Six heures du matin.

Allongé dans mon lit, je sens les rayons du soleil me caresser le visage. C’est l’été et comme d’habitude, je m’attends à transpirer suite à cette exposition. Pourtant, je continue à dormir les volets ouverts car j’aime me réveiller avec la lumière du jour. Une routine que j’apprécie à sa juste valeur. Un plaisir simple.

J’ai envie de traîner au pieu ce matin. Je le fais rarement car j’idolâtre d’avoir une multitude de choses à faire pendant mes journées. De plus, il est très rare que j’arrive à dormir quelques heures et à ce sujet, merci à mes insomnies de me tenir éveillé. Si un jour je pouvais être comme tout le monde : n’avoir aucun problème pour fermer l’œil le moment venu.

Tout à coup, et je m’en étonne d’ailleurs, j’entends comme un léger ronflement venant de ma gauche. Serait-il possible qu’une personne soit entrée chez moi lors de mon repos ? Si c’est le cas, je vais vouloir lui sauter à la gueule pour être sûr d’avoir l’effet de surprise de mon côté. Ou peut-être ai-je ramené un amant et dont je n’ai pas le moindre souvenir ? Ben non, je suis allongé près du bord du matelas et il est très rare que je réserve cette partie de mon lit à mes partenaires éphémères.

Pas le choix, porte tes boules mon gars !

Tout en veillant à être le plus discret possible, je tourne ma tête dans la direction du bruit, ouvrant mes paupières par la même occasion. Et là…

… Suis-je en train de rêver ? Je me pose la question car la vision qui s’impose provoque un sacré chaos au sein de mon esprit. Non mais sérieusement, ce n’est pas possible ?

Allongé sur le ventre, un ours brun dort paisiblement sur mon tapis vert. Ouais… et je fais quoi maintenant ? Crier au risque de le réveiller pour qu’il me bouffe après ? Au moins, je ne serais pas submergé par les nombreuses tâches que je me dois d’accomplir aujourd’hui. Et comment a-t-il fait pour venir chez moi ? Je ne réside même pas dans un département où les siens sont légions.

Non mais c’est sûr, je dois encore dormir car je ne parviens pas à m’expliquer ce mystère. Alors que je cherche encore des réponses, je me souviens que je vais devoir me lever pour soulager ma vessie. Elle me titille donc, je n’aurais pas d’autres choix que de céder à cet appel de la nature et pour ça, je me vois très mal enjamber la bestiole. Mon corps n’est plus aussi souple que lorsque j’avais quinze ans et si on doit s’en rappeler à ma maladresse légendaire… Et le pire, je n’ai même pas deux centimètres de sol sur lesquels je pourrais poser mes pieds. En fait, je suis vraiment mal barré.

Alors que je cherche une idée pour me sortir de ce problème tout poilu, un détail attire mon attention. Sur le moment, je cligne plusieurs fois des yeux, pensant être victime de ma mauvaise vue mais lorsque je me rends compte que ma vision ne me joue aucun tour, j’extirpe ma main de ma couette. Là, je la tends vers l’animal. Rapidement, mes doigts n’y rencontrent aucun poil, aucune peau. Est-ce mon don de médiumnité qui fait encore des siennes ?

Si c’est le cas, c’est bien la première fois que je me sors du lit avec un ursidé à mes côtés ou plutôt, à mes pieds. La plupart du temps, ce sont des chiens décédés qui viennent me voir et parfois, ce sont des oiseaux qui me sollicitent. D’ailleurs, à ce sujet, c’est très sympa d’avoir une amie à la maison, un soir, et d’entendre un volatile affolé qui vole au-dessus de votre tête tout en pépiant. Et toujours pendant cette fameuse soirée, je ne pouvais pas lui demander de cesser son bordel, trop peur que ma pote me regarde avec des yeux de saumon frit…

… Ce qui me ramène à mon plantigrade ! Tranquillement, je continue de passer ma main à travers son corps et voilà en train de me questionner sur une éventuelle ouverture de portes de l’autre côté. Cependant, avant d’en faire la sollicitation, je devrais peut-être attendre que le gros nounours se réveille. Et s’il hiberne ? Ben non, nous sommes en été, que je suis con.

Allez, je tente :

- Bonjour ?

Pas de réponse. Le fauve doit dormir d’un sommeil vraiment lourd pour ne pas m’avoir entendu. Ma voix était claire lorsque j’y repense. De plus, aucune voiture n’est passée sous ma fenêtre pendant cette tentative. Je me dois de recommencer :

- Bonjour !

Cette fois, mon colocataire surprise réagit. En guise de réponse, il se contente d’émettre un léger « mmm ». Le sourire aux lèvres, j’ai l’impression de m’entendre quand on cherche à me tirer des bras de Morphée. Me préparant pour une troisième tentative, je prie une quelconque déité pour que l’ours ne se montre pas grognon.

Après tout, j’ai cet animal pour totem et de par mon comportement général, il aurait tendance à s’exprimer pleinement. Le matin, j’ai besoin de deux heures pour me réveiller totalement. La première est réservée pour mon café, ma clope et surtout, ma gueule. Pas très motivé pour que l’on vienne me les briser et ceux qui tentent…

Lors de la seconde, je m’ouvre doucement aux autres mais là encore, j’y vais doucement. Je me manifeste un peu, je démarre ma journée en consultant mon planning, en mettant mon bullet journal et mon agenda à jour et en lisant un premier chapitre.

Peut-être que lui aussi a besoin d’un peu de temps et de quelques actions pour être parfaitement du monde des éveillés. Il carbure au café ? C’est un ours. Cela tombe bien, j’ai du miel en quantité chez moi, il va être heureux. Par contre, je vais devoir planquer celui que j’ai, issu de lavande, car là, on ne va pas être copain du tout. Et si je lui posais directement la question pour être un hôte parfait ?

- Café ? Thé ? Tartine de miel ? Proposai-je.

- Ta gueule surtout ! Me répond-il.