre soin de vous » d'Alice fit couler les premières larmes d'Eliah Bonnetière depuis qu'elle avait appris le décès de son mari.

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