Pendant le combat : maintenir la tension

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Le Sorceleur : La Dame du lac

Dune

  Ça y est, le combat a commencé. Vos personnages font leur possible pour s'entretuer, sans mourir eux-même de préférence. La tension grimpe sans doute très vite. Sauf que la tension, si elle peut atteindre des sommets lorsqu'elle est bien gérée, ne reste jamais stable longtemps. Elle fonctionne comme un ressort que vous pouvez tendre, mais qui reprendra toujours sa forme normale. La narration est un art de contraste, une tension immense mais qui ne varie pas finira donc naturellement par s'essoufler. Si vos combats, ou vos scènes de tension de manière générale, durent longtemps, vous avez tout intérêt à ménager des moments de pause.

 Par exemple, une bonne partie du dernier tome de la saga du Sorceleur d'Andrzej Sapkowski est consacrée à la Bataille de Brenna, décisive pour le sort du continent. Lors de cette bataille, on alterne entre plusieurs points de vue : les généraux d'un côté comme de l'autre, quelques soldats plus ou moins gradés, un chirurgien de campagne... Deux points de vue se déroulent même des années après : un ancien soldat raconte ses mémoires d'un côté, un élève d'une école militaire étudie la bataille de l'autre. Ces points de vues permettent deux choses : d'une part, ils donnent ou cachent différentes informations. Les généraux montrent une vision "objective" du combat, dans le sens où ils voient les mouvements de troupes, mais ils réagissent également à ceux-ci, on anticipe donc l'impact de leurs ordres sur les soldats en première ligne. Ces soldats donnent un point de vue très subjectif, ils n'ont que peu conscience des mouvements de troupes, seulement de leurs émotions face à la violence des combats tout autour d'eux. Le chirurgien, lui, montre de façon plus froide cette violence : il opère à la chaîne des centaines de personnes, certaines meurent devant lui ou sont amputée. Enfin, les points de vues plus tardifs montrent une vision plus objective encore que celle des généraux mais, surtout, la façon dont cette bataille a traversé les années, notamment via la propagande.

 Le deuxième objectif de cette narration, c'est de faire varier la tension. Elle est très forte lorsqu'on est en première ligne, se relache ensuite avec le chirurgien, augmente un peu avec les généraux, augmente beaucoup lorsqu'on revient en première ligne, etc. En même temps, on garde une continuité des évènements.

 De plus, dans le cadre d'une longue bataille, ne décrire que le point de vue d'un légionnaire romain en première ligne peut être lassant : il ne voit qu'un mur de bouclier, n'entend que des cris et des fracas de lames. Seuls les moments clefs de la bataille, pour lui (blessure, mort d'un compagnon, etc.) ou pour les autres (mouvements de troupes, premiers assaults, etc.) sont vraiment intéressants. La narration utilisée par Spakowski a le gros avantage de pouvoir être au moment et à l'endroit le plus intéressant.

 Enfin, laisser à vos personnages le temps de souffler permet de faire évoluer l'intrigue ou bien de mieux les développer. Pour prendre un exemple qui n'est pas lié aux combats, les Atréides dans Dune comprennent qu'on leur a tendu un piège et qu'ils ont un traitre parmi eux. Le fait qu'ils le sachent apporte une tension, absente de l'adaptation réalisée par Denis Villeneuve où la trahison est une surprise, qui est très forte lorsque les personnages s'approchent de la vérité. Elle l'est moins lorsqu'ils discutent des conséquences de la trahison sur eux, sur leur avenir plus qu'incertain. Sachant qu'ils ne vont probablement pas tous survivre, ils ont une certaine mélancolie dans les temps calmes qui en dit autant sur eux que leur compétence dans les moments de tension.

 Vous pouvez jouer là-dessus dans vos combats, en caractérisant vos personnages pendant les affrontements mais aussi lorsque la bataille s'arrête, même temporairement. Comment est-ce que le guerrier terrifiant capable de trancher un homme en deux d'un coup d'épée réagit à la mort de ses soldats ? Est-ce que cela change sa façon de se battre, lorsque le combat reprend ?

 L'avantage d'un roman par rapport à un film, c'est que vous pouvez vous permettre de mettre en pause un combat pour vous aventurer dans les pensées de vos personnages, alors même que la bataille dure sans interruption. Mais vous pouvez aussi trouver des raisons de stopper la bataille. Au cinéma et dans les séries, il n'est pas rare que deux duellistes passent quelques longues secondes à coller leurs épées en essayant d'y mettre plus de force que l'autre ; des secondes souvent mises à profit pour s'échanger quelques répliques ou au moins un regard noir. Pour être plus réaliste, vous pouvez décrire des échanges de coups brefs, puis les adversaires qui reculent avant de s'attaquer à nouveau. Dans une fusillade, vos personnages peuvent trouver un abri où se protéger pendant qu'ils rechargent et se donnent des indications tactiques. En pleine bataille urbaine, vous pouvez avoir des scènes de grande tension lorsqu'on ne sait pas dans quel bâtiment est l'ennemi ainsi que d'autres plus calmes lorsqu'un périmètre est sécurisé et que les soldats peuvent souffler. Les exemples ne manquent pas.

 Pour finir, n'hésitez pas à intégrer dans vos combats de l'inattendu. Cela peut être prévu par les personnages, si leur stratégie se base sur le fait de toujours surprendre leurs adversaires, ou bien complétement aléatoire : météo, arrivée d'une troisième armée lors d'une bataille, etc. L'intérêt de l'aléatoire, c'est de rebattre les cartes. Vos personnages, s'ils sont débrouillards, pourraient mettre cela à profit pour remporter une bataille perdue d'avance. Lors du siège d'un château fort, les défenseurs pourraient profiter d'une épaisse nappe de brouillard pour attaquer par surprise ou tenter de fuir. Que se passe-t-il si un sorcier sur le point de perdre une bataille lance un puissant sortilège faisant apparaître les pires peurs de chaque combattant ? Comment réagit votre militaire lorsque son fusil s'enraye ? Attention cependant, lorsque l'inattendu profite à vos personnages : si l'évènement en question les fait gagner d'office, c'est un deus ex machina (voir chapitre suivant). S'ils réfléchissent et allient l'inattendu avec leurs compétences, vous montrez qu'ils savent s'adapter

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