L'enlèvement - 2° partie

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Mes porteurs posèrent la civière puis ôtèrent la bâche qui me recouvrait. Nous nous trouvions dans une grande pièce, le lieu de vie de l’homme qui gisait, inanimé, près de l’entrée. Les hommes se débarrassèrent de leurs manteaux de cuir trempé. Mes compagnes se regroupèrent et attendirent.

— Un bon petit abri, reconnut un des brigands.

— On va pouvoir souffler. Une plaie cette tempête.

— Pour les citadins et les forces de l’ordre aussi. Au moins, personne ne nous a remarqués.

— Lui si.

— Tu l’as assommé ou bien ?

— Il a pris le coup qu’il fallait.

— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

— On attend nos moyens de transport.

— Dans ce dédale ?

— On se sèche, on tient la place, puis on sort reconnaître les lieux. Il faut trouver la route la plus proche. Si elle est trop éloignée, on déménage. Toi, Sam, dans deux heures, si nous ne sommes pas rentrés, tu relèves Jules et tu lui expliques où on est. Voilà le plan.

— Plus vite on part d’ici, mieux ça vaudra pour nos fesses.

— Et pour les leurs, ricana un brigand en nous désignant de la tête.

Braqués sur les prisonnières, des regards intéressés exprimaient le peu de crainte que les hommes éprouvaient à rester plus longtemps en ce lieu.

— Enfermez-les, on a du travail.

La pièce attenante fut estimée assez grande pour nous. Ils posèrent la civière sur une table, défirent mes liens, m’extirpèrent du manteau, me soulevèrent et m’étendirent sur le divan. Ils emmenèrent la table avec eux et ordonnèrent aux filles de réserver le divan à mon seul usage. Pour finir, ils verrouillèrent la porte derrière eux.

Mes compagnes se demandaient si elles devaient se débarrasser de leurs manteaux trempés ou les enlever. En dessous, nous ne portions que les vêtements affriolants qu’on nous avait attribués. Heureusement, le lieu avait profité de la chaleur de l’âtre situé dans la grand-salle et nos corps se réchauffaient. Petit à petit, elles s’assirent sur un pan de leur manteau posé à même le sol.

— Que vont-ils faire de nous ? demanda Emma après un moment de silence.

Hormis Allie qui se tourna vers Emma, toutes affichaient un regard vide de résignation. Mes servantes n’avaient pas autant souffert. Emma finit par chercher mon regard.

— Ils vont nous emmener dans un autre royaume et nous vendre au plus offrant.

— Mais… Qui va nous acheter ?

Je ne répondis pas, espérant qu’une autre prenne le relais. Finalement : « Ils feront de nous des prostituées dociles, ou des esclaves, ou que sais-je encore. » Emma jeta un regard apeuré à ses consœurs. Celles-ci préféraient fixer le plancher.

À travers la porte qui nous séparait de la pièce principale, des bruits de chaises nous parvinrent. Un brigand entra. Il nous regarda une à une, satisfait de voir les filles se recroqueviller sur elles-mêmes.

— Laisse ton manteau ici, dit-il à Allie. Tu n’en auras pas besoin.

Il la prit par le bras et referma la porte.

Nous nous dévisageâmes sans qu’aucun son ne sorte de nos bouches. J’épiais. Après quelques minutes, je déclarai :

— Ça a l’air d’aller. Elle ne fait que les servir.

Cette fois, toutes me regardèrent.

— Comment le savez-vous ? s’étonna Emma.

— C’est ce qu’ils lui ont demandé.

— Vous entendez ce qu’ils disent ? s’exclama Cassy.

— Pas vous ?

— Et maintenant, que font-ils ?

— Ils rient. Vous ne les entendez vraiment pas ?

Je tus le fait que je percevais des mains claquer sur la peau pour le cas où j’étais la seule à les entendre. Je plaignais Allie. Se retrouver au milieu de ces fauves vêtue de vêtements aussi courts… J’espérais de tout mon cœur qu’ils la libéreraient après s’être sustentés.

Après un moment, le chef des brigands distribua ses ordres. « Ils s’en vont, dis-je. Ils vont reconnaître les lieux ». Puis : « Un homme proteste car la tempête a forci. » « Ils partent. Trois d’entre eux restent pour nous surveiller. »

— Allie ne revient pas ? demanda Emma.

Personne ne répondit. Entretemps, j’avais entendu Allie crier à bonne distance. Nos gardiens l’emmenaient vers une autre pièce. Cependant, au bout d’une dizaine de minutes durant lesquelles nous avions gardé le silence, la porte s’ouvrit et Allie nous fut ramenée sans ménagement. Elle pleurait. Je tendis une main vers elle pour l’inviter à me rejoindre. Je me redressai, lui fis une petite place et l’accueillis. Elle fondit en larmes puis parvint à exprimer quelques mots tout en s’essuyant les yeux.

— Ils ne m’ont rien fait… de grave… » Puis, après un temps : « Les bruits… les craquements permanents les ont déstabilisés.

Sans concentration, ces démons n’arrivaient à rien. Peut-être allions-nous rester tranquilles jusqu’au départ. Mais une idée me vint.

— Ils sont trois, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit Allie, surprise. Ils sont revenus dans la pièce principale.

— Écoutez les amies, ils ne sont que trois. Si les autres tardent, ils vont certainement à nouveau se dire qu’ils ont intérêt à en profiter tant qu’ils sont seuls. Pour peu que la tempête se calme, en cas de nouvelle irruption dans cette pièce, je suggère que nous en profitions pour les mettre hors d’état de nuire et que nous déguerpissions.

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