Chapitre 28 : Ballet de couleurs

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 Nous patientions sur le balcon. Nos Pierres étincelaient, vibrantes de vie, aussi pures que des diamants et lumineuses qu’un arc-en-ciel. Après cette purification, elles semblaient s’ouvrir davantage à nous : je le constatai en observant leur aura colorée s’expanser. Chaque joyau avait une forme et une couleur distinctes. Maintenant proche des autres Gardiens, je pouvais enfin les contempler. Je désirais vraiment savoir de quelle façon la Pierre de Neymraad complétait la mienne. Je me tournai vers lui, et découvris un joyau violet en forme d’accent circonflexe, délicatement arrondi. J’imaginai immédiatement les deux réunis. Effectivement, sa Pierre épousait parfaitement le haut de mon losange argenté. Elle devait s’emboîter à la manière d’un petit chapeau sur la mienne.

 La Pierre de Vie d’Asuna était un large quadrilatère vert émeraude, assez plat et de forme incurvée, qui dépassait de ses mains.

 Celle de Nayan ressemblait à un joli serpentin bleu saphir, ondoyant dans sa main : longue et fine comme une paille, torsadée en des courbes harmonieuses. En l’examinant plus attentivement, je remarquai un magnifique dégradé de bleu. Dans les paumes de l’Ewalien, elle brillait de mille feux et créait de jolis reflets sur son visage.

 Je connaissais déjà la Pierre de Kaya : rouge carmine, semblable à une boule de cristal grossièrement taillée, ainsi que celle d’Orialis : une petite bille dorée, lisse et parfaitement polie.

 Orion se tourna vers nous :

– Ô Gardiens d’Orfianne, vous n’êtes encore pour la plupart que des enfants. Vous portez néanmoins en vous la lumière du monde, la magie d’Orfianne. Vous êtes en réalité de vieilles âmes réincarnées, revenues pour cette quête. Nous comptons sur votre sagesse ancestrale. Que la cérémonie de la fusion des Pierres commence !

 Nous échangeâmes un regard, à la fois sereins, concentrés grâce à la purification, mais non sans une pointe d’appréhension en raison de la tâche qui nous incombait. Je jetai un coup d’œil aux nations Orfiannaises présentes.

– Placez-vous en cercle, puis levez vos mains vers le ciel, comme si vous vouliez lui offrir votre Pierre, nous somma Arianna.

 Nous nous exécutâmes. Je me retrouvai dos à la foule, vue sur le jardin, entre Orialis et Kaya ; en face de Neymraad. Il me regarda un instant, droit dans les yeux. Je lisais une certaine crainte sur son visage. Je lui adressai un sourire timide, tentant de le rassurer. Je n’arrivais pas à saisir ce lien tacite entre nous. Je me sentais en confiance avec lui, comme si je pouvais me livrer pleinement.

 Nous levâmes en chœur nos bras vers le ciel, en un geste lent, mesuré, recherchant la symbiose. Arianna se plaça au milieu de notre cercle et commença à émettre une vive lumière de son corps. La lueur se propagea partout autour de nous, animée par sa magie, puis circula dans notre ronde. Arianna se retira du cercle. Son éclat demeurait pourtant là, en perpétuel mouvement.

– Unissez vos cœurs, ouvrez-vous à votre Pierre, nous encouragea Orion.

 Nous fermâmes les yeux. Je m’abandonnai profondément à ma Pierre. Au bout de quelques secondes, alors que je chassais toute pensée, elle quitta mes mains. Je rouvris les yeux, surprise. Elle lévitait à quelques centimètres de moi, à l’instar des autres joyaux qui nous offraient un ballet de couleurs chatoyantes.

 Nos Pierres semblaient s’attirer les unes les autres : elles s’envolèrent vers le milieu du cercle, toujours suspendues dans les airs. Rouge, bleu, violet, jaune, argent, vert se mélangeaient en un splendide festival coloré. J’assistais à ce véritable feu d’artifice, silencieux, paisible. La fusion opérait. La Pierre des Ênkelis coiffa le haut de la mienne, comme je l’avais présumé. Puis, celle des Moroshiwas recouvra parfaitement la proéminence de mon losange, grâce à sa forme concave, totalement ajustée, désormais collée aux deux autres joyaux. S’ajoutèrent la Pierre ondulée des Ewaliens, à la base du nouvel amas, puis celle de Kaya, suspendue au sommet de cette composition. Enfin, celle des Noyrociens vint s’implanter en son cœur, précisément à l’épicentre de toutes nos Pierres jumelées. Un éclat multicolore émana de cette fusion, tournoya autour de l’assemblage magique. Je percevais une vibration sourde, un tremblement qui résonna dans toute la salle. Il fallait tenir, rester concentrée, ouverte. Jusqu’au bout.

 Au moment ultime de la fusion, des rayons colorés jaillirent du grand joyau, comme des éclairs. Je réprimai mon envie de mettre un bras contre mes yeux. Les faisceaux de lumière crépitaient comme les flammes d’un feu, annonçant une explosion imminente.

 Quelques instants plus tard, nos Pierres se désolidarisèrent, et furent projetées dans les airs à une vitesse fulgurante. Nous reculâmes tous par réflexe, totalement effrayés. Arianna, sur le qui-vive, intervint promptement. Elle lança un rayon qui attrapa chacune des Pierres, à la manière d’un lasso magique.

 Grâce au pouvoir de la fée, les joyaux regagnèrent nos paumes.

La foule s’autorisa quelques soupirs de lamentations. Un brouhaha s’éleva, ainsi que des sanglots étouffés. Je ne comprenais pas ce qui avait pu se passer. Tout semblait pourtant se dérouler à merveille ! Nous nous regardâmes d’un air désolé, les yeux grands ouverts, choqués.

Nous avions échoué.

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