Chapitre 7

9 minutes de lecture

Ce matin, la dernière chose dont j’ai envie, c’est d’aller au lycée. Entre ma dissertation en philo (qu’est-ce qu’on en a faire de savoir si la désobéissance civile ne serait pas plutôt une forme de soumission par restriction ?), Jasmine qui a fait un cauchemar à deux heures du matin, et mon père qui est rentré  à quatre heures en criant qu’il n’était qu’un bon à rien, je n’ai pas dormi de la nuit.

J’entends toquer à ma porte. Je sais avant qu’elle ne rentre que c’est ma sœur. Voilà la raison pour laquelle de toute manière je ne pourrais sécher les cours pour rester au chaud dans mon lit : je dois emmener ma sœur à l’école. Et je refuse qu’elle rate son parcours scolaire à cause de moi. J’ai fait des erreurs, je suis loin d’être un exemple. La preuve en est ma cicatrice sur mon torse. Mais je veux que Jasmine ait les meilleures chances. Quitte à ce que mon sommeil en pâtisse.

Alors que je discute avec Josh de jeux vidéo et de filles (mon ami a rencontré une certaine Ninon ce week-end), Lucie m’accoste :

-          Hum, salut…

-          Oui, je lui demande avec mon sourire charmeur

-          Voici ce que j’ai fait pour la fête de Noël. Tu me diras ce que tu veux changer.

Je feuillette le dossier et suis étonné : il est super bien fait ! Tout est renseigné dans le sommaire, tout est détaillé, il y a même la somme prévue pour chaque idée et une marge sécuritaire au cas où il faille dépenser plus ! à peine avant de me le rendre en accompagnant son mouvement d’un grognement.

-          Tu n’as qu'à donner ça au principal. Je suis sûr qu’il sera très content de ton travail.

-          D’accord… mais tu ne comptes pas le reprendre ?

-          Ca se voit que tu es une acharnée du boulot ! Tout est tellement pointilleux, je m’en voudrais de tout déranger.

Je vois le visage de la blondinette se fermer. J’ai dit une bêtise ?

-          J’aime simplement que les choses soient bien faite. En particulier quand je m’y engage. Et tu t’es engagé à reprendre ce que j’aurais fait.

Ma mâchoire se contracte. Ce n’est pas vraiment la journée pour m’embêter.

-          Je t’ai dit ce que je pensais de cette fête. Encore, celle de fin d’année, ça passe. Mais la soirée de Noël ?

-          C’est que c’est à nous de rendre ça meilleur.

-          Tu vis dans le monde des bisounours ? Tu rends ton truc à M. Gérard et basta. De toute manière, tu m’as dit que tu viendrais à la fête de Bins. Et vu que tu sembles prendre très à cœur tes engagements…

Je laisse ma phrase en suspend en lui lançant un sourire hypocrite. Elle se retourne en soufflant.

Je prends une grande inspiration pour me calmer et me tourne vers Joshua. Il me regarde d’un air navré. Je lui réponds en haussant les épaules :

-          Tu sais très bien que je ne supporte pas les intellos. Ils se croient toujours au-dessus de tout le monde.

C’est plus ou moins vrai. Ce sont surtout les gens égocentriques que je ne peux pas voir en photo et généralement, les intellos sont égocentrés. Même si ça n’est peut-être pas une vérité générale. Tout de suite, je suis moins intrigué par Lucie. Et dire que je risque de me retrouver coincée avec elle à cause du club… Je suis vraiment idiot d’avoir accepté. Mais en y réfléchissant, avais-je vraiment le choix ? Je suis coupé dans ma réflexion à l’entente de mon nom de famille. Je me retourne et me retrouve face… à Dilan. Qu’est-ce qu’il peut bien me vouloir ?

-          Salut ! Comment tu vas ? Je crois t’avoir vu jeudi dernier à ma soirée.

Oh non, c’était lui qui avait organisé cette fête…

-          Je me disais, tu connais un certain Julien ? Il est en prépa littéraire mais il traine souvent ici.

Je suis dubitatif. Je le connais mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose.

-          Ca me dit quelque chose oui.

-          Parfait ! J’ai, comment dirai-je, un petit problème avec lui.

Sans blague.

-          Tu vois, ce n'est pas un mec bien. Il a pour habitude de piquer les meufs à tout le monde. Et par la même occasion, il trouve sa petite copine. Et, il se trouve que la mienne… m’a trompé avec ce Julien. Alors, tu vois, comme je t’ai aidé avec ton père, on est un peu pote tous les deux.

Je savais que j’allais finir dans une embrouille à traiter avec lui.

-          Qu’est-ce que tu veux ?

-          Tu vas à une fête et tu le prends en photo avec une fille. C’est tout. Ce que je veux, c’est les faire rompre. Tu pourrais faire ça pour moi ? Prendre une photo pour moi ?

Je pince mes lèvres. Je sais que je n’ai pas vraiment le choix et il me regarde avec une telle puissance dans le regard. Je lui dois une faveur, c’est comme ça.

-          Ok.

Le soir même, j’envoie un message pressant à la seule personne pouvant m’aider, Lupa :

Milou : Ho mon dieu Lupa je suis dans la meeeeeeeeeerde :c :c :c :c :c :c :c

Elle me répond quelques minutes plus tard :

Lupa : Oula, qu’est-ce qu’il y a ?

Milou : Tu sais que mon père à des problèmes avec la drogue ?

Lupa : Oui, tu m’en as déjà parlé. Je t’avais dit d'en parler à l’assistante sociale…

Pourquoi me parle-t-elle de ça. Elle sait très bien que je ne peux pas. On risquerait d’être séparé avec ma sœur et elle a besoin de moi. Et puis mon père n’est pas si fautif que ça. C’est juste qu’il n'en peut plus. Je suis déjà content qu’il fasse acte de présence.

Milou : Je sais……………….

Lupa : Tu l’as fait ?

Milou : …

Milou : Tu me connais, je veux tout gérer et faire tout seul. Et puis ce n'est pas sa faute, sa femme l’a lâché pour son meilleur pote sans rien dire. Ils se sont barrés deux jours avant la Saint Valentin ! Elle l’a laissé avec une gamine de deux mois sur les bras ! Elle n’est jamais revenue. Jamais un signe de vie.

Lupa : Sauf les enveloppes pour tes anniversaires que tu n’as jamais ouvertes.

Milou : J’avais dix ans. Elle ne m’a rien dit, elle n’est jamais revenue me voir. Elle crois vraiment que ce sont ces enveloppes qui vont remplacer une mère ?

Lupa : Non, mais tu ne sais pas ce qu’il y avait dedans

Là, je commence à m’énerver. Elle me connait, elle sait comment j’ai souffert, ce que ma mère nous a fait. Pourquoi ne peut-elle juste pas me soutenir ?

Milou : Du fric. Tu crois que ça ne se voit pas ? Elle veut juste acheter mon affection. Ou mon pardon ? Peut-être même mon AMOUR !

Lupa : Milou, dis-moi ce qui se passe, je ne t’ai jamais vu dans cette état…

Milou : Mais tu ne m’as jamais vu tout court ! Qu’est-ce que tu peux comprendre à ce que je ressens ! Tu n’es rien ! Je ne suis rien ! Je n’AI rien ni personne et c’est pas toi qui changeras la donne !

Lupa : d’accord… si jamais, je reste là…

Milou : Ouais c’est ça

Je jette rageusement mon téléphone sur mon lit et sors en claquant la porte. Je me mets à courir dans la rue : c’est ma manière de baisser la pression. Certains frappent un sac, dansent ou hurlent, moi, je cours.
« Elle reste là, mais bien sûr. », je pense « Pourquoi est-ce qu'elle, elle resterait là si même ma mère est partie ? Qu’est-ce qu’elle en a à faire de moi ? Elle a des amis, des vrais gens autour d’elle ! » Soudain, je m’arrête de courir. Je suis vraiment trop con ! Je sais très bien quelle est sa situation niveau sociabilité et sensibilité. Elle n’a que très peu d’amis, elle est seule au lycée, et elle a du mal à aller vers les gens. Et elle prend tout très à cœur ! Lupa se met toujours à la place des autres, pour les comprendre. Elle sait très bien ce que je ressens.

Je retourne dans ma chambre plus vite que je ne m’en aurais cru capable, attrape mon téléphone et renvoi un message :

Milou : Merde Lupa c’est pas du tout ce que je voulais dire !

Milou : Tu sais que tu comptes énormément pour moi, tu es ma seule véritable amie !

Elle ne me répond pas. Je l’ai vraiment blessé… qu’est-ce que je suis idiot ! J’ai besoin d’elle. Comment je vais faire moi si elle ne m’apporte plus de lumière dans les journées les plus sombres ?

Milou : Pitié Lupa je suis désolé……

Milou : Je le pensais pas

Milou : Réponds-moi, s’il-te-plaît…

Milou : J’ai besoin de toi, tu le sais non ?

Milou : Ne m’ignore pas…

Elle doit forcément recevoir ces messages et donc les lire. Pourquoi ne me répond-elle pas ? J’attends encore une minute et je lui envoie un autre message.

Milou : Je t’aurais à l’usure, je te lâcherais pas

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Milou : Je suis désolé

Alors que je commence à vraiment désespérer (ça fait plus de vingt minutes que je lui envoie des messages), elle me répond.

Lupa : Milou, je suis là, je suis juste aller manger : )

Je prends une grande inspiration : je ne m’étais même pas rendu compte que j’avais ainsi bloqué ma poitrine.

Milou : Lupa ! Tu peux pas savoir à quel point j’ai eu peur. J’étais bouleversé tout à l’heure, je ne pensais pas ce que j’ai dit…

Lupa : Je l’avais compris. Qu’est-ce qu’il s’est passé à la fin ?

Je souris, comme toujours, elle est si compréhensive. Mais je sais que malgré ce qu’elle laisse paraître, je l’ai blessée. Il y a des moments, j’aimerais être là, devant elle, pour pouvoir la prendre dans mes bras et lui dire que tout va bien. Lui dire à quel point elle est géniale. Lui faire sentir à quel point je l’aime. En toute amitié, que ce soit clair entre vous et moi. Il n’y a aucune ambigüité.

Milou : Mon père achetait sa merde à un mec de mon lycée, que je connais plus ou moins. J’en avais marre de le voir comme ça (mon père) et puis il avait sacrément gaffé. Je suis allé voir le dealer pour qu’il arrête de lui en vendre. Je pensais que j’allais devoir batailler pour le convaincre mais il a tout de suite accepté. Bon, mon père est allé se trouver un autre vendeur mais il s’est un peu calmé. Le problème, c’est que ce mec (il s’appelle Dilan) est toujours fourré dans des magouilles et se venge pour un oui pour un non. Il veut que je fasse du sal boulot pour lui sauf qu’à cause de mon père, je peux pas refuser : je lui dois un service !

Lupa : Hum… ça consiste en quoi ce sal boulot ? :-|

Milou : Rien d’illégal en soi, c’est une histoire de petite copine et de réputation. Il veut une photo compromettante. Mais je sais pas…

Lupa : Si c’est juste UNE photo qui ne compromet qu’UNE personne sans que ça lui pourrisse la vie, ça passe. Mais j’aime pas savoir que tu dois des trucs à ce Dilan. Ca pourrait aller plus loin et là…

Milou : Je sais. Moi non plus je n’aime pas ça. Je vais accepter, juste pour une photo, et je ne lui devrais plus quoi que ce soit. Mais je me sens vraiment mal  :( :( :(

Lupa : Pèse le pour et le contre. Il vaut mieux lui « rendre ce service » ou lui faire face ?

Milou : Ca me tue de le dire mais vaut mieux pas que je l’embête.

Lupa : Moilà…

Milou : Merci

Lupa : Je serais toujours là si tu as besoin…

Milou : Moi aussi Lupa, je suis désolé pour tout à l'heure :3

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