21. Traquée

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A mon réveil, je sentis sur ma peau la sensation chaude d'une couverture et à mes narines l'odeur alléchante d'un met délicieux...

Tout cela, à n'en pas douter, provenait de Stelio. Je ne comprenais rien....

Je pousse la couverture d'un geste vif, comme si elle manquait de se transformer en un monstre m'engloutissant. Qu'est-ce qui avait bien pu me passer par la tête ? Ma confiance en Stelio était de plus en plus déclinante. Je ne savais plus comment le voir. Pendant un instant, l'image de son visage troublé, lorsque nous étions dans l'avion, me revint en tête. Avais-je rêvé ? Etais-je réellement réveillée, à ce moment là ?

Je réunis fébrilement mes bras autour de mes genoux. La folie et la ferveur qui m'avait saisies, le soir où j'avais explosé le lavabo de mon appartement, me revient en tête. Complètement aveuglée, je m'étais embarquée dans cette machine sans savoir dans quel sens elle allait tourner.

Et à présent, je réalisais l'inconscience de ma décision. Comment avais-je pu être aussi naïve ?

Je soufflais un coup. Stelio ne pourrait pas me retenir ici. Il avait parlé d'un tour en voiture. C'était l'occasion ou jamais de repérer les lieux, et assurer mes arrières en cas de fuite.

Je me décide finalement à sortir de cette chambre. A mon réveil, son aspect enchanteur s'est lentement changé en une ambiance maléfique.

J'aperçois Stelio en train de lire sur un vieux fauteuil miteux. Il est toujours dans la cuisine, à croire que les autres pièces sont encore plus mal famées !

-Ah ! Tu es debout, parfait !

Il était en train de lire un étrange journal dont la une traitait de la découverte d'un vieux trésor de pirate. Il le replie vivement et le jette sur la table avant de se lever. Il se saisit d'un sac et jette par la même occasion un œil à l'horloge murale.

-Tu as un quart d'heure d'avance si tu veux te préparer encore un peu.

Je ne comprends pas. Je croyais qu'il m'emmenais simplement en ville pour découvrir cette dernière et me faire au véhicule ? Qu'est-ce encore que ces manœuvres étranges ?...

-Pourquoi faut-il s'aligner à une heure précise ? Je croyais que l'on partais juste pour m'entraîner ?...

Stelio tourne la tête vers moi. Entretemps, il a réussi à lever les yeux au ciel, serrer le poing et montrer ses dents dans l'exaspération. Fort !

-Arrêtes de poser des questions, petite curieuse ! Prends tes affaires et révises ton code !Je t'attends dehors !

Liant le geste à la parole, il décrocha un long manteau de son crochet et le plaça sous son bras avant de sortir.

J'étais assez perdue. Et cette petite inquiétude n'était qu'une façade rassurante pour ne pas m'admettre que j'étais complètement affolée.

Mon patron, hôte et professeur, devenait de plus en plus louche et ce n'était qu'à présent que je m'en rendais compte !

Les murs me semblaient immenses, pourvus d'yeux inquisiteurs. Ils chuchotaient entre eux l'issue de mon sort. J'avais l'impression qu'ils étaient en train de faire de grands pas vers moi, que la maison entière rétrécissait pour m'écraser complètement, me pétrir et me prendre avec elle. Faire de mon corps une partie de son mobilier sinistre pour me faire à jamais disparaître.

Je n'en pouvais plus ! Je suffoquais ! Je voulais partir d'ici !

Profitant de l'absence de Stelio, je fusais dans ma chambre et me saisit de mon ordinateur portable. Sa petite taille me permettait de l'emporter partout, mais jamais il ne me paraissait aussi salvateur qu'en cet instant.

Je déchantais vite en me rendant compte hélas que je n'avais pas accès à Internet. Il me fallait commander des billets d'avion pour rentrer chez moi et vite ! Quel que soit l'heure je m'arrangerai. Quant à l'endroit, le tour en voiture de Stelio me servirait à cela.

Rien à faire. Impossible d'avoir la moindre connection.

Je jetais un œil anxieux vers la porte. Pourvu que Stelio ne me surprenne pas !

Je me ruais sur mon téléphone, le faisant lamentablement tomber au sol dans ma panique. Bon sang, que m'arrivait-il ? Comment n'avais-je pas pu me méfier plus tôt ?!

Un miracle se produisit. Une petite connexion, bien que faible, se proposa sur mon téléphone. Je la sélectionnais de mes doigts tremblant, mon menton filant vers mon épaule pour continuer à surveiller la porte. Je frémissais rienqu'à l'idée de donner des explications à Stelio.

Enfin, je retournais la tête vers mon petit écran. Internet avait directement enclenché le raccourci vers ma boîte mail. Je décidais de la fermer avant qu'un petit message, dont le titre était le terme « URGENT » écrit en majuscules grasses, ne me fasse changer d'avis.

Interloquée, j'ouvris le mail en question.

Mes yeux s'écarquillèrent et ma bouche s'ouvrit. Je dû mettre ma main devant pour retenir mes exclamations et regrets face à la nouvelle que je venais d'apprendre.

Je laissais retomber mon bras. J'avais fermé internet et mon téléphone gisait à présent par terre. J'avais réuni mes mains devant mon visage. J'étais désespérée.

Résignée, je me relève. J'empoigne mon sac et y fourre mon appareil après l'avoir ramassé. C'est d'un air dépité que je rejoins Stelio dehors, ignorant son « Enfin » alors qu'il ferme la porte derrière moi.

-Tu as mis le temps ! Ajoute-t'il. J'espère que tes compétences sont à jour.

Cela allait être indispensable. Dans mon précédent mail, le garant de ma maison annonçait la somme astronomique que je lui devais suite à la casse du lavabo. En effet, les réparations que j'avais fait faire avant mon départ n'étaient apparemment pas suffisantes...

Et autant dire que j'allais devoir travailler un sacré bout de temps pour lui rembourser la somme indiquée....

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-Bien. Après cette intersection, tu prendra à gauche.

Je suivais les ordres de Stelio comme un véritable robot. Je peinais à retenir mes larmes tant je me sentais en danger. Et surtout tant je me sentais stupide !

J'étais coincée. Autant dans cette voiture que je l'étais tout à l'heure dans cette féérique maison. Que je percevais maintenant comme hantée.

Bon sang... Qu'allais-je faire ? Je n'avais même plus les moyens d'acheter un billet d'avion retour, je n'arrivais plus à cerner Stelio et demander une avance serait très mal venu. Il ne me restait en fait qu'à serrer les dents et espérer de meilleurs jours.

Je manquais de m'affaisser sur le volant quand mon passager m'interpella :

-Ça ne va pas, Sadae ?

Je me redressais et me concentrais sur la route. C'est alors qu'un autre élément complètement délirant me revint en tête.

N'était-il pas complètement fou que Stelio m'ait choisie comme conductrice alors que, la seule fois où je l'avais conduit quelque part, nous avions eu un accident ?

J'hésitais à directement lui poser la question. Mais je savais déjà que cela ne me vaudrait qu'un déluge de remarques désagréables.

-Oui, tout va bien.

Je lançais cette affirmation tout en me reconcentrant sur la route. Intérieurement, je cherchais un sujet de conversation qui me permettrait de forcer Stelio à me parler de lui. Le sujet était tout trouvé.

-Dis, je me demandais... Comment as-tu commencé à pratiquer le sport ?

Stelio se repositionna dans la voiture et décroisa ses bras pour en placer un sous sa mâchoire.

-J'y ai été initié assez jeune. Par une personne vraiment passionnée. C'est elle qui m'a enseigné les différents préceptes des arts martiaux et m'a enseigné mon premier sport de combat.

-Et quel était-il ? Demandais-je innocemment.

Stelio haussa un sourcil dans ma direction. Pas bête la guêpe...

-La boxe Birmane.

Je freinais brutalement au feu qui venait de passer au rouge. Je me retournais vers mon patron, émerveillée.

-Sérieux ? La Boxe Birmane ?!

J'étais effarée. C'était ce sport que je voulais faire. Mais mes parents, appuyés par ma grand-mère, s'étaient appliqués à m'en dissuader.

-Oui, et alors ? Rugit Stelio de son habituel ton agressif. Pas la peine de te mettre dans un tel état ! Le feu est passé au vert qui plus est !

Je serrais les dents. Ce qu'il pouvait m'agacer quand il parlait comme ça ! Je me concentrais de nouveau sur la route et révélais simplement :

-C'est un sport que je rêvais de pratiquer à une époque.

Les rues de la ville défilaient sur les côtés de mon visage. Le nombre d'animations se déroulant à chaque coin de rue était tel que j'avais l'impression d'être une comète traversant une galaxie remplie d'étoiles scintillantes. Mais celle à côté de moi n'était pas très rayonnante.

Stelio décala sa tête vers la vitre, le regard lointain. Je terminais de tourner à une intersection quand il déclara :

-Je ne sais pas pourquoi tu n'as pas pu en faire, mais c'est une bonne chose...

Je tiquais mais décidais de ne pas insister. Dévoiler mes secrets et informations personnelles prenait un goût étrangement dangereux. Dorénavant, mes conversations avec Stelio s'apparenterait à un jeu. Un bras de fer mental où je devrais sans cesse déceler les informations dans son discours tout en me gardant d'en dévoiler dans le mien. Et connaissant mon grand amour de la subtilité, cela n'allait pas être gagné...

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