Fait chaud, hein ?

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Je marche depuis des heures. J'en ai plein le cul, d'ailleurs. Rien de plus éprouvant, rien de plus démotivant pour un non-sportif patenté comme moi que cette impression de se flinguer les cartilages et les tendons pour des clous. Avant de me décider à fouler cette terre inconnue, j'ai repéré une colline au loin. J'ai choisi celle-là et pas une autre parce qu'elle semble bordée d'un peu de verdure. Comme j'ai beaucoup regardé la télévision à la maison, je me suis dit que s'il y a de la verdure, c'est qu'il doit y avoir aussi un peu de flotte. Pas bête, le mec. Sauf que...

Sauf que cette chiasse de colline se trouve bien plus loin que je le croyais ! Et plus j'avance et plus elle recule. Je me retourne souvent pour m'assurer que les traces de mes pas forment une belle ligne droite. Y a même des fois où je m'arrête un peu pour admirer le travail... C'est vrai que j'ai le compas dans l'oeil, d'habitude. Je sais reconnaître la perfection d'un angle droit au premier regard. Bon, ici ça me sert pas vraiment, sauf à tirer une ligne droite sur du sable, mais ça me rassure. En plus, je m'en veux un peu moins quand je pense que pour estimer les distances, je me révèle n'être qu'une vraie merdasse.

Bref, je marche, je marche, mais c'est peine perdue. Un sorcier local m'a sûrement jeté un sort et la colline reste scotchée à l'horizon. Cette éminence, qui devient grise au fur et à mesure que le jour décline, se refuse à moi. Si j'avais encore un peu de sueur à dépenser, je la gaspillerais en larmes de dépit. Pas de bol, je suis maintenant sec comme un sprat oublié sur le pont d'un chalutier breton.

Les heures filent et le soleil prend de la gîte. Pour le moment, ça me va parce qu'il fait un peu moins chaud. Ce serait presque supportable si ces putains de mouches me lâchaient un peu la grappe. Je ne sais pas d'où elles arrivent, mais je dois puer vilain-vilain pour en attirer autant...
Je vendrais bien mes rotules pour une bière bien fraîche.

Et c'est maintenant que je réalise que le soleil, s'il se fait moins ardent, va bientôt plonger dans les torchons et roupiller quelques heures, laissant gentiment la place à la lune. Ce qui signifie, aussi, que la température va chuter grave... Et que je vais rapidement me les geler !

Donc, esprit pratique en toutes circonstances, voilà le père Bibi, c'est moi, qui cogite une seconde et décrète qu'il serait pas mal de bricoler un petit home sweet home pour la nuit. En plus, comme je ne sais toujours pas où je suis, rien ne m'interdit de penser que des dragons, des zombies, voire des grands-mères cougar en mal de mâle pourraient me tomber sur le râble et me faire des misères.
Alors, tel Rambo dans je ne sais plus quel épisode, je retire ma chemise pour en faire un sac ou un truc de ce genre. Il apparaît vite que je ne suis pas doué non plus pour les travaux de couture...
Mais bon, je m'applique comme je peux et j'arrive à faire un truc qui ressemble vaguement à un sac.

Puis, armé de cette besace que Vuitton lui-même ne saura jamais faire (pov' mec !) je me mets en quête de glaner tout ce que je peux pour bâtir un palais en plein désert. En clair, je ramasse des brindilles, des branchettes, des restes tordus de vieilles branches, échoués là je ne sais comment, et toutes sortes de détritus de cet acabit.

Fatalement, quand ma chemise se déchire sous le poids mort de toutes ces merdes, je réalise que je ne suis pas prêt de coucher sous un toit... Faisant contre mauvaise fortune, bon coeur, je me dis que je pourrais toujours en faire un feu de joie.
Maintenant que je suis vraiment en train d'attaquer mes fémurs, après avoir ruiné mes pauvres pieds et mes mollets de coq, je décide de planter ma tente ici. C'est-à-dire entre mon point de départ de tout à l'heure et cette foutue colline que je ne vois plus du tout, à présent...

Me faut encore deux heures d'efforts et des échardes partout dans les doigts pour me résoudre à dormir sans la chaleur rassurante et protectrice d'un feu de bois.
Une chose est assurée, à cette heure : en cas de guerre du feu, je meurs le premier ! J'essaye tout, pourtant : le coup du bout de bois qu'on tourne sur un autre à toute vitesse. Pas moins d'une dizaine d'ampoules plus tard, je tente ensuite de frotter deux morceaux. Que dalle...
Finalement, le mieux que je peux tirer de tout mon bordel, c'est d'en faire une couche plus ou moins confortable sur cette poussière de merde.
Enfin, épuisé comme jamais auparavant, je m'endors en trois dixièmes de secondes.

Et merde aux zombies, aux cougars et à tous les autres dragons du monde : je dors !

A suivre...

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