Chapitre 22 : Neymraad

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  Asuna profitait des siens. Je me retrouvai seule, un peu perdue dans ce nouvel environnement foisonnant « d’extraterrestres ». Avorian et Orion étant occupés à accueillir les dynasties d’Orfianne – il ne manquait plus que les Komacs –, Swèèn comprit que j’avais besoin d’un guide. Il me proposa gentiment une visite du Royaume.

 Swèèn m’apprit qu’Orion vivait avec les Limosiens et quelques autres Orfiannais, dont des fées. Il m’expliqua comment le Royaume flottait dans les airs : la bâtisse se trouvait sur une île magique juchée dans le ciel. Le cristal dont elle était faite possédait des propriétés antigravitationnelles, autrement dit, non soumis à la pesanteur.

 Nous marchâmes dans un jardin, perché au beau milieu du firmament. Je pouvais presque toucher les nuages. Fontaines, cascades et bassins d’une eau transparente agrémentaient cet espace naturel. J’humais le parfum des fleurs odorantes, contemplais les arbres majestueux. Toutes sortes de plantes poussaient harmonieusement sur cette immense parcelle de terre, malgré l’altitude. Le sol se recouvrait d’une fine couche de mousse, comme un petit matelas vert, duveteux. Curieuse, je me mis pieds nus pour en ressentir sa fraîcheur et son moelleux. Je m’amusai à y enfoncer mes orteils. Swèèn m’attendait, le regard rieur.

 Nous longeâmes ensuite un petit chemin de pierre entre deux points d’eau. Je remis mes chaussures en fibre végétale beiges, dont la toile souple épousait parfaitement mon pied. Les Orfiannais n’utilisaient pas de composants d’origine animale comme le cuir, la fourrure ou les peaux. En tant que végans, c’était impensable pour eux.

– Comment des végétaux parviennent-ils à croître dans le ciel ? questionnai-je. Et d’où viennent ces sources d’eau ?

– Les plantes ne sont pas dans le ciel à proprement parlé, mais sur l’île. Il y a donc de la terre, des nappes phréatiques et… quelques procédés magiques pour aider le tout, me répondit le lion ailé.

 Nous passâmes un petit moment au bord de l’eau, dégustant des neybos – fruits fuchsia juteux de la grosseur d’une mangue – cueillis dans les arbres aux alentours.

 De retour à l’intérieur, je découvris que la plupart des salles du Royaume possédaient de larges ouvertures donnant directement sur les cieux, ou sur les jardins aménagés. Heureusement, il était impossible de tomber dans le vide : un bouclier invisible générait une bulle immense tout autour du palais et de ses parcs.

 Swèèn me guida vers la salle de réception. Le grand rassemblement se déroulerait ici. J’entrai dans un endroit immense. Je penchai la tête en arrière pour observer le magnifique plafond en arches, somptueusement sculpté, et soutenu par d’élégantes colonnes de cristal finement ciselées. Le fond de la salle s’ouvrait sur un grand balcon où trônait une sorte de belvédère en cristal orné de plantes et de fleurs. J’imaginais une vue à couper le souffle, donnant directement sur les cieux. J’entrouvris la bouche, émerveillée par la beauté de la construction pavillonnaire, avec ses pilastres légèrement ondulés où des plantes grimpantes s’enroulaient tout autour, et sa toiture arrondie, se terminant en pointe.

 Un Orfiannais, appuyé sur la balustrade, y contemplait le jardin.

Pas d’antennes sur sa tête, ni de peau colorée… soit un Komac, soit un Ênkelis, raisonnai-je.

 Je commençais à bien différencier les peuples d’Orfianne.

Vue la pâleur de son visage et la couleur de ses cheveux – d’un bleu saphir –, un Ênkelis ! conclus-je.

– Qui est cette personne ? demandai-je à Swèèn.

– Neymraad. Tu devrais aller lui parler, je dois rejoindre Orion.

 Je lançai un regard perplexe au Limosien.

– Le Sage vient de m’appeler par télépathie, m’expliqua-t-il. On se retrouve plus tard pour manger ?

– D’accord !

 Swèèn s’envola. Je me dirigeai d’un pas lent vers l’Ênkelis, un peu réticente à l’idée de l’aborder. Au même moment, il se retourna, et me regarda droit dans les yeux, avec une telle intensité que j’en eu des frissons. Il avait dû nous entendre. Arrivée au balcon, je me tins face à lui, incapable de parler, complètement intimidée.

 Il devait être de mon âge, peut-être un peu plus vieux que moi.

 La pâleur de son visage faisait ressortir ses grands yeux bleu-vert. Ses cheveux, légèrement ondulés, lui arrivaient au milieu de la nuque. Quelques mèches rebelles retombaient au niveau des tempes. Les traits de son visage ovale, parfaitement équilibré, étaient si fins qu’ils rappelaient la beauté d’un ange. Il portait une veste sans manche grise, avec un pantalon bleu-outremer.

 Je me sentais confuse, impressionnée par l’énergie qu’il dégageait. Un charme puissant, troublant. Son expression calme, posée, me fascinait.

– Ravi de te voir enfin, Nêryah, me dit-il d’une voix douce, un sourire irrésistible se dessinant sur ses lèvres.

 Interloquée par le fait qu’il connaisse mon nom, je tentai de balbutier quelque chose :

– Vous… savez qui je suis ?

– Qui ne te connais pas sur Orfianne ? Tu es la dernière Guéliade, ultime Gardienne d’un peuple éteint.

 Devant mon regard hésitant, il ajouta :

– Tu ne peux pas t’en rendre compte. Après tout, tu as passé ton enfance sur Terre…

 Cette phrase… elle me rappelait vraiment la façon de parler de Sèvenoir.

Ne rêve pas, ils ne font pas du tout la même taille ! me ravisai-je.

 Et puis, pourquoi Sèvenoir cacherait-il un si beau visage ? Ce Royaume, si pur, ne l’aurait jamais laissé entrer. Je sortis cette idée saugrenue – quoique très séduisante ! – de ma tête.

 Encore une fois, je me sentais comme mise à nue. Voyant mon visage se décomposer, Neymraad posa une main compatissante sur mon épaule. Son geste me mit mal à l’aise, malgré la douceur dans son regard. Avisant mon trouble, il retira sa paume, manifestement confus.

– En effet, j’ignore tout de ce monde, finis-je par répondre. Je suis née Gardienne, mais je n’ai encore rien appris sur les Pierres. Je ne sais pas comment la fusion entre elles s’opère, ni ce qu’est cette « Grande Conjonction » dont tout le monde parle.

 Il m’adressa un sourire fraternel. L’expression sereine et lumineuse de son visage me mit en confiance.

– Rassure-toi : aucun Gardien ici ne sait comment faire fusionner les Pierres de Vie. C’est une première, et nos prédécesseurs n’ont jamais réussi. Laisse simplement ton intuition te guider pour t’ouvrir pleinement à ta Pierre. Elle parlera à travers toi. C’est elle qui te dirige, non l’inverse. Voilà pourquoi ceux qui désirent voler et exploiter nos Pierres, comme les Métharciens, se trompent complètement. Elles ne s’activeront jamais avec eux. C’est une sagesse ancestrale que ces êtres maléfiques ne sont pas capables de comprendre.

– Tu es donc le fameux Gardien des Ênkelis. Merci pour cet éclairage. Et cette fameuse conjonction des planètes, qu’est-ce que c’est exactement ?

– Un alignement exceptionnel. Il provoquera une faille dans l’espace-temps : les mondes jumeaux seront si proches en termes vibratoire que nous pourrons passer de l’un à l’autre, ou du moins, agir sur Terre. C’est peut-être notre seule chance de sauver Orfianne des Terriens…

 Je l’examinai encore, réellement envoûtée par sa beauté. Mes joues s’empourprèrent sans que je ne comprenne pourquoi. J’en ressentis leur chaleur. Plusieurs idées me traversaient l’esprit : les gens de cette planète s’exprimaient sans barrière. Ils parlaient librement aux inconnus, sans réserve ni jugement.

 Tous les Orfiannais que j’avais rencontré ressemblaient à des anges, avec leurs traits si délicats. J’avais d’ailleurs pu observer que pour chaque peuple, les hommes étaient tous imberbes. Hormis leurs cheveux, les Orfiannais semblaient dénués de toute pilosité. Il était donc difficile de leur attribuer un âge.

 « Nêryah ! » m’interpellait-on par derrière. « Tu viens manger ? »

 Je me retournai et découvris Swèèn dans la salle de réception. Je ne l’avais même pas entendu arriver. Il tombait à pic !

– À plus tard ! lançai-je à Neymraad, trop troublée pour pouvoir converser plus longuement avec lui.

 Nous déjeunâmes en compagnie d’Asuna et d’Avorian dans le jardin. Orialis était déjà partie se reposer, le ventre plein.

 Je goûtais au bonheur de pouvoir manger à ma faim. Il était temps que je reprenne des formes. Je ressemblais à un squelette !

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