Christine, la femme de Sixth

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Une fois à bord du Secret Keeper, Sharks se rendit sans hâte à la salle de réunion. Gardant à l'esprit les mots de Hüter Der, il ne pouvait s'empêcher de se demander si Mantys pouvait, et s'il avait fait craquer la cristallisation des personnes à bord de ce vaisseau. C'est pourquoi il observait attentivement le regard des personnes qu'il croisait. A aucun moment, il ne put détecter une trace de malice ou de haine chez ces gens, tous avait le regard serein de personnes sans soucis. Se laissant aller à un vrai sourire, le commandant des Air-Lines se demanda s'il ne devenait pas un peu trop paranoïaque. Visiblement, le climat politique de la Terre ne lui réussissait pas.

_ Vous savez donc sourire, capitaine. Dit une voix amusée devant lui. Voilà qui va alimenter les ragots durant les repas.

L'homme qui avait prononcé cette phrase était Narwhal Malike, le commandant à bord du Secret Keeper. Fort et rapide, ce grand homme au teint bronzé avait même réussi à donner du mal à Wolf, considéré comme le meilleur bretteur du groupe, lorsque les Air-Lines l'avaient affronté. Sharks se souvenait parfaitement de la bête au regard haineux, en haillons, dont les plans avaient été parfaitement vicieux et sournois. Rien à voir avec l'homme affable et sociable, bien habillé dans son pull noir à col roulé, qui se trouvait devant lui. Sharks choisit de discuter un peu avec Narwhal sur le chemin de la salle de réunion.

_ Aucune cassure de la Cristallisation ? Demanda-t-il.

_ Non. Pas pour le moment. Répondit Narwhal après un temps d'arrêt suite à la surprise de la question. Mais comme vous le lirez dans mon rapport de fin de journée, il y a trois personnes pour qui il vaudrait mieux la relancer dans les plus bref délais. Ils étaient présent sur Pluton et je crains que les évènements n'aient provoqué quelques fissures.

_ Par sécurité, nous traiterons tout ceux parmi vous qui étaient sur Pluton. Décida calmement le capitaine. Vous m'excuserez auprès d'eux pour cette décision. Ce n'est pas contre eux, c'est une précaution.

_ Oh, mais je comprend très bien. Moi-même, je ne suis pas très à l'aise à l'idée que certains soit des bombes à retardement à bord de mon vaisseau. Acquiesça le cristallisé en s'arrêtant à la porte de la salle de réunion. Je vous souhaite une bonne réunion, Capitaine.

Sharks entra dans la salle de réunion. A l'intérieur se trouvait Kai et Xander qui jouait à opposer leurs énergies. Le feu d'un côté, la glace de l'autre, ils ne semblaient pas forcer du tout. Sans doute pour éviter de détruire l'endroit où ils se trouvaient. Dans un coin, Sigma lisait calmement un livre, Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley. Sharks s'assit dans un coin en silence. Il n'avait guère envie d'entamer une discussion avec l'un d'entre eux. Quelques secondes plus tard, Mantys entrait dans la salle parlant avec Sixth, qui portait son fils dans ses bras.

_ ... Puisque c'est une intelligence artificielle évolutive, je compte lui apprendre la valeur de la vie humaine et du sens moral. Ainsi il changera et ne sera plus esclave de sa fonction. Concluait joyeusement le squelette. Je dois avouer que m'être occupé de ton fils durant ces quelques années m'a donné l'envie d'avoir mon propre enfant.

Fait rarissime, Sharks n'entendit pas les paroles du squelette tant il était surpris par le tableau du père portant son fils. Lasty, dans les bras de Sixth semblait aussi fragile qu'un nouveau né. Sharks avait du mal à voir la même personne que le petit monstre qui l'avait chargé dans l'intention de le tuer quelques jours auparavant. Même Sixth était différent. Il n'était plus le soldat inflexible sur lequel Sharks avait appris à se reposer. Il paraissait moins stressé tout en étant paradoxalement plus dangereux. Une lionne prête à défendre sa progéniture, voilà ce que pensa Sharks.

Mantys commença la réunion avec une nouvelle choc.

_ Bon, je ne vais pas te faire languir plus longtemps. Déclara le squelette. Je t'avais promis de tenter de sauver ta femme de l'accident qui t'a révélé ton immortalité. Je l'ai fait. Elle a survécu et a pu s'occuper de Lasty pendant un bon moment. Par contre, actuellement, je ne sais pas où elle se trouve.

_ Quoi ? Cria Sixth en se levant. Tu me dis que tu as sauvé ma femme juste pour pouvoir me dire que tu ne sais pas où elle est ?

_ Papa, calmes-toi. Intervint Lasty. Ce n'est pas la faute de Maitre Mantys. C'est maman qui a mis Maitre Apokalyps dans une rage folle l'année dernière.

_ Et alors ? Demanda sèchement Sharks. Que s'est-il passé ensuite ? Vous semblez dire qu'il ne l'a pas tué.

Les yeux bleus du squelette se tournèrent vers Sharks. Les quelques tendons de chairs de son visage formèrent une grimace de honte.

_ Il ne l'a pas tué... Je sens confusément qu'elle est vivante. Résonna la voix télépathique avec une pointe de tremblement. Mais il a ouvert un tunnel de déplacement spatial et il l'a jetée à l'intérieur tandis qu'il refermait le tunnel. Je ne sais pas où ça peut l'avoir conduite.

Sixth se laissa tomber dans son siège. Il avait mis tant de passion dans sa recherche des immortels, persuadé qu'une fois retrouvés, ils le mèneraient à sa famille, que cette annonce lui brisait le cœur. Etait-ce cela la vie d'Immortel, condamné à ne pas vivre avec les êtres qui vous étaient chers ?

Lisant la douleur dans le regard de son second, Sharks se permit à nouveau d'intervenir dans la conversation.

_ Nous la retrouverons, major. Nous ne cesserons jamais de la chercher. Et un jour, nous la retrouverons. D'ailleurs, mon propre objectif pourrait nous fournir des indices sur sa localisation.

_ Apokalyps ? Demanda Mantys avec un ton extrêmement sérieux.

_ Exactement. Répondit Sharks. Puisque c'est Apokalyps qui a ouvert le vortex dans lequel a été précipité Christine, il se peut qu'il sache où elle se trouve en ce moment. Apokalyps est la priorité numéro une. Nous ne pouvons pas nous permettre de le laisser en liberté. C'est un danger pour la Fédération.

_ C'est même un danger pour l'Humanité toute entière, jeune homme. Intervint Sigma sans lever les yeux de son livre. Même pour toutes les races de la galaxie. Il est persuadé d'être un dieu vivant, après tout.

La réunion dura une partie de la nuit. Chacun parla à son tour de ce qu'il savait d'Apokalyps. Ils espéraient ainsi arriver à deviner où se trouvait sa base opérationnelle car celui-ci s'était souvent vanté de son "petit jardin secret" où il élevait une horde de bêtes extrêmement sanguinaires. Malheureusement, aucun d'entre eux, même pas Mantys et Lasty, ne connaissait l'emplacement de ce quartier général. La réunion finit sur cette note pessimiste.

La méconnaissance des Immortels au sujet d'Apokalyps ne porta pas préjudice aux Air-Lines car celui-ci se fit particulièrement discret, à la différence des humains et des Bio-Weapons. Tout d'abord, l'armée d'élite de la Fédération eut la surprise de découvrir que Wolf s'était bien remis de la totale incinération qu'il avait subit sur Mercure. Lorsqu'on lui demanda comment il avait pu être guérie de ça, il se contenta de répondre que "le repos forcé réussit plutôt bien à Wolf". Ce qui avait décidé Sharks à croire le miraculé, c'était parce que celui-ci avait trouvé les mots justes pour convaincre le capitaine. Des mots francs et sans détour.

_ Wolf ne peut pas prouver qu'il est Wolf. Wolf ne peut pas expliquer la guérison de Wolf. Mais Wolf a prêté serment d'allégeance à Sharks. Si Sharks croit que Wolf n'est pas Wolf, Wolf s'effacera et ne restera pas avec vous. Cependant, Wolf ne sera jamais très loin des Air-Lines pour respecter son serment. C'est ainsi qu'est Wolf.

Sharks avait froncé les sourcils, ce qui semblait impossible tant son regard était toujours tranchant. Puis après un moment qui avait semblé interminable, il s'était simplement retourné pour reprendre ses activités normales.

_ Vous me fatiguez avec vos Wolf à tous bouts de champs. Avait-il déclaré. Votre ancienne chambre n'a pas été réaffectée, vous pouvez la reprendre.

L'année qui suivit fut intense pour les Air-Lines. A l'aide des Immortels, qui se refusaient à se considérer comme des soldats de la Fédération, ils cristallisèrent les Bio-Weapons VI, VII et VIII lors de rudes combats. Les plans de plusieurs apprentis maitre de la galaxie se révélèrent inefficace face à un Sharks sur-motivé et son équipe d'élite. De nombreuses armées dissidentes firent sécessions et les Air-Lines furent envoyés pour faire le ménage. Au terme de cette année riche en action, le capitaine n'avait recruté que trois personnes de plus pour son armée idéale : Steve Hiller, un pilote civil presque aussi doué que Fifty ; Malgan, un cuisinier militaire habitué à aller au front ; et enfin, le savant fou autoproclamé Docteur Vortex, qui travaillait sur les courbures de l'espace et du temps, quand il n'essayait pas de prendre la galaxie en otage.

Peu après avoir été cristallisé, le vieux scientifique vint trouver Sharks sur la passerelle et lui proposa d'élaborer pour le Black-Bird, un système de déplacement interstellaire qui surpasserait de loin la technologie des bonds hyper-spatiaux. D'après Vortex, lorsque les bonds se produisaient, les vaisseaux humain ne faisait qu'effleurer la surface de la dimension de l'hyperespace tout en étant projeté à des vitesses qui rendaient très dangereuse des bonds fait de manière hasardeuse. De fait, chaque bond devait être calculé de manière ultra-précise et cela faisait perdre un temps considérable.

_ Je connais ces problèmes, Docteur Vortex. Lui avait répondit Sharks. Epargnez-moi le cours d'astronavigation, étant moi-même pilote, j'y suis confronté régulièrement.

_ Moi ce que je vous propose, Capitaine, c'est de faire pénétrer le Black-Bird à l'INTERIEUR de la dimension de l'hyperespace, par le biais d'une sorte de téléportation dont je vous épargnerai les détails scientifiques...

_ Vous me les épargnerai peut-être, mais pas le lieutenant Nek, qui vérifiera la totalité de vos équations. Ordonna Sharks. Après tout, j'ai recruté un Exploriens, autant qu'il serve parfois en tant que scientifique.

_ Merci, Capitaine. Intervint Nek, qui faisait une révision des pupitres de la passerelle à ce moment-là. Ca tombe bien, je trouvais que m'occuper de la révision du Black-Bird était une tâche des plus ennuyeuse.

_ Ce n'est pas pour autant que vous êtes dispensé de vos autres obligations, lieutenant. La révision du Black-Bird doit continuer, même si elle ne vous plait pas.

_ Oui, Capitaine. Répondit le lieutenant, faussement atterré.

_ Connaissant Sharks, il t'aurait délesté de cette tâche pour t'affecter à ce projet dans à peine deux minutes. Chuchota Angel qui l'aidait dans sa corvée de révision en notant toute ses observations.

_ Ouais je sais, mais l'enthousiasme m'a fait perdre le sens commun. Lui répondit Nek. Le projet de Vortex est juste révolutionnaire. Si on arrive à faire ça, ce sera une nouvelle étape dans les voyages spatiaux. J'ai trooop envie d'y participer.

_ La prochaine fois, tu fermeras ta grande bouche.

_ Tu te fous de moi, là ?

Le Docteur Vortex reprit son explication. Une fois dans l'hyperespace, le voyage ne couterait quasiment pas de carburant et il suffirait d'une nouvelle téléportation pour sortir comme une fleur à proximité de l'endroit où l'on voulait se rendre. Finie la nécessité d'effectuer des bonds de "petites" distances pour éviter les écarts trop grands. Avec son procédé, en théorie, le vaisseau prenait une direction en partant d'un point A, passait dans l'autre dimension, s'y déplaçait tranquillement sans obstacle ni perturbation, puis ressortait dans la réalité au point B. Sharks donna son aval et constitua un groupe de travail qui comprenait l'instigateur du projet, le Docteur Vortex, Nek, ravit d'abandonner la révision du bâtiment, Fifty, qui ne semblait pas apprécier que l'on veuille faire des modifications sur "son" vaisseau et quelques cristallisés qui n'avait pas d'autres affectations. Narwhal en faisait partie, ses grandes connaissances serait un atout pour le projet.

En deux mois, cette équipe avait transformé un prototype que Vortex avait utilisé pour affronter les Air-Lines du temps où il était méchant, en machine prête à transporter le Black-Bird à travers la galaxie. Le jour du premier essai, tout le monde était fébrile à bord du Black-Bird et du Secret Keeper. De même, les Bio-Weapons sentaient très nettement la tension des humains qu'elles protégeaient. Tous le monde retenait son souffle et même le Fédérateur Fauless, sur Terre, suivait la retransmission de l'événement par le biais des services de propagande de la Fédération, qui n'étaient jamais très loin des Air-Lines. Vortex abaissa un levier et un bruissement électrique emplit l'atmosphère du vaisseau. Les niveaux étaient bon, tout se passait bien. Le scientifique un peu toqué se dit qu'il était bon pour un prix Nobel quand tout à coup, un frisson parcouru le vaisseau fait de modullo-mécanique.

L'énergie se mit à affluer de façon exponentielle dans la machine. Une bulle noire traversa les parois du vaisseau en grandissant énormément et engloutit le Secret Keeper et les Bio-Weapons. Fauless assista impuissant à la disparition des Air-Lines au grand complet sur son écran géant. Le choc fut si grand qu'il fit un accident vasculaire cérébral bénin. Son grand âge le rendait vulnérable à ce genre de chose.

A l'intérieur des vaisseaux, les gens avaient perçue l'accident comme si toutes les lumières s'étaient éteintes. Lorsque la luminosité revint enfin, ce que montraient les hublots était parfaitement incongrus. Ils se trouvaient au centre d'une ville parfaitement chaotique. Enormément de vaisseaux spatiaux humains étaient encastrés les uns dans les autres. Des maisons de plusieurs époques se côtoyaient sans aucune logique, ni même régularité. Un saloon du Far West était surmonté d'une chaumière, à côté d'un gratte-ciel du vingtième siècle qui penchait dangereusement, tandis qu'un petit châteaux européen médiéval semblait avoir fusionné avec un stade de football américain. Tout les bâtiments semblaient en mauvais état mais particulièrement passé un certain point. Sharks nota la présence d'un bombardier nucléaire datant de la guerre froide juste en face du Black-Bird et il donna l'ordre que les boucliers soient poussés à pleine puissance. Ordre qui fut providentiel car l'instant d'après les moniteurs affichèrent que les boucliers venaient d'être heurtés par une météorite sur le haut du vaisseau. La modullo-mécanique chanta en reconfigurant la paroi externe du vaisseau. Visiblement, le Black-Bird s'adaptait une fois de plus à son nouvel environnement.

Si la ville était étrange, ce fut le ciel qui fascina les Air-Lines. Il était rose bonbon et particulièrement texturé. Parfois, il était traversé par une ligne de lumière fugace. Ce fut Fifty qui parla le premier.

_ Alors, soit je suis en plein trip hallucinogène, soit l'hyperespace est plus "strange" que ce que je croyais. Déclara-t-il avec ironie.

_ Fifty. Des remarques constructives, s'il te plait. Répliqua Sharks avec un ton moins sec que d'habitude, sans doute à cause de l'étrangeté de l'environnement. Rangers. Y a-t-il des signes de vies ?

_ Un paquet même. Répondit Rangers après avoir vérifié sur ses instruments. La plupart se trouvent autour de nous, dans les maisons. Il y a un autre gros groupe à environ 300 mètres en dessus de nous. Et puis, chose curieuse, il y a un signal unique à un kilomètre à l'est, tout seul. Par contre, les moniteurs affichent des tonnes de sources d'énergies différentes. La plupart sont faibles et presque mortes mais certaines sont très vivaces. Dans l'avion en face, il y a très certainement une ou deux bombes nucléaires.

_ Merci Rangers. Docteur Vortex, vous avez une idée de où nous pouvons nous trouver ? Demanda calmement Sharks.

Vortex était collé à un hublot et observait l'extérieur. Il semblait complètement groguis. Etait-ce parce que son expérience était un échec ? Ou parce qu'elle avait trop bien réussi ? Sharks se posa intérieurement la question.

_ Et bien oui, je pense savoir. Finit-il par bégayer. Nous somme dans un nœud de...

Il fut interrompu par le crachotement d'un signal radio plutôt faible. Rangers augmenta artificiellement le signal. D'après lui, c'était une fréquence absolument obsolète.

_ ... Je répète, à tous les nouveaux venus. Disait une voix féminine. Quelles qu'aient été vos intentions premières, celles-ci n'ont plus lieu d'être, vous êtes à Crunch City. Vous êtes désormais comme nous, des prisonniers de cette maudite dimension rose. Ici, c'est le seul endroit viable et j'en suis la Maire. Nos lois sont justes, égalitaire et équitables. Si vous acceptez de vous y soumettre, nous vous accepterons avec plaisir. Mais si jamais vous n'acceptez pas nos conditions, nous vous chasserons de sous notre champs de force et vous devrez survivre sur une terre constamment bombardée de météorite. M'avez-vous compris ?

_ Rangers, mettez-moi en communication avec cette "Maire". Ordonna Sharks.

_ C'est fait, Capitaine. Obéit Rangers.

_ Madame la Maire, ici le Capitaine Sharks, Commandant de la flotte des Air-Lines, j'ai parfaitement compris vos paroles. Dit Sharks dans son micro. Si tant est qu'elles ne s'opposent pas à mon idée de la justice et de la morale, je suis prêt à accepter vos lois et mon équipage s'y conformera également. Toutefois, dîtes-moi, si cet endroit est soi-disant le seul viable, pourquoi captons-nous tant de signes de vie en dessous de nous ?

_ Et bien, Capitaine Sharks, si le voisinage des humains ne vous plait guère, vous pouvez toujours rejoindre la colonie de Glutz qui se trouve sur l'autre face de Crunch City. Répondit la voix, amusée. Mais je vous préviens, ils sont plutôt affamés.

_ Rencontrons-nous en terrain neutre, voulez-vous ? Demanda Sharks après avoir ri de bon cœur une demi-seconde.

Les Glutz étaient une espèce alien toute petite, de la taille d'un chat. Ils ressemblaient à des boules humanoïdes fluorescentes sans yeux ni oreilles mais avec une grande bouche. Habituellement, ils étaient adorables et de nombreux humains possédaient un Glutz comme animal de compagnie. Cependant, ces créatures possédaient un très grand appétit et devenaient épouvantables dès qu'ils avaient faim. Malheureusement, cette espèce ne pratiquait pas le cannibalisme. Sharks imaginait sans peine les problèmes qu'aurait un groupe d'humain qui devrait cohabiter avec une colonie affamée. Puis Sharks se concentra sur le problème immédiat. Une ville perdu dans l'hyperespace, constamment bombardé par des météorites... Une architecture des plus chaotique, démontrant une certaine instabilité... Les gens qu'il allait rencontrer seraient certainement étonnants. Il forma une équipe avec les personnes les plus diplomates qu'il connaissait, Rangers, Blood, Angel, Narwhal et Sigma. Le vieil immortel lui semblait être son meilleur choix, quoique très détaché en de nombreuses circonstances, il était le meilleur négociateur parmi les Air-Lines. Et puis cela valait mieux que de venir avec Mantys qui risquerait d'effrayer les locaux avec son apparence monstrueuse.

Les moniteurs indiquaient que l'air était pauvre en oxygène, par précaution, l'équipe s'équipa de filtres légers qui consistaient en un tuyau qui alimentait en oxygène un embout nasal. Le procédé était un poil inconfortable mais au moins, ils pourraient parler librement avec leurs interlocuteurs. L'équipe, venant des deux vaisseaux, se retrouva sur la place et en attendant la Maire, en profita pour observer avec attention cet environnement inhabituel.

_ Capitaine, regardez cette statue sur la colline qui dépasse derrière cette fusée du vingtième siècle. Dit Rangers en montrant une statue du dieu grec Zeus. C'est de là que vient le signe de vie unique.

_ Un banni. Conclut simplement Blood.

_ Ouais, t'as raison. Surement un gars qui pouvait pas s'empêcher de parler. Déblatéra nerveusement Angel. Il a dû exaspérer la Maire et on lui a demandé gentiment d'aller voir si les astéroïdes était plus jolis vers là-bas. Je parie que c'est un mec exaspérant qui fait bla bla bla à tout bout de champs...

_ C'est curieux j'ai déjà entendu cette description quelque part. Ironisa Narwhal.

Sharks ne participait pas à la tentative de son équipe de se détendre en attendant de voir ce qui allait se passer. Il était absorbé par ce décor et l'invraisemblance de son existence. Il sentait bizarrement qu'une énigme allait se résoudre très bientôt mais il était incapable de mettre la main dessus. Il jeta un coup d'œil au Black-Bird. Celui-ci avait pris l'aspect terne et texturée de la roche, c'était l'apparence la moins vivante qu'il ait jamais eu. Avant que Rangers n'entende la porte grincer, le Capitaine perçut le mouvement venant d'un manoir du dix-neuvième siècle. Plusieurs personnes en sortirent, équipées de combinaisons spatiales datant du premier siècle de l'exploration spatiale humaine. On ne pouvait pas distinguer leur visage mais tout le monde pouvait reconnaitre la silhouette féminine par rapport à celles des hommes. Le groupe de dix personnes sortant du manoir était entièrement armé. Cependant Sharks ne donna aucun ordre pour se mettre en position de défense. D'une, les armes que portaient les autochtones étaient toutes absolument obsolètes : des lances, des haches, un mousquet et quelques revolvers. Seule la Maire tenait une arme récente. De deux, aucun d'entre eux ne tenait son arme de façon agressive, Sharks avait bien compris que c'était plus une mesure de sécurité qu'une tentative de démontrer une quelconque supériorité militaire. Le Capitaine resta quand même sur ses gardes en demandant à Rangers d'écouter leurs cœurs pour savoir leur état d'esprit. Cependant, dès que la combinaison de la Maire se tourna vers eux et qu'elle les aperçue, elle porta sa main à sa poitrine dans un geste de soulagement parfaitement surprenant dans ces circonstances. Elle parla à son groupe et se dirigea toute seule vers eux d'un pas joyeux et sautillant.

_ Euh Capitaine. Bégaya Rangers, quand il entendit la mélodie de son cœur. Elle est soulagée et surtout, enjouée. C'est très... bizarre.

_ Merci, soldat. Répondit Sharks. Je suis le Capitaine Sharks. Je suis en charge de ce corps d'armée.

La femme dans la combinaison s'arrêta à trois pas de Sharks, se pencha fortement en avant en obliquant la tête pour mieux observer le jeune Capitaine et rit à gorge déployée. Devant un tel comportement, qu'il ne comprenait pas, le soldat habitué à faire la guerre fut décontenancé, de même que son équipe. La Maire finit de rire et reprit son calme.

_ C'est toi le chef ? Donc, tu veux dire que ce mec, là, ce vieillard snobinard qui tient à peine sur ses jambes, il est sous tes ordres ? Demanda-t-elle en désignant Sigma tout en faisant retentir son rire cristallin.

_ J'ai l'impression de reconnaitre cette voix. Se surprit Sigma. Oui. Je l'ai déjà entendu quelque part.

_ Et comment que tu l'as déjà entendue ma voix, vieux bouc. Clama-t-elle en commençant à déclipser son casque. Des nouvelles de cet enfoiré d'Apo-caca ?

_ Non ? ! Hurla Sigma sous la surprise.

Le casque enlevé, l'identité de la Maire se révélait. Une femme brune avec de longues boucles qui dévalèrent du casque en une cascade interminable. Elle était belle, bien qu'une cicatrice tentaculaire occupait le côté droit de son visage. Extrêmement bien maquillée, ces yeux verts de jade lançaient de vrais éclairs de joie et son sourire était parfaitement sincère. Sharks reconnut instantanément la femme, bien qu'il ne l'ait vu qu'en photo, sans cicatrices, et avec quelques années en moins. Inconsciemment, il porta la main sur sa radio.

_ Dîtes au Major Sixth et à Lasty de venir nous rejoindre. Dit-il dans un état second. Il y a là une personne qui doit les voir d'urgence...

Les retrouvailles furent larmoyantes. Sixth écrasa presque Christine dans sa combinaison spatiale tant il était ému de retrouver sa femme. Le petit Lasty vint s'ajouter au tableau tandis que tout le monde observait en silence. Sharks, en particulier, était touché par le bonheur et la vulnérabilité de son second. Ses propres souvenirs ne lui offraient aucune comparaison avec ce qu'il avait devant les yeux. Il revoyait ses années en tant que commandant des Air-Lines, son service sous le Commando Requin, la formation militaire à l'Académie, le charnier sur lequel on l'avait trouvait lors du massacre de Sharksennokhan et ensuite... plus rien. Bizarrement, Sharks pensa au squelette immortel. Cela lui donna la nausée et il se concentra à nouveau sur le bonheur de Sixth. Le Capitaine l'ignorait mais son équipage et lui-même allaient passer un long moment dans cet environnement étrange.

Une semaine après la disparition des Air-Lines devant les caméras, Apokalyps déclencha une guerre ouverte avec la Terre et la galaxie se trouva très vite scindée en deux camps. D’une part, il y avait ceux qui restaient fidèles à la Fédération des Planètes, et de l’autre, il y avait ceux qui trahissaient l’humanité pour se ranger du coté du plus fort. Pour le Sommet, il était évident qu'Apokalyps avait provoqué la disparition des Air-Lines, le timing était vraiment trop parfait. Apokalyps, quant à lui, trouvait simplement qu'il avait eu de la chance que les Air-Lines ratent leurs essais une semaine avant sa nouvelle offensive. Quelque part, il en nourrissait même un certain ressentiment de ne pas pouvoir se venger d'eux.

La guerre tourna rapidement en faveur d'Apokalyps. Sans l'avantage moral et tactique qu'apportaient les Air-Lines à la Fédération, de nombreuses armées capitulaient face aux forces de l'immortel. En effet, Apokalyps construisait ses plans de bataille comme s'il connaissait chaque point fort et chaque point faible de chaque armée qu'il affrontait. Face aux armes lourdes des Spiders Wrath, si lente à se déplacer, il avait opposé des véhicules légers, rapides et maniables qui avaient immobilisés les tanks de leurs adversaires très rapidement en leur tournant autour. Face aux pouvoirs parapsy des Ghost-Fighters, il avait lancé un sortilège mystique qui avait réduit à néant la volonté des psyckers humains. Et face à des planètes civiles non pourvus d'armées spécialisées, il s'était contenté de lâcher dessus une meute d'animaux et d'aliens sanguinaires qui avaient fait des dégâts considérables. En un mot, il gagnait toutes ses batailles et le Fédérateur Fauless ainsi que les membres du Sommet ne savaient pas comment inverser la tendance.

Défaite après défaite, la Fédération se retrouva en six mois, retranchée dans le système solaire. On s'approchait de l'hallali et les Last Wall se préparait dans le calme à livrer bataille sur Terre. C'était leur mission unique, tenir et protéger la Terre de toute incursion possible, être le dernier rempart. Excédé par la situation sans issue, le Fédérateur en personne prit les armes et ordonna aux quatre meilleures armées de la Fédération de le suivre vers la base opérationnelle d'Apokalyps. Le Commando Requin, les Aquanautes, les Exploriens et les Emtrons répondirent d'une seule voix et suivirent leur leader droit sur la Comète de Haley. Car l'armée scientifique des Exploriens avait bel et bien déjoué la meilleure des stratégies d'Apokalyps qui consistait à occuper la Fédération avec un blocus constitué de vaisseaux capturés depuis le début de la campagne. Alors que les vraies forces de l'Immortel se laissaient mener au plus près de la Terre sur le vagabond de glace. Stratégie au combien intelligente du cheval de Troie qui, malheureusement pour lui, avait échoué.

Apokalyps s'en ému peu, il était trop proche de la victoire totale pour paniquer. A la surface de la comète, dans un halo bleuté tout juste naissant à l'approche du Soleil, la bataille dura quatre jours. La base installé sur l'astre possédait de formidable défenses anti-missiles, rendant inutile l'emploi de dispositif explosif pour détruire l'astre errant. Au contact, les armées des Exploriens et des Emtrons furent décimée par les forces obscures d'Apokalyps qui rassemblaient mercenaires, truants, armées traitres et races aliens possédant un fort ressentiment envers l'esclavage de la Fédération. Cette bataille, une fois de plus, c'était les humains qui la perdaient. Retranchée sur une position haute, le vieux Fauless attendait deux choses avec anxiété. La première, c'était le reste des forces de la Fédération, menées par les autres membres du Sommet. Ils avaient pour ordre d'attaquer trois jours après le départ du Fédérateur s'ils n'avaient pas de nouvelle de la victoire. La seconde, c'était une mort imminente si les renforts tardaient encore...

Durant le même laps de temps, les Air-Lines n'avaient pas chômé à Crunch City. Leurs compétences diverses avaient permis de rendre la vie bien plus supportable dans cet étrange environnement. Tout un tas de générateurs, d'oxygène, d'énergie et de champs de forces avaient été installé. La ville éclectique était désormais bien mieux protégé de la chute des astéroïdes, et les "locaux" avaient emménagé dans le Black-Bird, de même que les cristalisés du Secret Keeper. Christine avait argumenté, à raison, qu'ici-bas, vu que personne ne pouvait s'échapper, il n'y avait aucune raison de faire une différence entre les personnes qui voulaient s'entraider et s'en sortir. A la surprise générale, le Capitaine Sharks avait accédé à l'exigence de la maire de Crunch City. Ce ne fut bientôt plus un secret pour personne que la femme de Sixth avait un influence énorme sur le capitaine. Mais dans la mesure où cette influence semblait bénéfique au groupe dans son ensemble et où l'oreille d'or de Ranger ne décelait rien de malveillant en elle, les Air-Lines choisirent d'accepter le fait tout en tâchant de garder un œil vigilant au cas où.

Les jours passèrent et la réalité de leur emprisonnement dans cette dimension devint plus précise. Aucune des tentatives du Docteur Vortex ne parvint ne serait-ce qu'à ouvrir une minuscule brèche vers leur réalité. Là encore, l'espoir des premiers jours firent place à une acceptation docile de la situation. Et la dynamique du groupe évolua. Bien que respectant toujours la hiérarchie des grades, ils commencèrent à se comporter comme une famille. La politique d'entraide et d'auto-formation constante qu'avait instauré Sharks depuis les premiers temps se développait vers un lien encore plus profond et inébranlable. Cela, Sharks le comprit lorsque Dekon vint le voir pour lui demander de le marier à sa petite amie venue de Crunch City qu'il avait mise enceinte. Cela ne faisait que trois mois qu'ils étaient bloqués dans l'hyperespace. Sharks accepta et laissa fuser un long sourire de deux secondes sur son visage.

Quelques minutes plus tard, Christine, qui venait lui faire son rapport hebdomadaire le trouva en pleurs dans ses quartiers.

_ Voyez-vous ça ? Le super soldat de la Fédération a des émotions ? Je n'aurais pas cru ça de toi, mon petit Sharks. Dit-elle avec ironie.

Surpris, Sharks s'essuya les yeux du revers de sa manche et nia le fait comme un adolescent fautif.

_ Non. Je fais une... allergie. C'est l'atmosphère de cet endroit qui m'irrite les yeux.

Christine le regarda longuement, les yeux dans les yeux. Elle savait qu'insister lourdement ne donnerait rien. Elle choisit de contourner le problème et sauta dans le fauteuil du bureau.

_ Si tu veux. C'est vrai que l'air est plus sec ici... Sans doute le manque d'atmosphère naturelle. Dit-elle d'un ton badin.

Sharks se sentit soulagé. Continuant à s'essuyer les yeux et le nez, il respira plus naturellement. Christine, ayant repéré le relâchement mental, attaqua aussi sec.

_ Mais tu ne convaincra pas qu'il n'y a rien qui te préoccupe, mon petit Sharks.

Le ton était déterminé et sans ambigüité. L'épouse de Sixth l'avait percé à jour. Contente d'elle-même en constatant qu'une émotion traversait le visage habituellement fermé du Capitaine, elle sortit un paquet de cigarette.

_ Ca ne te dérange pas si je fume ? Demanda-t-elle en souriant. On a un stock gargantuesque de ces saloperies. A croire que même l'univers cherche à se débarrasser de cette mauvaise habitude.

Sharks acquiesça distraitement. Il se concentrait sur le briquet argenté que sortait Christine de sa poche. Un briquet à essence avec une gravure, deux haches dans un brasier. Le symbole de la caste des archivistes. Tenant sa cigarette allumée entre son majeur et son annulaire, Christine faisait chut avec son index devant sa bouche d'un air pleinement satisfait.

_ Chut. Ne va pas l'ébruiter. Mon adorable mari pense toujours qu'il a décidé d'entrer chez les Fire Warriors de lui-même. Mais si je te l'ai montré, à toi, son supérieur, c'est pour te prouver que je sais garder un secret. Tout ce que tu me diras sera conservé comme une archive de notre ordre.

Sharks s'assit sur son lit de dépit. Il était décontenancé comme rarement il l'avait été. Mais en même temps, Christine était une personne forte et digne de confiance. Par désœuvrement au cours de ces longues journée ennuyeuses sur Crunch City, il s'était amusé à évaluer tous les habitants de la ville chaotique comme s'il s'agissait d'Air-Lines. Nombreux étaient ceux qui étaient dignes d'être recrutée, mais Christine les dépassait tous, sa force morale, son état physique et ses qualité de meneur la rendait indiscutablement nécessaire au projet Via Aeris.

Ayant repassé tous ces faits dans sa tête, Sharks décida qu'elle pouvait être sa confidente. Son regard retrouva son tranchant l'espace d'un instant.

_ Je vais mal à l'intérieur, Christine. Dit-il sans savoir comment l'exprimer autrement. Depuis des années, quand je me retrouve confronté à des situations que je ne comprend pas, j'ai ces douleurs dans le torse et des pensées parasites. Et ça peut me rendre en colère, et dans ces moments-là...

Sharks s'interrompit au moment où la lumière du plafond vacilla. Christine resta silencieuse en essayant de déterminer si les paroles de Sharks en était la cause ou la conséquence. La lumière cessa vite son clignotement.

_ Attend, prend une grande inspiration. Retrouve un semblant de calme et dis-moi depuis quand ça te fait ça.

_ ... Quand j'avais dix ans. Commença-t-il. J'ai été retrouvé au sommet d'un tas de cadavre, lors du massacre de Sharksennokhan. C'est d'ailleurs à ça que je dois mon nom. J'étais amnésique, désorienté, et il a fallu quatre soldat pour me maitriser.

_ Et tes parents ? Où étaient-ils ? Demanda Christine naïvement.

_ Personne ne le sait. Les Khanniens ne faisaient pas de recensement génétique à l'époque. Ce sont les prises de sang qu'on m'a faites qui ont déterminées l'âge que j'avais. Au vu de mes capacités et mon aptitude à la violence, ils ont décidé de m'intégrer à l'académie militaire que le Commando Requin implantait sur la planète.

_ Oui, massacrer la population où se trouve des rebelles et transformer la jeune génération en soldat citoyen après une belle lobotomie propagandiste. Je reconnais là les méthodes de la Fédération.

Christine parlait toujours de la Fédération avec défiance. Mais son avis était extrêmement objectif.

_ J'ai été intégré au groupe 7. Nous étions 11 jeunes du même âge : Isaac, Dick, Herber, Campbell, Clark, Brad, Token, Julius, Wells, Barjy et moi.

A l'évocation des noms de ses anciens camarades, une larme unique perla dans l'œil de Sharks. Pendant un temps infime, Christine se trouva dans l'obscurité la plus totale, faisant face à deux yeux bleus effrayants. Elle cessa de respirer jusqu'à ce que la lumière revienne. Après ça, elle eu plus qu'envie de s'arrêter là mais Sharks semblait déterminé à continuer. Elle prit son courage en mains et se rasséréna.

_ Au début, ça c'est très mal passé. Je leur faisait peur, ils m'évitaient autant que possible. Moi, je ne les comprenait pas. Ils faisaient des choses futiles quand on avait quartier libre. Ils sortaient du dortoir, se livraient à des rencontres sociales, faisaient des jeux. Moi, j'étudiais et renforçais mon physique en les regardant au loin. On s'est battus quelques fois, et quand ils ont compris que je leur était supérieur, ils ont cessé les menaces physiques. Ils m'ont lancé des insultes de loin. Je leur ai prouvé que les insultes de loin ne les protégeaient pas de moi quand ils devaient retourner au dortoir... Les insultes ont donc finis par cesser aussi.

_ Tu... Tu es en train de me dire que tu n'as bénéficié d'aucun renforcement social positif au cours de tes classes ?! Dit-elle horrifiée. Mais les dégâts sur ton psychisme doivent être incalculable !

_ Rien dans ce que l'on apprenait à l'académie n'évoquait le social. On nous a appris à défendre la Fédération, notre devoir civique et à tuer de n'importe quelle manière. Tu veux savoir comment je pourrais te tuer en utilisant ce bureau derrière lequel tu te trouve ?

_ Non, pas envie. Mais donc, ces douleurs dont tu parlais, tu en as eu à cette période ?

_ En de rare cas. Parfois, lorsque j'étudiais et que par la fenêtre je les apercevais, toujours en groupe, dans ma tête, je me voyais les rejoindre. Mais les douleurs arrivait, j'avais l'impression de les voir comme des morts, des squelettes animés, alors je retournais à ce que j'étudiais.

_ Continue, je crois que j'entrevois ce que tu as.

_ Vint l'affectation de notre première mission. Plusieurs groupes furent envoyé pour cartographier une caverne que l'on venait de découvrir. Elle avait été bouché par un effondrement plusieurs décennies auparavant.

_ Plutôt tranquille comme mission. Essaya Christine d'alléger le ton.

_ Il y avait un monstre à l'intérieur... Une sorte de mutant cannibale et difforme. Il a tué de nombreux cadets ce jour-là. Le groupe était au bord de la désespérance. Mais moi, je les ai remotivés, leurs ai rappelés ce que nous avions appris et les ai réorganisés. Ensemble, nous avons acculé le géant et je l'ai tué avec sa propre arme, ce katana que je porte tout le temps. C'est le trophée de ma première victoire.

_ Je m'étais toujours demandé pourquoi tu utilisais ce vieux coupe-coupe au lieu d'une arme à énergie. Voilà mon explication.

Sharks sortit la lame de son fourreau. Il était impeccable mais quelque chose était gravé sur la lame. Il était indéniable que ce soit de l'écriture mais dans une langue inconnue.

_ On dirait des runes mais je ne reconnais pas du tout le langage. Dit Christine, intriguée.

_ Personne ne reconnait ce langage. Même Hüter Der, qui y a jeté un coup d'œil plusieurs fois en visioconférence ne l'a jamais reconnu. J'ai donc gardé le katana et ma situation sociale s'est améliorée. Cette mission avait été un déclic pour moi, et le groupe me faisait plus confiance dorénavant. Et pas seulement parce que j'avais été nommé cadet supérieur. J'ai commencé à les fréquenter mais je me sentais toujours un peu à l'écart, même au sein du groupe.

_ Le sentiment de ne pas être totalement à ta place, ou légitime à être parmi eux j'imagine. Tu avais pourtant des relations amicales avec eux ?

Sharks resta silencieux un moment, comme s'il ne savait pas de quoi elle parlait.

_ Et coté relation amoureuse, comment ça se passe chez le Commando ? Essaya Christine.

_ Wells et Token ont tenté d'avoir ce genre de relation... Token m'a même embrassé.

_ Ah ? Et elles étaient mignonne au moins ?

_ Wells était un spécimen de femme parfaitement proportionnée, donc j'imagine que oui. Quant à Token... Sharks émit un HA de rire. Ce n'était pas une femme.

_ Oooh ! Emit Christine en réalisant. Je suis surprise d'entendre que le Commando Requin accepte ce genre de chose.

_ Ce n'est pas que je m'y intéresse, mais le Commando tolère la bisexualité.

_ Intéressant. J'étais pourtant sure qu'ils étaient rétrogrades. Réfléchit-elle à voix haute.

_ Si tu veux bien, restons-en là sur ce sujet. Nous n'avons pas besoin d'en revenir aux abus du vingt-et-unième siècle. Demanda Sharks doucement.

_ Oh ouiiii. Réagit Christine. On ne veut pas d'une nouvelle guerre des genres. Même si elle a principalement eu lieu en virtuel. Et donc ? Ton histoire va où avec tout ça ?

_ C'est simple. Au cours des années qui suivirent, ils sont tous mort...

Nouvelle baisse de luminosité, accompagnée d'une légère vibration à travers le vaisseau. Christine se dit en elle-même qu'elle devrait peut-être stopper maintenant et amener Sharks à se dévoiler petit à petit. Mais son instinct d'archiviste, et la curiosité naturelle de l'humain, la poussa à le laisser parler.

_ Souvent par la faute du hasard, quelques fois parce qu'ils n'étaient pas à la hauteur, une seule par ma faute... Et invariablement la même douleur, accompagné d'un déferlement de colère... Envers moi. Envers tout le monde. Envers eux. Qui n'étaient pas assez fort pour survivre, me laissant plus solitaire que jamais.

L'ampoule de la lampe de bureau explosa, faisant sursauter Christine. Sharks ne sembla même pas le remarquer.

_ J'ai commis l'erreur de les laisser entrer dans mon cercle privé et je les ai tous tués. Le Commando Requin ne fabrique que des assassins et j'en suis le meilleur élément.

Christine se leva de son fauteuil et vint se placer face à Sharks dont les yeux étaient humide mais qui ne pleurait pas. Elle lui sourit comme une mère sourit à son enfant. Et lui administra une gifle monumentale. Sharks était résistant à la douleur mais plus que la sensation, c'était la conviction que cette femme avait mise dans son regard qui le frappait durement. Elle l'attrapa par le col et le rapprocha de son propre visage.

_ Maintenant tu vas attentivement m'écouter mÔssieur le soldat d'élite ! Cria-t-elle avec conviction. Des soldats qui meurent, et des tragédies par la faute à pas de chance, il y en a tout les jours, à chaque heure. Peut-être même à chaque minute !

_ Mais... Tenta Sharks sans conviction.

_ Oui ! Tu as connu des drames pas simple. Et je comprend sans problème que tu doutes. Mais les troupes qui vivent à bord de ce vaisseau ne sont pas des débutants à peine pubère. Ils ont prouvés qu'ils méritaient largement leur place dans votre projet Via machin-chose là.

_Via Aeris.

_ Si tu veux. Ecarta-t-elle d'un revers de la main. J'ai bien compris que tu as peur de t'attacher à eux et que c'est pour ça que tu maintiens la distance même ici, alors que vous êtes sans doute prisonniers à vie dans cette antichambre du n'importe quoi !

_ Il n'y a pas que ça ! Réussi à crier Sharks en profitant d'une pause.

Avec une douceur infinie, le soldat détacha la main de Christine de son col et se redressa. Un instant, il remit son uniforme en place puis inspira longuement.

_ Il y a une énergie sans fin dans mon corps. Avoua-t-il enfin. Elle sourde sans limite depuis mes entrailles et je dois passer la majeure partie de mes journées à l'épuiser si je ne veux pas risquer de tout détruire autour de moi. Je fais des heures et des heures de rameurs et je ne ressent qu'une légère fatigue. J'alimente le canon avec l'interface humain machine avec la même efficacité que l'intégralité de mon équipage. Les exploits que l'on m'attribue ne sont que le fait de cette énergie dont personne. PERSONNE ! N'est capable de repérer, ni même d'expliquer ! Mais depuis qu'on m'a trouvé sur le tas de cadavre, elle n'a cessé d'augmenter.

Christine ferma les yeux avec sérénité. Ce dernier monologue lui avait permis de comprendre beaucoup de choses concernant Sharks, concernant Mantys et Apokalyps, et le devenir de la Fédération. Elle avait mise bout à bout des bribes d'informations entendues lors de conversations incompréhensibles pour elles avec les Immortels et reconstituée le puzzle. Mantys aimait faire référence à un requin qui menaçait Apokalyps pour lui faire peur. Elle n'avait jamais compris pourquoi un Immortel se sentait menacé par un animal. Le squelette ne s'était pas arrêté là avec les mystères. Il lui avait expressément demandé, dans l'éventualité où elle reverrait des humains normaux, de ne jamais parler de ses allusions à qui que se soit. "Le destin de l'humanité pourrait s'en trouver faussé" avait-il dit avec sa manière exécrable de faire du mystère pour tout. Christine prit la décision de faire confiance au squelette. Mais elle lui ferait cracher le morceau en privé quand même.

_ Et c'est sans doute la volonté de ceux qui t'ont abimé ainsi. Finit-elle par dire en se maudissant intérieurement.

_ Quoi ?

_ Trouvé hagard sur un tas de cadavres. Handicapé émotionnellement parlant. Je parie que tu ne sais même pas que tu ne ressent que des versions édulcorés des sentiments. Tu as cette énergie qui est influencé par tes émotions et qui ressort dès qu'elles sont trop fortes, c'est pour ça que l'on a pas voulu que tu puisse t'en servir.

_ Tu. Tu crois ?

Christine sourit à nouveau comme une mère. Elle ressentait désormais un fort sentiments de maternité envers Sharks. Presque aussi fort que pour son propre fils.

_ C'est l'analyse que je fais en t'écoutant parler. Je me trompe peut-être, tu sais. Mais il va falloir que tu apprennes à identifier ce que tu ressens dorénavant. Et analyser ce que ça déclenche à l'extérieur. Comme ça le moment venu, tu pourras laisser se déchainer ce qui est en toi... Ou pas. Conclue-t-elle. Ce n'est pas parce que tu as quelque chose en toi que tu es obligée de t'en servir.

Christine se dirigea vers la sortie des quartiers de Sharks en chantonnant. Une fois la porte ouverte, elle se rendit compte que Mantys et Angel attendait derrière.

_ Ah ! Tu tombes bien, squelette. Il fallait que je te parle. C'est à propos de mon fils. Viens avec moi. Angel a l'air de vouloir parler à son capitaine.

Les trois mois qui passèrent furent d'une richesse incroyable pour les Air-Lines. La perspective d'être peut-être prisonniers à jamais de cet espace rose n'enchantait personne, mais l'adoucissement dont faisait preuve leur Capitaine rendait la captivité moins contraignante. Bien sur, le docteur Vortex et Nek planchait toujours sur la machine pour s'échapper mais la troupe militaire commença à former une vraie famille, dont Sharks, Christine et Mantys formait en quelque sorte le cercle des ainés. Le capitaine solitaire se mit même à tutoyer de plus en plus de personnes, à la surprise générale, et il écrivit dans le rapport secret destiné aux seuls yeux du Fédérateur Fauless et du reste du Sommet qu'il se sentait presque comme en vacances.

Sur la comète de Haley, les forces humaines affrontaient un siège qui durait depuis une semaine maintenant. Eprouvé, exténué, le vieux Fédérateur convoqua les derniers généraux qui lui restaient : l'Amiral Sessenta et son dernier général de division Aquanaute, ainsi que les six généraux de corps d'armée du Commando Requin. Le vieux soldat voulait tenter une ultime percée vers le QG d'Apokalyps.

_ Je préfère mourir en me battant que d'attendre la mort dans ce trou à rat. Avait-il susurré sans desserrer les dents. Et c'est ce que je vais faire. La seule question qui se pose c'est, serez-vous derrière moi ? Ou préférez-vous hisser le drapeau blanc en espérant la clémence du vainqueur ?

Les huit répondirent d'une seule voix.

_ Nous vous suivrons jusqu'en enfer, Fédérateur. Nous choisissons le baroud d'honneur.

Dans l'aube bleuté de la Comète, les dernières forces actives de la Fédération sortaient de leur campement et fondaient sur les troupes d'Apokalyps tels des aigles sur des souris. Galvanisé par le désespoir d'être dos au mur et la fantastique volonté de leur leader, les soldats se battaient comme des lions. Ce fut la plus sanglante des batailles auxquelles avaient participé Fauless. Pourtant, il était présent lors du massacre de Sharksennokhan, peu avant d'accéder à la fonction suprême. Mais dans l'immédiat, ce qui comptaient, c'était que les forces d'Apokalyps reculaient. Tellement que l'Immortel en personne quitta son palais pour mettre un terme à la fierté des humains.

Sortant d'un bâtiment de marbre blanc d'inspiration cubaine, celui qui portait le nom connotant la fin de tout ce qui est ne semblait ni impatient, ni énervé. Il était juste certain que sa venue allait faire cesser la bataille. Il était la destruction incarnée. Chaque mouvement de son épée, une rapière espagnole qu'il avait affectueusement appelée Châtiment, faisait s'envoler une dizaine de soldat, qui étaient subitement découpés dans les airs. L'Immortel fou ne faisait même pas de distinction entre ses ennemis et ses troupes. Lors d'un de ces mouvements destructeurs, l'amiral Sessenta fut sauvé par le sacrifice héroïque de Cientôt qui le poussa de justesse avant d'être pris dans la tourmente déchiqueteuse, rachetant par sa mort sa trahison passée. Conscient du carnage mais déterminé à sauver son monde, Fauless ordonna la retraite de ses hommes et fonça lui-même sur le monstre en brandissant son énorme épée énergétique, Hellwhelkeen. Au contact avec le monstre qui s'attaquait à l'humanité, Fauless fut surpris de constater que physiquement, son adversaire était plus petit et à peine aussi fort que lui-même.

Le combat fut court. Les deux belligérants étaient de vrais maitres d'armes rivalisant de finesse et de technique. Les spectateurs regardaient ce combat exceptionnel, stupéfait d'assister à un duel de titans. Mais Apokalyps était immortel et chacune des blessures qu'il subit se referma dans la minute sans jamais entamer son endurance. A contrario, Fauless était vieux, malade et fatigué. La garde de son épée lui paraissait plus lourde à chaque passe, jusqu'au moment où fatalement, il crut la lever pour parer le coup.

Et Châtiment fendit les airs sans trouver de résistance.

Fauless tomba à genoux, la poitrine ouverte profondément, les yeux exorbité par la surprise. Lutant pour aspirer de l'air dans ses poumons crevés et alors que les affres de l'agonie l'engloutissait, le vieil humain se surprit à prier. Il n'adressa pas sa prière à un dieu, il n'en connaissait pas. Mais il pria de toutes ses dernières forces, pour que son petit-fils, les Air-Lines et surtout le capitaine Sharks, qu'il admirait beaucoup, soient toujours en vie. Qu'ils ne soient pas morts comme tout le monde croyait et qu'ils reviennent bientôt pour sauver l'humanité de ce tyran immortel.

Les dernières troupes tentèrent un dernier coup d'éclat tandis que Fauless tombaient à terre, les yeux grand ouverts en direction de la Terre, qu'il ne pouvait voir. Mais Apokalyps leur ordonnait déjà de se rendre pour survire. Le Fédérateur n'entendait plus rien hormis le battement affaibli de son cœur. Il était en train de mourir, rien ne pouvait l'en empêcher. Il souhaita en boucle la même chose, le retour des Air-Lines, l'espoir de l'humanité.

Curieusement, quelqu'un entendit sa prière. Quelqu'un que l'on pourrait considérer comme une divinité la reçut et se mit en tête de l'exaucer. Fauless s'éteignit alors que cette divinité lui insufflait la conviction que sa prière était exaucé, qu'un miracle allait se produire. C'est ainsi qu'au beau milieu de l'après-midi, d'après le temps relatif à Crunch City, la petite ville perdue dans l'hyperespace entendit résonner de partout la voix de la planète Solar.

_ CA SUFFIT, SHARKS ! COMBIEN DE TEMPS CROIS-TU QUE TU POURRAS ECHAPPER A TES OBLIGATIONS ?

Instantanément, la ville, le Black-Bird et le Secret Keeper, les Bio-Weapons et tous les habitants furent téléporté à deux unités astronomique de la Terre. Pour toutes réponses aux accusations de Solar, Sharks activa son communicateur pour appeler le Docteur Vortex.

_ Vortex ? Vous pouvez arrêter de travailler sur votre téléporteur, nous avons trouvé plus rapide.

A peine revenu dans l'univers matériel normal, Sharks, Sixth et Fifty, les responsables du projet Via Aeris, furent convoqués par le Sommet. Après avoir longuement rendu des comptes sur leur disparition pendant six mois, au cours desquels Sharks fut presque accusé d'être complice d'Apokalyps tant la synchronicité entre leur disparition et l'attaque de l'Immortel était parfaite, ils purent connaitre les événements des six derniers mois. Ce fut au cours de ce débriefing qu'Apokaplys envoya des images du corps sans vie de Fauless à la Terre entière. L'immonde ordure s'était amusé à planter la tête du Fédérateur sur un long piquet, laissant le corps gigoter grotesquement pour attiser la horde d'aliens dinosauriens qui lui servaient à faire les plus sanglants massacres, les Cobra-Kas. Les monstres sautaient pour arracher des lambeaux de chair au cadavre et s'en disputaient la propriété une fois au sol. Sharks évacua la colère qu'il ressentit devant ce spectacle en frappant le mur à sa droite, ce qui le fit s'écrouler.

_ Pourquoi êtes-vous encore en vie, vous ? Demanda-t-il au Sommet sans se soucier du respect dû à leur rang.

_ Capitaine ! Ce ton frise l'insubordination ! Hurla Vilian, le premier en lice pour la succession au poste de Fédérateur. Je comprend votre colère. Je la partage ! Nous sommes en vie parce que nous n'avons pas tenté de franchir les lignes ennemies avec quatre malheureux corps d'armées. Dit-il plus doucement. Regardez les images. De nombreux survivants de cette bataille ont été fait prisonniers.

En écoutant parler le nouveau Fédérateur (ce n'était pas encore officiel mais c'était déjà acté par son comportement), Sharks avait tout compris. Ces arrivistes pourris jusqu'à la moelle avaient trouvé commode de laisser Fauless se suicider entre les mains d'Apokalyps afin de prendre le pouvoir et négocier avec l'Immortel. Il ne pourrait pas régner sur une galaxie humaine tout seul, et ils seraient là pour le seconder. Un rapide coup d'œil sur les cartes du Sommet, indiquant les mouvements de troupes de la galaxie, prouvait cette hypothèse. Plus aucune armée n'était engagé au combat avec les troupes ennemis. Le Sommet attendait le bon moment pour capituler et en tirer le maximum de bénéfice personnel. Sharks ravala son envie de les massacrer séance tenante et tenta de les convaincre de lui faire confiance.

_ Fédérateur Vilian. Avait-il commencé, en sachant que cela flatterait le politicien. Membre du Sommet. Je suis à la tête de la meilleure armée de la galaxie et j'ai déjà battu tous les autres immortels de la race d'Apokalyps. Confiez moi les Last Wall de la Terre et les Techno-Titans de Mars et je gagnerai cette guerre pour vous.

_ Non, Capitaine. Répondit trop vite Vilian. Vous semblez oublier les statut très particulier de Mars et des Last Wall. Nous ne pouvons pas réquisitionner ces deux corps.

Sharks tiqua mais il se sentait bête. Evidemment que les Last Wall ne pouvaient être réquisitionné. Leur mission ne souffrait aucun compromis. Et Mars étant la seule planète colonisée avant la création de la Fédération, elle bénéficiait du statut unique d'alliés à la Fédération. Les Techno-Titans pouvaient être sollicités mais Mars pouvait refuser sans explications. Rien dans les paroles de Vilian ne pouvait trahir ses agissements intéressés.

_ Nous avons d'autres plans pour votre armée d'élite, capitaine Sharks. Reprit heureusement le nouveau Fédérateur. Vous allez attendre vos ordres sur la base de terraformation de Titan, le satellite de Saturne. Vous serez là-bas bien plus à même de servir les intérêts de la Fédération et la défendre le moment venu.

Fifty et Sixth, qui avaient bien fait les mêmes conclusions que Sharks pensèrent que Vilian était un sacré imbécile. Comment un tel stratège, héros de centaines de batailles en son temps, pouvait avoir fait une telle erreur ? Envoyer les Air-Lines sur Saturne, loin d'une possible trajectoire d'intersection de la comète, était l'aveu que le Sommet attendait de capituler. Les deux seconds du capitaine, persuadés que Sharks allait exploser de rage, commencèrent à faire l'inventaire des armes potentielles présentes dans la salle de réunion. Deux gardes armés de taser, un coupe papier, les hampes des drapeaux de la Fédération...

_ A vos ordres, Fédérateur. Nous nous y rendons de ce pas. Dit Sharks en saluant avec la plus grande vigueur militaire.

Surpris, ils suivirent leur capitaine sans dire un mot, mais une fois sortis du bâtiment fédéral, ils tentèrent de l'interroger.

_ Mais Sharks ? Tu ne vas pas me faire croire que tu n'as pas... Commença Fifty.

_ J'ai très bien compris qu'ils ont trahis Fauless ! Le coupa Sharks. Mais on ne peut pas le prouver. Alors, pour l'instant, je rassemble la troupe et je prendrais une décision quand j'aurais passé toutes les possibilités, ok ? De toute façon, c'est Apokalyps le danger immédiat...

Le cinquième Immortel. Un fou qui pensait être le seul digne de rêgner sur l'espèce humaine et ses semblables. Vicieux. Cruel. Il avait trouvé amusant, en apprenant le retour des Air-Lines, de faire livrer à Sharks l'épée de Fauless, sur Titan.

Titan n'était pas très développé. On y trouvait la base automatisé de terraformation qui était chargé de transformer l'atmosphère, et vraiment très peu de civils. Ce n'était pas étonnant. Bien que l'atmosphère soit relativement respirable, quoique qu'un peu lourde, elle était constamment dans un brouillard blanc assez opaque. On n'y voyait rien à quinze mètre. Le Black-Bird et le Secret Keeper était posé assez loin de la base. Sharks était en dehors des vaisseaux lorsqu'un androïde sans personnalité lui livra l'épée avec un message enregistré.

_ J'espère vraiment que tu feras mieux que le vieux. Avait raillée la voix narquoise de l'immortel à travers l'enregistrement. Il n'était pas très résistant...

De colère, des éclairs étaient sortis de Sharks et il avait planté l'épée dans le sol à travers l'androïde, le faisant exploser, et créant ainsi un gisant qu'il dédiait à la mémoire du Fédérateur. Visiblement, le reste du Sommet ne semblait pas pressé d'honorer la mémoire du grand homme. La main décharné de Mantys se posa sur l'épaule de Sharks.

_ On va lui rendre hommage. Avait retentit la voix télépathique.

La cérémonie fut simple mais émouvante. Même les plus vieux Immortels eurent du mal à réprimer leur larmes malgré les siècles passés à être témoins de ce genre de tragédies. Surement un effet de l'atmosphère épaisse. Tandis que la plupart des Air-Lines rentrait à l'intérieur, Sharks s'agenouilla devant la tombe sans cadavre et chuchota une promesse.

__ Fédérateur Fauless. Vous étiez un homme bon. Peut-être le dernier homme bon de cette humanité pourrissante que nous nous efforçons tant bien que mal de sauvegarder. Parfois d’elle-même. Moi qui n’ai aucun souvenir de mes dix premières années dans l’univers, je vous considérais comme un père, et maintenant vous êtes mort. Vous avez été trahi par ceux que vous preniez pour vos amis et moi, je ne peux pas admettre ça ! Je vous jure de faire payer à ces hommes au centuple. Et comme vous n’auriez pas apprécié que je les tue gratuitement, j’attendrai d’avoir les preuves suffisantes. D'ici là, j'aurais tué Apokalyps pour vous venger.

Quelques personnes s'était attardé tandis qu'il prononçait ces paroles : Sixth et Christine, dans les bras l'un de l'autre, et tenant Lasty par la main Fifty, qui était bien content que ses éternelles lunettes noires cachent son regard embué. Angel, qui avait le bon goût de se taire, pour une fois. Et enfin le plus loin, Rangers, dont l'ouïe surnaturelle lui permettait de garder son capitaine à portée malgré la distance. Tous avaient entendu le serment du capitaine et se juraient intérieurement la même chose.

Sharks resta cinq minute en silence devant l'épée éteinte planté dans le sol, puis se leva d'un bond. Il était à nouveau le commandant des Air-Lines lorsqu'il se retourna.

_ Fifty, cap sur la comète de Haley. Ordonna-t-il. Il est temps de s'occuper du cinquième immortel !

_ Tu veux dire que... Commença Fifty.

_ Oui ! Je vais aller tuer...

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