Orgueil et Préjudices jardiniers partie 3

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Tout défila sous les yeux de Lydia comme un film. L’enjoliveur qui s’était détaché de l’antique voiture des Gardeners avant de dévaler la rue en pente, confortablement installé sur ses cozy mysteries. Ses jolies tours en livres sur lesquelles elle avait prévu d’installer des Playmobil pour finir sa vitrine d’Halloween au sol. Et un million d’éclats de verre en suspension dans les airs.

Soudain, une main la tira en arrière, à travers la porte ouverte à la volée, vers la sécurité de la rue. La seconde d’après, Lydia était entourée d’une foule, sous une averse de questions. Elle cligna des yeux, perdue. Elle avait froid, d’un coup. Elle avait du mal à respirer. Mais impossible de le dire ! Ses mots restaient coincés au fond de sa gorge.

- Allez, tout le monde ! vous voyez bien qu’elle a besoin d’air ! Si vous voulez vous rendre utile, attrapez un balai et nettoyez ce chantier !

À nouveau, la main secourable, maintenant prolongée d’un bras habillé de cuir, se posa sur elle, et la guida gentiment vers le (Wo)Men at Arms. L’odeur de bois ciré régnant dans le pub et le silence des lieux l’enveloppèrent comme une couverture. Dans le même instant, un énorme sanglot lui traversa la gorge.

- C’est fini, c’est fini. Asseyez-vous là, je vais aller vous chercher un plaid et un verre de quelque chose de fort.

Lydia cligna des yeux. De grosses larmes semblaient déterminées à s’en échapper, à sa plus grande surprise. Elle les essuya d’un revers de main, mais d’autres les remplacèrent immédiatement. Elle ne savait pas non plus ce qui n’allait pas avec sa gorge, mais elle n’arrivait pas à articuler le moindre son. Cela avait peut-être quelque chose à voir avec le fait que ses dents étaient en train de s’entrechoquer comme des pièces de monnaies oubliées dans un Jean au moment de l’essorage. Pourtant, elle avait des choses à dire. À commencer par remercier sa bonne fée. Mais rien. Pas un son.

- Ne vous forcez pas. Vous avez subi un choc. Ça va passer.

Sa bonne fée était de retour. Elle avait posé une tasse de thé noire comme une éclipse sur la table à côté et lui enroulait un plaid autour des épaules. Lydia hocha la tête et répondit par un nouveau sanglot.

- C’est ça, pleurez un bon coup ! Vous vous en sortez comme une championne.

L’encouragement, et le ton enjoué sur lequel il était prononcé prit la libraire tellement de court qu’un instant, elle ne suit plus si elle pleurait ou riait. Un poids qu’elle n’avait pas conscience de porter s’évapora de sa poitrine. Son interlocutrice s’installa en face d’elle, ses joues et son nez d’un rouge profond. Elle piqua des yeux vers le sol avant d’ajouter :

- Désolée, je voulais dire : vous faites ça très bien. Non !

Il n’en fallut pas plus à Lydia : elle éclata de rire. La fée se mordit les lèvres, mais l’hilarité nerveuse était contagieuse. Elle se mit à pouffer dans ses genoux, incapable de relever son regard vers la libraire sans redoubler de ricanements. Enfin, au bout de plusieurs minutes à respirer aussi profondément que possible et à examiner pour l’une les rainures du plancher et pour l’autre les différents posters accrochés au mur, elles parvinrent à retrouver un semblant de calme.

- Merci, finit par articuler Lydia en attrapant le mug de thé. Pour tout.

Maintenant qu’elle avait récupéré un peu de contrôle sur ses nerfs, elle releva les yeux pour détailler sa bienfaitrice. Chose exceptionnelle dans un village de deux cents âmes humaines et probablement le double d’ovins et de bovins, elle ne la connaissait pas. La jeune femme devait être un peu plus grande qu’elle, de son âge, peut-être ou un peu plus jeune. Elle portait un blouson de moto en cuir noir qui soulignait sa silhouette élancée, et un nuage de boucles brunes, échappées d’un chouchou, encadrait son visage. Le cœur de Lydia rata un battement, puis un deuxième de dépit en constatant la véracité du cliché. Le visage de la jeune femme lui avait proprement coupé le souffle : deux grands yeux bruns, un front haut, et surtout, un sourire ! Quel sourire !

- Vous avez de trop bonnes dents pour être du coin.

Au tour de Lydia de rougir. Elle ne pouvait pas avoir dit ça ! Elle sentit ses épaules se contracter pour essayer de rentrer dans son dos. Si elle y arrivait, peut-être qu’elle réussirait à disparaître dans le sol comme un personnage de dessin animé, et elle resterait là à digérer sa honte.

Contre toute attente, sa sauveuse éclata d’un rire, un vrai rire, franc et joyeux, la libérant de l’étau de honte qui l’enserrait.

- Vous avez l’œil. En fait, j’ai triché. Pendant mes études, je me suis portée volontaire pour servir de cobaye aux étudiants dentes. Mais je suis d’ici, à la base. Anne Radcliff, ajouta-t-elle en tendant une main cérémonieuse, des Radcliff de Trout Pond, comme s’il y en avait d’autre dans la région, comme disent mes parents.

- Oh ! Les romans Gothiques et les mots croisés !

Lydia ferma les yeux. Elle ne pouvait pas avoir dit ça. Quelle gourde. Heureusement, à en croire son rire, Anne, puisque c’était son nom, n’était pas du genre à se vexer facilement.

- Oui, ce sont eux ! En plein dans le mille !

- Pardon.

- Non, ne vous excusez pas ! C’est exactement ça.

Pour se donner une contenance, Lydia porta le mug à ses lèvres. Le thé avait tiédi, mais Anne n’avait pas menti. Il était fort, très fort, même avec le demi-sucrier que la jeune femme semblait avoir renversé dedans. La libraire fit mine de reposer la boisson sur la table.

- Ah, je suis désolée, fit Anne soudain sérieuse, mais il va falloir le boire. Vous avez besoin de ce sucre et de l’eau. Votre cerveau et vos muscles viennent d’en consommer une grande quantité et votre taux d’adrénaline s’est élevé, vous avez besoin de refaire vos stocks. Sinon, vous risquez d’avoir des courbatures ou des crampes dans les jours à venir.

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