Sahara Eloa Stay - 19 août 2003

2 minutes de lecture

Dépressive.

Paranoïaque.

Insomniaque.

Au lycée, comme ailleurs, il existe deux types de célébrité : la célébrité populaire et celle que j'appelle la célébrité du scandale. Malheureusement pour moi, j'étais célèbre de la deuxième manière, la moins... agréable.

L'enfer a commencé bien avant le lycée, mais il s'est poursuivi et empiré lorsque je suis entrée en Seconde, quand j'ai fait une tentative de suicide dans les toilettes pour hommes et qu'on a retrouvé mon corps inconscient. J'ai été transportée en urgence à l'hôpital le plus proche et j'ai échappé à la mort de peu. A partir de ce jour-là, je suis passée du statut de la fille invisible à celle que l'on plaint, que l'on raille, que l'on évite comme la peste, au sujet de laquelle on murmure dans les couloirs en me jetant des coups d'oeils furtifs. A partir de ce jour-là, j'ai définitivement perdu ma tranquillité.

Bien sûr, les élèves ne se sont pas arrêtés là, avides d'insultes et de raisons de me harceler. En creusant un peu, ils ont découvert que je souffrais d'une dépression sévère depuis le début du collège, que j'avais déjà changé plusieurs fois d'établissement et qu'on me considérait comme une enfant difficile. Je me demande s'ils n'avaient pas raison. Après tout, ils ont visé juste quand ils m'ont catégorisée chez les paranoïaques et les insomniaques. Alors, pourquoi se seraient-ils trompés pour le reste ?

Voilà donc à quoi se résumait ma vie pour eux, pour moi aussi un peu : trois mots. Dépressive. Paranoïaque. Insomniaque. En plus court, folle.

J'ai baissé la tête, je n'ai pas fait de vague, et ma côte de célébrité du scandale a baissé, petit à petit. Je suis entrée en Première L, j'ai terminé cette même Première L avec d'excellents résultats scolaires, et une solitude toujours plus pesante. Mais au moins, on ne me pointait plus du doigt à chaque couloir. J'ai donc entamé ma Terminale L, dans une autre classe, avec d'autres personnes dont très peu me connaissaient du temps de "l'incident", avec derrière moi plusieurs classes de Première et plusieurs classes de Seconde qui n'étaient même pas là lorsque ma célébrité a brusquement augmenté. Pour la première fois depuis ma tentative de suicide, je commençais à entrevoir la possibilité, même infime, de finir mes années de lycée sans autre problème.

Mais évidemment, avec ma chance habituelle, il a fallu que je sois également atteinte de psychose hallucinatoire chronique, qui s'est révélée dans les mêmes couloirs de ce lycée. Brusquement, tout le monde a semblé se souvenir de ce qui était déjà arrivé à l'adolescente paumée que j'étais.

Je m'appelle Sahara Eloa Stay, je suis descendue dans un enfer dont, même si on ressort, comme moi, on garde toujours les cicatrices... et je m'apprête à devenir mère.

"Personne n'est sans histoire."

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