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La sonnerie du réveil le tira de son sommeil. Il y était déjà. Par ses rêves. Maintenant place à la réalité. Habillé tout en noir, sweat à capuche et cache nez en prime, il embarqua son sac à dos et partit rapidement de son appartement, un peu fébrile. L’excitation sûrement. L’appréhension plus probablement. Cela restait et resterait une propriété privée et il risquait une amende s’il se faisait prendre, peut-être même un peu plus.

Le trajet en voiture fut très court. Il se gara rapidement sous les arbres sur le parking coincé entre l’Allan et la Banane, cet immeuble atypique. Il traversa la passerelle qui enjambait la rivière et permettait de rejoindre le faubourg de Besançon. Là où il se situait l’entrée principale. Sauf qu’il n’entrerait pas par-là, trop voyant. Il avait fait ses repérages et il serait plus discret de prendre l’une des rues perpendiculaires. Il agit le plus normalement possible pendant sa marche jusqu’à la rue de la Tuilerie. C’est par là qu’il allait entrer. Tom était déjà venu en repérage et il en avait conclu que le mur était accessible, même pour lui. Regardant à droite et à gauche, jetant un oeil aux quelques fenêtres encore occultées de leurs volets, il se hissa aisément et passa de l’autre côté. Il se retrouva à croupis au pied du mur. Il attendit quelques instants, tendant l'oreille afin de déceler un éventuel bruit, signe qu'il n'aurait pas été seul. Mais rien, une nuit silencieuse.

Finalement, ce fut le plus difficile à faire. Les rumeurs de réhabilitation devaient être fondées, une des entrées du rez-de-chaussée à l’arrière du bâtiment, précisément l’ancienne entrée du personnel, avait été rouverte ; le mur qui bloquait son passage avait disparu. Il n’eut guère de peine à forcer la porte qui en avait déjà vu bien d’autres.

Il entra dans ce trou noir. Aucune fenêtre ne laissait entrer la pénombre de la nuit, ni la clarté blafarde de la lune. Tout était noir d’encre, sa lampe torche lui serait indispensable mais le rendrait repérable. Il progressa le long des couloirs, se retrouva proche des vestiaires du personnel, pièce bien vide à présent. Ses murs étaient recouverts de ce même carrelage vert visible dans les salles d’opération, vieux souvenir un peu flou surement dû au gaz anesthésiant lorsqu’enfant il y avait passé quelques quarts d’heure pour se faire opérer des végétations.

Puis il arriva dans le sas précédent les salles d’opération. Sa lampe torche illumina les murs sur lesquels on pouvait distinguer ça et là l’emplacement de quelques armoires, étagères ou supports ; sur d’autres on devinait l’emplacement des chariots de linges dont les rebords métalliques avaient laissé des traces horizontales. Les lavabos étaient toujours là. Il tourna le robinet et une eau brunâtre en sortit. Beurk ! Elle avait dû stagner dans les tuyaux pendant des années.

Enfin les salles d’opérations apparurent : quelques négatoscopes encore accrochés aux murs, taches blanches sur ce fameux carrelage vert, un scialytique hors d’âge toujours au-dessus de la table d’opération. Dans la deuxième, les écrans avaient été brisés, des débris au sol, et au centre à l’identique de la première salle, la même table et le même scialytique au plafond. Dans la troisième, on avait commencé à démonter le tout et on l’avait remisé dans un coin de la pièce.

Encore un point qui venait étayer les dires de son ami agent immobilier.

Il prit ensuite les escaliers menant à l’étage supérieur, étage qui fut l’accueil principal de la clinique. Il s’y terra une heure ou deux, attendant que le jour se lève, ses yeux cherchant le moindre faisceau lumineux annonciateur d’une visite hostile, l’oreille aux aguets afin d’être sûr d’y être seul et être sûr de ne pas avoir été repéré.

Dès les premières lueurs du soleil, lorsque le bâtiment sortit enfin des ténèbres, il continua son exploration dans les étages supérieurs.

Au premier étage, sur l'aile droite, les souvenirs de ses deux séjours en tant que jeune patient, Tom devait avoir cinq ou six ans, lui revinrent en tête. Première opération, première chambre à droite, juste en face du bureau des infirmières, il y revoyait encore les hauts lits à barreaux peints en blanc avec leurs barrières amovibles, barrières qu'il avait escaladé avec son voisin pour pouvoir jouer ensemble après l'heure du coucher. Le binôme de nuit, lors de sa ronde, n'avait pas apprécié l'évasion. Ils avaient passé un sale quart d'heure.

Nouveau couloir sur la droite et au fond, il retrouva la seconde chambre qu'il avait occupé une ou deux semaines plus tard suite à un "oubli", à peine reconnu du bout des lèvres par le chirurgien devant ses parents. Et comme Tom avait dit à l'époque, "avec un lit de grand" : quelle fierté pour lui d'être reconnu comme n'étant plus un petit. Superbes vacances d'été pour lui cette année-là malgré le séjour à la clinique !

Après avoir arpenté l'établissement en long en large et en travers, Tom s'offrit une pause. Il pouvait faire un premier bilan : les dires de sa connaissance ayant travaillé ici, étaient confirmés. Rien, que des pièces vides, seules les salles d’opérations avaient un soupçon de laissées à l’abandon.

D’ailleurs, le peu de photos qu’il avait pris en était la preuve : quelques réceptions vides, des portes ouvertes ou entrouvertes, des étagères vidées de tout contenu… pas même une feuille de papier, ni même un capuchon de stylo ne trainaient, rien. Rien de rien…

Minuit venait de sonner. Il recommença son exploration, nouvelles photos avec temps de prise plus longue, le flash n'étant pas une bonne idée s'il voulait mener à terme son exploration.

Même constat, rien, comme s'il pouvait en être autrement.

Un peu déçu quand même, Tom rebroussa chemin quand un détail attira son attention : une faible lumière émanait d’une des chambres sur sa gauche. Quelqu'un d'autre était dans le bâtiment ? Il n'avait pas entendu le moindre son pouvant le lui laisser penser. D'ailleurs, il avait quelque peu piégé la seule entrée possible et si quelqu'un avait pénétré dans le bâtiment, il l'aurait indéniablement entendu.

Il sortit rapidement son trépied télescopique, y installa son appareil photo et fit quelques clichés à temps de pose longue pour éviter les mouvements qui rendrait l’image inexploitable. Il ne voulait pas utiliser de suite le flash afin de ne pas trahir sa présence, qu’on ne le repère pas depuis l’extérieur. Il avait peur aussi que le phénomène disparaisse, le son de l’obturateur et du déclencheur pourraient peut-être passer inaperçus.

Il prit d’autres photos sans flash à vitesse rapide mais obturation grande ouverte, pour capter un maximum de lumière, il n’aurait qu’à retravailler ensuite la pixellisation sur son logiciel de traitement d’images. Il espérait bien trouver quelque chose sur ces photos, qu’il aurait une trace de ce phénomène, que ce ne soit pas juste son imagination.

Il replia le trépied laissant l'appareil photo accroché, puis il progressa silencieusement vers la source lumineuse.

Il s’arrêta juste à l’embrasure de la porte.

Et il se pencha lentement jusqu’à pouvoir visualiser la pièce, tout en essayant de ne pas se faire voir.

Ses yeux s'arrondir de surprise.

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