Sharks, Commando Requin

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 A proximité d’une planète bleue colonisée par les humains, se trouvait un petit vaisseau de combat qui voguait tranquillement dans le vide intersidéral. Sur sa coque étincelait en lettres chromées l’inscription Roller-Blade XR-69. Ses formes, aux arêtes abruptes, desquelles sortaient quatre propulseurs cylindriques presque aussi gros que le corps du vaisseau, lui avaient valu le surnom de « Kart de l’espace ».

Les vaisseaux de type Roller-Blade étaient dépassés. On leur préférait largement les modèles Translator qui bénéficiaient du dernier cri de la technologie de la Modulo-mécanique. Technologie dont l’intérêt principal était de pouvoir ordonner et contrôler un changement de forme de l’habitacle intérieur. A cause de cet engouement, les très performants Roller-Blades, dont la résistance et la maniabilité en combat réel n’étaient plus à démontrer, s’étaient retrouvés immobilisés à fond de cale des vaisseaux-planètes ou dans des entrepôts poussiéreux. Ils avaient été ensuite complètement délaissés, pour être finalement jetés dans des casses où ils étaient entièrement démontés pour être recyclés.

Le vaisseau immatriculé XR-69 était à ce jour, sans aucun doute possible, le dernier Roller-Blade en activité. Et malgré les traces évidentes de combats que l’on pouvait apercevoir sur la coque, la machinerie était en parfait état de marche. Son propriétaire était le plus atypique des humains de sa génération. Tandis que le vaisseau approchait de la zone d’attraction de la planète, l’homme faisait du rameur pour entretenir son exceptionnelle forme physique. A ceci près que là où un sportif normal gérait son effort et accomplissait des mouvements fluides, le curieux personnage ramait de façon psychotique, et le plus vite possible, comme s’il faisait lui-même avancer son vaisseau.

Alors que ses muscles saillants allaient et venaient, l’homme énonçait des prénoms à chaque poussée, comme pour s’en souvenir : Isaac, Dick, Herber, Campbell, Clark, Brad, Token, Julius, Wells, Barjy… L’évocation de ces noms provoquait la montée de larmes aux yeux du sportif effréné et il accélérait encore le rythme.

L’alerte de proximité retentit à l’intérieur du Roller-Blade. Sans même une expression de surprise, l’homme sauta de son rameur et attrapa une serviette pour essuyer la sueur de son corps presque nu. Il était à peine essoufflé. Sans témoigner une quelconque émotion, il utilisa les commandes vocales de l’ordinateur de bord pour préparer les manœuvres d’atterrissage et de communication avec la planète, puis il se rapprocha du grand miroir à proximité des instruments sportifs. Il y décrocha la montre à gousset en or qui pendait et l’ouvrit pour regarder l’heure.

_ A peine cinq heures ?… Tout juste suffisant… Il faudra faire avec.

Il toisa son reflet dans le miroir et s’observa attentivement tandis que sa respiration retournait tranquillement à la normale. Un mètre quatre-vingt pour quatre-vingt-sept kilos de muscles, la peau bronzée, une collection impressionnante de cicatrices, c’était une apparence tout à fait normale pour un pur produit de l’académie militaire du Commando Requin. Ses cheveux, d'un noir ténébreux, plutôt longs pour un soldat, cachaient en partie un regard tout aussi noir, et tranchant comme une lame. Il écarta une mèche lui barrant le visage et se dirigea vers sa console de pilotage pour achever la procédure standard.

– Ici le Capitaine Sharks du Commando Requin, à bord du vaisseau Roller-Blade XR-69, je demande l’autorisation d’atterrir sur Bellanor VII. A vous, tour de contrôle.

– Vaisseau Roller-Blade XR-69, ici tour de contrôle. Lui répondit sa radio. Vous êtes autorisé à vous poser. Nous vous envoyons les coordonnées de la piste d’atterrissage.

– Entendu.

Sharks coupa la communication, observa attentivement la septième planète du système Bieltan, et pensa à la mission qui l’amenait sur cette orbe aquatique. A cette époque, l’humanité avait essaimé dans toute la galaxie et colonisé pas moins de vingt milles planètes, à divers degrés de civilisation. Comme les hommes ne s’étaient pas contentés des planètes pouvant accueillir la vie, certaines colonies n’étaient guère plus que des bases pressurisées dans des environnements extrêmes, tandis que d’autres étaient de véritables mégapoles planétaires. Bellanor VII faisait partie d’un troisième genre, le plus répandu de tous. Plus de la moitié des planètes de la Fédération étaient, comme elle, des planètes-garnisons. La totalité de sa population faisait partie de l’armée à qui appartenait la planète et qui était aux ordres de la Fédération. Chaque habitant était à la fois citoyen et soldat, et le moment venu, c’était toute une population qui pouvait se déplacer pour aller affronter les ennemis de l’humanité. Ou plus exactement, les ennemis de la Fédération. Techniquement, cela aurait dû être la même chose mais dans les faits, il y avait une légère différence.

Ceux qui allaient à l’encontre de la politique de la Fédération étaient automatiquement fichés comme ennemis de l’humanité, que ce soit pour une divergence d’opinion ou une rébellion véritable. Cela n'avait guère d'importance pour les personnes au pouvoir, mais c’était à cause de cela que plus de soixante pour cent de l’humanité était affiliée au pouvoir militaire. Le gouvernement terrien s’assurait ainsi l’obéissance de tout-un-chacun. D’un côté, les « purs » civils n’osaient rien tenter de peur des représailles, et de l’autre, la formation militaire avait élevé le formatage de pensée au rang d’art.

Pourtant, depuis une soixantaine d’année, ou plutôt depuis l’évènement que les archivistes appelaient « la guerre civile interstellaire » en fait, la Fédération devait régulièrement faire face à la trahison d’un corps d’armée entier. Les répressions avaient été sanglantes afin d’être des exemples terrifiants, mais le virus de la garnison rebelle continuait de se répandre. Sharks venait d'une armée qui ne possédaient pas de garnisons. Le Commando Requin avait préféré installer des académies militaires sur plusieurs planètes civiles. Du coup, il trouvait pitoyable les armées basées sur des planètes-garnisons qui étaient beaucoup trop autonomes. Depuis plusieurs années, il critiquait ouvertement ce système en les comparants à des failles qui nuisaient à la cohésion de la Fédération. A cause de cette attitude, Sharks était très mal vu par nombres de ses supérieurs. Fort heureusement, pour avoir fait preuve de compétence et de courage en toutes circonstances, Sharks était également soutenu par des personnes haut-placées qui croyaient en lui. Et voilà qu’à vingt ans à peine, il se retrouvait responsable d’un corps d’armée qui devait anéantir l’idée même des garnisons rebelles.

Ce régiment, placé sous la tutelle de la plus haute autorité de la Fédération, devait rassembler les meilleurs éléments de chaque armée et devenir un exemple visant à rassembler la population. D’un côté, ce corps d’armée d’élite devait être l’objectif à atteindre pour tout soldat de la Fédération, et de l’autre, un tel concentré d’art et de force militaire ferait planer une ombre de peur dans le cœur de tous ceux qui envisagerait de se rebeller.

De plus, les armées de garnisons avaient la fâcheuse tendance à se spécialiser à l’extrême alors que les hommes de Sharks, du fait de leurs origines diverses, seraient polyvalents. Chargées d’éduquer leurs camarades dans leurs propres domaines et d'apprendre des autres dans ceux qu'ils ne maitrisaient pas, ces soldats d’élites progresseraient encore et toujours. Via Aeris demandait de la redondance dans les compétences. Le principe étant que si un membre devenait indispensable, c'est qu'il y avait une erreur dans le processus. Il fallait dans ce projet que dès qu'un spécialiste d'un domaine rejoignait les rangs, ses camarades deviennent d'excellent techniciens capable de le suppléer, voire de le remplacer en cas de blessures, ou autres empêchement.

L’ordinateur annonça les manœuvres d’approches finales. Sharks s’assit dans son fauteuil et se prépara à subir les vibrations de rentrée dans l’atmosphère ainsi que le retour de la gravité réelle, 1,07 fois la gravité de la Terre. Autant dire aucune différence notable. Le XR-69 se posa au centre de la base Aquanaute Star’s Nest, l’un des rares ilots de terre de Bellanor VII. L’armée Aquanaute était de fait une armée d’intervention sous-marine mais s’était curieusement spécialisée dans l’innovation technologique. Enormément de technologies militaires étaient basées sur des brevets Aquanautes. Sharks sortit de son vaisseau et fut accueilli, à la fois par l’odeur d’iode très prenante, la luminosité faiblarde du soleil et par l'amiral généralissime de l’armée Aquanaute en personne. Un vieillard tout raide dans son uniforme blanc immaculé et à l’air aigri, flanqué d'une escouade de garde du corps.

– Amiral Sessenta, mes respects. Je suis le Capitaine Sharks, agissant sous les ordres du Fédérateur Fauless, dans le cadre du projet « Via Aeris ».

– Bienvenue au Star’s Nest, capitaine. Répondit l'amiral avec une courtoisie contrastant fortement avec son visage. Les ordres du Fédérateur vous ont précédés. Je suis déjà au courant de « Via Aeris » et personnellement, je l’approuve totalement.

– C’est heureux, Amiral. Coupa Sharks d’un ton sec. Je dois récupérer le sous-lieutenant Fifty et le vaisseau qui nous servira de base opérationnelle, pouvez-vous m’indiquer où je peux trouver l’un et l’autre ?

Etait-ce une offense, ou la volonté d'un jeune loup aux dents longues d'aller directement à l'essentiel ? L'amiral était décontenancé par l'attitude du jeune officier. Après avoir rapidement jaugé la situation, il fit le choix de répondre simplement. Il connaissait trop bien la réputation du Commando Requin pour se risquer dans une joute verbale qui pouvait finir en bataille rangée. Des haines irréconciliables naissaient beaucoup trop souvent d'une incompréhension entre deux interlocuteurs. Et le vieil Amiral ne se sentait absolument pas d’affronter un guerrier parfaitement entrainé au corps-à-corps, en pleine force de l’âge et détenant le titre de tueur le plus rapide en duel officiel.

– B…Bien sûr. Bégaya-t-il. Le sous-lieutenant supervise les derniers apports au vaisseau dans le hangar pressurisé, au sous-niveau 67. Je vous mène jusqu’à l’ascenseur.

Le vieux soldat indiqua une porte dans un petit bâtiment et se mit en marche. Sharks fut instantanément à son niveau comme s’il avait démarré en même temps que l’Amiral.

– Excellent. Pourquoi faîtes-vous ces apports dans un environnement pressurisé ?

– Vous n’êtes pas sans savoir que la modulo-mécanique est de nature changeante, capitaine ?

– En effet. Selon les stimuli, le métal change de forme au niveau moléculaire provoquant des mouvements dans le métal sans créer de frottement. C’est pourquoi on utilise la modulo-mécanique en tant qu’articulation inusable… Ou comme habitacle modulable.

– Vous avez bien appris votre leçon, Sharks. Concéda l'amiral, quoiqu'un peu dédaigneux. La plupart des concepteurs utilise la modulo-technologie en tant que simple mécanique sans friction…

Après avoir fait entré Sharks dans l’ascenseur et avoir appuyé sur le bouton -67, l’Amiral pris un temps de pause pour permettre au jeune homme d’apercevoir, à travers les parois transparentes de la cabine le dôme sous-marin appelée « sous-niveau 67 ». La demi-sphère étaient également pourvue de parois transparente qui laissaient transparaitre un vaisseau d’une conception totalement innovante.

_ … Mais nous, les Aquanautes, avons découvert le moyen de fabriquer tout un vaisseau à partir de cette technologie.

_ Ce vaisseau-planète est impressionnant, Amiral !

_ Capitaine Sharks, ceci n’est pas un vaisseau-planète ! C’est le…

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