12 - La Lettre

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C'est à pas de loup que je regagnais ma chambre. J'y pénétrais et retrouvais la boîte sagement posée sur mon lit.

Je m'asseyais à côté d'elle comme on s'installe à côté d'un bébé profondément endormi. J'avais déjà ouvert son couvercle, je n'eus donc qu'à piocher à l'intérieur pour en sortir son trésor.

Le premier objet à sortir fut un délicat collier noir, très simple. Il possédait à son centre un anneau rouge où pendait une étrange clé. Elle était ouvragée d'une manière fascinante. Je pense sincèrement que jamais aucun soin de cette envergure n'avait était apporté à un objet aussi petit. C'est comme si toute une fresque s'était enroulée autour du métal pour permettre à cette clé d'avoir une histoire.

Je tentais de passer le collier autour de mon cou mais me rendis compte que la clé ne le rendait pas du tout pratique. Pire, elle manquait de m'étrangler !

Je reposais donc délicatement le bijoux et regardais de nouveau l'intérieur de la boîte.

Il ne s'y trouvait qu'une simple enveloppe et une lettre pliée. Je me saisissais de cette dernière et la dépliait. Mon cœur se serra. C'était bel et bien l'écriture de ma grand-mère.

Je reposais la lettre dans un premier temps, ne pouvant pas tout de suite la regarder en face.

Je reprenais ma respiration. C'était encore là l'un des éléments que j'avais fui jusqu'à aujourd'hui et que je me devais à présent d'affronter. Comme mon défaite sur le ring, comme mes études de langues que je n'avais pas choisies, comme cet amour que j'avais jugé impossible.

Pour ne pas avoir à se battre, pour ne pas avoir à essuyer un potentiel échec. Pour ne pas souffrir.

Mais c'était terminé. Plus jamais je ne redeviendrais ainsi.

Je fermais le poing. Mes phalanges s'ancrèrent sur un objet de fer. Le collier ! Je l'avais gardé dans la main...

C'est dommage, il me plaisait beaucoup, mais je ne pouvais pas le garder autour du cou. En tout cas, pas avec la clé, c'était trop voyant...

Je décidais de retirer l'amulette de l'anneau du collier. Cela s'avéra plus compliqué que prévu ! Non pas que le bijou ait été conçu ainsi, mais j'avais la sensation que ma grand-mère avait ainsi ajouté la clé comme pour me délivrer un message. Il fallait qu'elle soit attachée à ce collier...

Je n'avais pas le choix. Si je voulais en savoir plus, je devais lire cette lettre...

Je reprenais une dernière fois ma respiration. Je tendais la main vers le papier clair et le dépliait devant moi.

« Ma chère petit fille,

Comme tu dois avoir grandi, à présent que tu lis ces lignes. Enfin, je ne sais pas au bout de combien de temps tes parents auront jugé que tu es prête mais quoi qu'il en soit, je leur fais confiance !

Si tu lis cette lettre c'est que je ne suis plus, et que la quête que j'ai menée sur cette terre n'est pas encore achevée.

Ma petite Sadae, si tu savais comme j'aime voyager.

Bien sur, le Japon est mon pays favori.C'est pour cela que je voulais te nommer ainsi.

Mais le monde possède tant d'autres merveilles. Je suis allée dans les contrées d'Amérique du Sud, dans les terres chaudes et antiques de l'Italie et de la Grèce, dans les forêts mythiques de l'Ecosse et du Canada...

Ma chérie, j'aimerais que tu saches que jamais rien n'est acquis. Jamais rien ne s'arrête vraiment. Tant que la Terre tournera, il restera des choses à découvrir. Je ne suis plus de ce monde, mais je sais qu'en ce moment même le cœur de personnes que j'aime et que j'ai rencontré battent encore.

Comme le tien. Et j'aimerais que l'étincelle qui aujourd'hui habite ton âme ne soit pas faite de chagrin.

Je voudrais qu'elle brille d'une flamme de désir et de volonté.

Au cours de mes voyages, j'ai réuni plusieurs objets auxquels je tiens énormément. Il y en a un pour chacun des pays m'ayant le plus marqué. Presque pour chaque que j'ai visité.

J'aimerais que  tu les trouves, et prenne pour toi celui qui te plaît le plus.

Le moment venu, tu sauras où ils se trouvent et comment les récupérer.

N'oublies jamais ma petite fille, que l'on ne gagne jamais à blesser les autres ou soi-même. Accueillir tous les maux du monde et se taire en feignant la bravoure est une erreur. Je le sais.

J'ai voyagé autant que je l'ai pu à la mort de mon époux. Lui qui ne voulait jamais sortir, j'ai pu exaucer tous mes souhaits de voyage à sa disparition.

Mais de n'importe où que tu sois, un ciel étoilé est toujours plus beau quand tu as quelqu'un avec qui partager sa beauté.

Je laissais croire que mon statut de veuve m'avait offert la liberté, mais la vérité, c'est que j'étais prisonnière de mon chagrin.

Je t'en supplie Sadae, ne fais pas la même erreur que moi. Il est possible de vivre pour soi tout en prenant soin de ceux que l'on aime. S'il te paraît impossible de faire les deux alors abandonnes la voix que tu as empruntée.

Ma volonté est faite, je repose en paix.

Je vous attendrais dans les étoiles.

Kaede Tasokare. »

Mes poings serraient le papier lisse. J'avais la gorge nouée. Entre hier et aujourd'hui, toutes les choses s'étaient mises en place pour me mener jusqu'à cette lettre. Je soufflais un bon coup.

Je repliais soigneusement la lettre et la déposais dans la boîte. Je décidais de regarder l'enveloppe une autre fois, j'avais suffisamment eu d'émotions pour aujourd'hui !

Je fermais la boîte, ne laissant dehors que le collier, débarrassé de la clé. Mamie n'avait rien dit la concernant dans sa lettre, ce qui ne m'arrangeait pas, mais j'avais tout de même pris le risque de la séparer du collier. Je les posais tous les deux sur la table de nuit et m'enfonçais dans mon lit.

Je les regardais un dernier instant. Quels genres de secrets pouvaient-ils bien cacher ?

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-Hey ! Tu es réveillée ?! Il est bientôt 10 heure !

J'ouvrais les yeux. Je ne m'étais même pas sentie m'endormir. La voix de Stelio, derrière la porte, venait de me réveiller.

J'étais sur le point de le sermonner pour me réveiller ainsi un Dimanche quand je me rendis compte qu'étant donné que l'on était chez moi, il est vrai qu'il devait peut-être avoir besoin de mon aide...

J'expulsais sèchement ma couverture et posais les pieds au sol. J'étais si fatiguée...

Je finis par rejoindre Stelio dans la cuisine. Moi qui m'inquiétais pour lui, j'étais bien idiote : il n'avait aucune difficulté à prendre ses marques ! Et à fouiller dans mes placards !

-C'est pas possible, maugréa-t'il, où caches-tu le café ?!

Je levais les yeux au ciel.

-Je n'en ai pas, je n'en bois jamais...

-Quoi ? Lâcha-t'il de manière décontenancée. Oh non...

Il avait l'air vraiment embêté. Ça me pinça le cœur...

- Et si nous allions en acheter ? Proposais-je l'air de rien.

-On est Dimanche...

C'était vrai. Embêtée, je me mis à réfléchir. Soudain, j'eus une idée :

- Je sais où on peut en trouver. Il y aune petit montagne près d'ici qui est classée site touristique. Il y a un café ouvert la totalité des week-end à son sommet...

Stelio se retourna complètement. Il avait un aspect complètement différent au réveil, comme ayant oublié d'enfiler sa combinaison de menace.

-Tu es sérieuse ? Demanda-t'il en un sourire. C'est exactement l'endroit où je voulais t'emmener...

J'étais choquée. Ce n'était pas la première fois que je remarquais que Stelio et moi avions cette symbiose. Mais là, c'en était scabreux...

-Et... Pourquoi m'emmenez-vous là-bas ?... demandais-je.

-C'est une surprise...

Ce sourire. Ce sourire qu'il avait eu. Il avait quelque chose d'étrangement angélique et enfantin. Le genre de sourire qui vous apparaît comme une plume caressant votre joue.

-Bon, on doit attendre d'être là-haut pour déjeuner du coup ?...

-Disons que moi, je pourrais déjeuner ici, soulignais-je, mais bon, vous êtes mon invité, je vais donc faire l'effort de m'adapter à vous...

Et je filais vers la salle de bain.

-Attends !

Je me retournais. Je remarquais au passage les pans voltigeant de ma tunique. C'est vrai que j'avais passé toute la soirée d'hier en pyjama !

Il marqua un temps, comme ayant oublié ce pour quoi il m'avait arrêté.

-Est-ce que... Tu veux que je te prépare un thé ?

-Oh... Merci professeur, cela serait très gentil...

-Je t'ai déjà dit d'arrêter de me vouvoyer...

Je le regardais s'éloigner avec un sourire malicieux. Il était décidément beaucoup moins austère qu'il ne le laissait voir.

Je filais à la salle de bain et en revenais avec une tenue plus chaude comme je les aimais, de couleur noire évidemment. Je regagnais la cuisine en m'apprêtant à essuyer une remarque horripilante de mon hôte.

J'apparaissais dans la pièce quand sa tête tourna vers moi.

Dieu cette expression. Il ne s'y attendait pas.

Il me tendit la tasse qu'il m'avait gentiment préparé et se reconcentra sur la fenêtre. Le soleil matinal était aussi timide que lui !

-Tu es prête ? Demanda-t'il,évasif.

-Bien sur, et vous ? Le taquinais-je.

-Je suis toujours prêt, renchérit-il, les sourcils froncés. Surtout à te botter les fesses si tu continues à me vouvoyer ! Je ne suis pas vieux !

Je riais de bon cœur face à sa réaction pendant que lui-même agitait la tête d'agacement.

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