Chapitre 12 : Un jeune tigre fougueux

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Meerut, avril 1856

Ma chère amie,

J'ai pris connaissance de votre lettre ce midi et je m'empresse de profiter de cette heure si chaude de la journée pour vous répondre. Heureusement, le bungalow de père se trouve entouré d'arbres qui apportent de la fraîcheur. Vous aviez eu beau me parler du climat des Indes et mère aussi, je n'avais pas cependant souvenir que cela puisse être aussi intense. Et encore, il paraît que des journées plus chaudes nous attendent d'ici juillet.

J'ai tant de choses à vous apprendre que je ne sais par laquelle commencer... Toujours est-il que je suis heureuse de vous savoir bien installée à Delhi, que les terres de votre mari semblent bien belles d'après les descriptions que vous m'en avez faites. Mais vous me parlez aussi de prendre déjà la route pour Lucknow... N'est-ce pas un peu tôt ? Même si je peux comprendre votre impatience à revoir votre grand-père, j'espère cependant que votre voyage se déroulera au mieux et que vous ne souffrirez pas trop de la chaleur, quoiqu'il m'a semblé que vous la ressentiez moins que nous. Faites-moi savoir quand vous partirez, je vous écrirai alors à Lucknow.

Enfin voilà, je vous disais que j'avais beaucoup de choses à vous raconter... Sachez que notre installation s'est bien passée et que ma chère maman a renoué avec quelques amies qu'elle avait connues ici, quand nous étions petites. Je gardais de vagues souvenirs de certaines et des souvenirs encore plus vagues des cantonnements. Père m'a dit aussi qu'ils avaient été agrandis et que les baraquements permettant d'héberger les soldats avaient été refaits et que leur confort s'était grandement amélioré.

Nous avons donc retrouvé le bungalow de père, il est spacieux et confortable. Au nord, se trouve une véranda qui demeure toujours fraîche et c'est de là que je vous écris. Nos chambres donnent d'ailleurs toutes sur cette véranda. D'où je me trouve, je peux voir la forêt qui nous entoure et, souvent, j'aperçois nombre d'animaux. Certains ne sont vraiment pas farouches et il n'est pas rare de voir des singes courir sur la terrasse ou des oiseaux venir chercher des graines jusque sous nos pieds.

Il nous a aussi été donné de rencontrer ce jeune officier dont vous nous aviez parlé, William MacLeod. Père le connaissait et bien qu'il le qualifie de "jeune tigre fougueux", je peux vous assurer qu'il le fait en ayant dans la voix une pointe d'admiration. Mère le trouve très poli et apprécie sa compagnie, car il a toujours le sourire et des anecdotes fantastiques à raconter. Il nous a ainsi, un soir, gratifié du récit d'une de ses aventures au Pendjab. Il nous a aussi parlé de votre ami, Alex Randall, et on sentait toute son admiration et toute son amitié percer à travers ses mots.

Si je vous ai dit que Père et Mère l'appréciaient, que devrais-je dire de moi ! Il m'a fait si forte impression... Et quand, parfois, ses yeux se posent sur moi, je me sens alors comme si légère, prête à m'envoler... Je n'ai pas souvenir d'avoir rencontré un jeune homme si charmant et d'aussi agréable compagnie. Mère a laissé entendre qu'elle nous laisserait nous fréquenter quand bien même elle préférerait que je n'épouse pas un militaire.

Aussi, j'ose, ma chère Luna, j'ose vous dire que William a commencé sa cour... Rien que de vous écrire ces mots et mon cœur bat si fort ! Oh, bien sûr, il le fait avec beaucoup de tact, rien de commun avec les avances de Lord Corneley... Et quand nous nous promenons au bord de la rivière ou sous l'allée des grands magnolias, je me sens comme emportée... Je ne sais ce que mes parents décideront, mais j'espère fort que lorsque William leur fera sa demande, ils accepteront... Qu'en pensez-vous, vous qui nous connaissez tous ?

J'imagine votre surprise à me lire, et j'espère que vous pourrez nous rendre très prochainement visite... Nous serions si heureux de vous accueillir et mes parents, sans oublier Brenda, de vous revoir. J'espère que vous pourrez faire étape à Meerut avant de vous rendre à Lucknow. Ne serait-ce une bonne idée ?

Bien à vous,

Votre amie,

Sophie

**

- Lady Colleens, quel plaisir !

Luna sourit à l'adresse du jeune et fringant officier qui venait de la saluer ainsi. Elle n'avait pas oublié l'ami d'Alex, se disant à juste titre que, pour quiconque avait croisé une fois le chemin de William MacLeod, il était impossible de l'oublier. Elle lui tendit la main et lui répondit :

- Major, je suis aussi très heureuse de vous revoir.

- Vous voilà de retour aux Indes, alors ? demanda-t-il en l'invitant à prendre place dans un fauteuil, sous la véranda de son petit bungalow.

- Oui… Mon mari devait se rendre à Delhi où sa famille possède des biens et, de mon côté, je suis en route pour Lucknow. Mon grand-père m'y attend…

- Et vous faites un petit détour par Meerut ?

- Oui, répondit Luna en souriant. Pour y saluer des amis chers que vous connaissez bien aussi, les Faulkner.

Elle vit un éclat s'allumer dans les yeux bleus de William.

- Sophie vous a écrit ? demanda-t-il d'emblée.

- Déjà trois lettres depuis que nous nous sommes quittées à Delhi. Et elle m'y parle beaucoup de vous...

William éclata d'un grand rire joyeux.

- Dois-je ou puis-je vous parler d'elle alors ?

- Si cela vous fait plaisir... répondit Luna en souriant.

- Je compte bien demander sa main... Mais j'attends un peu. Pour ne pas paraître trop empressé aux yeux du colonel Faulkner et surtout de sa femme. Depuis qu'il m'a surnommé le tigre fougueux, je suis prudent... Je ne voudrais pas leur faire peur !

- En tout cas, vous ne faites pas peur à Sophie !

Le sourire de William s'élargit. Luna se dit que le jeune homme était vraiment très amoureux.

**

Luna avait donc entrepris le voyage jusqu'à Lucknow, et, comme elle l'avait promis à Sophie, elle l'avait entamé par une étape à Meerut. Elle était heureuse de revoir les Faulkner et d'être aussi, peut-être, présente lorsque William MacLeod ferait sa demande en mariage. Partager le bonheur de Sophie lui procurait d'avance une grande joie et elle se disait qu'elle n'avait pas été aussi heureuse depuis le jour où elle avait appris qu'elle pouvait repartir aux Indes.

Russell ne l'accompagnait pas. Il avait prétexté devoir rester à Delhi pour les affaires et qu'il la rejoindrait peut-être juste avant la saison chaude, afin de l'accompagner dans la montagne. Luna trouvait cet arrangement très opportun. Elle voulait se sentir libre en retournant à Lucknow, libre de pouvoir retrouver son grand-père et tous les siens, libre de pouvoir renouer avec la vie qu'elle menait enfant. Même si elle s'attendait à des différences...

Elle se trouvait donc à Meerut depuis la veille, hébergée par les Faulkner. Sophie avait tenu à partager sa chambre avec elle et elles s'étaient entretenues jusque tard dans la nuit, à parler notamment de William. Luna avait donc décidé de lui rendre une petite visite, par politesse autant que par curiosité. Elle espérait aussi avoir, par son intermédiaire, des nouvelles d'Alex.

Mais quand elle lui avait posé la question, il avait répondu de façon très évasive et surtout sans dire un mot de trop :

- Avez-vous des nouvelles d'Alex ?

William l'avait fixée un moment, prenant tout son temps pour lui répondre.

- Oui, j'ai de ses nouvelles. Assez régulièrement d'ailleurs. Il est toujours en poste à Bareli.

- Et… Comment va-t-il ?

- Bien, avait répondu William sobrement.

Et Luna avait compris qu'il était inutile d'insister.

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