Chapitre 25 : En quête d’osmose

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 À cause de ma précédente chute dans les marches lors de notre arrivée au Royaume, je gravis lentement et prudemment l’escalier de cristal menant au balcon. Tout le monde s’y trouvait déjà.

 La terrasse surplombait les jardins. Une table en pierre blanche était dressée. Fruits, gâteaux et légumes la recouvraient presque entièrement. Le bruissement de l’eau de la fontaine m’apaisait. Elle représentait une sirène assise dans un large coquillage. Les bras en position arrondie au niveau de son cœur, l’eau jaillissait de ses mains et s’écoulait dans le coquillage.

 Orion se tenait à côté de la statue. Son aura resplendissait autour de lui.

– Soyez les bienvenus ! Prenez place.

 Nous nous installâmes. Six chaises se disposaient autour de la table, en deux rangées de trois. Je m’assis entre Asuna et Kaya. Les garçons et Orialis se placèrent face à nous, Nayan aux côtés de la Noyrocienne.

– Je tiens à vous remercier d’être venus jusqu’ici, au milieu des nuages. Je sais combien le voyage était long et dangereux pour la plupart d’entre vous. J’ai aussi conscience des épreuves que vous avez dû traverser. Ma reconnaissance envers vous est infinie.

 Il nous étudia, tour à tour. Son regard sombre, si profond, sembla sonder mon âme lorsqu’il s’attarda sur moi.

– Orfianne a besoin de votre force, reprit-il. Nous espérons que la magie des Pierres de Vie protègera notre planète, et préservera ses peuples des esprits des ombres. Vos pouvoirs doivent se fondre en un seul. Cette symbiose ne peut s’opérer que si vous êtes en phase, en osmose les uns avec les autres. Prenez le temps de manger et d’échanger entre vous. Ce moment de partage vous permettra d’apprendre à vous connaître, d’unir vos énergies. Je suis navré de ne pouvoir vous accorder plus de temps pour obtenir l’harmonie souhaitée. Vous avez tous été grandement sollicités par vos nations, nous ne pouvions vous sommer de venir au Royaume pour une longue période, alors que les vôtres combattent et sont toujours en danger. Bien, je vous laisse. Swèèn viendra vous chercher pour rejoindre la salle de cérémonie. Je vous attendrai là-bas.

 Nous nous dévisageâmes en silence. Par chance, nous nous connaissions déjà presque tous. Je ne savais pas grand-chose de Neymraad et de Nayan, mais au moins, je les avais déjà rencontrés. En revanche, j’étais la seule Gardienne à avoir côtoyé Kaya, et Asuna cheminait avec nous depuis la forêt ténébreuse.

 Comme le répétait Kaya, j’étais effectivement celle qui connaissait le plus de Gardiens, bien que je vienne de la Terre. Quel drôle de paradoxe !

 J’avais faim, mais n’osais commencer à manger. Je sentis un malaise s’installer autour de la table.

 Nayan prit la parole :

– C’est la première fois que de si jeunes Gardiens tentent de réunir les Pierres de Vie, commença-t-il. On attend beaucoup de nous, mais nous ne savons pas comment cette fusion opère.

– Il n’y a rien à savoir, intervint Asuna.

 Elle rassembla dans ses paumes ses lianes feuillues tressées, les enroula comme pour tenter de les mettre en chignon.

– Nous devons juste nous laisser traverser par la magie des Pierres, humblement. Ouvrir nos cœurs à la guérison de notre planète, continua-t-elle.

 Bien qu’elle fût la plus jeune d’entre nous, Asuna représentait la sagesse même, toujours confiante en l’avenir. Elle venait du peuple de la forêt, cela faisait d’elle la Gardienne la plus reliée aux énergies d’Orfianne. Elle possédait naturellement ce don, cette capacité à s’imprégner de la nature, de sa force, en communion parfaite avec la magie.

– Asuna dit vrai, approuva Kaya. Mangeons paisiblement pour prendre des forces et relatons-nous nos voyages respectifs, cela nous aidera peut-être à trouver ce lien tant espéré.

 Sans un mot, nous commençâmes à nous servir en fruits, légumes et biscuits. Quel petit-déjeuner solennel ! Nous ressentions une lourde pression sur nos épaules, un poids indicible, mais bien présent.

 Grâce à ce chaleureux repas, les langues se délièrent enfin. Chacun raconta son voyage jusqu’au Royaume.

 Asuna maîtrisait à merveille l’art de la lévitation : son trajet jusqu’ici s’était fait sans embûche. Le pouvoir de dissimulation des Moroshiwas faisait qu’ils n’enduraient que très peu d’attaques de la part des Métharciens. Son peuple vivait dans les forêts, parmi les arbres, dispersés en petites ethnies. Cependant, les êtres des ombres, eux, pouvaient les sentir, même invisibles. Les Moroshiwas les repoussaient difficilement. Comme tous les Orfiannais, ils comptaient sur la fusion des Pierres pour s’en protéger.

 Les Ewaliens et les Noyrociens s’entraidaient depuis la nuit des temps. Leur alliance leur permettait de survivre en ces temps incertains. Grâce à l’intervention d’Orialis, Nayan avait pris la voie des eaux, longeant les côtes de l’océan au nord des terres, puis fleuves et rivières jusqu’au Royaume.

 Neymraad, quant à lui, nous rapporta qu’il avait voyagé seul afin de ne pas attirer l’attention. Terré dans les bois, il était passé par des voies oubliées, presque impraticables et n’avait rencontré personne, à part quelques esprits des ombres. Sa Pierre de Vie l’avait protégé. Mais seuls ses propres pouvoirs avaient pu vraiment les repousser. Les Pierres ne pouvaient pas détruire ces êtres impalpables. Ni les hordes de Métharciens, comme si elles s’évertuaient à respecter toute forme de vie, malgré le danger qu’encouraient les peuples d’Orfianne.

 Kaya relata aux autres Gardiens les ennuis rencontrés par son peuple. Nul n’était épargné, même dans les tréfonds du désert de Gothémia. Elle nous confia son inquiétude d’avoir laissé les siens. Son absence les mettait en danger. Les fées du désert allaient-elles pouvoir tenir longtemps face aux créatures des ombres ? Sans leur Gardienne et sa Pierre de Vie, les Komacs demeuraient extrêmement vulnérables.

 Nous aspirions tous à une solution durable, à retrouver la paix. Lorsque j’expliquai aux autres les projets de l’Ombre, Asuna nous montra encore une fois sa profonde maturité :

– Cela ne pourra pas fonctionner. Nos deux planètes sont jumelles, elles ont besoin l’une de l’autre pour survivre, tout comme nous avons besoin de nos frères Terriens pour exister.

 Les cinq Gardiens s’accordaient à dire qu’anéantir les humains n’était pas la solution.

– On se créerait alors un terrible karma ! Et les foudres s’abattraient sur notre monde ! s’exclama impulsivement Nayan.

 Alors que nous nous sentions de plus en plus à l’aise, galvanisés par la nourriture et les boissons savoureuses, un vent très doux, comme une caresse, vint chatouiller nos visages. Je me retournai sur ma chaise et découvris une magnifique fée aux longs cheveux noirs ondulés, vêtue d’une longue robe blanche. Ses ailes de papillons au dégradé jaune-orange battaient lentement, et créaient ce souffle si léger.

– Arianna ! m’écriai-je, ravie de revoir mon amie.

 Je bondis de ma chaise pour la toucher délicatement de mes doigts.

– Ma petite Nêryah ! Je suis soulagée de tous vous voir sains et saufs ! Oh ! Ma chère Kaya, quelle joie de te retrouver après si longtemps ! Ma brave guérisseuse, à qui je dois la vie… Comme tu as grandi ! Tu es devenue une charmante jeune femme.

– Noble Arianna, toi, tu n’as pas changé. Toujours aussi resplendissante ! la complimenta cette dernière.

 Au village des Komacs, Kaya m’avait confié qu’elle avait sauvé la reine des fées d’une mort certaine grâce à ses pouvoirs de Gardienne, alors qu’elle était encore toute jeune.

Sans Kaya, Arianna ne serait plus là pour nous protéger, songeai-je.

 Nous demeurions tous unis par des liens indescriptibles, en dehors du temps.

– Mes hommages, noble reine des fées, la salua Nayan en posant une main contre son cœur.

 Les autres Gardiens se levèrent pour s’incliner devant elle, paume contre la poitrine. Arianna était respectée, et même vénérée de tous les peuples d’Orfianne. Elle seule était capable de reconnaître les Grands Sages lorsqu’ils se réincarnaient. Ces derniers temps, elle défendait vaillamment chaque nation, combattait les êtres des ombres et les Métharciens. Notre chère reine ne pouvait même plus remplir son rôle de fée. Elle m’avait révélé combien elle se sentait triste de devenir une guerrière au lieu d’accomplir sa mission première : celle d’embellir le monde. Tout comme moi, elle refusait que sa magie soit destructrice, mais ne pouvait pas non plus délaisser les peuples d’Orfianne. La disparition des Guéliades laissait un goût d’amertume dans le cœur des Orfiannais.

– Je viens vous parler du déroulement de la cérémonie, nous annonça la grande fée.

 Nous nous rassîmes à nos places, écoutant notre bienfaitrice.

– Vous serez présentés aux différentes nations d’Orfianne. Orion parlera de ce qui a été accompli, et de ce qui reste à entreprendre. Une incantation sera faite pour vous purifier. Le Sage retirera vos doutes, vos émotions perturbatrices. Vous serez ainsi prêts à faire fusionner les Pierres de Vie.

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