Une semaine. Sept putains de jours pendant lesquels Lucrécia ne donna pas signe de vie. Shayla commençait à se demander si elle n’avait pas rêvé le moment où elle l’avait sentie lui rendre son baiser. Elle avait eu beau essayer de la coincer pour parler, impossible de lui mettre la main dessus. La blonde la fuyait, et elle était plutôt douée pour se cacher. Et cette situation l’énervait autant qu’elle l’angoissait. D’un côté, elle voulait mettre les choses au clair avec Lucia, mais de l’autre, elle ne pouvait pas s’empêcher de se maudire d’avoir une fois de plus détruit leur relation. Même la présence de ses parents dans son appartement ne pouvait l’empêcher de se morfondre. Elle n’avait dit que le strict minimum lors du repas, ne faisant que répondre vaguement aux questions qui lui étaient posées.

— Qu’est-ce qui ne va pas, ma chérie ? Tu avais l’air ailleurs pendant qu’on mangeait, demanda sa mère en s’asseyant avec elle sur le canapé.

— Je pensais au boulot, c’est tout, fit-elle évasive.

— Ce ne serait pas plutôt une collègue qui te préoccupe tant ? Blonde, que tu connais depuis toujours et avec laquelle tu m’en as fait voir de toutes les couleurs.

— Comment tu… ?

— Je suis ta mère, je sais tout ce qu’il y a à savoir sur toi, l’éclaira-t-elle, amusée par sa surprise.

Ce qu’elle pouvait être perspicace parfois. Shayla se demandait si elle ne la connaissait pas un peu trop bien pour sa propre santé mentale. Elle hésitait entre la maudire pour tant de clairvoyance ou la remercier d’être si compréhensive. Elle décida néanmoins de lui parler.

— Ça doit bien faire une semaine qu’elle m’évite. Et elle est plutôt douée à ce jeu-là.

— Peut-être a-t-elle besoin de temps pour remettre en ordre ce qu’elle ressent pour toi.

— Hein ? s’étrangla la rousse devant les propos de sa mère.

— Ne fais pas l’innocente, je sais très bien ce qu’il s’est passé il y a sept ans avant que tu ne décides de partir à l’autre bout du pays. Et sache au passage, que je désapprouve ta réaction, même si d’un autre côté, je la comprends.

Shayla sentit ses joues chauffer comme jamais elles ne l’avaient fait avant ce jour. Comment était-elle au courant de ça, sachant qu’elle ne lui en avait jamais parlé ?

— À force de persuasion, j’ai réussi à faire cracher le morceau à Lucia, expliqua-t-elle devant son air ahuri. Alors qu’est-ce qu’il s’est passé pour qu’elle ait besoin de s’éloigner encore une fois de toi ?

— Il est possible que je l’aie embrassée alors qu’on avait toutes les deux bu, lâcha la rousse en se gratta l’arrière du crâne.

— Non mais quelle crétine celle-là, je vous jure, entendit-elle dans son dos. La subtilité, tu connais ?

— Papa ! Ça fait longtemps que tu nous écoutes.

— Assez pour savoir que tu n’es qu’une imbécile quand tu t’y mets, rétorqua durement le plus vieux. Tu as imaginé une seule seconde ce que Lucia pouvait ressentir. Elle t’aime depuis des années et toi, tu l’as rejetée. Tu reviens sept ans plus tard et tu l’embrasses en étant ivre. Parfois, je me demande si tu utilises ce que tu as entre tes deux oreilles.

Shayla n’en revenait pas. Son père lui passait un savon, non pas parce qu’il n’aurait pas de petits-enfants, mais parce qu’elle avait agi sans penser aux sentiments de la blonde.

— Et ça ne te gêne pas que… fit-elle d’une petite voix, comme si elle craignait sa réaction alors que son père venait de lui prouver que ce n’était pas la peine.

— Il est vrai que j’aurais préféré avoir un beau-fils, mais du moment que tu es heureuse, une belle-fille me va aussi.

Shayla n’y croyait pas. Ses deux parents acceptaient ses sentiments pour sa meilleure amie et la poussaient à aller vers elle.

— Je vais te donner son adresse, alors va la voir et explique-toi avec elle, lui ordonna son père.