New York, juste un rêve !

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Chapitre 18

Colin :
"J'vous conduit à l'hôpital."
Miss Mystère :
"Merci."

Sur le trajet pour rejoindre les jumeaux, personnes ne dit un mot. Lola marmonne de temps à autre. Je vais être obligée de tout lui avouer. Elle doit se demander qui sont ces hommes et pourquoi ils en voulaient à Daryl. Elle leur en veut et ne comprend pas qu'on puisse s'en prendre ainsi à quelqu'un, sans aucune raison. Je suis en colère contre moi-même. J'aurais dû tout lui expliquer dès le départ. Elle mérite de connaître les problèmes que traverses ses deux-là, depuis le jour où elle a commencé à sortir avec Daryl. Je savais que tôt ou tard elle l'apprendrait, mais comme ça, c'est juste la pire des façons. Colin nous dépose aux urgences. L'ambulance dans laquelle ils ont été transportés est encore là. La porte coulissante s'ouvre et j'aperçois tout de suite Mathilde. Elle fait les cent pas dans le hall d'accueil. Je l'ai déjà vu dans cet état...

Miss Mystère :
"Mathilde, on est là."

Elle lève la tête dans notre direction. Son regard exprime à la fois de la fureur et de l'angoisse.

Mathilde :
"Ils ne me laissent pas entrer. Je dois attendre, bordel !"
Miss Mystère :
"Ils ont dit quelque chose ?"

Elle fixe la porte battante où il est écrit "No Entry".

Mathilde :
"Rien !"

Un sentiment de colère et d'injustice m'envahit. Comment allons-nous supporter de rester dans le doute ? Je ne vais pas faire de scène. Ils font ce qu'ils peuvent et ils n'ont pas besoin d'une hystérique dans les pattes. Je la rejoins. La dernière chose dont elle a besoin c'est que je perde mon sang froid.

Miss Mystère :
"Ça va aller... Daryl est costaud, il..."
Mathilde :
"Putain, j'arrête pas de merder ! Je te perds toi, et maintenant lui !"

Je pose une main sur son épaule pour l'apaiser. Du coin de l'œil j'observe nerveusement Lola, qui se rapproche de nous, intriguée.

Miss Mystère :
"Calme-toi..."
Mathilde :
"Me calmer ? J'aurais dû ouvrir les yeux plus tôt ! Si seulement j'étais moins conne, j'aurais fait quelque chose... J'aurais réglé le problème moi-même !"
Lola :
"Quel problème ?"

(Et merde...)

Mathilde passe une main dans ses cheveux et jette un regard confus à Lola. Je sais très bien qu'elle s'en veut à cet l'instant.

Mathilde :
"Je..."
Miss Mystère :
"Y a pas de problème, Lola..."
Lola :
"Tu te fous de moi, Miss Mystère ?"

Le ton de sa voix est clairement menaçant. Si je n'agis pas rapidement, elle risque de nous envoyer rejoindre Daryl sur le brancard. Elle croise les bras sur sa poitrine et son regard est aussi ahuri que déterminé. Réfléchi... Comment tu peux lui dire ça... ? Je suis sa meilleure amie, c'est à moi de lui révéler nos petits secrets. Même si je dois payer tous les pots cassés, je dois le faire par amitié pour elle. Elle fronce les sourcils dans mon mutisme. Elle ne se doute pas que, là-dedans, ça cogite sévère !

Lola :
"Qu'est-ce qui se passe ?!"

Mathilde se retourne brusquement vers elle, au moment même où j'allais tout lui dévoiler.

Mathilde :
"Crois-moi, reste en dehors de tout ça."

(Ma pauvre, tu connais bien mal notre Lola...)

Elle n'aurait jamais dû lui dire : "Reste en dehors de tout ça".

Miss Mystère :
"Je crois que là, on a plus trop le choix..."
Mathilde :
"Regarde ce qui arrive aux personnes impliquées dans mes histoires... T'as vu Daryl ? Il est mort si ça se trouve, à la minute où je te parle !"

Elle a la voix brisée. Elle se laisse tomber contre le mur pour chercher un appui. On va pas se leurrer, les types ont salement amoché son frère. À l'heure qu'il est, il est peut-être déjà mort... Je m'avance vers elle et la prends dans mes bras, la gorge nouée. Parfois il n'y a rien à dire. Juste à être présent.

Lola :
"Vous deux ! Vous allez m'expliquer ce qui se passe ! Et tout de suite !"

Nous levons vers elle des yeux de cockers. Ok. C'est le moment de tout déballer... Tôt ou tard on devait en arriver là. Je la savais au fond de moi. Lui cacher la vérité n'était pas une bonne idée. C'était reculer pour mieux sauter. Mais c'est un peu l'histoire de notre vie...

Lola :
"L'une de vous deux va parler, oui ou non ?"

Son regard insistant me déstabilise. Je culpabilise de ne pas avoir écouté ma raison dès le début. Elle me criait pourtant de tout lui révéler avant qu'elle ne le découvre par elle-même. Que va-t-elle penser de moi ? Je l'ai trahie. Je suis la pire des amies. Je voulais simplement la protéger. Je ne connais que trop bien les risques que l’on court à s'approcher de trop près des histoires des Ortega. Il n'y a qu'à voir la déferlante Lana et les dégâts qu'elle a fait subir à ma relation avec Mathilde, et à ma vie, tout court. Je dois arrêter de réagir aux événements. Je dois prendre le taureau par les cornes, en commençant par arrêter de m'empêtrer dans les mensonges. Je m'éloigne du mur, après avoir fait une accolade de soutien à Mathilde, et je m'avance vers Lola. Je la prends par le bras pour l'inviter à me suivre.

Miss Mystère :
"Pas ici, suis-moi."

Je l'entraîne vers l'extérieur. Mon cœur bat à un rythme irrégulier. Je me demande comment il arrive à supporter tout ce qu'il encaisse. Elle fixe mes lèvres comme si j'avais la solution à tout. Je prends une grande inspiration pour me donner du courage.

(Ne te dégonfle pas !)

Miss Mystère :
"Je t'ai menti parce que tu aurais risqué d'être en danger, si tu avais su la vérité."
Lola :
"De quoi tu parles ?"
Miss Mystère :
"C'est assez compliqué... Je vais essayer de la faire courte."
Lola :
"Je t'écoute."
Miss Mystère :
"Ok."

(C'est le moment ma grande !)

Miss Mystère :
"Le frère de Lana est le chef d'un gang super influent."

Seigneur... Ça me fait bizarre de le dire à haute voix... Elle écarquille les yeux sans rien dire. Je continue.

Miss Mystère :
"Il tient Mathilde comme responsable de la mort de sa sœur et cherche à se venger. Il y a quelques mois, les types qui ont tabassé Daryl ce soir ont tenté d'enlever Mathilde."
Lola :
"Quoi ?"

(J'ai presque du mal à me croire moi-même !)

Miss Mystère :
"Daryl a pensé protéger sa sœur en balançant César pour trafic de drogue."
Lola :
"Qui est César ?"
Miss Mystère :
"Le frère de Lana. Le chef du gang. Enfin un des gars du gang..."

Si je lui laisse le temps de réfléchir entre deux informations, elle va paniquer. Et on ne peut pas se le permettre.

Miss Mystère :
"Daryl avait soi-disant quelqu'un de sûr au sein de la police. J'en doute maintenant."
Lola :
"Je comprends rien... ! Sois plus claire, s'il te plaît !"

Je la regarde et je me mets facilement à sa place. On dirait moi il y a quelque temps.

Miss Mystère :
"Daryl a planqué de la drogue dans la voiture de César, avec la complicité d'un flic."
Lola :
"Ok... Donc comment ce type peut s'en prendre à Daryl, s'il est derrière les barreaux ?"
Miss Mystère :
"Le gang s'arrête de pas de vivre pour autant. Visiblement César a des informateurs, des taupes, et il continue ses petits trafics depuis sa cellule."
Lola :
"Non, mais tu t'entends... ?"
Miss Mystère :
"La semaine dernière, un bras droit de César est venu à la salle de boxe pour... Mathilde. T'avais pas remarqué ses bleus au visage ?"
Lola :
"Si..."

Elle demeure silencieuse un moment. Je pense qu'il lui faut du temps pour assimiler toutes ces nouvelles. Puis elle lève les yeux vers moi avec une détermination affolante et sort son téléphone de sa poche.

Lola :
"Il faut prévenir les flics !"
Miss Mystère :
"NON ! On peut pas faire ça !"

Elle m'observe avec méfiance. Elle doit me prendre pour une folle...

Miss Mystère :
"Range ce téléphone !"
Lola :
"Mais..."
Miss Mystère :
"On peut pas faire confiance à la police. Ils sont sûrement impliqués là-dedans."
Lola :
"Comment ça... ?"
Miss Mystère :
"Le gang de César est très puissant. Ils ont des connexions de partout, tu comprends ? C'est trop dangereux..."

Je me surprends moi-même, je parle comme Daryl, maintenant ! Ces histoires de gangs, de flics ripoux, ne me surprennent même plus.

Lola :
"Mais qu'est-ce qu'on va faire ?"
Miss Mystère :
"On va gérer. On va gérer..."

Je tente de la rassurer, mais je ne suis pas tranquille moi-même.

Miss Mystère :
"Je sais que c'est dur à avaler..."

Elle ne bronche pas. Je n'arrive pas à déchiffrer l'état dans lequel elle se trouve. Et encore, j'ai intentionnellement omis de parler des connexions douteuses de Lana avec son frère... Parce que si César est au courant que sa sœur est en vie, alors ça change toute la donne.

Miss Mystère :
"Je suis désolée..."

Elle semble réfléchir un instant, avant de pousser un long soupir.

Lola :
"Je ne sais pas quoi penser de tout ça... Mais, pour l'instant, c'est l'état de Daryl qui m'inquiète..."
Miss Mystère :
"Il va s'en sortir. C'est un dur."

Elle m'adresse un regard peu convaincu. Daryl a certes de l'expérience dans le "domaine", mais il n'est pas invulnérable.

Lola :
"On ne devrait pas laisser Mathilde toute seule plus longtemps. Rentrons."

J'emboîte le pas Lola et nous retournons auprès de Mathilde. Elle est assise sur banc. Les coudes sur les genoux, le visage plongé dans ses mains, elle bat nerveusement du pied sur le sol en lino. J'ai l'impression de nous revoir, quelques mois plus tôt, lorsqu'il avait eu son "accident" de voiture. Est-ce que ce cauchemar va s'arrêter un jour... ? Un homme en blouse blanche fait irruption dans la pièce et se poste devant Mathilde. Sans doute un médecin.

Médecin :
"Monsieur Ortega ?"

Elle se relève immédiatement. Elle se met quasiment au garde-à-vous, comme une militaire devant un général.

Mathilde :
"Oui."

Je n'aurais jamais pensé que ce simple mot "oui" pouvait exprimer autant d'espoir et d'inquiétude à la fois. Je veux être auprès de Mathilde. Le médecin a une mine grave qui ne semble pas annoncer de bonnes nouvelles. J'ai peur que les prochains mots entendus signent la fin de quelque chose. Je prends une profonde inspiration et saisis sa main dans ma main. Je suis prête.

Médecin :
"Les examens médicaux ont montré de nombreuses lésions graves : un traumatisme crânien et abdominal."
Mathilde :
"Il s'est réveillé ?"
Médecin :
"Votre frère présente une fracture splénique sérieuse qui nécessite une opération."
Mathilde :
"Il est dans le coma ?"
Médecin :
"C'est préférable pour l'instant. La mise en état de coma artificiel permet de ne pas endommager son cerveau."

La première chose qui me vient à l'esprit c'est que Daryl est en vie. Pour l'heure, c'est l'essentiel.

Mathilde :
"Il va s'en sortir ?"
Médecin :
"Les jours à venir seront déterminants. Il faut attendre."

Lola laisse échapper un soupir attristé. Mathilde regarde le médecin avec colère, comme s'il était responsable de l'état de son frère.

Médecin :
"Votre frère a été placé en service de réanimation. Il est en surveillance H24."

Des sanglots remontent dans ma gorge, mais les retiennent pour ne pas pleurer devant Mathilde. Elle a besoin de moi et je dois pas craquer.

Médecin :
"Vous ne pourrez pas le voir tout de suite. Rentrez chez vous, reposez-vous et nous vous appelons dès que nécessaire."

Elle hoche la tête et le médecin la salue avant de quitter la salle d'attente.

(...)

La mine sombre, nous rejoignons l'appartement de Mathilde. Je décide de nous préparer des tisanes pour nous réchauffer, Lola et moi. Mathilde se sert un whisky. Lola tend son verre à Mathilde. Je crois qu'elle a besoin d'un remontant...

Lola :
"Je pensais que tu t'étais nule en boxe, Mathilde."

Elle est dans le coltard, elle n'a pas l'air de comprendre sa remarque. Moi non plus d'ailleurs.

Lola :
"L'autre jour, quand je t'ai vu avec ta gueule bousillée, j'ai pensé que tu devais être vraiment mauvaise, pour te faire défigurer par tes élèves."

Elle baisse les yeux sur son verre, avant de croiser les miens.

Miss Mystère :
"Je lui ai tout dit."

Mathilde fait un signe compréhensif de la tête, mais ne dit rien.

Lola :
"J'en reviens pas que vous m'ayez menti pendant tout ce temps !"
Mathilde :
"C'était pour te protéger."
Miss Mystère :
"Je suis vraiment désolée, Lola. Je voulais pas te mentir."

Mais, en même temps, à quel moment est-ce que j'aurais pu lui déballer tout ça ? Tout s'est enchaîné tellement vite !

Lola :
"C'est bon... Je comprends que vous avez voulu bien faire..."
Mathilde :
"Et on a bien fait."
Lola :
"Je sais pas. Daryl est entre la vie et la mort, maintenant."

(Et ça aurait changé quoi, de le lui dire ? Elle serait allée régler les comptes avec les types du gang ?)

Mathilde :
"Daryl est en vie. Il se réveillera bientôt, parce qu'il est trop fier pour se laisser mourir à cause de trois guignols."

Je sais qu'elle cherche à se rassurer elle-même, mais, tant que ça marche, je la contredirai pas.

Lola :
"Bon... Je vais rentrer chez moi."
Miss Mystère :
"On devrait rester toutes ensemble."

Mais elle ignore ma remarque. Elle me prend dans ses bras avant d'enfiler son manteau.

Lola :
"J'ai besoin de me reposer et j'ai envie d'être seule. Vous devriez allez dormir aussi."
Miss Mystère :
"Tu devrais vraiment rester. T'es peut-être pas sécurité dehors. Les gars de César t'ont peut-être repérée."
Lola :
"S'ils surveillaient Daryl ils m'ont repérée depuis longtemps. Je risque sûrement plus en étant à côté."

Elle a raison et je pense qu'elle a besoin de faire le point sur cette désastreuse soirée.

Miss Mystère :
"Fais attention à toi."
Lola :
"J'essaierai."

Quand je retrouve Mathilde sur le sofa, elle n'est que l'ombre d'elle-même. Ses paroles n'avaient pour but que de rassurer ma meilleure amie. Devant moi elle ne joue pas à la femme forte. Elle se montre telle qu'elle est.

Mathilde :
"Viens là."

Elle me fait signe pour que je m'assoie à ses côtés. J'hésite un instant.

Mathilde :
"S'il te plaît..."

Je comprends son besoin de réconfort, je ressens la même chose. Je prends place à ses côtés. Elle passe un bras autour de mes épaules quand, tout à coup, son téléphone se met à vibrer. Elle se précipite pour lire le message qu'on vient de lui envoyer. Sa mine s'assombrit davantage. Je commence à m'inquiéter de plus belle.

Miss Mystère :
"Il y a un problème ?"

Et si c'était cette garce de Lana ? Il ne manquerait plus qu'elle pour parfaire la soirée ! Elle fonce les sourcils et elle me tend le téléphone pour que je puisse lire le message. Mon cœur fait un bond.

Lana :
"T'aurais pas dû me rejeter. Tu vas le regretter."

Je pousse un juron, en me saisissant du téléphone pour lire plus en détail !

Miss Mystère :
"Putain ! Ça veut dire quoi ?!"

Elle me reprend le téléphone, la mine préoccupée.

Mathilde :
"Ça veut dire qu'elle a pas aimé quand je lui ai dit que je voulais plus la voir. Elle et moi c'est du passé, c'est toi que j'aime."
Miss Mystère :
"Tu lui as dit ça ?"
Mathilde :
"Ouais. J'ai compris tout son petit jeu quand elle a voulu te faire croire que j'avais couché avec elle... Le soir où elle a annoncé sa prétendue grossesse, après notre dispute, j'ai eu une conversation avec elle."

Mon cœur s'emballe. "Sa prétendue grossesse". Est-ce qu'elle voit enfin les choses telles qu'elles sont ?

Mathilde :
"Elle était pleine d'incohérences... Je pensais pas qu'elle serait prête à tout inventer pour me récupérer, mais faut croire que si..."
Miss Mystère :
"J'avoue que ça relève de l'hôpital psychiatrique..."
Mathilde :
"Bref. Ça m'a ouvert les yeux, directs. Comme si je sortais d'une sorte de coma... J'ai pas été tendre avec elle, tu peux me croire. Elle a retenté de me contacter par tél, ces derniers jours. Alors je lui ai envoyé un message assez rude, histoire de mettre les choses au clair. Je suis vraiment désolée d'avoir douté de toi, princesse. J'ai vraiment été trop conne... !"
Miss Mystère :
"T'imagines pas ce que j'ai dû endurer... À chaque fois que tu la croyais elle, au lieu de moi, je pensais que tu l'aimais encore et que moi, tu m'aimais plus..."
Mathilde :
"Crois-moi, si je pouvais revenir en arrière et me foutre des claques, je le ferais ! Je sais même pas comment tu peux me laisser une autre chance !"

(Parce que je t'aime, grosse bécasse...)

Un silence s'installe et, tout à coup, une ignoble évidence me vient à l'esprit ! Mon sang se glace.

Miss Mystère :
"Et si elle était derrière tout ça ?"

Elle m'observe sans dire un mot, en faisant rouler son whisky au fond de son verre.

Miss Mystère :
"Je veux dire... Et si elle avait envoyé les hommes de César tabasser Daryl ? Comme un avertissement... On sait qu'elle est en contact avec son frère."

Elle soupire lourdement.

Mathilde :
"Je peux pas te dire que l'idée m'a pas traversé l'esprit. C'est une drôle de coïncidence... Y a de fortes chances qu'elle soit connectée au gang."

Nous nous observons en silence, pesant la gravité de ce que nous venons de dire.

Mathilde :
"Si c'est ça, il va falloir être très prudent et se méfier de Lana... Elle est bien plus dangereuse qu'on le croyait."
Miss Mystère :
"Elle va s'en prendre à toi... ?"

Elle pose son verre et prend mes mains dans les siennes. Elle plonge son regard dans le mien.

Mathilde :
"Tu dois me promettre une chose."

Je ne suis pas sûre qu'elle soit en mesure de m'imposer quoi que ce soit.

Mathilde :
"Quoiqu'il arrive je veux pas que tu l'approches. Pas avant qu'on en sache plus. La priorité pour l'instant, c'est Daryl."
Miss Mystère :
"Je suis d'accord."

Elle me serre contre elle. J'entends les battements de son cœur contre mon oreille.

Mathilde :
"Maintenant dors. Je vais rester éveillé."

Je me blottis contre elle et pousse un soupir de soulagement. J'ai l'impression de la retrouver. Enfin ! Malgré l'horreur de cette soirée, malgré tout ce qui nous attend encore, je me sens apaisée dans ses bras et je finis par m'endormir contre son épaule... Le réveil a été difficile. Nous avons très peu dormi. Les seuls moments où je réussissais à m'assoupir, c'était dans une position inconfortable. Mon torticolis en témoigne. Elle raccroche son tél pour la troisième fois, ce matin.

Miss Mystère :
"Alors... ?"
Mathilde :
"Toujours pareil. Rien de nouveau. Ça va aller."

Elle tente de sourire. Je sais qu'elle cherche à me convaincre qu'elle tient le coup mais je ne suis pas dupe. Je saisis sa main, alors que nous avançons vers l'entrée de Carter Corp. Nos doigts s'entrelacent et elle presse sa paume contre la mienne. J'aimerais pouvoir lui dire qu'elle peut compter sur moi mais les mots sont inutiles. Nos mains liées suffisent à tout expliquer. Nous savons pertinemment que nous avons besoin l'une de l'autre. Je dépose un baiser sur sa joue et elle me sourit. Gabriel débarque dans le hall quelques secondes après. Son regard aiguisé s'attarde sur nous. Heureusement que nous ne tenons plus la main car il aurait probablement fait une réflexion, et ce n'est pas vraiment le moment ! Son attention sur nous suffit à me mettre mal à l'aise. Il doit trouver étrange que nous arrivions ensemble au travail.

Miss Mystère :
"Je vais prendre un café, tu viens ?"
Mathilde :
"Non, vas-y. On se rejoint tout à l'heure."
Miss Mystère :
"Ok, comme tu voudras."

Je n'ai pas encore été seule, depuis l'agression de Daryl, et j'appréhende ce moment. Bon, cela dit, je vais juste chercher un café... Je vois mal un gang mexicain débarquer à Carter Corp pour m'enlever ! Colin est à la machine à café. J'ai toujours du mal à savoir si je suis contente de le voir ou non.

Miss Mystère :
"Salut Colin."
Colin :
"J'ai eu Lola au téléphone. Elle m'a dit pour Daryl."
Miss Mystère :
"Y a pas d'amélioration ce matin. Je m'inquiète, pour lui maintenant, et aussi pour la suite."

Il soupire. Il a des cernes sous les yeux. Aurait-il mal dormi, lui aussi ?

Miss Mystère :
"Les gars de César vont pas s'arrêter là..."
Colin :
"Ils ont eu ce qu'ils voulaient avec Daryl. Ils vont pas revenir tout de suite."

Il ne semble pas inquiet.

Miss Mystère :
"Il faut que Daryl s'en sorte, sinon Mathilde s'en remettra pas."
Colin :
"Daryl à ce qu'il mérite. Il cherche la merde, il l'a trouvée."

Daryl ne fréquente pas les bonnes personnes donc on peut penser qu'il a provoqué ce qui lui arrivé. Mais je sais qu'il y a autre chose...

Miss Mystère :
"Tu sais, Mathilde n'est pas complètement innocente dans cette histoire..."
Colin :
"Personne n'est vraiment innocent. On joue tous un rôle. Mais Daryl l'entraîne toujours dans l'fond, comme un putain de poids."

Je soupire devant son esprit borné.

Miss Mystère :
"Les jumeaux, c'est une histoire tellement compliquée que personne ne peut comprendre comment ces deux-là fonctionnent. L'arrivée de Lana a tout chamboulé. Et, si tu veux mon avis, elle est loin d'être aussi ingénu qu'elle veut le faire croire."

Cette psychopathe est forcément impliquée dans tout ça. Mes recherches n'ont rien donné. Elle doit pourtant cacher quelque chose...

Miss Mystère :
"Colin !"

J'ai parlé d’une voix plus forte et plus aiguë qu'en temps normal. Il sursaute presque.

Miss Mystère :
"Tu veux aider Mathilde, c'est ça ? Je sais ce que tu peux faire pour elle."

Je m'approche de lui et chuchote, comme si nous pouvions être espionnés.

Miss Mystère :
"Il faut faire des recherches sur Lana !"

Il lève un sourcil, perplexe.

Miss Mystère :
"T'es un as de l'informatique. Tu devrais pouvoir trouver des infos sur Lana. Elle cache forcément quelque chose !"
Colin :
"Tu délires !"
Miss Mystère :
"Ah ouais ? J'ai rien trouvé sur elle. Rien du tout ! Et ça, c'est suspect."
Colin :
"Je t'l'accorde, c'est bizarre. Ou alors tu sais pas chercher."

Il jette son gobelet vide à la poubelle, prêt à quitter la salle de repos. Je l'attrape par le bras.

Miss Mystère :
"Alors, tu vas m'aider ?"
Colin :
"À moins que Mathilde me l'demande, non."

C'est un peu vexé que je regagne l'open space et mon bureau. Je vais devoir peaufiner mes techniques de persuasion... Bon sang ! Je suis sûre qu'il pourrait nous aider sur ce coup ! Je me cale dans mon siège et dévisage Mathilde. Je dois lui en parler. C'est le meilleur moyen de voir si elle me suit vraiment dans cette histoire. Les belles paroles, c'est un début. Les actes, c'est mieux.

Miss Mystère :
"Faut qu'on parle..."

Elle m'adresse un regard inquiet. J'ai conscience qu'une fille qui dit ça à son mec, en mode break, ça peut porter à confusion. Je lui fais un signe de tête pour l'inviter à me suivre et nous nous engouffrons dans l'ascenseur vide.

Mathilde :
"Qu'est-ce qui se passe ?"
Miss Mystère :
"J'ai parlé à Colin."
Mathilde :
"Oh, j'avoue que c'est surprenant, et que ça nécessite que tu me fasses venir ici pour me l'annoncer."

Elle fait sa tête d'imbécile et je ne peux m'empêcher de...

Miss Mystère :
"Je suis sérieuse. J'ai essayé de le motiver pour chercher des infos sur Lana. C'est un pro de l'informatique, il peut peut-être trouver des choses..."

Elle m'observe sans rien dire. Tout à coup je perds de ma superbe. Et si j'étais allée un peu vite en besogne ? Et si elle reprenait à nouveau le parti de cette garce, en me disant que je vais trop loin ? Ce serait comme signer définitivement l'arrêt de mort de notre histoire. Mais c'est tout l'inverse qui se produit.

Mathilde :
"Laisse-moi deviner... Il t'a rembarré."
Miss Mystère :
"On parle de ton meilleur pote..."

Elle passe une main dans ses cheveux et fixe le sol une seconde.

Mathilde :
"Je peux essayer de lui parler."

Ma motivation remonte d'un bond ! Elle a clairement rejoint la partie et vient officiellement de revenir parmi les vivants ! Tout doux... Si Lana est impliquée, Mathilde et moi ne sommes pas des opposants bien inquiétants pour un gang entier...

Mathilde :
"Je vais manger avec lui ce midi, voir si j'arrive à le convaincre."
Miss Mystère :
"OK !"

Je m'apprête à descendre de l'ascenseur, mais elle me retient par le bras. Lorsque je me retourne vers elle, son visage n'est plus qu'à quelque centimètre du mien, et ses yeux me détaillent avec attention. Mon cœur fait une embardée incontrôlable.

Mathilde :
"Tu ne quittes pas le building. D'accord ?"

Elle a murmuré ces mots de la voix chaude et protectrice qui m'avait tant manqué...

Miss Mystère :
"Je reste avec Lola."
Mathilde :
"OK."

Ses yeux se perdent un instant sur mes lèvres et je retiens mon souffle. Il se passe un truc, et là, tout de suite, je ne sais pas comment réagir. Mais notre échange est interrompu par les portes qui s'ouvrent sur deux collaborateurs en pleines discussions. Nous étions sur le point de nous embrasser ! Mon cœur qui bat la chamade, mes mains moites et mes jambes flageolantes m'indiquent que j'en avais grandement envie. Il est certain que je ressens encore quelque chose pour elle, mais je dois me protéger. C'est trop tôt. Au fond de moi j'ai enfermé trop de rancœurs. 13h45, je n'arrête pas de surveiller ma montre ! Nous prenons notre café avec Lola à l'accueil. Nous nous raclons la gorge et quittons l'ascenseur pour rejoindre nos bureaux respectifs. Je guette les portes en verre, en attente de ma belle brune et de son ami chevelu.

Lola :
"T'es sûre que tu veux pas prendre ta journée ? Tu as un teint livide..."
Miss Mystère :
"Certaine... Ce serait le meilleur moyen de me faire virer."

Elle voit bien mon état de nerf, puissance mille. Elle me connaît par cœur. Mais l'expression de Gabriel, ce matin, me dissuade de me laisser aller à une quelconque faiblesse. Lorsqu'elles arrivent enfin, Colin passe à ma hauteur sans rien dire, et Mathilde s'arrête à côté de nous. Du calme ! On parle de Colin ! Je le vois mal me taper sur l'épaule et me faire un clin d'œil ! Mathilde semble hésiter à parler devant mon amie.

Miss Mystère :
"Lola... Je te laisse."

Je dois afficher un air franchement bizarre et coupable, car Lola hausse un sourcil. Mathilde m'embarque par le bras direction, les ascenseurs.

Miss Mystère :
"Alors ? Qu'est-ce qu'elle a dit ?!"

Elle marmonne, en jetant des coups d'œil à droite et à gauche.

Mathilde :
"Tu pourrais être plus discrète... !"

(Je me dis un instant qu'avec ma discrétion légendaire j'aurais fait un piètre agent secret. Ou alors je n'aurais pas survécu longtemps...)

À nouveau, nous nous retrouvons seules dans l'ascenseur. Une chance à cette heure d'affluence !

Mathilde :
"C'est chaud."
Miss Mystère :
"Chaud ?"
Miss Mystère :
"Ouais. Y a moyen de capter les appels et messages de Lana."
Miss Mystère :
"Sérieux ?!"
Mathilde :
"Oui, mais t'excite pas, petite warrior !"

Je souris, car cela fait bien longtemps qu'elle n'a pas employé ce surnom affectueux pour s'adresser à moi. Peu à peu, je la retrouve, par des détails.

Mathilde :
"Faut que j'accède au téléphone de Lana."

Tout de suite mon enthousiasme se refroidit. Accéder … ça veut dire revoir cette garce...

Miss Mystère :
"Il peut pas y accéder à distance... ?"
Mathilde :
"Il peut, mais il faut qu'on installe une sorte de mouchard sur son téléphone. Une application pirate qu'on doit télécharger incognito."
Miss Mystère :
"Merde..."

Mon regard se perd sur les numéros des étages, qui défilent beaucoup trop vite pour nous laisser le temps d'élaborer un plan.

Mathilde :
"Comme tu dis."

Je soupire et mon cerveau se met à cogiter, version, petit hamster frénétique dans sa roue.

Mathilde :
"J'aime pas ça, princesse. Ça sent le plan foireux..."
Miss Mystère :
"Je peux le faire !"

Elle m'adresse un sourire moqueur.

Mathilde :
"Tu te souviens de ce qu'on disait un peu plus tôt sur la ta compétence en matière de discrétion... ?"

Il me vient une idée. Mais elle risque de ne pas lui plaire...

Miss Mystère :
"J'ai peut-être une idée..."

Elle se cale contre la paroi et croise les bras.

Miss Mystère :
"Tu lui dis que tu t'en veux. Ça sera crédible, venant de toi..."

Elle m'envoie un regard entendu, du genre "j'ai bien saisi la pique", mais elle ne relève pas. En même temps elle en a mis du temps pour sortir de son flou...

Miss Mystère :
"Tu lui dis que tu veux la voir ce soir. Pourquoi pas pour un entraînement de boxe... Et c'est là que je fais mon entrée."

Je la regarde fièrement.

(Bah quoi ? Mon idée est absolument géniale !)

Miss Mystère :
"J'arrive et je fais semblant d'être surprise de vous trouver à la salle tous les deux. Je lui laisse croire qu'elle a l'avantage et je lui propose un match. Trop fière de briser le peu de dignité qu'il me reste, elle pourra pas refuser. Et pendant ce temps, tu t'occupes du téléphone."

Elle semble réfléchir un instant. Qu'elle se dépêche parce qu'on est bientôt arrivé !

Mathilde :
"OK."

Elle attrape son portable et je me place à côté d'elle pour regarder ce qu'elle tape. Mon cœur tambourine. Je ne m'aperçois pas tout de suite que je suis collée à elle et que j'ai entouré son bras des miens. Cette proximité naturelle, son odeur, ses gestes... Un instant, je pars plus loin que ce à quoi je dois m'en tenir. Elle finit par ranger le téléphone dans sa poche.

Mathilde :
"On va voir si elle mord à l'hameçon..."

Lorsque les portes s'ouvrent, son téléphone vibre. Je la vois froncer les sourcils et m'adresse un regard sombre.

Mathilde :
"Ce soir."

Mon cœur bat très fort, pendant que j'attends son go dans la ruelle adjacente à la salle de sport. Si nous nous faisons choper nous risquons de nous retrouver dans de beaux draps ! De toute manière, nous devons absolument savoir de quoi il retourne, avec cette sorcière. Pour Daryl, pour nous, pour Lola. Je reçois une décharge dans la poitrine et une vague glacée lèche mon échine lorsque mon téléphone affiche : "Elle est là". J'inspire un bon coup ! C'est le moment ! J'ai toujours voulu être actrice !

(Mais je n'ai jamais réussi à percer. Il y a peut-être une raison... ! OK. On se dégonfle pas ! Tu peux le faire ! Mode mantra, on !)

Quand j'entre dans la salle, les images de Mathilde en train de se faire tabasser par le sale type me reviennent à l'esprit. Mais pas seulement. Je revois Daryl au sol. Je revois le docteur qui nous dit que son état est critique. Je revois le regard de la salope, lorsqu'elle annonce son dernier mensonge... Je ferme les yeux une seconde et je respire calmement. Ce n'est pas le moment de flancher. Je dois me reprendre. J'ai connu des moments plus difficiles encore par le passé et je les ai surmontés. Enfin, je crois...

(Respire, respire.)

Je m'avance et je me retrouve face au popotin de Lana, en mini short, qui s'agite devant Mathilde. Ok. Je dois juste me mettre dans la peau de moi-même quelques jours plus tôt. Ce n'est pas si difficile, j'ai déjà envie de l'étriper à la voir se trémousser comme ça !

Miss Mystère :
"Je vous dérange pas, j'espère ?"

Lana se tourne vers moi en faisant jouer ses cheveux, version L'Oréal. Elle affiche son regard triomphant malsain. Inconsciemment, ça me touche. Non, pardon : consciemment, j'ai envie de la buter !

Lana :
"Pas du tout. Je voulais de dire... Je suis désolée pour l'autre soir, j'aurais pas dû lâcher ça comme ça..."

(Mais c'est qu'elle continue d'interpréter son rôle à merveille ! "Dans le rôle de la meilleure garce l'année : Lana !" applaudissements.)

Mathilde fait mine de s'éloigner un peu. Je ne la sens pas hyper à l'aise, ce qui ne me rassure que moyennement pour la suite. Je m'avance au plus près de Lana et chuchote près de son oreille.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que je peux dire à ça ? T'as carrément bien joué sur ce coup."

Elle jette un coup d'œil à Mathilde. Pour vérifier sans doute qu'elle est à bonne distance.

Lana :
"Je sais. Tu devrais éviter de te mettre entre nous. T'es qu'un lointain souvenir pour elle, maintenant."

Sans se départir de son sourire narquois, elle me balance son venin. Quel aplomb ! Je dois me retenir pour ne pas lui démolir le portrait tout de suite !

Miss Mystère :
"Cette grossesse, c'est des conneries, pas vraie ? T'as jamais fait de fausse couche..."

Ses lèvres s'étirent pour former un rictus détestable. Avant qu'elle ne se retourne vers Mathilde, je l'apostrophe.

Miss Mystère :
"T'as gagné. Mais accorde-moi au moins un dernier combat."

Elle m'observe quelques secondes. Ses yeux se rétrécissent.

(Allez... dis oui, espèce de garce...)

Miss Mystère :
"Laisse-moi au moins la possibilité de regagner le peu de dignité qu'il me reste."

Si elle est bien ce que nous pensons, un combat contre moi ne lui fera pas peur. Elle sait très bien se battre.

Lana :
"D'accord. Mais je te ferai pas de cadeau. T'as L'habitude, de toute façon."
Miss Mystère :
"Ouais, j'ai compris depuis un moment maintenant que t'aimais bien tirer sur l'ambulance."

Mathilde revient vers nous, consciente qu'elle vient de se jouer quelque chose.

Mathilde :
"Lana...Tu devrais peut-être..."
Lana :
"On se fait un combat avec Miss Mystère. Tu comptes les points, belle brune ?"

(Belle brune... ? Oh putain, je vais la réduire en charpie...)

Mathilde :
"Euh... Un combat...Euh.... Ouais. OK !"

Elle a l'aire aussi à l'aise que moi, mais, bizarrement, je me trouve plutôt douée dans mon interprétation ! Faut dire que je n'ai pas besoin de sur jouer. Je commence à nouer consciencieusement mes bandages autour de mes poings, pendant qu'elle joue encore la mijaurée devant Mathilde. Elle n'a vraiment rien capté à notre numéro ! Une fois que j'ai enfilé mes gants, je monte sur le ring et lui fais signe. Je lance un regard lourd de sens à Mathilde. C'est parti ! elle attaque fort. Elle maîtrise son crochet et arrive à m'atteindre à l'épaule.

Lana :
"T'es fatiguée ? C'est taper sur un clavier toute la journée qui t’as épuisée ?"

Je décontracte mes muscles et me remets à tourner autour d'elle, comme le ferait un rapace avec sa proie.

Miss Mystère :
"C'est ton passé dans le gang qui l'a appris à te battre ? Je croyais que tu voulais t'éloigner de toute cette violence... ?"

Elle baisse sa garde et je lance mon poing dans ses côtes. Elle se recroqueville en grimaçant. Je penche la tête avec un air faussement désolé, avant de lui sourire effrontément. Elle se redresse et me décoche un coup de pied dans les jambes. Je tombe sur les genoux, prise par l'effet de surprise. On dirait qu'elle a terminé de jouer à l'apprentie. Je relève un instant les yeux vers Mathilde pour voir où elle en est. Elle est tout près du sac de Lana. Faites qu'elle y arrive ! C'est à ce moment-là que je reçois un coup de poing dans les reins. La douleur m'élance et me coupe le souffle un instant ! la garce, elle n'y va pas de main morte ! En plus elle me frappe alors que je suis encore au sol ! Quelle lâche ! Je vois que Mathilde serre les dents. Elle ne doit surtout pas oublier sa mission parce que je prends des coups ! Je dois me relever ! Je n'attendais que ça. Qu'elle se sente toute puissante et qu'elle tombe droit dans notre piège. Ça fait juste un peu mal... Elle me sourit lorsque je me relève. Elle ne sait pas encore que son joli petit minois n'aura plus envie de rire très bientôt.

Miss Mystère :
"C'est ce qu'on t'a appris à l'école d'infirmière ? Frapper les gens à terre ?"

Elle me regarde fixement. Elle se doute sûrement que ma remarque n'est pas due au hasard.

Lana :
"Non, on m'a appris à aider mon prochain, mais c'était bien trop tentant, là !"

Si je veux que mon plan fonctionne, je dois continuer à être moi-même.

Miss Mystère :
"T'aurais jamais dû faire ça. T'as ouvert la boîte de Pandore, je suis un monstre si je veux."
Lana :
"Tu crois faire peur à quelqu'un, là ? Mais tu t'es vue ?"

Il faut que je me concentre sur le combat. Elle ne doit pas me quitter des yeux. Du coin de l'oeil, je vois que Mathilde est en pleine action. Lana perçoit mon regard et fait mine de se retourner vers elle ! L'adrénaline parcourt mes veines. Mon sang se met à bouillir et mon rythme cardiaque s'accélère à une cadence folle ! Je dois absolument faire diversion ! Elle qui surprend Mathilde en plein piratage de son téléphone, ça ne fait pas partie du plan !

Miss Mystère :
"Tu aimes ton nez ?"

Elle s'interrompt et me regarde, perplexe. Elle ne sait pas si elle doit sourire ou mordre.

Lana :
"Oui, pourquoi ?"
Miss Mystère :
"Dommage."

Je lance mon poing gauche en direction de ses côtes. Elle pare mon attaque, mais ce n'était qu'un leurre. Son visage n'est plus protégé par sa garde. Toute la haine que j'éprouve face à elle se concentre dans mes poings. Je lui balance un direct puissant dans le visage et j'enchaîne, sans lui laisser le temps de replacer ses bras en protection. Cette diversion est simplement parfaite. Un bon moyen d'évacuer enfin toute ma haine envers elle. Et en plus, c'est pour la bonne cause ! J'aurais une excuse parfaite... Elle virevolte de gauche à droite comme une poupée désarticulée. Elle tente de se défendre tant bien que mal. Mes phalanges endolories s'écrasent sur sa mâchoire. Avec la force que j'y mets, mes gants ne sont pas d'une grande protection. Elle finit par s'effondrer en se tenant la tête. Elle lève le bras pour demander l'arrêt du combat.

(Mince, j'espère que Mathilde a eu le temps de télécharger le logiciel de Colin !)

Lana :
"Putain, mais t'es malade !!!"

Mathilde se précipite vers nous et grimpe sur le ring en une enjambée souple.

(Merde. Et si j'y étais allée trop fort ?)

Mathilde :
"Ça va ?"

Elle crache un peu de sang et me lance un regard mauvais.

Lana :
"Putain, non ça va pas !"

Elle gémit. Faut dire que je n'ai pas été douce. Mathilde se retourne vers moi. Je crains un regard noir, mais elle m'adresse un clin d'œil. Elle se tourne à nouveau vers Lana.

Mathilde :
"Va te passer un peu d'eau, ça ira mieux après."

La tête de Lana à cet instant est impayable ! Même dans mes rêves de vengeance les plus fous, je n'aurais pas imaginé qu'elle lui parle de cette façon.

Lana :
"Me passer de l'eau ? Putain ! Ta folle d'ex m'a probablement pété le nez !"

(Ta folle... C'est vraiment l'hôpital qui se fout de la charité...)

Mathilde :
"Mon ex ?"

Elle se relève, le regard dur.

(Euh... On n'avait pas prévu ça dans le plan, si...)

Mathilde :
"T'as toujours pas saisi, hein ?"
Lana :
Quoi ?"
Mathilde :
"C'est Miss Mystère que j'aime, Lana. Toi, t'appartiens au passé. Pour moi t'es morte ! J'ai pas été assez clair ?"

(Bein !!! Lana : KO)

Son expression se transforme. De la colère elle pourrait presque passer aux larmes... Quelle drama queen !

Lana :
"Mais Mathilde... Je comprends pas... Pourquoi tu m'as fait venir si..."
Mathilde :
"Je pensais qu'on pourrait parler, c'est tout ! Tu sais que Daryl a été tabassé ? Par les types de ton frère ?"

Cette fois elle quitte son masque de jeune fille candide et fronce les sourcils. Elle prend appui sur un genou pour se relever.

Lana :
"Et alors ?"
Mathilde :
"Et alors !"

Elle s'approche d'elle, plus menaçante que jamais, cette fois. Elle n'a donc aucune idée de ce qui lie les frères Ortega ?

Mathilde :
"Me prends pas pour une conne ! T'y es pour quelque chose dans tout ça ?"

Elle part dans un rire sardonique. Un truc digne des pires soaps du siècle. Envolée, l'innocence du début. Place à la méchante de service.

Lana :
"T'es vraiment qu'une pauvre idiote !"

Elle fait mine de quitter le ring et se plante devant moi, pointant son gant vers ma poitrine.

Lana :
"T'as gagné. Je te la laisse, mais j'en ai pas fini avec toi."

Je reste figée sur place et je prends sa menace en pleine face. Elle veut dire quoi exactement … ? Mathilde s'avance pour l'agripper, mais je la retiens.

Miss Mystère :
"Laisse."

Elle descend du ring, offensé, attrape son sac et quitte la salle en coup de vent. Mathilde prend mon visage. J'ai l'impression que tout le stress retombe.

Mathilde :
"Ça va ?"
Miss Mystère :
"Ouais. Ça va..."

Elle me regarde tristement et me scrute de partout, comme pour vérifier que je n'ai rien de cassé.

Miss Mystère :
"Ça va je te dis. Alors ta réussie ?"
Mathilde :
"Ouais ! Heureusement que t'as fait diversion avec ton direct. J'ai bien cru qu'elle allait me choper !"

Je rigole nerveusement.

Mathilde :
"Qu'est-ce que j'ai dit de drôle ?"
Miss Mystère :
"Rien, c'est juste je pensais pas qu'un jour tu me féliciterais d'avoir cogné Lana..."

Ses yeux se plantent dans les miens.

Mathilde :
"Est-ce que tu me pardonneras un jour, princesse ?"

Elle s'écarte un peu de moi. Je quitte mes gants en soufflant. Pfiou ! On a eu chaud !

Mathilde :
"Je devais entraîner des jeunes, ce soir, mais je vais annuler. Hors de question que tu restes seule."
Miss Mystère :
"Mathilde..."
Mathilde :
"Laisse tomber, princesse. Je monte la garde ce soir !"
Miss Mystère :
"J'ai Topaze pour ça !"
Mathilde :
"T'es vraiment en train de me comparer à ton chien ?"

Je pouffe de rire.

Miss Mystère :
"Non. Lui il remue la queue quand il me voit, au moins."

Elle reste ébahie devant ma dernière remarque. Je réalise soudain la portée de mes paroles. Je m'échappe, rougissante, vers les douches de la salle. Un jour, peut-être, j'apprendrai à réfléchir avant de parler ! Je triture mon sac pendant que repense aux derniers événements. Elle a passé la soirée à me veiller. Elle a insisté pour rester dans le salon alors que je dormais dans un mon lit. Topaze était content de partager la nuit avec sa chérie. Mais, de mon côté, autant dire j'ai dû faire appel à toute ma volonté pour ne pas rejoindre ma belle brune, pendant la nuit. Au moins pour un simple câlin. Nous n'avons pas eu des nouvelles récentes de l'hôpital. L'état de Daryl est stable. Elle est de plus en plus inquiète.
Colin nous a répété qu'il avait besoin de temps pour récolter des données intéressantes. J'ai l'impression que chaque heure qui passe dure une éternité ! Lola pointe enfin le bout de son nez. Nous nous installons un peu à l'écart, dans une petite salle de réunion. Je ne lui ai rien dit de notre plan concernant Lana. S'il est corrompu, je ne veux pas qu'elle soit accusée de complicité. Pour l'instant nous n'avons aucun résultat.

Lola :
"Salut."

Sa voix est enrouée et peu amène. Je l'ai connue en meilleure forme.

Miss Mystère :
"T'as du monde à l'accueil ?"

Elle regarde ce que j'ai dans les mains et m'adresse un hochement de tête.

Lola :
"M'en parle pas ! Ils se sont tous donné le mot aujourd'hui pour se pointer devant mon guichet !"

Quelqu'un d'extérieur penserait qu'elle est comme d'habitude. Que je suis comme d'habitude. Mais nous savons bien toutes les deux que rien n'est plus pareil.

Miss Mystère :
"Comment tu vas... ? Je veux dire... Vraiment."
Lola :
"J'ai pas dormi cette nuit..."
Miss Mystère :
"Tu vas tenir le coup."
Lola :
"Je sais pas... Je crois pas pouvoir continuer comme ça."
Miss Mystère :
"C'est normal. Quand j'ai su la vérité sur eux, j'étais dans le même état que toi..."
Lola :
"Je suis pas aussi forte que toi. Je me sens pas capable de supporter tout ça."
Miss Mystère :
"C'est Mathilde qui m'a donné la force jusqu'à présent..."
Lola :
"Justement. Je commence à me dire que me suis plantée. Daryl est pas un type pour moi."

Je le sais depuis le début. Ils sont bien trop différents. Cette relation n'a aucun sens.

Lola :
"Daryl a beaucoup de qualité, mais son côté bad boy dangereux, c'est pas pour moi."
Miss Mystère :
"Je croyais que c'était ton truc, pourtant."
Lola :
"Je me rends compte que non. Là c'est beaucoup trop..."
Miss Mystère :
"Je comprends..."

J'ai toujours pensé que Mathilde valait le coup qu'on se batte pour elle, même si dernièrement je doute... Si elle n'a pas le même fort attachement pour Daryl que moi pour Mathilde, alors elle a tout intérêt à prendre ses distances. Si je n'aimais pas profondément Mathilde, je l'aurais définitivement quitté, moi aussi.

Miss Mystère :
"Il faut dire que le frère et la sœur ne sont vraiment pas de tout repos !"
Lola :
"C'est clair.... ! J’ai besoin d'être tranquille... Je dois trouver un type simple, qui m'aide à me poser dans ma vie, tu vois ?"
Mathilde :
"Je te cherchais !"

Elle est essoufflée. On dirait qu'elle a couru dans tous les étages pour me trouver. Si elle me cherche, c'est qu'elle a sûrement eu des nouvelles de Daryl, et vu sa tête...

Mathilde :
"L'hôpital a appelé."
Lola :
"Qu'est-ce qu'ils ont dit ?"

Elle m'a devancée. Nous nous sommes levées en même temps, toutes les deux, et nous attendons les nouvelles comme si nous avions peur que le ciel nous tombe sur la tête.

Lola :
"Il s'est réveillé ?"
Mathilde :
"Non, il est toujours dans le coma."

Elle se rassied sur son siège, visiblement bouleversée par la déception.

Mathilde :
"Ils l'ont opéré cette nuit. Je peux aller le voir."
Miss Mystère :
"C'est une bonne nouvelle, non ?"
Mathilde :
"J'en sais rien... Tu viens avec moi ?"
Miss Mystère :
"Tu veux que je vienne maintenant ?"

Primo j'ai une peur certaine des hôpitaux, et seconde nous sommes censés bosser cette aprèm... Que va dire Gabriel ? Elle pose un regard implorant sur moi.

Miss Mystère :
"Lola, tu viens avec nous ?"

Elle se racle la gorge.

Lola :
"Non, je préfère pas... Allez-y vite et tenez-moi au courant !"

Je comprends, au sourire désolé qu'elle m'adresse, qu'il est inutile d'insister. Mathilde repart aussitôt dans le couloir et je m'empresse de la suivre.

(...)

Mathilde ouvre la porte de la chambre en premier. Je la suis, juste derrière. Les volets sont ouverts, mais le soleil n'arrive pas à réchauffer l'ambiance qui règne dans la pièce. Les machines branchées à Daryl émettent beaucoup de bruit. Il est allongé, parfaitement immobile. Le bipe du monitoring devrait être un son rassurant. Pourtant il me glace le sang. Je ne peux m'empêcher de poser les yeux sur lui. C'est terriblement difficile de le voir dans cet état. Une angoisse sourde commence à grandir dans ma poitrine. Les chambres d'hôpital me rappellent de trop mauvais souvenirs. Je concentre mon attention sur Mathilde pour ne pas faire une crise de panique. Et je mets en place toutes mes techniques pour garder mon calme. Elle s'approche du lit. Sa cage thoracique se soulève avec difficulté. Je sais ce qu'on ressent en voyant un être proche entre la vie et la mort.

(Maman...)

Mathilde :
"Il est si différent."

Je m'avance doucement, avec une certaine retenue, car c'est un moment intime entre eux deux. Daryl est si pâle, si inerte, si loin de ce qu'il dégage d'habitude. C'est comme s'il avait déserté son corps. Ses joues ne sont plus teintées de chaleur, sa bouche n'exprime plus son sourire taquin, ses yeux clos ne peuvent plus partager ses émotions. Je pose la main sur l'épaule de Mathilde et je la sens se détendre un peu à mon contact. C'est tellement difficile ! Nous nous sentons tellement impuissants ... ! Je voudrais prendre sur moi toute cette souffrance, mais ce n'est pas possible.

Mathilde :
"Putain Daryl... Réveille-toi..."

Sa supplique, penchée sur son frère, me brise le cœur. Je me souviens très bien de mes mots pour maman, quand je l'ai retrouvée sans vie sur ce foutu lit d'hôpital.

(Maman, reviens... S'il te plaît, reviens...)

Elle n'est jamais revenue. Personne ne revient. Et elle a laissé un vide. Un vide glacial.

Miss Mystère :
"Tu dois garder espoir. Tant qu'il est en vie, il y a de toujours de l'espoir."

Une larme perle sur sa joue et tombe sur la main inerte de Daryl.

Mathilde :
"Il doit se réveiller ! Tu comprends ?"
Miss Mystère :
"Oui, je comprends..."

Je me penche contre elle et encercles ses épaules de mes bras. Je pose ma tête contre sa nuque et je ferme les yeux. Après un moment je me défais de ses bras.

Miss Mystère :
"Tu veux que je te laisse un seul avec lui ?"

Elle inspire profondément.

Mathilde :
"Non. Reste. S'il te plaît."

Je lui fais signe de tête entendue. Il n'y a rien à dire, de toute façon."

Mathilde :
"Daryl, tu sais quoi ? T'es qu'un petit con ! Réveille-toi vite, parce que j'ai vraiment envie de te péter la gueule !"

Je souris en entendant ses propos malgré l'émotion perceptible dans sa voix.

Miss Mystère :
"On offre des fleurs ou des chocolats normalement pour souhaiter un bon rétablissement, pas un cassage nez."

Nous nous sourions tristement et je serre sa main dans la mienne.

Mathilde :
"En parlant de fleurs, c'est toi ça ?"

Elle m'invite à regarder la table de chevet. Je n'avais pas remarqué le bouquet. Je suis surprise.

Miss Mystère :
"Non, c'est pas moi."
Mathilde :
"Ça doit être Lola alors ?"

Je fronce les sourcils. Si elle était venue rendre visite à Daryl avant nous, elle me l'aurait dit. Si ce n'est ni moi, ni Mathilde, ni Lola, alors de qui s'agit-il ? Un mauvais pressentiment me gagne peu à peu.

Miss Mystère :
"Y a une carte dedans, regarde, elle doit être signée."

Je m'en saisis et la lis à voix haute. Le texte manuscrit est maladroit, comme si son auteur avait dû écrire à la va-vite.

Miss Mystère :
"Bon rétablissement, C."

Nous nous regardons en silence. Nous éprouvons toutes deux la même chose : la panique !

Mathilde :
"C comme César... Putain de merde !"

Je fais tomber la carte au sol ! Elle la ramasse pour la relire.

Miss Mystère :
"Oh non ! Tu crois que c'est lui ?"

Elle plisse les paupières avec force. Son souffle s'accélère.

Mathilde :
"Aucun doute. Il a dû envoyer quelqu'un ici. Ils auraient pu le tuer, dans son lit !"

(C'est un cauchemar !)

Mathilde :
"Et moi je suis au boulot, tranquille, alors que mon frère aurait pu se faire tuer !"
Miss Mystère :
"C'est pas possible ! C'est pas possible ! C'est n'importe quoi !"

Elle commence à tourner en rond, comme une lionne en cage, dans la chambre de Daryl.

Miss Mystère :
"Attends, calme-toi ! Ils ont pas pu laisser entrer n'importe qui. Même nous, on avait pas le droit de le voir..."
Mathilde :
"Et comment ce bouquet aurait atterri ici, alors ?"

(Elle a raison. Mais alors le personnel de l'hôpital est-il complètement irresponsable ?)

Je sors de la chambre et me dirige vers l'accueil.

Miss Mystère :
"Excusez-moi, j'ai une question, s'il vous plaît."

La secrétaire continue à ranger ses papiers comme si je n'existais pas. Elle a sûrement un problème de surdité ! Ou bien ma voix, pleine d'émotion, peine à se faire entendre. Je réitère ma question en levant le ton.

Miss Mystère :
"Qui est venu dans la chambre de Monsieur Ortega ?"
Secrétaire :
"Monsieur Ortega...?"
Miss Mystère :
"La numéro 6."

Je tente de garder mon sang-froid, pendant que la secrétaire fouille dans sa paperasse. Le téléphone sonne. La secrétaire décroche, en me faisant signe de patienter avec la main. Lorsqu'elle raccroche, je répète ma question avec insistance. Elle est un peu désarçonnée.

Secrétaire :
"La chambre 6 n'a pas eu de visite. À part vous."
Miss Mystère :
"Il y a pourtant un bouquet de fleurs avec un mot. Alors, à moins qu'un membre de votre personnel soit secrètement amoureux de mon ami, il y a eu une visite !"

Le téléphone sonne à nouveau. La secrétaire me répond avant de décrocher la ligne.

Secrétaire :
"Écoutez, je suis désolée, mais j'ai beaucoup de travail."

Elle a l'air fatiguée. Je comprends bien que ce n'est pas par manque de vigilance. Cette pauvre femme ne peut pas être partout.

Secrétaire :
"Je vois que Monsieur Ortega était en chirurgie hier... Service réanimation, j'écoute."

Le service est visiblement en sous-effectif. Ce n'est pas normal. Mais en même temps ce n'est pas la faute de la secrétaire... La secrétaire raccroche à nouveau. Elle note quelque chose et regarde sur son ordinateur.

Secrétaire :
"C'est ça. Monsieur Ortega était au bloc hier... il était sous surveillance toute la nuit au service réanimation..."

Elle suit l'écran du doigt.

Secrétaire :
"Il est remonté en chambre seulement ce matin, vers 11h."

La secrétaire reçoit un nouvel appel, mais elle demande à son interlocuteur de bien vouloir patienter. Elle pose une main sur le combiné.

Secrétaire :
"Si quelqu'un était venu ce matin je l'aurais vu. Quelqu'un est peut-être passé hier. Il passe beaucoup de monde dans ce service. Il se peut que ma collègue ait oublié de le noter."
Miss Mystère :
"Il se peut que le visiteur soit passé lorsque mon ami était au bloc ?"
Secrétaire :
"Sans doute... Les bouquets de fleurs sont interdits. Notre service de nettoyage commence à passer dans les chambres en fin de matinée. Si ce bouquet est encore là, c'est que le visiteur en question est passé hier dans l'après-midi. D'ailleurs, si vous souhaitez le récupérer faites vite, car ils vont pas tarder à passer."

(Si elle savait à quel point je me fiche du sort de ces fleurs...!)

Si un homme de César est passé, et qu'il a trouvé la chambre vide, voilà qui explique que Daryl soit encore en vie. Nous aurions pu trouver un bouquet avec un tout autre message, à notre arrivée...

(Mon Dieu !!!)

Je remercie la secrétaire pour ces informations. Je me sens un peu nauséeuse, tout à coup. L'émotion, sans doute. Je retourne auprès de Mathilde. Elle est assise sur une chaise près de la fenêtre. Sa jambe bat un rythme effréné contre le lino.

Mathilde :
"Alors ?"
Miss Mystère :
"Ils n'ont pas vu de visiteurs aujourd'hui. Et hier, ils en savent rien !"
Mathilde :
"Les gars de César auraient pu entrer comme ils veulent ?"
Miss Mystère :
"Oui ! Et ce n'est pas tout a priori ils sont passés pendant que Daryl était au bloc. Donc ils ont trouvé la chambre vide. Heureusement, car nous aurions pu trouver Daryl sans vie, aujourd'hui..."
Mathilde :
"Bordel !"

Elle se prend la tête entre les mains.

Mathilde :
"Regarde-le ! C'est trop facile de le buter !"

Peut-être que je me trompe. Peut-être que leur but n'était pas de l'éliminer ! Peut-être qu'ils cherchent surtout à nous effrayer, à nous dissuader de poursuivre nos recherches. Enfin, je l'espère vraiment, sinon nous sommes tous en danger !

Miss Mystère :
"Je vais demander à voir la direction de l'hôpital pour qu'ils mettent un vigile."

Mathilde :
"Laisse tomber ! On peut toujours rêver ! Ils sont déjà en sous-effectifs pour gérer l'hôpital..."
Miss Mystère :
"Et si on prévenait la police ? Ils pourraient le mettre en témoin surveillé ?"
Mathilde :
"Tu regardes trop de films. Dans la vraie vie, ça se passe comme ça ! Et puis qui sait quel pourri peut se cacher chez les flics..."
Miss Mystère :
"Qu'est-ce qu'on peut faire, alors ?"
Mathilde :
"Je vais rester là."

Je mets un certain temps avant d'assimiler sa décision et d'en réaliser les conséquences.

Miss Mystère :
"Et le boulot ? Comment tu vas faire expliquer ton absence à Gabriel ?"
Mathilde :
"Je m'en tape du boulot ! Je laisse pas Daryl tout seul ici !"

Je ne trouve pas que ce soit une bonne idée. Ils seront en danger tous les deux si les membres du gang se pointent encore. C'est peut-être un piège.

Miss Mystère :
"Et si c'est ce qu'ils voulaient ?"
Mathilde :
"J'ai pas le choix. S'il lui arrive quelque chose pendant que je suis chez Carter Corp, je me le pardonnerai jamais."

Difficile de la contredire. La seule chose que je puisse faire c'est de retourner à Carter Corp pour limiter la casse avec Gabriel.

Miss Mystère :
"Ok. Prends soin de Daryl. Je m'occupe de gérer Gabriel."
Mathilde :
"Merci..."

Elle m'interpelle avant que j'aie atteint la porte.

Mathilde :
"Je t'aime..."

En arrivant au bureau, je fonce voir Lola. Elle m'a envoyé un message pour savoir comment allait Daryl. Elle comprend tout de suite à ma mine défaite que quelque chose ne va pas. Je la vois défaillir au fur et à mesure que je m'approche d'elle.

Lola :
"Il est..."

Sa voix disparaît dans les méandres de son inquiétude. Il faut que je la rassure.

Miss Mystère :
"Il est toujours dans le coma."

Elle pousse un profond soupir.

Miss Mystère :
"J'espère qu'il va s'en sortir. Le voir comme ça, c'est difficile..."
Lola :
"J'imagine..."

J'hésite un moment puis je me lance. Je ne peux lui cacher ce qu'il vient de se passer.

Miss Mystère :
"On a un souci..."
Lola :
"Un... souci ?"
Miss Mystère :
"Des gars de César ont déposé un mot, avec une menace sous-entendue, dans la chambre de Daryl, pendant qu'il était au bloc. Mathilde est restée là-bas, au cas où ils reviendraient."
Lola :
"Quoi ?"
Miss Mystère :
"T'inquiète pas. Mathilde reste à son chevet."
Lola :
"Mais il faut faire quelque chose ! On va attendre gentiment qu'ils viennent nous massacrer !"

Sa remarque renforce le sentiment d'impuissance que je ressens déjà.

Miss Mystère :
"On peut rien faire d'autre pour l'instant. J'y ai déjà réfléchi."
Lola :
"Tu plaisantes ou quoi ?! Faut prévenir les flics maintenant, ce sont les seuls qui peuvent vraiment le protéger !"
Miss Mystère :
"On peut pas. Imagine qu'on tombe sur un ripou. On sait même pas qui est le contact de Daryl à la police !"

Elle est hors d'elle. Je la comprends, je suis le même état, même si j'essaie de ne pas le montrer.

Miss Mystère :
"On doit attendre qu'il se réveille. Après on pourra contacter la police, OK ?"
Lola :
"Qu'il se réveille ?! Mais ça va pas ! Tu t'entends ?!"
Miss Mystère :
"Oui je m'entends ! Et crois-moi j'aimerais vraiment ne pas avoir à vivre des trucs pareils ! Mais s’il était parmi nous, c'est ce qu'il nous dirait de faire !"
Lola :
"Et on voit où ça l'a mené !"

Je jette un coup d'œil à l'heure. Merde ! Déjà 14h30 ! Je pose mes mains sur les frêles épaules de mon amie.

Miss Mystère :
"Fais-moi confiance. D'accord ?"

Elle m'adresse un regard peu convaincu, mais je sais qu'elle ne fera rien de stupide. Je la laisse à contrecœur et me dirige vers mon étage. J'ai une autre terreur blonde à gérer. Et celle-ci s'annonce bien moins compréhensive que la première... J'ai une boule au ventre, en me rendant à son bureau, mais je sais au fond de moi qu'il comprendra. Gabriel a ses défauts, mais c'est un manager humain. Lorsque j'entre dans son bureau, il a l'air bien occupé et me sourit à peine. Voire pas du tout.

Gabriel :
"Miss Mystère, tu as quelque chose à me dire ?"

Ça commence mal ! Son ton laisse deviner l'ambiance de la suite de l'échange.

Miss Mystère :
"Je suis venue te prévenir que Mathilde ne sera pas là cet après-midi."

Il lève un sourcil interrogateur.

Gabriel :
"En quoi ça te regarde ? Je croyais que vous ne travailliez plus ensemble ? Elle a besoin d'un messager ?"

Il n'est pas aussi méchant d'habitude. Pourquoi autant d'agressivité, tout à coup ?

Miss Mystère :
"Si elle avait pu te le dire en personne, elle l'aurait fait. Elle a de graves soucis familiaux."

Il m'adresse un sourire crispé.

Gabriel :
"Je n'avais pas encore eu le droit aux soucis familiaux !"
Miss Mystère :
"C'est très sérieux. Son frère est à l'hôpital en réanimation."

Le visage de Gabriel s'adoucit aussitôt. Ouf ! J'ai cru qu'on m'avait changé mon manager !

Gabriel :
"Oh... Je comprends mieux..."
Miss Mystère :
"Elle est à son chevet, et elle n'était pas vraiment en état de t'appeler. C'est pourquoi je suis venue te prévenir à sa place..."

Il se lève et déploie son grand corps élancé au-dessus de son bureau. Il le contourne pour venir se planter devant moi.

Gabriel :
"Préserve-toi."

Sa remarque me laisse confuse.

Gabriel :
"Tu es quelqu'un de bien. Toujours prête à aider les autres. Mais pense un peu à toi."

(Qu'est-ce qu'il est en train de dire ? Que je dois laisser Mathilde toute seule, dans un moment pareil ?)

Il soupire avant même de faire volte-face. Peut-être qu'il se rend compte lui-même que son attitude est déplacée.

Gabriel :
"Je suis désolée. Ça ne me regarde pas, mais je m'inquiète pour toi, tout simplement. Au-delà du travail que tu fournis ici, je t'apprécie en tant que personne, et je t'ai vue sombrer en quelques semaines."

Comment est-ce que je peux le contredire ? S'il savait, il appellerait tout de suite les flics, et ils me placeraient en cellule psychiatrique !

Gabriel :
"Je comprends que Mathilde ait des ennuis. Mais ce sont les siens, pas les tiens."

A-t-il déjà été amoureux ? Je tiens tellement à Mathilde que je veux son bonheur et que toute sa souffrance m'est insupportable. Peut-être que je m'oublie dans cette histoire, mais je ne peux pas faire autrement. C'est viscéral...
L'après-midi passe à une allure d'escargot. Mon échange avec Gabriel m'a retournée. Je ne m'attendais pas à ça. Au final, j'aurais mieux fait de sécher le boulot, moi aussi, et de rester auprès d'elle. D'une, je ne me serais pas inquiétée pour eux toutes les trente secondes. Et de deux, je n'aurais pas eu à supporter les regards de mes collègues. Les rumeurs vont plus vite que la lumière, dans cette entreprise ! Je n'arrive pas à me concentrer sur ma tâche. Mon esprit retourne invariablement à Mathilde et à l'état dans lequel je l'ai laissée à l'hôpital. La vibration de mon téléphone me sort de mes pensées obsessionnelles. Je me précipite pour ouvrir le message reçu. C'est elle. Mon cœur se met à battre à mille à l'heure. J'ai peur d'une mauvaise nouvelle. Elle pourrait m'annoncer la dégradation de l'état de Daryl. Elle pourrait m'annoncer une nouvelle visite du gang... Je prends une profonde inspiration avant d'ouvrir le texto. Je place tous mes espoirs dans ce petit objet.

Mathilde :
"Le toubib est passé, les résultats de l'opération sont bons"

Je retrouve un souffle d'oxygène ! Oh mon dieu !

Miss Mystère :
"Il s'est réveillé ?"

Elle me répond aussitôt.

Mathilde :
"Pas encore, mais d'après eux, ça ne devrait pas tarder ! Je reste là cette nuit, au cas où. … »

Je ne m'étais pas rendu compte à quel point j'étais tendue jusque là. Quel soulagement ! Je peux enfin respirer normalement. En attendant, elle sera seule toute la nuit. On ne sait jamais ce qui risque de se passer. Je suis partie pour une nuit blanche à cogiter sévère. Mon téléphone vibre à nouveau.

Mathilde :
"Ça va aller toi ?"
Miss Mystère :
"Oui. Prends soin de ton frère."

Je ne peux m'empêcher d'afficher un sourire un peu béat à mon téléphone. Elle pense toujours à ma sécurité, alors qu'elle est dans la pire des situations.

Mathilde :
"T'es géniale ma belle. Merci d'être là pour Daryl et moi."

Mon cœur s'emballe comme au premier jour. J'aimerais tellement que l'épisode Lana ne soit qu'un sombre cauchemar, un truc qui ne se serait jamais produit. J'écris, porte par mes sentiments : "Je t’aime...". Mais je reste un instant le doigt suspendu sur la touche "envoyer". Avant tous ces événements nous n’avions pas encore réglé nos différents, elle et moi. Est-ce que je dois oublier son comportement avec Lana ? Tout effacer de ma mémoire et repartir à zéro ? Non, mais je dois essayer de passer outre, si j'ai envie que ça marche avec elle. Et je dois me rendre à l'évidence, je n'imagine pas ma vie sans elle. Soit j'envoie tout valser, soit j'accepte qu'elle ait eu un moment de faiblesse, et je lui laisse une dernière chance de me prouver la sincérité de ses sentiments. Je soupire et supprime finalement mon message. Ce n'est pas le moment. Pas encore... Alors que j'envoie un message à Gabriel concernant un dossier, je reçois un e-mail de Colin.

E-mail de Colin :
"Ce soir, salle de concert habituel, 18h."

Avec toutes ces émotions, j'en avais oublié notre petite mission d'espionnage ! Il doit avoir du nouveau sur Lana. Enfin ! Je vais enfin pouvoir avoir la preuve des agissements de cette garce ! Elle va être définitivement démasquée ! Je lui réponds immédiatement.

Miss Mystère :
"J'y serai sans faute."

À 18h pétantes je quitte le bureau, direction, la salle de concert. À peine sorti, mon téléphone sonne.

Mathilde :
"Hey."
Miss Mystère :
"Hey."
Mathilde :
"Colin m'a prévenu, mais il a rien voulu dire au téléphone. Tu fais gaffe en chemin. Prends un taxi."
Miss Mystère :
"Ça va... Je risque rien... Ils vont pas m'attaquer en plein jour."
Miss Mystère :
"Tu rigoles ou quoi ? Déconne pas sinon je me pointe."

Je soupire et siffle un taxi.

Miss Mystère :
"Comment va Daryl ?"
Mathilde :
"Toujours pareil..."

Miss Mystère :
"Ça va aller. Il a fait le plus dur."
Mathilde :
"Ouais..."

Je sens qu'à sa voix qu'en plus d'être inquiète elle est épuisée. L'accumulation des nuits blanches commence à se faire sentir.

Mathilde :
"Miss Mystère...?"
Miss Mystère :
"Oui...?"
Mathilde :
"Quoi que Colin t'apprenne, tu fais rien de stupide ok ?"

Je ricane.

Miss Mystère :
"Comme quoi ?"
Mathilde :
"Comme aller fouiner là où il faut pas tout seule."
Miss Mystère :
"Je te promets que je ferai rien de stupide et que je te ferai un rapport détaillé des découvertes de Colin."

J'entends des bruits de portes et des voix dernières elle. Qu'est-ce qui se passe...?

Mathilde :
"Attends... Je dois te laisser, le toubib revient."
Miss Mystère :
"D'accord ! Tiens-moi au courant."

Je raccroche, le coeur battant. J'espère juste que le toubib n'apporte pas de mauvaises nouvelles.
Dès que le taxi me dépose devant la salle de concert je m'y engouffre à toute allure, comme si le diable était à mes trousses. Lorsque Colin me voit accoudée au bar il me rejoint aussitôt et m'entraîne au fond de la pièce.

Colin :
"J'ai trouvé des choses. Mais mon logiciel a merdé et j'ai des infos tronquées."

Il attrape ma main, y place un petit objet et referme mon poing dessus.

Colin :
"Tu m'as jamais vu te donner ça."

Je hoche la tête.

Colin :
"Avant de décrypter les données, j'ai fait des recherches et j'ai rien trouvé sur elle. Elle a laissé aucune trace de son séjour en Europe. Rien dans les registres d'écoles d'infirmières, rien dans les hôpitaux, aucune location à son nom. Que dalle."

Cette nouvelle confirme ma première impression, et quelque chose me dit que ce n'est que la mise en bouche !

Miss Mystère :
"C'est étrange, non ?"
Colin :
"C'est pas le plus étrange."

Il aiguise mon attention et ma curiosité.

(Je ne pensais pas qu'il pouvait être un homme aussi distrayant !)

Colin :
"Tu r'garderas. Mais y a clairement des selfies qui la montrent pas du tout au chevet de patients ! Plutôt à siroter des cocktails à Venice Beach..."
Miss Mystère :
"À Venice Beach ?"
Colin :
"Ouaip. Les photos datent de l'année dernière, à la même période où elle prétendait jouer mère Thérésa en Europe."

Bingo ! Premier énorme mensonge.

Colin :
"Alors, à moins qu'elle ait une soeur jumelle dont on connaît pas l'existence, un clone ou un sosie... Lana a jamais été en Europe pour être infirmière."
Miss Mystère :
"Colin, je t''aime !"

Je lui saute au cou et l'embrasse sur la joue. Il est paralysé, comme si on venait de lui planter une flèche tranquillisante. Je me ressaisis avant que mon euphorie ne le fasse fuir. Elle n'est peut-être jamais partie en Europe et s'est simplement cachée à l'autre bout du pays.

Miss Mystère :
"Elle nous mène en bateau depuis le début. Son retour, pile au moment où son frère se faitbalancer en prison, concorde un peu trop."
Colin :
"Ben justement... J'tai gardé le meilleur pour la fin."

Honnêtement, je commence à me dire que je mets les pieds dans un truc énorme, et ça ne me rassure pas du tout... Je lui envoie un regard insistant pour l'encourager à cracher le morceau tout de suite !

Colin :
"Mon logiciel a merdé, j'te l'ai dit, mais j'ai pu retracer pas de choses quand même. Elle a été en contact avec César. Il s'est procuré un téléphone dans la prison."
Miss Mystère :
"Rien de nouveau. Je l'ai surprise en train de lui parler..."
Colin :
"Elle lui a envoyé des textos. J'ai eu des bribes pas toujours lisibles, mais y a un truc qui a retenu mon attention... Et c'est pas bon pour vous, les amis..."

Je suis littéralement pendue à ses lèvres. Que lui s'inquiète n'augure rien de bon...

Colin :
"J'te laisserai lire par toi-même, mais, en gros, elle donne le feu vert à César pour aller cogner les Ortega. Elle lui dit même qu'elle a tout fait pour récupérer Mathilde. Elle a essayé de la bourrer, de la chauffer, mais rien. Elle est toujours repartie bredouille. D'après ses dires, Mathilde a préféré s'amouracher d'une petite salope."

Il se rattrape tout de suite.

Colin :
"Désolé, J'pense qu'elle parle de toi."
Miss Mystère :
"On dirait bien..."

Je devrais accuser le coup, réaliser l'ampleur du problème. Mais il n'y a qu'une seule chose que je retienne, là tout de suite : Mathilde n'a pas couché avec Lana !

Miss Mystère :
"Donc, si je résume... Elle est jamais partie en Europe. Elle revient quand son frère se fait choper. Elle tente de récupérer Mathilde. Elle ment à tire-larigot. Elle contacte son frère pour lui ordonner de laisser Mathilde tranquille. Mais elle la repousse. Elle se vexe. Elle contacte son frère pour lui dire qu'il peut faire ce qu'il veut avec Mathilde, parce qu'elle en a plus rien à cirer."
Colin :
"Pt-être..."

Un des musiciens l'interrompt. Une grande gigue tatouée et percée, au regard mauvais. Son groupe s'impatiente.

Miss Mystère :
"Mais y a un truc que je pige pas... Pourquoi, si elle s'est fait passer pour morte pour fuir César, elle revient des années plus tard et lui parle comme si de rien n'était ?"
Colin :
"J'sais pas. Tout c'que j'sais c'est que vous êtes liés à un gang, et que cette gonzesse est pas nette."

Le punk s'impatiente et Colin lui renvoie un regard glacial. Du genre qui ne te donne pas envie de l'importuner une troisième fois...

Colin :
"J'dois y aller. Faites pas de conneries."

Il repart en direction de la scène. Puis il s'arrête et se retourne vers moi.

Colin :
"Rentre pas seule. Si tu patientes jusqu'à la fin du concert j'te ramène."

La situation ne serait pas si grave, je pourrais le chambrer. En effet c'est étonnant, alors qu'il a toujours l'air toujours d'être au-dessus de tout, qu'il s'inquiète pour moi...

(...)

Je suis dans un état de stress intense... Prête à débarquer à l'hôpital ! 21h35 et toujours pas de Mathilde ! J'ai essayé de l'appeler, de lui laisser des messages, mais rien ! Quand mon téléphone sonne enfin je me jette littéralement dessus. La panique me submerge. Si ça continue, je vais faire une syncope ! Je décroche enfin à la cinquième sonnerie, juste avant que le répondeur se mette en marche.

Miss Mystère :
"Oui !"

L'angoisse m'a carrément essoufflée. Ça s'entend probablement, car elle est étonnée.

Mathilde :
"Pourquoi tu souffles ? Tu viens de...courir ?"

Courir ? Tu te fous de ma gueule ?"

Miss Mystère :
"Je me suis fait un sang d'encre... Tout va bien ? Ça fait des heures que je cherche à te joindre..."
Mathilde :
"Daryl s'est réveillé !"
Miss Mystère :
"Quoi ? Quand ?!"
Mathilde :
"Le toubib est arrivé et, pendant qu'il me parlait de l'opération, la machine a fait des bruits bizarres. Ils ont embarqué Daryl, j'ai couru après eux... Putain, un cauchemar ! J'ai cru que c'était fini... Mais il s'est réveillé, cet idiot ! Il s'est réveillé, t'entends ?!"

C'est un soulagement énorme. Des larmes me montent aux yeux. L'angoisse qui siégeait au fond de moi disparaît et laisse place à une joie intense.

Miss Mystère :
"Bon sang ! Je suis soulagée !"
Mathilde :
"Moi aussi ! Il est pas rétabli à cent pour cent, mais il est là... toujours aussi con qu'avant, d'ailleurs !"

L'entendre plaisanter est vraiment le signe que tout va mieux.

Mathilde :
"Le coma artificiel devrait pas avoir endommagé son cerveau, mais j'ai des doutes..."
Miss Mystère :
"On se demande qui le plus con des deux ?"
Mathilde :
"Il va devoir rester encore quelques jours à l'hôpital, le temps qu'il se remette d'aplomb complètement."

Miss Mystère :
"Tu vas pas pouvoir rester à son chevet pendant tout ce temps."
Mathilde :
"À vrai dire je voulais passer chez toi..."

Mon coeur s'emballe.

Miss Mystère :
"Juste... Tu peux me passer Daryl une minute ?"
Mathilde :
"J'peux pas, les infirmières lui font les soins en ce moment. Il est pas encore hyper remis. Et en plus il dort à moitié."
Miss Mystère :
"Ok je vais attendre que le Belle au bois dormant soit présentable, alors !"
Mathilde :
"C'est mieux. Il appelé ses gars pour monter la garde. Je pense pas que les types de César viennent s'y frotter."
Miss Mystère :
"En parlant de César, Colin a obtenu des infos sur Lana... Faut absolument qu'on en parle."
Mathilde :
"Ça marche. J'arrive."

Nous avons du mal à raccrocher, pendant qu'elle rejoint sa moto pour venir chez moi. Je me sers un verre en l'attendant. Je crois que j'en ai besoin pour tout lui expliquer ! Lorsqu’elle frappe trois coups à la porte Topaze aboie. Je le gronde. La vieille dame du dessus va encore me faire une réflexion ! Entre. Elle ébouriffe ses cheveux et pose son casque sur le petit meuble de mon entrée. Nous nous observons quelques secondes.

Mathilde :
"Salut."
Miss Mystère :
"Salut."

Je triture mon verre. Le rythme de mon coeur s'est accéléré, mes mains sont moites, j'ai les jambes cotonneuses... Je réalise que je ne porte qu'une simple nuisette et je me sens presque nue sous son regard. Est-ce un acte manqué...?

Miss Mystère :
"Tu veux boire quelque chose ?"
Mathilde :
"La même chose que toi."

Je me retourne et me déplace pieds nus jusqu'à la cuisine. Pendant que je sers le liquide, je me rends compte que ma main tremble un peu.

(Du calme, ce n'est que Mathilde.)

Tout à coup, je sens deux mains se poser sur ma taille. Une douce chaleur se diffuse dans tout mon corps. Je ferme les yeux une seconde pour profiter de ce contact. Elle vient embrasser ma nuque. Je lâche malgré moi un soupir d'aise et je recule contre elle.

(J'ai tellement besoin de ses bras ! Je suis attirée par elle comme un insecte par la lumière.)

Ses baisers suivent une ligne imaginaire jusqu'à mon oreille et ses mains remontent le long de mes flancs.

Miss Mystère :
"Mathilde..."
Mathilde :
"J'ai envie de toi, princesse... J'ai besoin de toi de te sentir, de te toucher... J'en peux plus de cette distance entre nous..."

Sa voix chaude me murmure des paroles pleines de promesses.

(Si elle savait comme mon corps la réclame ! Comme je me sens désirable sous ses caresses...)

Miss Mystère :
"J'en ai envie aussi, mais il faut qu'on parle de ce que Colin..."
Mathilde :
"Pas maintenant ! Je te veux, là, tout de suite. La vie est trop courte, putain ! Donne-toi à moi, princesse..."

Son empressement et son désir ardent ont raison de mes dernières barrières. Je dois me rendre à l'évidence, j'ai cette femme dans la peau. J'ai des sentiments si forts pour elle que j'ai résisté là où d'autres auraient tout lâché. Elle s'est ressaisie, elle m'a prouvé qu'elle m'aimait. Je sais au fond de moi que ses sentiments sont sincères. Elle me fait pivoter pour lui faire face. Nous nous observons intensément, comme si nous prenions toute la mesure de ce qui nous arrive. Parfois les mots sont bien inutiles, face à des regards si profonds. Elle passe une main le long de ma joue pour m'attirer à elle. Le contacte de sa peau sur la mienne est tellement fort ! Elle m'avait tant manqué ! Sa bouche s'empare de la mienne. Mon cœur explose en mille morceaux. Je me désintègre dans ses bras. Je ressens la fusion qui nous unit, celle qui me rend dingue quand elle n'est plus entre nous. J'ai besoin de la ressentir au plus près de moi, de la retrouver.

Mathilde :
"Je suis folle, princesse...tu vois pas ? Je suis folle de toi depuis toujours !"

Non, elle n'est pas folle. Elle a dû lutter contre ses démons, mais elle m'est restée fidèle.

Miss Mystère :
"Non, t'es pas folle. T'es juste humaine, c'est tout."

Elle me serre un peu plus contre elle.

Mathilde :
"Et je suis à toi, tout entière."

Son baiser est féroce, vorace. Ses mains commencent à parcourir mon corps et entraînent le mien à se presser contre elle. Mon estomac se noue d'un désir violent. Je la veux. Elle est ma femme et rien ne nous séparera jamais. Nous sommes restés trop longtemps éloignés l'une de l'autre. Ce manque était éprouvant, comme si l'on m'avait arraché une partie de moi. Notre union me paraît viscérale. Je la sens au plus profond de mes entrailles. Sans notre séparation je n'en aurais pas forcément pris conscience. Cela fait une éternité, me semble-t-il, que nous n'avons pas été aussi proches physiquement. Je soulève son tee-shirt pour glisser ma main sur ses abdos. La chaleur de son corps contre le mien m'avait terriblement manqué. Mathilde enlève sa veste et tout ce qui la sépare de ma peau, agrippe mes cuisses et me soulève contre elle. J'ai un hoquet de surprise, vite interrompu par sa langue dans ma bouche. J'entoure sa taille de mes jambes et presse mes talons contre ses fesses. Elle dévore alors ma nuque d'une série de baisers ardents. Sa voix murmure en boucle ce que j'ai toujours rêvé d'entendre.

Mathilde :
"Y a que toi qui compte... Que toi."
Miss Mystère :
"Dis-le encore une fois..."
Mathilde :
"Y a que toi que j'aime, ma princesse."

J'ai douté que nous retrouvions un jour cette complicité, cette intimité. Je me suis trompée. Notre amour a été le plus fort. Il n'y a qu'elle sur qui compter. Je vais tout faire pour que nous arrivions à construire ensemble quelque chose de beau... Ses doigts se promènent sur mes hanches nues. Elle décrit de petits cercles, les yeux perdus dans la contemplation de mes courbes. Je l'observe, une main contre ma joue. Elle est si belle ! Si vulnérable aussi.

Miss Mystère :
"Tu crois qu'on va y arriver ?"

Elle arrête son mouvement de ses doigts et plante ses yeux noisette au fond des miens.

Miss Mystère :
"Je veux dire... Toi et moi... Tu crois qu'on va arriver à construire quelque chose... Sans drame ?"

Elle soupire et reprend ses dessins imaginaires. Un délicieux frisson naît sur ma peau.

Mathilde :
"Je l'espère..."

Je me redresse, j'attrape sa main et je capture ses lèvres. Je scelle une promesse silencieuse, celle de la réussite de notre histoire.

Miss Mystère :
"J'ai faim, tu veux quelque chose ?"
Mathilde :
"Oui. Toi."

Elle m'attrape par la taille et me fait rouler au-dessus d'elle dans un mouvement habile.

Mathilde :
"J'aimerais commencer par grignoter cette oreille..."

Elle me fait des chatouilles, en faisant mine de mordiller mon oreille ! J'éclate de rire !

Miss Mystère :
"Arrête ! Arrête !"
Mathilde :
"Et puis, ensuite, je prendrais bien un petit bout de ça..."

La voilà qui s'attaque à mordiller mon flanc ! Encore une fois je pars dans un fou rire incontrôlable ! Je m'accroche à ses bras en me tordant de rire ! Impossible de lui échapper, de toute façon ! Topaze, mon fidèle compagnon, vient à mon secours en aboyant comme un dératé !

Miss Mystère :
"Arrête ! Arrête !!! Si le voisin du dessus nous entend il va me faire une scène !"

Elle me donne une seconde de répit et me regarder avec un air de coquine.

Mathilde :
"Je crois qu'il nous a déjà entendus tout à l'heure, non ?"

Je lui donne une tape sur l'épaule et je parviens à m'échapper je ne sais pas trop comment ! J'enfile rapidement son t-shirt et me rends jusqu'à la cuisine pour sortir quelques trucs à tartiner. Elle me rejoint quelques minutes après. À mon grand regret, elle a déjà enfilé son jean. Lorsque j'apporte le plateau au salon, je vois mon ordinateur encore ouvert, avec la clef USB de Colin. Mon cœur se serre. Je n'ai vraiment pas envie de parler de Lana, maintenant que nous avons retrouvé notre complicité. Mais nous n'avons pas vraiment le choix. Tout ce que Colin a trouvé est trop important.

Miss Mystère :
"Il faut qu'on parle de ce que Colin a découvert."

Elle grogne et s'affale nonchalamment sur mon sofa. De toute évidence elle n'a plus envie de moi de parler des sujets qui fâchent... J'attrape mon ordinateur et m'assieds contre elle. Topaze pose sa tête contre ma cuisse. Est-ce qu'elle comprend que c'est un moment difficile pour nous ?

Miss Mystère :
"Tout est sur cette clef. Tu veux regarder avec moi ou je te fais un résumé ?"
Mathilde :
"Fais-moi un résumé... Je te fais confiance, de toute façon."
Miss Mystère :
"OK. Lana n'est jamais allée en Europe..."

Elle m'observe en silence. Ses yeux sont insondables.

Miss Mystère :
"Colin n'a absolument retrouvé aucune trace d'elle par rapport à des études d'infirmière... Mais, plus troublant, il a chopé un certain nombre de photos de selfies qui montrent qu'elle était toujours dans le pays, toutes ces années."

Elle pousse un juron.

Mathilde :
"Comment j'ai pu être aussi conne... ?"

Je la vois à son expression, elle s'en veut terriblement. Sa mâchoire est contractée, mais son regard est triste.

Miss Mystère :
"T'étais perdu... Je te reconnaissais plus. Comme si t'étais que l'ombre de toi-même et la marionnette de cette garce."
Mathilde :
"La marionnette... Putain, c'est tellement ça ! Je me foutrais des claques, bordel !"
Miss Mystère :
"Je t'avoue que si t'avais pas repris rapidement tes esprits, j'aurais pas pu continuer..."
Mathilde :
"Je sais... Dire que j'ai failli te perdre..."

Elle serre ma main dans la sienne et toute la détresse que je lis dans son regard me trouble. J'hésite à lui communiquer le reste des infos...

Miss Mystère :
"Bon. Par contre il y a bien pire. On est vraiment en mauvaise posture..."

Elle se redresse un peu et m'écoute attentivement.

Miss Mystère :
"Lana est en contact avec son frère. On sait pas depuis quand, mais, en tous cas, elle a échangé avec lui, depuis qu'on a mis un mouchard sur son téléphone."

Visiblement elle a pas apprécié du tout que tu la repousses, malgré tous ses bobards et ses... tentatives ratées. Et si elle te protégeait de César jusqu'à présent, elle lui a donné le feu vert te concernant.

Mathilde :
"Putain..."

Elle accuse le coup.

Mathilde :
"C'est pour ça que les types de César ont voulu défoncer Daryl ?"
Miss Mystère :
"Je suppose."
Mathilde :
"Mais je comprends pas... Pourquoi Daryl ? Pourquoi pas moi ? Et pourquoi elle a trouvé un moyen complètement fou de s'éloigner de gang, si c'est pour retrouver son frère après tout ce temps ?"
Miss Mystère :
"J'en sais rien... Il nous manque des éléments... Je comprends pas plus que toi pour l'instant."

Elle se passe la main sur le visage.

Mathilde :
"On peut pas rester les bras croisés en sachant ça. Je vais pas attendre que les gars de César viennent me cueillir, ou pire... qu'ils s'en prennent à toi. Quant à Lana... J'en fais une affaire personnelle."

C'est la première fois que je lis autant de colère dans ses yeux, d'habitude si pétillants.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu veux faire ?"
Mathilde :
"On va attendre que Daryl soit sur pied et on va trouver une solution tous les trois. En attendant dans on fait profil bas."

Je note que cette fois elle ne me met pas de côté. Je fais partie de l'équipe Ortega. Lana et César n'ont qu'à bien se tenir ! Tout à coup on frappe à ma porte. Je me fige. Elle fronce les sourcils. Après la conversation que nous venons d'avoir, cette visite surprise en plein milieu de la nuit n'augure rien de bon... Elle me fait signe de ne pas bouger et se lève. Mon estomac se tord d'appréhension. Je retiens Topaze contre moi. Elle s'empare d'un couteau et s'approche de ma porte. J'ai l'impression que la situation est surréaliste. Tout à a coup elle se retourne vers moi, les traits à la fois soulagés et surpris.

Mathilde :
"C'est Lola !"
Miss Mystère :
"Ben ouvre-lui !!!"

Je lâche Topaze et je me lève rapidement. Elle se tient sur le palier, l'air complètement abattu. Que fait-elle ici, à cette heure ?

Mathilde :
"Lola, ça va pas ?"

Elle secoue la tête de gauche à droite en guise de réponse. Son menton tremble et ses yeux brillent. Avant que Mathilde n'ait pu articuler quoi que ce soit, elle s'écroule dans ses bras en sanglotant. Mathilde, pris au dépourvu, me regarde, l'air de dire : "Qu'est-ce que je fais, moi ?" Je passe une main dans le dos de mon amie. Elle se jette alors dans mes bras en sanglotant de plus belle.

Miss Mystère :
"Ma belle...Qu'est-ce qui te met dans cet état ?"
Lola :
"On s'est séparé avec Daryl..."
Miss Mystère :
"Oh..."

Je jette un œil à Mathilde. Elle a l'air complètement larguée. Je lui envoie un regard explicite : "Attention, on doit parler toutes les deux !"

Mathilde :
"Je vais promener Topaze..."

(Message bien reçu.)

Elle disparaît presque en couple vent, Topaze, tout content sur ses talons. Lola soupire profondément et renifle bruyamment.

Lola :
"Je suis désolée. Daryl s'est réveillé, c'est une bonne, super nouvelle pour Mathilde, et moi je viens pleurer dans tes bras..."

Je poursuis notre étreinte. Je sens qu'elle a besoin d'une épaule compatissante avant de m'en dire plus.

Miss Mystère :
"Ça va aller. Je suis là !"

Elle hoche doucement la tête et je l'accompagne jusqu'à mon salon. Je ferme l'ordinateur et le range rapidement sous la table. Je la regarde un instant. Elle a les yeux bouffis, le nez tout rouge. Pauvre bichette !

Miss Mystère :
"Bouge pas. Je vais te chercher un verre d'eau."

Je rapporte le verre et le lui tends. Je m'installe à côté d'elle et je pose une main sur son genou.

Miss Mystère :
"Tu m'expliques ?"

Elle avale une gorgée d'eau et inspire une grande bouffée d'air, comme pour se donner du courage.

Lola :
"Je l'ai appelé pour prendre de ses nouvelles, mais y avait un gros malaise. Il a vite compris et m'a dit qu'il était pas un mec pour moi. Que sa vie était bien trop dangereuse pour une petite secrétaire comme moi."

(Faut croire que c'est une rengaine chez les Ortega !)

Miss Mystère :
"Et toi, t'en penses quoi ?"
Lola :
"Je pense qu'il a raison. On en a déjà parlé. Tout ce qui se passe, c'est trop pour moi. Mais ça fait mal..."

Elle éclate à nouveau en sanglots et je la prends dans mes bras pour la bercer doucement. Il n'y a rien à faire, juste être présente.

Lola :
Je me sens tellement égoïste de venir te voir là, avec tout ce qui se passe..."
Miss Mystère :
"Tu plaisantes ? Y a pas de souci ! Je suis là pour ça !"

Elle m'adresse un sourire de reconnaissance.

Lola :
"Pourquoi il y a toujours un truc qui cloche les mecs qui m'attirent ? Tu crois que ça vient de moi ?"
Miss Mystère :
"C'est pas de ta faute. Les hommes ont de la bouillasse à la place du cerveau et l'écran total sur les yeux !"

Elle approuve silencieusement en hochant de la tête.

Lola :
"Tu sais quoi ? Je vais finir vieille fille, seule avec mes chats."
Miss Mystère :
"Mais non, regarde Tina Turner, Jennifer Lopez, Madonna... Ton mec est pas encore né, c'est tout."

Elle esquisse un faible sourire, et moi aussi. Si Mathilde nous entendait, elle grincerait des dents.

Miss Mystère :
"Tu vas rester dormir ici cette nuit."
Lola :
"T'avais pas un...truc de prévu avec ta belle brune ?"
Miss Mystère :
"On a déjà bien consommé la soirée. Elle dormira sur le canapé. Visiblement elle a envie de passer du temps avec topaze !"
Lola :
"Tu m'étonnes ! Elle a surtout allumé son alerte "meuf en détresse" et s'est faufilée en douce. La pauvre..."
Miss Mystère :
"On la plaindra un autre jour. En attendant, hors de question que je laisse ma copine seule cette nuit."

Elle me sourit et je la prends à nouveau dans mes bras. Je prie pour que la roue se remette à tourner pour chacun de nous...

(...)

Cette journée e été spécial. Nous avons compté les heures avec Mathilde, trop pressés d'aller voir Daryl. Les nouvelles sont bonnes. Il est vraiment une force de la nature. Il parle déjà de quitter l'hôpital. Je suis rassurée, car "ses gars", comme il dit, ont monté la garde. Même si parfois je me demande qui sont vraiment ces types, finalement je préfère ne pas savoir. J'ai l'impression que Daryl connaît beaucoup de monde. Sa villa est toujours pleine à craquer. Et je ne parle même pas des stars qu'il côtoie. Avec Mathilde nous avons quitté le bureau au plus vite et nous sommes partis pour l'hôpital. Je remonte dans la chambre de Daryl, des cafés en main. Je les ai laissé échanger sur la situation. J'avais moyennement envie de remuer encore tous les détails... Quand je pousse la porte, je vois Daryl debout, le dos contre la fenêtre, Mathilde assis en face de lui. Il est déjà en tenue pour sortir.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu fous debout ?!"

Il me lance son petit sourire en coin, preuve qu'il va mieux, et attraper un des gobelets.

Daryl :
"J'ai déjà ma frangine sur le dos, j'ai pas besoin d'une maman, en plus !"

Je tends le café à Mathilde et je m'assieds sur le lit.

Miss Mystère :
"Mais les toubibs t'ont dit que tu pouvais te lever ?"
Daryl :
"Ils m'ont pas dit que je pouvais pas."

Soudain on toque à la porte et une infirmière montre le bout de son nez. Elle semble rougir lorsqu'elle s'avance vers Daryl.

Infirmière :
"Je vous laisse ça là. Il nous en restait, je me suis dit que ça vous ferait plaisir. Et surtout du bien pour reprendre des forces..."
Daryl :
"Oh merci beaucoup, Claudia, vous êtes un ange."

Elle glousse comme une adolescente, avant de quitter la chambre. Elle vient de minauder, ma parole ??

Mathilde :
"Claudia ? Vraiment... ?"

Elle adresse à son frère un sourire mutin. L'infirmière a déposé quelques biscuits au chocolat sur la tablette.

(Je rêve ! Je n'ai jamais eu droit à ça moi !)

Daryl :
"Le fantasme de la petite infirmière..."
Miss Mystère :
"Y a pas de doute, tu vas beaucoup mieux !"

Il se penche vers moi avec son air idiot vissé sur le visage.

Daryl :
"Elles m'ont vu dans mon plus simple appareil et ont pu mesurer l'ampleur de la bête..."

Je manque de m'étouffer avec mon café et Mathilde s'esclaffe.

Miss Mystère :
"La connerie, c'est un truc de famille chez vous !"

Il est irrécupérable ! Mais, si dans d'autres circonstances il m’avait agacé, là je suis heureuse de le retrouver dans toute sa splendeur. Je ne suis pas dupe pour autant, je sais très bien que ce n'est qu'une façade. Donc j'évite soigneusement de lui parler de Lola. Il souffle sur son café et nous restons tous les trois silencieux un instant. Comme si aucun d'entre nous ne voulait commencer.

Mathilde :
"Bon, du coup, t'es au courant de toute l'histoire. On fait quoi maintenant ?"

Elle est comme moi, elle déteste la passivité. Il est hors de question de ne pas démêler cette histoire.

Daryl :
"Alors primo, vous êtes inconscients d'avoir mouchardé le téléphone de Lana ! Je suis dans le coma quelques jours et vous faites n'importe quoi !"
Mathilde :
"Je te rappelle qu'on tout fait pour sauver tes miches..."
Miss Mystère :
"Et en attendant, on a eu des infos qu'on n’aurait pas eues autrement."

Il semble ignorer nos arguments et poursuit, l'air très sérieux, comme s'il s'adressait à deux gosses !

Daryl :
"Deuxio, vous ne faites plus rien ! Je vais joindre mon contact chez les flics pour en savoir plus."
Miss Mystère :
"Les flics ? Je croyais qu'on pouvait pas leur faire confiance ?!"
Daryl :
"Mon contact suit César de près. Sa cellule agit dans l'ombre et cherche à faire tomber tout le gang. Ça m'étonnerait pas qu'il ait des infos sur Lana, si elle a été en contact avec son frère depuis son retour."
Miss Mystère :
"On doit élaborer un plan !"
Daryl :
"On est pas dans l'agence tous risques !"

(Mince, moi qui ai toujours rêvé de dire, en mâchouillant mon cigare : "J'adore quand un plan se déroule sans accroc." )

Mathilde :
"Daryl, elle a raison, on peut pas rester les bras croisés. Et s'ils s'en prennent à elle..."
Daryl :
"Pas de risque, mes gars sont déjà sur le coup."
Miss Mystère :
"C'est moi le coup ?"
Daryl :
"Ouais, ils gardent un œil sur toi. Je déconseille aux gars de César de se pointer trop près de toi."

Je suis touchée qu'il ait déjà tout mis en place pour ma sécurité. Il ne le dit pas, mais je suis sûre qu'il en a fait autant pour sa sœur.

Miss Mystère :
"Mais t'as combien de gars qui bossent pour toi.... ?
Daryl :
"T'as pas à le savoir..."
Mathilde :
"Je reste avec elle, de toute façon."
Daryl :
"Ouais, tu fais la garde rapprochée, j'en doute pas..."

Les réflexions ont fusé et j'ai l'impression d'être au centre d'une sorte de tournois entre deux chevaliers. Hé ho ! On est plus au moyen-âge !

Miss Mystère :
"Hey !!! Je suis là, je vous signale ! Et en plus de ça je sais me défendre ! Je peux te dire qu'un des types qui t'a agressé a dû passer une sale soirée, après avoir eu affaire à moi."
Daryl :
"Elle est mignonne..."

Il soupire, pose son gobelet et s'approche de moi.

Daryl :
"On parle pas d'un type dans une ruelle. On parle d'un gang entier. Armé et sous le contrôle d'un taré imprévisible."
Mathilde :
"Si c'est pas d'une taré..."

Sa réflexion nous laisse stupéfaits, Daryl et moi. Nous nous retournons vers elle d'un même mouvement.

Daryl :
"Content de te voir de retour dans la partie, sœurette ! J'ai bien cru que ta revenante t'avait lavé le cerveau..."
Miss Mystère :
"Mathilde... Qu'est-ce que tu veux dire... ?"
Mathilde :
"J'sais pas... Je suis prête à parier que Lana a son rôle dans le gang. Peut-être que c'est pas César qui est au top de la chaîne."

Tout à coup je réalise. Si je me suis mise à dos une chef de gang, je suis dans la merde jusqu'au cou !

Daryl :
"Si c'est le cas, raison de plus pour que vous restiez en retrait, tous les deux, pendant quelque temps. Lana ou César, peu importe. Dans tous les cas, ils bafouent toutes les règles de la rue. J'ai passé un pacte avec le père. Je vais gentiment aller lui rafraîchir la mémoire."
Miss Mystère :
"Tu crois que c'est lui, le grand chef ?"
Daryl :
"Y a pas vraiment de chef, dans ce type de gang. Mais t'as toujours un cerveau, on va dire... Bref, en attendant de démêler tout ce merdier, vous la mettez en veilleuse ! Partez aux Bahamas, à Honolulu, où ça vous chante, mais vous vous faites tout petits ! Si Lana est ce qu'on pense, on va éviter de trop l'énerver."

Je pense que Lana est sans aucun doute une garce, mais qu'elle soit carrément à la tête d'un gang me paraît peu probable. J'acquiesce aux recommandations de Daryl, mais je vais continuer à mener ma petite enquête de mon côté...

Aujourd'hui j'essaie de me noyer dans mes dossiers, pour éloigner de mon esprit le gang, Lana, et tout ce qui me tracasse en ce moment. La surcharge de travail qui m'attend est une parfaite échappatoire. Mathilde a pris sa journée. Elle avait du sommeil à récupérer. J'espère simplement qu'ils ne vont pas agir dans mon dos... Je sais qu'elle s'est arrangée avec Gabriel. En attendant, mon manager a exigé que le dossier soit bouclé pour aujourd'hui. Je m'efforce d’oublier mes problèmes personnels pour me concentrer sur le travail. La journée défile pourtant, et c'est totalement vide que j'apporte ma touche finale au fameux dossier. J'ai l'impression de faire les choses à l’arrache, en ce moment. J'espère seulement que Gabriel ne sera pas trop regardant. Mais je ne me fais pas d'illusions, il n'est pas homme à se laisser berner facilement. Et son niveau d'exigence est connu de tout le service. J'arrive dans son bureau, peu assuré. Il est tard, mais il est encore là. C'est le genre à arriver avant moi, et à repartir toujours après moi. Le tout en en étant toujours nickel. À croire que la fatigue ne l'atteint pas.

Gabriel :
"Merci Miss Mystère. Ça te dit d'aller boire un verre pour relâcher un peu la pression ? J'aurais bien besoin d'un remontant..."

Finalement je commence à croire que Mathilde a raison, concernant mon manager. Si elle a mis du temps à ouvrir les yeux avec Lana, il faudrait pas que je fasse de même avec Gabriel. Il est clairement en train de me draguer, alors qu'il sait que c'est compliqué entre Mathilde et moi. Je n'aime pas ça du tout, je ne suis pas une fille facile !

Miss Mystère :
"Désolée. Je dois passer la soirée avec Mathilde. Elle a besoin de moi en ce moment."

Il serre un peu les dents. Ce n'est pas la première fois que je refuse ce genre de rendez-vous. Il ne doit pas avoir l'habitude. La moitié du service se pâme devant lui.

Gabriel :
"Très bien. Bonne soirée..."
Miss Mystère :
"Vous aussi, passez une bonne soirée."

Je file aussitôt, avant qu'il ne tente de s'immiscer encore dans ma vie privée. J'arrive à l'hôpital le cœur battant. Mathilde m'a demandé de la rejoindre. Daryl a des choses à nous dire et ça a l'air important. Je ne fais pas la fière lorsque je les trouve à l'extérieur en pleine conversation. Que font-ils dehors ? Ils se retournent vers moi, la mine grave.

(Bon sang, qu'est-ce qui se passe encore ?!)

Voyant mon inquiétude Mathilde s'approche de moi et vient déposer un doux baiser sur mes lèvres.

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que..."
Mathilde :
"Panique pas !"

(Elle est drôle, elle !)

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que vous faites dehors ?"
Daryl :
"J'avais besoin de prendre l'air. J'aime pas être enfermé, princesse."

Ou alors il a peur que les murs aient des oreilles...

Daryl :
"J'ai eu des news de mon contact chez les flics."

Mon cœur rate un battement. Mon dieu... Qu'est-ce qui va encore se passer ? Ce doit être grave s’il nous a fait venir.

Daryl :
"Ils cherchent à coincer le gang. Jusqu'à présent, César était leur cible numéro 1. Mais en mettant ses appels sur écoute..."
Miss Mystère :
"Attends, les flics sont au courant qu'il s'est procuré un téléphone en prison ?"

Il me regarde comme si j'étais la reine des idiotes.

Daryl :
"Bien sûr !"

(Oh d'accord, si ça choque personne, alors...)

Daryl :
"Je disais donc, en mettant les appels de César sur écoute, ils en ont appris de belles sur Lana. Depuis le début il a de gros doutes sur elle. Il pense même qu'ils se sont peut-être plantés de cible..."

Je me tourne vers Mathilde.

Miss Mystère :
"Purée, t'avais raison !"

Elle me regarde tristement. Je crois qu'elle aurait préféré se tromper...

Daryl :
"Comme on le craignait il se pourrait qu'elle soit pas la blanche colombe, dans cette histoire, mais plutôt le cerveau... Il est resté évasif, mais il m'a parlé d'une histoire de meurtre."

(Mon Dieu !)

Daryl :
"Un certain Marco Montanez..."

(Marco ! Ce n'est pas la première fois que j'entends ce nom !)

Miss Mystère :
"Je me souviens très bien, quand j'ai surpris Lana au téléphone avec son frère, elle en parlait, de ce Marco... Je me souviens pas de ses mots exacts, mais clairement elle semblait en avoir gros sur le sujet. C'est qui ce type ?"
Daryl :
"Un narco trafiquant. Je sais qu'il a été tué y a quelques années dans une fusillade. Un règlement de compte."
Miss Mystère :
"Réjouissant !"
Daryl :
"Tu t'attendais à quoi ? Les gangs ne dealent pas des sucettes !"
Mathilde :
"T'es obligé de lui parler comme ça ?"

Il soupire, agacé.

Daryl :
"Faudrait que princesse comprenne qu'on parle d'un truc grave là, ok ? On joue plus."
Miss Mystère :
"J'ai pas l'impression de m'être beaucoup amusée, jusqu'à présent... Et Princesse, elle t'emmerde !"

Je lui adresse un regard noir. J'ai pas franchement envie de supporter son ton suffisant, ce soir !

Mathilde :
"Donc, c'est quoi la suite ?"
Daryl :
Ils vont suivre de très près Lana. Je pense qu'on va pas entendre beaucoup parler d'elle, à partir de maintenant. Il y a même de fortes chances qu'elle prenne le large un moment..."
Mathilde :
"Donc on fait rien. C'est ça ton plan... ?"
Daryl :
"Mon plan, c'est de nous garder en vie."
Mathilde :
"Putain..."

J'imagine ce qu'elle doit ressentir. Comment a-t-elle pu tomber un jour amoureuse d'une folle pareille ? Et dire qu'elle a perdu plusieurs années de sa vie à surmonter son traumatisme qui n'était qu'un coup monté de toute pièce. Elle n'était qu'un simple pion sur l'échiquier de cette sociopathe. J'espère juste que la dame noire ne va pas nous mettre tous échec et mat...

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Gang et Daryl a l'hôpital Chapitre2 messages | 2 ans

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