"Mon Ange,

Je t'aime bien, tu sais. Ce n'est pas parce que parfois je te traite de débile que ce n'est pas le cas.

Tu me connais maintenant, je peux être un peu impulsive. Il faut bien que j'aie quelques défauts, tu en conviendras. Ceci étant, tu peux aussi avouer que tu n'es pas toujours très fin non plus. Ou peut-être l'es-tu trop ? Bref, dans tous les cas, il te manque un brin d'équilibre. Entre les petits mots doux inaudibles ou les coups de tatanes, il y a un monde, tu ne crois pas ?

Depuis un an, tu n'y vas pas de main morte, à moins que ça ne soit moi qui ait ouvert les yeux ou les oreilles. Je ne sais pas, seulement, sans jouer les fausses modeste, je fais vachement d'efforts ces derniers temps. Enfin, passons, on ne va pas s'engueuler. En plus, tu gagnes toujours à ce jeu-là. C'est un peu injuste, d'ailleurs, puisqu'on ne combat pas à armes égales, mais bon, je sais déjà ce que tu vas me répondre. "On a les Anges qu'on mérite".

Petit con.

Bref, parmi toutes celles que tu m'as faites, de prédictions, il y en a une qui m'a marquée. A bien y réfléchir, je ne sais pas vraiment si c'en est une, mais peu importe. Messages divins, annonces, prédictions, on ne va pas jouer sur les mots.

Je m'en souviens encore, j'étais tranquillement installée sur mon canapé. Pour une fois, je n'avais rien demandé à personne. Là encore, je ne t'apprends pas le petit Robert, mais je suis plutôt du genre à tourbillonner dans le riz, sauf que, ce coup-ci, ne t'en déplaise, je vaquais à des occupations très terrestres, c'est-à-dire à récupérer du couchage de mes marmots en scrollant internet.

Tu m'as parlé. Deux petits mots dans mon esprit, sortis de nulle part. Je n'y ai rien compris. Je te jure, ça m'a fait le même effet que si on m'avait balancé "couscous nutella". Comme je suis curieuse et que Gogole est mon ami, j'ai tapé sur mon smartphone ce qui résonnait encore dans un coin de ma caboche.

Aujourd'hui encore, petit cabotin, je me demande si c'était l'idée du siècle ou si j'aurais dû aller me faire cuire un oeuf d'autruche.

Bah, je te fréquente depuis quelques temps désormais, nul doute que tu aurais trouvé le moyen de me renvoyer le truc dans la tronche plus tard, sans doute avec un peu moins de diplomatie.

Si, si, tu m'as déjà fait le coup. J'ai encore les bleus de certaines briques que j'ai mangées sur le coin de la gueule. Je sais, c'était pour mon bien, et je peux presque t'entendre dire "ça m'a fait plus de mal qu'à toi". Mon Ange, l'éducation bienveillante, ça te parle ? Pourquoi le taser, pourquoi ? Même moi, j'ai jamais osé avec mes mômes, merde !

Avant de te laisser, j'ai un film à regarder, j'aimerais quand même t'avouer une chose. La dernière prédiction que tu m'as faite s'est avérée juste, et j'en suis toujours comme deux ronds de chapeau. Celle-là, je le reconnais, je me suis fendue la poire quand je l'ai entendue, alors la voir se matérialiser fut un choc. Un truc à me donner envie de cramer un cierge, tu imagines, moi, qui n'ai jamais fait mon caté ?

Je sais pas où tu me guides, Mon Ange, mais je dois avouer que je suis impatiente de savoir. En revanche, tu diras à ceux tu as envoyés sur Terre de parler clairement. Tout le monde perd un temps précieux à me regarder tourner en bourrique, tu ne penses pas ?

Allez, je t'embrasse. J'ai un mojito qui m'attend. Ne fais pas la gueule, il me rend plus pénétrable aux voies du Seigneur.

A plus dans l'bus, mon chou !

Ta Léa"