21 octobre 1992 - 20h31

2 minutes de lecture

Je viens de monter me coucher.

Ca fait une semaine pile maintenant. Pas une semaine que j'ai 13 ans, non une semaine que je plane au pays des rêves. Une semaine que j'ai trouvé le bonheur, et voilà que j'y suis devenue accro. Mais est-ce un crime d'être accro au bonheur ? Je ne crois pas. Ce n'est pas possible. Sinon, ils seraient tous des criminels, moi comprise.

Je ne veux pas être une criminelle.

Je ne veux pas faire mal les choses.

C'était ce qu'il faisait, et je veux être tout, tout pourvu que ça ne lui ressemble pas.

Une semaine, et sûrement la plus belle de ma vie. Chaque fois, les coupures sont plus profondes. La première a presque déjà cicatrisé. Ce n'est à présent qu'une marque légèrement plus blanche que tout le reste de ma peau. Pour le moment, mon avant-bras couvert de croûtes me suffit. Mais je sais que dans quelques temps, un mois tout au plus, il va m'en falloir plus. Avec Cat, c'est toujours plus, je sais que je devrais trouver ça mal, mais je ne peux m'empêcher de me féliciter de l'avoir rencontrée. Je voudrais marquer mon visage avec elle. Je voudrais que ce soit elle qui me permette enfin de torturer la dernière partie intacte de mon corps. Mais Maman le remarquerait, et je ne dois pas penser qu'à moi, pour une fois. Elle est sur une si bonne voie, qui suis-je pour tout gâcher... à nouveau ?

Alors je patiente, j'attends, et pour l'instant, le sang ne s'échappe que de mon bras gauche.

Gnas.

Lui aussi, il est devenu important.

Le sang, le sang me captive. De sa couleur rouge à la manière délicieuse dont il coule, dont il tâche, dont il ruisselle, il m'obsède. Je ne pense plus qu'au prochain soir, à la prochaine fois. Parce que surtout, surtout, Cat me permet d'oublier. Pendant quelques instants, je deviens une personne comme toutes les autres, pendant quelques instants, je n'ai plus de passé, il n'existe plus et n'a jamais existé. C'est si bon! Comment pourrais-je rien que m'en passer plus d'un jour ? Ma nouvelle amie m'accompagne partout où je vais, et je suis loin de l'en dissuader.

Je viens de monter me coucher.

Alors, comme depuis exactement sept jours, j'attrape ma lime à ongle sous l'oreiller, et j'abats, j'abats, j'abats son extrémité bien pointue, et je me laisse envahir par la souffrance familière avec délectation. Incroyable que ce soit la souffrance qui me procure l'apaisement. Jamais je ne l'aurais cru, avant.

Comme je sais que bientôt, mon avant-bras ne suffira plus, je sais aussi que la lime à ongle ne sera, dans peu de temps, plus assez.

Mais je cache cette pensée dans un coin de ma tête.

Plus rien ne compte, à part chaque nouveau coup de lame, plus enivrant que le précédent.

"Amie cruelle, amie fidèle, comment pourrais-je jamais t'oublier maintenant que j'ai goûté à ton pouvoir torturé ?"

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