20. Découverte

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-Hey ! Mais dépêches-toi ! Et c'est moi que tu traitais de vieux, hein ? La blague !

Notre trêve aura été de courte durée. Voilà qu'il m'énerve déjà de nouveau !

Ceci étant dit, bourrer ma valise de tous mes vêtements et accessoires favoris n'était peut-être pas la meilleure des idées. Le poids le plus important qu'elle contenait étant un épais livre touristique sur le Maryland, que j'avais pris soin de cacher, bien consciente des moqueries dont me gratifierai mon hôte s'il le voyait.

Ce dernier avançait droit devant moi, nullement gêné par ses propres bagages. Je remarquais qu'il portait souvent le même type de vêtement : des survêtements intégraux, toujours sombres. Comme s'il s'apprêtait à donner un cours de sport au milieu d'un bar ou d'un supermarché.

Pourtant, il conservait une certaine élégance, son teint pâle s'illuminant dans les contrastes et nuages de ses cheveux et des couleurs de ses habits. Enfin, achevant de semer le doute sur sa nature humaine, ses fins yeux clairs, taillés en amande, poussait souvent ceux qui le croisaient à se retourner à plusieurs reprises.

Il les avait occulté à l'aide de lunettes de soleil aujourd'hui. Cela ajoutait quelque chose de mystérieux et à la fois très militaire à son charme.

Je quittais la danse de ses cheveux au gré du vent pour m'attarder, encore une fois, sur le décor environnant. Après l'avion et le bus, c'est à présent à pied que nous nous efforcions d'atteindre notre destination.

Nous nous trouvons dans une rue excentrée de la ville de Salisbury. Je lorgne d'une mine envieuse les splendides villas qui garnissent l'allée où nous nous trouvons. Stelio ne m'avait pas menti : tout est grand ici. La route où nous progressons est d'une largeur déconcertante. Et ces maisons...Par tous les saints, ces maisons ! Des petits châteaux, avec leurs tours centrales agrémentées de petites chalets, comme des chapiteaux miniatures.

Je m'émerveille devant les couleurs infinies qu'offrent les bâtisses. Toutes les teintes de couleurs semblent y être présentes. Je commence à m'inquiéter de ce à quoi va ressembler notre propre habitation. Non pas que je sois une accro du luxe, mais devoir admirer les merveilleuses bâtisses environnantes en se tassant dans un appartement que j'imaginais sombre et monotone me paraissait aussi agréable qu'un Dimanche pluvieux.

Et Dieu que mes jugements hâtifs pouvaient être empoisonnants. Je cru halluciner en voyant Stelio tourner sur sa droite en sortant de sa poche un trousseau de clé, aussi naturellement que s'il avait quitté sa maison il y a un quart d'heure. Je me décalais sur la droite : une énorme villa me cachait ce qu'il était en train d'ouvrir.

Je faillis trébucher.

Magistrale dans cette allée, ne faisant absolument pas tâche au milieu de ses jumelles, une splendide bâtisse, de couleur noire, se dressait devant moi. Elle était de cette couleur d'ardoise brodées de marbre blanc au-dessus de sa porte ronde, de ses fenêtres et aux bordures du toit. On avait l'impression que plusieurs minuscules maisons avait été collées à la tour centrale, resplendissante dans ses piques et pointes. Je m'approchais du bâtiment avec un visage d'enfant. Il s'agit d'une maison de style victorien.

Je suis ébahit face à sa sensationnelle beauté. J'en viens presque à penser qu'elle avait été faite pour moi, tant son design et sa couleur me plaisent et me correspondent.

Mon patron, honteusement indifférent à la perfection de cette bâtisse, tourne la clé dans sa serrure et pénétre à l'intérieur, ôtant ses lunettes du même geste qu'il délaisse sa valise. De ma position, l'intérieur de la maison ne m'était visible qu'au dessus de l'épaule de Stelio.

Je ne tienss plus en place : il me faut découvrir les mystères certainement merveilleux se trouvant entre les murs de cette splendide habitation !

Je saisisis ma valise qui, pour une raison des plus obscures, devint d'une légèreté troublante.

C'est d'un pas voltige que je gravis les marches et bouscule presque mon hôte pour découvrir ce que cache cette splendide maison.

Quelle déception !

L'obscurité balaye le plancher sale, le rendant d'une couleur si peu attrayante que mon cerveau ne pu la définir clairement.

Les meubles disposés de manière éparse et complètement désordonnée sont de cette même allure brouillonne et désœuvrée.

La surprise s'agrandit lorsque, tournant la tête vers la cuisine, je n'aperçois qu'un ensemble de mobilier spartiate et modeste, posé sur un plancher de bois. Le tout recouvert d'une poussière dansante sous le fin rayon de lumière présent. Il provenait d'une fenêtre tout aussi miteuse, et semblait peiner à s'insérer dans la pièce entre les deux rideaux la recouvrant. Eux aussi donnaient cette impression sale et vétuste que l'on retrouvait partout dans la maison.

L'ascenseur émotionnel fit apparaître sur mon visage une mine des plus déconfite. Je ne parvenais vraiment pas à cacher ma déception. Et j'en connais un qui l'avait largement remarquer.

-Si tu n'es pas contente, tu peux toujours dormir dehors, tu sais...

Le ton était sévère. Stelio a quelque peu raison, je suis tout de même invitée, même si je suis là pour travailler. La culpabilité me regagne et avec elle, un lourd nœud habillant ma gorge. Je me mords la lèvre de regrets. Stelio me donne presque immédiatement l'explication qu'il me faut :

-Je voyage beaucoup. Cette demeure est plus que secondaire pour moi. Je n'ai donc pas le temps de m'occuper des pièces de vie.

Je reprend un air un peu plus neutre et opine poliment. Qu'est-ce qu'il m'avait prit ?! Je ne suis pas une princesse bon sang !

Stelio n'en montrait rien, mais je sentais qu'il percevait ma gêne. D'un air faussement détaché, il dit:

-Ta chambre est la première porte à ta droite, je t'invite à y déposer tes affaires. Elle est un peu plus soignée que les autres...

-D'accord, merci beaucoup !

Je l'avais remercié sincèrement. Et chaleureusement. Ses airs rustres me faisaient parfois oublier qu'il m'avait tout de même permit de faire un sublime voyage.

J'empoigne ma valise et me dirige vers la porte indiquée. Je lâche un souffle de stupeur. Ma valise tombe lourdement au sol.

C'était en tout point la chambre de mes rêves !

Du lustre aux sombres allures de chandelier au lit à baldaquin, des tapisseries aux teintes alternant entre le noir et le cramoisi, au tapis sur lequel on pouvait se coucher. Elle a cet aspect étrangement modeste et luxueux à la fois. Je n'en reviens pas ! Je tourne sur moi-même, m'émerveillant de tout ce que j'aperçois. D'un bond flottant, je sors dans la cuisine rejoindre Stelio. Sans me contrôler le moins du monde, je le presse dans mes bras. Je sentis tout son corps parcouru d'un frisson électrique. Il frémit si fort qu'il en lâcha l'ustensile qu'il tenait en main.

Il pousse un soupir exaspéré et lâche, sous l'évidence :

-J'imagine que la chambre te plaît ?

Je bondis d'un pied sur l'autre avant d'affirmer de tout cœur : Ouiiiiiiiii !

Voltigeant presque, je regagnais mon antre, tournant presque sur moi-même dans mon immense joie. Sans que je ne l'entende, Stelio m'avait suivi. Un sourire timide habille son visage. Il se fond dans le décor de ma chambre d'une manière totalement naturelle. A croire qu'il s'était échappé de la tapisserie.

Semblant se rappeler de quelque chose, il me dépasse pour glisser sa main derrière l'imposante armoire couleur d'ardoise que je m'empresserai bientôt de remplir. Il en sort un superbe chevalet à peine poussiéreux.

-Comme promis, le voilà.

Je m'en approche, le caressant d'une main délicate comme par crainte de la briser.

-Bon... Tu es contente ?...

Cette information avait réellement l'air de compter pour lui. Je le regarde si intensément que j'ai l'impression que mon cœur bat au bord de mes cils. Mon sourire est si chaleureux qu'il doit croire que je vais fondre en larmes devant lui.

-Sincèrement, oui, je suis contente. C'est comme si on m'avait offert un très beau cadeau. Je suis heureuse. Et je m'excuse de mon comportement de tout à l'heure.

-Bon, très bien, reprit-il d'un air professionnel. Je vais te faire visiter le reste de la maison, viens !

Il m'invite d'un geste en guidant mon épaule vers la sortie. Face à la porte de ma chambre se présente un petit couloir.

-La porte face à toi mène à la salle de bain. A droite de celle-ci, les toilettes, et à gauche, la salle de jour. En ce qui concerne la tour...

Il m'indiqua le petit renflement observable sur la droite du couloir, et qui menait en effet à la tour située au centre de la maison. Il se penche brusquement devant moi, ancrant ses yeux perle dans les miens. Une terreur glacée m'envahit.

-Tu ne dois JAMAIS... Et sous AUCUN prétexte t'y rendre... L'escalier qui y mène est très ancien et usé. Le moindre poids sur ses marches peut le faire s'écrouler...La porte est scellée et doit le rester. N'essaies jamais d'y entrer,c'est bien compris ?!

Stelio était peut être doué au combat. Et je n'avais aucun doute quant à son intelligence. Mais il manquait encore cruellement d'expérience lorsqu'il s'agissait de persuasion. Je pris un air sombre. J'avais une petite question à lui poser...

-Dis-moi Stelio... Tu ne m'as pas dit... Ta chambre, elle est où ?...

Il parvint à garder un air neutre. Je mettais ma main au feu qu'elle se trouvait dans la tour.

-Là, fit mon hôte en se relevant et en désignant un porte perpendiculaire à la mienne, que je n'avais pas remarquée.

Raté ! Plus qu'à apprendre à cuisiner en étant manchot.... Mais autre chose me questionnait. Si c'était pour ma sécurité, pourquoi avoir prit un ton aussi menaçant lorsqu'il m'a parlé de la tour ?...

-Prends le temps de t'installer et de te reposer. Cette nuit, tu vas faire ton premier essai de conduite. Je viens te réveiller à 19 heure...

Et il retourna à la cuisine. De mon côté, je retournais dans ma chambre, fermant la porte de mon antre en silence.

J'ouvre ma valise, plaçant les différents vêtements dans la penderie et sur les petites étagères prévues à cet effet. Sans que je ne sache pourquoi, ma chambre ne posséde pas un grain de poussière, alors que j'en avais clairement aperçu dans la cuisine.

Je range mes gants dans un tiroir de la splendide coiffeuse se trouvant à côté de mon lit et me place devant le miroir de celle-ci, songeuse. Une fissure, au coin de la plaque de verre, me rappelle étrangement la situation dans laquelle je me trouve. Comme une main crochue au-dessus de ma tête, ou une toile d'araignée dans laquelle j'étais déjà piégée.

Je ravale difficilement ma salive. Stelio alternait à mes yeux entre un ours mal léché mais attachant, un mentor expérimenté mais sévère, un enfant perdu en mal d'affection comme dans l'avion, et une menace terrible...

Mon corps se relâche sous la fatigue et l'agacement. Je ne sais plus ce que je dois croire. J'avais une irrésistible envie de pleurer. Dans un coin de mon cerveau, le visage de Kaoru me revint en tête.Seul ange encore vivant de mon existence, seul nuage salvateur. Quel dommage qu'il soit troué...

Pivotant depuis ma chaise, je m'asseyais sur mon lit et fini pas m'y affaisser. Ma tête était aussi tourmentée que les motifs ornant le plafond de ma chambre.

Je finis tout de même par m'endormir, simplement posée sur le lit et les rideaux écartés. Emportant derrière mes paupières inquiétudes et mystères.

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