Le plan - 9° partie

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Alors que le temps défilait sans offrir à quiconque l’occasion de baisser la garde, Cassy demanda pour la centième fois :

— Ils sont toujours là ?

— Ils sont là.

Fatiguée, la princesse tentait de faire baisser la pression en elle.

— Vous croyez qu’on va s’en sortir ? s’inquiéta Allie.

— On va s’en sortir, dit-elle doucement.

Ce questionnement lui rappela combien elle se sentait responsable de chacune d’elles. Elle avait déclenché les hostilités en leur apprenant à se battre. Qui plus est, si elles n’étaient pas revenues pour la sauver, elles seraient sans doute déjà hors de danger. Pour autant, nulle ne semblait le regretter Alors qu’elle distribuait ses ordres parfois sans même arrondir les angles, elles obéissaient sans broncher et sans regard désapprobateur. Julia mettait de l’ordre dans les projectiles rassemblés, se demandant lequel utiliser en premier. Alina jouait avec ses poignards.

La princesse évalua leurs chances. Elles ne tenaient que dans la détermination de ses amies.

Soudain, un son caractéristique lui parvint et son cœur sauta un battement. Effarée, elle cria : « Des cavaliers ! », en espérant éviter à ses compagnes la panique due à l’effet de surprise. Elle sautilla en direction d’une chaise sur laquelle elle posa un genou.

Bientôt, dans un fracas de tonnerre, la pièce s’assombrit. Aveuglé par le contre-jour, et bien qu’il savait ce que cela signifiait, José fut effrayé par la silhouette sombre qui se détacha dans l’encadrement de la porte.

Au mot d’ordre « Chargez ! », le cavalier avançait corps penché, tête baissée, immédiatement suivit de deux hommes à pied. Une flèche pointée vers lui, la princesse le visait, mais un bouclier le protégeait. Sans attendre, située de l’autre côté, Emma lui jeta un florilège de débris de toutes sortes qui l’aveuglèrent au moment où il se redressait. Alina suivit immédiatement. Justine, postée juste devant lui, avança d’un pas et lui envoya une vasque en pleine tête. Surpris par ce type de défense et n’y voyant plus, le brigand fit pivoter son bouclier et Sara l’atteignit dans l’instant au cou. Son cheval gris-blanc termina sa course au fond de la pièce.

Les deux soudards qui avaient franchi le seuil de la porte avec lui s’en prenaient à Cassy, Julia et Lucette, qui reculaient, protégées derrière leurs boucliers de fortune. Une jument brune aux yeux écarquillés par la peur entra, surmonté d’un second cavalier. Ayant assisté à la chute de son compagnon, il se garda de changer le positionnement de son bouclier, quel que soit le nombre de débris qu’il recevrait. De son autre main, il faisait virevolter une épée. Derrière lui, des hommes à pied s’apprêtaient à entrer.

La princesse se tourna vers Gris-Blanc et son regard rencontra le sien. Était-il capable de lire la détresse dans les yeux des humains ? « Sors ! » murmura-t-elle comme s’il pouvait l’entendre. Le second cavalier fendit l’air de son épée, manquant de décapiter Béatrice. Gris-Blanc se retourna et heurta sa compagne. Alina jeta ses projectiles sur les brigands qui tentaient de pénétrer dans la demeure, bloqués par la croupe de la jument. Sara craignit que, lorsqu’ils entreraient, leurs armes de courtisanes ne fassent pâle figure face aux épées. Soudain, une flèche se figea dans le mur près d’elle et elle se demanda si elle était visée. Tout occupé à atteindre Justine et Emma, le cavalier oublia sa garde et elle en profita pour l’atteindre à la jambe. Il hurla, posa la main sur sa blessure et manqua de choir, subissant de plein fouet la charge de Justine.

Deux hommes à pied parvinrent à entrer derrière la jument. L’un d’entre eux menaça directement Allie, qui cessa d’aider Cassy pour se protéger de sa chaise. Gris-Blanc cherchait à quitter la pièce et son poitrail rencontra celui de la jument brune. Sara abattit celui qui s’en prenait à Cassy. Alina choisit pour objectif la jambe indemne du cavalier mais elle dut se projeter de côté pour éviter l’épée d’un rufian. Béatrice projeta un bol remplit de gravats sur celui-ci. Sara épiait l’archer, en quête d’une nouvelle cible. Gris-Blanc se dressa sur ses deux pattes arrière pour contraindre la jument à reculer. Le second cavalier laissa tomber son épée et s’affala au sol. Emma s’effondra, touchée par une flèche. La princesse repéra l’archer ennemi. Les deux chevaux piétinaient au sol, l’un tentant d’entraîner l’autre. Ils représentaient un danger pour tous mais, sur le moment, ils perturbaient l’attaque en bloquant l’entrée. Sara atteignit l’archer à l’épaule dès que les chevaux le permirent. Allie reculait vers elle avec ce qui restait de sa chaise. Les mouvements contradictoires des deux équidés empêchaient toujours deux brigands d’entrer. L’homme qui attaquait Allie avait réduit sa protection de fortune en lambeau et son épée fendait l’air, menaçant d’atteindre la fille du roi et sa servante. Sara se jeta à terre en projetant un poignard qui se planta dans sa jambe. Allie fracassa ce qui restait de la chaise sur son crâne. Le rufian blessa Béatrice au moment où lui-même recevait à la tête les projectiles lancés par Justine et Alina. L’homme qui s’en prenait à Lucette s’affala, une flèche plantée entre ses côtes.

La princesse arma à nouveau son arc. La jument avait réussi à se retourner. Stressés, les équidés bousculèrent les deux brigands qui cherchaient à entrer. L’un d’eux reçut une flèche en pleine cage thoracique. Cassy et Julia firent reculer leur assaillant. Un des brigands se releva. Il fut assommé par la charge d’Alina et Lucette. Debray jeta un œil dans la pièce. Effaré par ce qu’il vit, il se sauva.

Le sang de Sara ne fit qu’un tour. Elle sautilla vers la sortie et l’aperçut qui enjambait la jument. Elle ajusta son tir. En équilibre instable sur une jambe, la flèche se planta dans le décor. Elle siffla Gris-Blanc en espérant qu’il l’entende tout en demandant à Allie de lui apporter une chaise. Le cheval approcha lentement et Allie amena la chaise près de lui, le regard lourd. L’arc en bandoulière et en s’appuyant sur l’épaule de sa servante, la fille du roi sauta sur la chaise pour ensuite basculer sur le dos du cheval. « Votre jambe… » s’effraya Allie. Je ferai attention, pensa-t-elle tout bas.

Après cette avalanche de déconvenues, Debray ne pouvait s’imaginer poursuivi. Lorsqu’il l’aperçut, elle remarqua la stupeur imprégner son visage. Il talonna sa monture pour atteindre le galop et elle fit de même, tout en ayant l’impression que son cheval réagissait avant qu’elle le lui demande. Le chef des ravisseurs était lourd et elle poids plume. L’écart entre eux diminua rapidement.

Après un bref calcul du temps qu’il lui faudrait pour le rattraper, elle se rendit compte qu’elle était presque nue et sans défense face à la violence des éléments. Les rafales soufflaient de côté et entraînaient sa longue chevelure dans leur sillage. L’humidité qui s’abattait sur son corps lui faisait ressentir le mordant du froid malgré l’excitation du moment. Elle se rendit compte que la force imprévisible du vent ne lui permettrait pas d’ajuster son tir. Elle laissa l’arc en bandoulière.

L’homme se retournait souvent pour évaluer la distance qui les séparait. Fatigué, il s’arrêta. Il lui fit face. Elle avança à pas lents jusqu’à se trouver à quelques pas de lui. Il saisit son épée.

— Je croyais que je valais de l’or ? lança-t-elle.

— Mais tu les vaux » répondit-il calmement. Il la regarda de haut en bas comme si c’était la première fois. « Tu te jettes dans mes bras sans arme. J’empocherai le prix à moi seul.

— Je suis armée. Si tu veux vivre, je te conseille de te rendre.

Son œil semblait la percer de part en part.

— Tu te demandes comment tu as pu en arriver là, n’est-ce pas ? continua-t-elle.

— C’est vrai. Mais je vais te donner le temps de m’expliquer.

— Si tu ne baisses pas ton arme, tu t’en rendras compte rapidement.

— Qui t’a aidée ?

— Tu nous crois toujours incapables de nous débrouiller seules ? Serais-je assez folle de te pourchasser si je n’étais sûre de l’emporter ? Et aujourd’hui même, tu vas mourir, par ta seule incapacité à le comprendre.

Soudain, sans un mot, il talonna son cheval épée devant pour fondre sur elle. Elle saisit un poignard et le visa à la gorge.

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