Chapitre 32 : Révélations

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« Arianna peut aller sur Terre, comme toutes les Fées. Les pouvoirs de Swèèn pourront aussi m’aider. Les deux planètes sont jumelles : il suffit de changer de dimension. Mais nos corps Orfiannais ne supportent pas l’onde Terrestre. Heureusement, notre peuple ressemble beaucoup aux Terriens physiquement parlant. Et pour cause ! Nous nous sommes mélangés à eux par le passé. Ils sont en quelque sorte… nos descendants. Comment se fait-il que nos frères de sang se retournent inconsciemment contre nous ?

Pour passer inaperçu, il me faudra porter un foulard qui dissimulera mes cheveux bleus, couleur plutôt rare sur Terre. J’ai aussi fait appel à mon amie Moroshiwa Aelys : elle possède le don de devenir invisible à sa guise, et peut également léviter. Ses capacités me seront fort utiles. Je pense aussi aux Ewaliens, beaucoup d’entre eux sont déjà venus sur Terre par le passé pour nager dans leurs océans. »

 Les cheveux bleus ! Comme la statue ! Je me souvenais qu’à côté de cette effigie siégeaient trois autres sculptures : une Ewalienne, un Limosien, et une Moroshiwa. Pas de doute possible. La mystérieuse représentation dans l’église était bien Eynarah !

 Je me remémorai la vision que j’avais eue sur les terres des Guéliades, à côté de l’arbre sacré : celle d’une jeune femme incroyablement belle aux cheveux bleus. Probablement aussi Eynarah. Comme si la Gardienne cherchait à me parler depuis longtemps.

« J’ai parlé à Arianna, Swèèn, Aelys, ainsi qu’à quelques Ewaliennes. Tous m’ont écoutée avec attention, et semblaient réellement me comprendre. Notre arbre est vénéré, connu de tous les autres peuples. Swèèn m’encourage à respecter cette vision.

À ma grande surprise, mes amis ont décidé de m’aider. Nous nous sommes rassemblés en cachette dans la forêt aux Milles Lueurs, chez la reine des Fées en personne ! Avec leur magie, Swèèn et Arianna préparent mon corps aux vibrations basses de la Terre, m’apprennent à utiliser la Pierre pour aller là-bas, et à me protéger des énergies Terriennes. Naïa, ma précieuse complice Ewalienne, m’indique la façon de me comporter dans le monde des humains, tandis qu’Aelys m’enseigne l’art de la dissimulation, et pousse mes dons télépathiques pour comprendre au mieux ces humanoïdes. J’ai conscience d’avoir des amis extraordinaires. Je n’ose pourtant toujours pas parler de mon plan à ma famille.

Bien évidemment, mes allers-retours chez la reine des Fées ne sont pas passés inaperçus. Mon petit stratagème commence à s’ébruiter. Ma mère se doute de quelque chose.

Quitter Orfianne alors que j’en suis l’une des Gardiennes pourrait empirer les choses, au lieu de rétablir l’ordre et la paix. Ma présence ici est nécessaire, je dois protéger mon peuple. Mais j’ai la conviction que la Pierre de Vie sera inefficace, et que nos pouvoirs ne devraient pas servir à nuire.

Mon désir de rejoindre la Terre grandit de jour en jour. C’est là-bas que je trouverai la solution. Même si ma décision entraînera des incompréhensions, voire de terribles répercussions.

En tant que Gardienne, je dois tenter quelque chose...

Quelque chose d’inédit. »


 Un bruit sourd interrompit ma lecture. Je sursautai. On frappait à ma porte.

 En un geste, je cachai le livre sous mon oreiller et allai ouvrir. Orialis et Kaya se tenaient dans l’entrebâillement, un sourire serein aux lèvres.

– Comment te sens-tu ? me demanda Orialis. Pas trop dur le rituel et tous ces rebondissements ?

 Sur le moment, j’avais presque l’impression qu’elle savait… pour le livre, et pour l’intrusion de Sèvenoir dans ma chambre. Je me ressaisis et réalisai qu’elle parlait de notre échec de la fusion des Pierres et des discordes qui s’en étaient suivies.

– Je me remets… entrez-donc, mes chères, leur dis-je courtoisement.

 Kaya s’installa sur mon lit, à demi allongée, telle une divinité grecque. Sa jupe rouge épousait la forme de ses hanches.

– Tu sors tout juste du bain ? On ne t’a pas dérangée, j’espère ? demanda-t-elle nonchalamment.

 J’étais toujours en serviette de bain, à demi-nue, les cheveux humides.

 Je ne pouvais pas leur avouer. Je voulais y voir plus clair avant de me lancer dans une quelconque explication. Qu’est-ce que j’aurais pu bien dire, d’ailleurs ? « Sèvenoir vient d’entrer dans ma chambre, a failli m’embrasser puis m’a donné un drôle de livre. » Non, non et non ! C’était absurde !

– Non, ne vous inquiétez pas. Vous êtes toujours les bienvenues ! Et vous, comment vous sentez-vous ? leur demandai-je d’un ton qui se voulait le plus neutre possible.

– Un peu découragée, admit Orialis. Je me demande comment on va se sortir de cette impasse.

– J’accorde toute ma confiance à mon oncle, assura Kaya.

 J’admirais sa sérénité à toute épreuve. Toujours avachie sur ma couverture, elle étendit mollement son bras sur le rebord du lit, posa quelques instants sa tête dessus. On aurait presque dit qu’elle prenait des vacances au Royaume de Cristal. En la considérant mieux, je compris qu’elle se sentait épuisée. Elle avait combattu dans le désert sans répit, voyagé dans de terribles conditions, et à peine arrivée ici, elle avait dû puiser dans ses ressources pour la cérémonie de la fusion.

– Où est Asuna ?

– Elle avait besoin de se ressourcer dans la nature, m’apprit Orialis. J’ai discuté un peu avec Nayan. Tout le monde se sent un peu perdu…

– Moi la première ! Et Neymraad ?

– On l’a croisé, il vient de descendre, répondit Kaya. Il est possible qu’Orion l’ait appelé.

 Tous ces questionnements intérieurs me donnaient la migraine. Je n’avais qu’une envie : reprendre ma lecture ! Je mimai un bâillement pour que les filles réagissent et me laissent seule.

 Cela ne fonctionna pas.

 En revanche, on frappa de nouveau à ma porte.

Oh non ! Ça ne va pas recommencer ! pestai-je.

 Nayan entra, il lança un regard à la dérobée à Orialis.

– Un buffet a été dressé dans la salle au bassin. Neymraad et Asuna y sont déjà, vous venez manger ?

– Excellente idée, je suis affamée ! approuva Kaya en bondissant du lit d’un saut grâcieux.

 Je jetai un coup d’œil à la fenêtre ovale pour me repérer dans le temps. En effet, le soleil se couchait déjà, peignant un joli ciel jaune-orangé. Le rituel avait duré plusieurs heures, mon bain et ma lecture tout autant.

– Je sais que nous allons dans une pièce destinée aux bains, mais tu n’y vas quand même pas comme ça, Nêryah ? se moqua gentiment Kaya.

 Nayan détailla de long en large ma serviette enroulée autour de moi. Je sentis une soudaine chaleur dans mes joues.

– Non, non, partez devant moi, je me change et vous rejoins en bas !

 Une fois les trois Gardiens sortis de ma chambre, j’hésitai à reprendre la lecture. Mais j’avais faim, moi aussi. Mon absence allait éveiller des soupçons. Mieux valait descendre manger avec eux. J’enfilai une robe bleu-ciel en une étoffe satinée, joliment cintrée à la taille, et descendis l’escalier de cristal.

C’est quoi ce consensus douteux entre les Gardiens, qui ont fait de ma chambre leur point de ralliement ?

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