10 - Révélations

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La pluie s'était mise à tomber.

Je respirais au rythme de l'orage, pendant aux lèvres de mes parents à travers le combiné. J'avais l'impression que la météo avait éclatée en même temps que leur révélation.

-Ma chérie... Lorsque ta grand-mère est partie d'Angleterre pour venir ici, et que tu l'as suivie, elle nous as confié quelque chose. Quelque chose qu'elle ne voulait que tu n'apprennes que lorsque tu serais prête...

Mes sourcils s'arquèrent en une expression de tristesse. Ma grand-mère me manquait...

-Mamie Kaede était secrète, me dit son fils avec un grain de fierté dans la voix. Elle avait plus de chsoes à dire qu'elle n'acceptait de le montrer...

-Et ses secrets ma fille, c'est à toi qu'elle voulait les confier, ajouta ma mère avec quant à elle une certaine jalousie coincée dans la gorge. Elle te chérissait énormément et toi, tu avais tout pour parvenir à devenir comme elle...

Je me rendis compte à quel point cette phrase devait être dure à prononcer. Se dire que sa propre fille avait pris comme modèle sa belle-mère plutôt qu'elle-même devait être un sacré coup dans l'orgueil pour ma mère. Je ne la comprenais que trop, à présent. Les coups dans l'orgueil, ça allait devenir ma spécialité...

-Mais ma fille, ajouta mon père avec une certaine solennité, elle ne voulait pas que tu marches sur ses pas sans y être prête. Avant de te léguer tout ce qu'elle pouvait te donner, elle voulait être sûre que tu sois prête. Que tu sois forte...

Je ravalais ma salive et relevais la tête. Être fort. C'était une obsession ridicule que je m'étais fixée pendant des années. A tel point que le moindre échec sonnait à mon sens comme une catastrophe, me poussant à l'abandon et au refus, ce qui achevait de faire de moi quelqu'un de terriblement faible.

J'avais relevé la tête jusqu'à voir mon visage. Je possédais toujours la tenue de sport du gymnase. Le peu de maquillage que j'avais mis en l'honneur de mon pique-nique avec Kaoru et Akame avait légèrement coulé mais...

Je me trouvais changée. Comme si je me voyais pour la première fois. Comme si une mue avait depuis toujours couvert mes yeux, et s'était enlevée.

Comme si, dans cette pièce opaque voilée par la tristesse du ciel, je venais de découvrir le soleil.

-Ma chérie, reprit ma mère d'une voix émue, ta grand-mère nous avait confié un secret. Tu te rappelles de ta boîte magique ?...

Les souvenirs mirent un moment avant de ressurgir, mais je parvins à voir ce dont elle parlait.

Petite, j'adorais construire. C'est ainsi que j'avais pris possession d'une boîte trouvée par mon père et avait commencée à y coller tout ce que je trouvais de beau, de sorte que son ancienne couleur brune avait complètement disparue. J'y avais caché dans un premier temps mes objets précieux. Mais à l'adolescence, constatant l'amour de ma grand-mère pour cette boîte de ma création, je lui en avais fait cadeau.

-Oui, je m'en souviens, répondis-je, me rendant compte dans le même temps que je n'avais pas parlé depuis un moment.

-Elle la gardait avec elle tout le temps, ajouta mon père plein de nostalgie. Mais contre toute attente, elle a refusé que cette boîte soit placée avec elle lors de ses funérailles, alors qu'elle y tenait plus que tout.

Je fus saisie de surprise. J'avais toujours été persuadée que ma grand-mère avait emporté ma boîte dans sa tombe, si bien que je n'avais jamais posé de questions dessus.

-C'était pour une raison précise renchérit ma mère après un pincement de lèvres. Cette boîte, Sadae, elle l'utilisait pour dissimuler tous ses secrets. Et c'est à toi qu'elle voulait les léguer...

Mon cœur tiède de larmes fondit. Je n'arrivais pas à croire ce que j'entendais. Cela me faisait énormément de révélations, en une seule journée !

-Je suis sûre que tu pourras trouver cette boîte dans sa chambre my chérie, ajouta ma mère dont je sentis la voix sur le point de rompre. Elle nous avais demandé de te révéler l'existence de cette boîte lorsque tu serais prête. Et nous en sommes sûrs à présent : tu l'es !

Je voulais tant leur dire que je les aimais, je voulais tant leur crier que j'étais fière d'être leur fille. Mais rien ne sortit. Tel un cristal de glace ancré dans ma gorge, le silence s'imposait.

-Rappelles-nous dès que tu as du nouveau, ma puce. Allez, à plus tard et reposes-toi bien !

Mon père raccrocha immédiatement après cette phrase. Mais je savais que ce n'était pas pour se débarrasser de moi.

C'était pour cacher leurs pleurs. J'étais dans un cercle familial où chacun se refusait à perdre la face devant les autres.

Tu m'étonnes que tout dégénère à ce point !

Je décidais de me mettre à l'épreuve. Je prendrai mon bain avant d'aller chercher cette fameuse boîte. Non. Je redoutais l'instant où j'allais la trouver. Mais je n'avais plus peur de l'admettre.

Peut-être était-ce là que se cachait la force. Dans le fait de ne pas avoir peur d'avouer lorsque l'on est faible...

Je me glissais dans l'eau tiède. J'y ajoutais un parfum de muguet qui dénota avec le sel de mes larmes. Pendant cet instant, je fus saisie d'une sensation de légèreté exquise. Tous les poids que j'avais imposés à mon corps semblaient s'être envolés.

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J'entrais dans la chambre de Mamie Kaede. Simplement vêtue d'une tunique blanche et d'une serviette sur mes cheveux mouillés, j'inspectais la pièce en faisant le moins de bruit possible.

Je percevais déjà aux murs les kakemonos (peinture ou calligraphie sur toile) sur lesquels étaient présents des dragons ou autres carpes Koi.

Mes pieds nus foulèrent le sol en bambou traditionnel en un craquement. Cela faisait un moment que je n'étais plus entrée ici. J'y avais fait il y a longtemps un ménage sommaire après la mort de ma grand-mère, mais avais par la suite abandonné.

Et pourtant, que cette pièce avait quelque chose d'agréable. Comme ces tables basses au bois foncé et ces jarres noires évoquaient la personnalité à la fois simple et mystérieuse de Kaede.

Tout ce que le Japon avait d'emblématique semblait se réunir ici.

J'avançais vers le vieux lit, le contournant pour arriver vers la table de nuit se trouvant de l'autre côté. Elle était aussi de bois noir, et sur sa porte à la clé ouvragée se dessinait une peinture représentant une branche couverte de fleurs rouges.

Je me prosternais un instant. Je savais que ma grand-mère était assez intelligente pour comprendre que mon geste n'avait rien d'irrespectueux, mais je voulais prouver à tout ce qui pouvait encore hanter cette pièce que je n'étais pas venue faire offense à sa mémoire.

Au contraire, j'espérais sincèrement pouvoir l'honorer de la meilleure des façons.

Je me saisis de la clé du petit meuble. Je me rendis compte que la porte sur laquelle elle se trouvait n'était même pas fermée. Et pour cause, elle ne cachait rien. La table de nuit était complètement vide. Je vérifiais le tiroir supérieur. Rien, et pas de double fond non plus.

Je me levais sceptique. Je tâtai les lattes du lit et regardais à travers ses dernières, mais rien n'attira mon attention.

Je tournais sur moi-même, à la recherche d'éléments pouvant m'interpeller. Rien. Tout était lisse et éthéré.

Je décidais de m'adosser au mur le plus proche pour regarder un peu mieux les dalles sur le sol. Peut-être une cachertait-elle quelqu...

Dans mon dos...

Alors que je venais de m'adosser au mur, je sentis clairement quelque chose de différent contre ma colonne vertébrale. Je me retournais. J'étais face à une belle tenture sur laquelle était représentée un dragon noir. Et sa couleur avait maintenue une certaine illusion de loin, mais maintenant que je m'étais rapprochée, je percevais une petite bosse, trahissant l'existence de quelque chose de caché derrière le tissu.

Je le soulevais délicatement et découvris derrière lui une étrange petit alcôve. Elle était close pas deux portes de bois simples surmontées de poignées aux formes de serpents.

Je tirais sur chacune d'elle pour trouver l'objet de ma recherche. La boîte ! Elle était là ! Sacrée Mamie. A croire qu'elle savait pertinemment la manière dont j'allais enquêter.

Je me saisissais de l'objet et refermais vite les portes, désireuse de ne pas violer plus longtemps ce sanctuaire. J'en quittais même la chambre, fuyant jusqu'à la mienne en serrant mon trésor contre ma poitrine. C'est dans une ambiance beaucoup plus jeune et gothique que je m'asseyais sur mon lit, et commençait la contemplation de la boîte.

Elle était assez brouillon. Des formes diverses, du carré à l'étoile en passant par le cœur, en couvrait toute la surface. De vieilles paillettes agrémentaient le tout. Ce qu'elle pouvait être disgracieuse... Mais je l'aimais.

Je me saisis de la ficelle composant le système de fermeture et ouvrit le mystérieux coffret.

Mon cœur était en train d'ouvrir grand ses ventricules quand quelque chose manqua de les faire exploser. Un grand bruit avait retentit dans l'entrée. Je refermais vivement la boîte, bondit à travers ma porte et filait vers l'origine du bruit.

Soudain, je ralentis mon pas. J'étais folle ou quoi ? Et s'il s'agissait d'un cambrioleur ?

Je me mis sur la pointe des pieds et m'approchais quand...

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