Chapitre 23 : Retrouvailles

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 Assise au fond du jardin, un neybos à la main, je contemplais les montagnes et le lac bleu entouré de conifères en contrebas. La jeune Moroshiwa était partie se baigner, tandis que Swèèn et Avorian surveillaient la voie des airs. Nous redoutions l’arrivée des Métharciens. Le Royaume était certes invisible et impénétrable pour l’ennemi, mais nous voulions également protéger la tribu des loups. Hors de question qu’ils subissent une nouvelle attaque !

 La vue était splendide, mais donnait le vertige. Même en sachant qu’une barrière invisible empêchait de tomber dans le vide, je ressentis des vagues désagréables dans mon ventre. Je me redressai et détournai mon regard pour observer le Royaume. Même d’ici, on devinait la forme pentagonale de l’édifice. Les tours finement ciselées s’élançaient vers les cieux, et complétaient les branches du pentacle. J’examinais le balcon sur lequel je me trouvais auparavant, avec Neymraad. Je l’aperçus. Il s’entretenait avec Orion. Poussée par une soudaine curiosité, je m’approchai en me dissimulant derrière les arbres, sous l’avancée. Je voulais en savoir plus sur ce mystérieux Gardien. De quoi le Sage pouvait-il bien lui parler ? J’entendis quelques bribes de leur conversation :

– Je t’accorde cette faveur, Neymraad. Mais je doute que ta manœuvre puisse porter ses fruits… »

– Nous n’avons pas le choix. Je le fais pour le peuple des Ênkelis, pas pour moi, répondit le Gardien d’un ton solennel.

– Je comprends et approuve ta noblesse de cœur, assura Orion. J’ai conscience du courage qu’il t’a fallu… pendant tous ces cycles. Je t’en remercie.

– Vous êtes bien le seul…, déclara sombrement Neymraad.

 Orion s’en alla. Je ne saisissais pas grand-chose à ce que je venais d’entendre. Je sortis de ma cachette, la tête pleine d’interrogations.

 Avorian avançait d’un pas rapide vers moi.

– Ah ! Te voilà ! Nous te cherchions. Nous avons une surprise pour toi, m’annonça-t-il.

 Il attrapa mon bras pour me guider vers l’un des bassins du jardin, en compagnie de Swèèn. Un peu plus loin, je vis une belle jeune fille à la peau mate s’y tremper les pieds. Elle portait une robe rouge-brique. Une large écharpe de cette même teinte protégeait son cou et le haut de sa poitrine du froid. Je m’approchai d’elle, constatant que son visage m’était familier.

– Kaya ! m’écriai-je, le cœur en joie.

 Mes amis avaient dû la repérer lors de leur tour de garde.

– Nêryah ! Nous venons d’arriver !

 Je courus la prendre dans mes bras, puis reculai d’un pas pour mieux la regarder. Les traits noirs prolongeant ses paupières renforçaient l’intensité de son regard. De fins pointillés épousaient la forme de ses yeux acajou. Un bandeau couleur ocre retenait sa longue chevelure sombre.

 Avorian la serra à son tour contre lui. Puis Swèèn se présenta de façon courtoise, d’un ton charmeur : le Limosien aimait décidément les jolies filles !

– Où est ton père ? lui demanda Avorian.

– Il voulait voir mon oncle, répondit-elle en désignant le palais d’un geste de la main.

 Avorian et Swèèn s’en allèrent les rejoindre.

– Comment vas-tu ? Vous êtes venus par transgèneur ? m’enquis-je.

– Les Komacs ne possèdent pas la science des transgèneurs. Nous sommes venus à dos d’embanores, puis les Limosiens nous ont secourus dans les Montagnes. Nous avons eu de la chance : nous étions transis de froid !

– Mon Dieu ! J’imagine. Comment se fait-il que vous n’arriviez que maintenant ? m’inquiétai-je. Nous étions certains d’être les derniers, étant donné nos péripéties.

– Nous pensions venir plus tôt, mais nous avons été attaqués à plusieurs reprises par les êtres des ombres. Sans le pouvoir de la Pierre de Vie, nous n’aurions pas survécu.

 Je la dévisageai avec de grands yeux, déconfite.

– J’espère que ce n’est pas à cause de nous…, finis-je par dire.

– Non. Tous les peuples subissent ces assauts. Plus la conjonction approche, plus les êtres maléfiques deviennent forts, alimentés par le rapprochement des planètes jumelles. Ils peuvent agir librement sur Orfianne, m’expliqua Kaya. Notre Pierre de Vie ne peut malheureusement pas les détruire, mais elle peut au moins créer un champ magnétique assez puissant pour nous protéger de leurs attaques.

– Et maintenant, quelle est la situation ? m’angoissai-je. Sans toi, les Komacs sont en danger !

– Les fées du désert tiendront les êtres des ombres à distance, le temps que nous trouvions une solution pour les faire disparaître.

– La fusion des Pierres…, soufflai-je pour moi-même.

 Asuna, qui était partie se baigner, venait de nous rejoindre. Je la présentai à Kaya.

– Sacrée Nêryah, tu as beau venir de la Terre, c’est toi qui connais le plus de Gardiens ! Tu as un don pour les attirer ou quoi ? me taquina Kaya.

– C’est vrai qu’en fait, tu as déjà rencontré tous les Gardiens d’Orfianne, alors que nous autres ne nous connaissons même pas, confirma Asuna d’une voix douce. Nous venons pourtant de la même planète…

– Vous exagérez ! La Gardienne des Noyrociens est amie avec celui des Ewaliens depuis bien longtemps. Et je viens tout juste de rencontrer le Gardien des Ênkelis.

– N’empêche. Tu rassembles tout le monde, Nêryah. Tu es un peu comme notre point d’ancrage, continua Kaya en plaisantant à moitié.

– Sans le savoir, tu nous as tous regroupés car, si j’ai bien compris, vous avez délivré Orialis, puis cheminé à ma rencontre, renchérit la petite Moroshiwa.

– Oui. Et Kaya nous a sauvés, Avorian et moi, lui racontai-je.

– C’est bien ce que je disais : tu nous attires ! lança Kaya en détachant chaque syllabe. Bon, racontez-moi tout. J’imagine que la route a été longue…

– Tu n’as pas idée !

 Je retirai mes chaussures pour la rejoindre dans le bassin. Asuna m’imita, telle une petite sœur. J’adorais qu’elle fasse comme moi. Je n’avais jamais eu de fratrie. Sur cette planète, puisque je découvrais tout, les Orfiannais se comportaient toujours en guides avec moi. C’était certes rassurant, mais j’avais moi aussi besoin de m’occuper de quelqu’un.

 Je commençai à relater notre périple : la résurrection des terres des Guéliades grâce aux Pierres de Vie et au pouvoir d’Arianna, la reine des fées ; les attaques des Métharciens, notre rencontre avec Orialis, la découverte du royaume de l’Ombre et de ses sombres plans : son désir d’envahir la planète Terre pour détruire la race humaine.

 Cette dernière révélation choqua mon amie.

– Ce n’est pas la solution ! s’offusqua-t-elle. Au contraire, cela risque d’empirer les choses !

 Avec Asuna, nous lui racontâmes la suite de notre voyage.

– Est-ce que les jumeaux sont là ? demandai-je, une fois mon récit terminé.

– Ishaam est là. Tu imagines bien : il tenait à m’accompagner. Merian n’a pas pu venir, je suis désolée. Il est resté pour veiller sur notre village.

– Je comprends… Votre présence m’a beaucoup manqué, confiai-je. Shirin également. Comment se porte-t-elle ?

– Shirin va bien, elle cuisine chaque jour pour nos guerriers affamés. Elle m’a demandé de te saluer chaleureusement. Merian aussi, bien-sûr.

– J’espère les revoir un jour. Et nos chers embanores ?

– Je vois que tu penses à tout le monde ! Ils sont en forme ! Ils ont même eu des petits. On les a préservés des attaques des Glemsics et nos montures actuelles sont en vie. Devine quoi… après la grande convergence des planètes, nous songeons à regagner notre cité : Hézaka.

 À l’évocation de son nom, je visualisai cette incroyable citadelle sculptée dans la montagne rocheuse. Cela me ramena à un autre souvenir, plus sombre : la terrible attaque que nous y avions subi au beau milieu de la nuit.

– Vous seriez tellement mieux à Hézaka que dans vos souterrains, confirmai-je. Et puis, l’oasis y est somptueuse. Mais elle est infestée de Glemsics et d’êtres des ombres…

– Justement, quand tout sera rétabli, l’équilibre devrait se remettre en place sur nos terres, et nous pourrons alors reprendre notre cité à l’ennemi…

 Le soleil déclinait. Sous ses derniers rayons, la lune Héliaka se colorait de teintes orangées.

 Je restai un peu avec Kaya et Asuna. Alors que nous profitions de nos retrouvailles, je sentis des mains se poser sur mes paupières.

– Hey ! Nêryah !

 Je me retournai et découvris Ishaam, un grand sourire aux lèvres.

– Comment vas-tu, divine beauté ? claironna-t-il.

 Je n’eus même pas le temps de répondre, il fronça les sourcils en ajoutant :

– Oh ! Mais… tu es encore plus maigre qu’avant ! Comment est-ce possible ? On ne te nourrit pas ici ou quoi ?

 Asuna pouffa de rire, amusée.

– Bon, viens avec moi Ishaam, l’interrompit Kaya. Et toi, aussi, Asunette ! Demain, c’est le grand jour. Tous les Gardiens sont arrivés. Nous allons enfin pouvoir tenter une union des Pierres de Vie. Il faut nous reposer.

 Elle traversa le jardin en compagnie d’Ishaam et d’Asuna, bras-dessus, bras-dessous, pour rejoindre le Royaume. Je les suivis du regard un moment.

 Nos retrouvailles m’avaient presque fait oublier ma conversation avec Neymraad, le Gardien des Ênkelis, ainsi que son échange énigmatique avec le Sage.

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