Chapitre 21 : Les peuples d’Orfianne

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 En attendant les derniers Gardiens et leurs accompagnants, dont nos amis Komacs, nous passâmes quelques jours de repos dans nos appartements. Je passais le plus clair de mon temps dans la salle de bain : je pouvais enfin me laver tous les jours comme bon me semblait. Et surtout… me brosser les dents après chaque repas, avec une vraie pâte argileuse aux herbes de la montagne, fraîche, agréable en bouche.

 Pendant qu’Avorian et Swèèn s’entretenaient avec le Sage, Orialis demanda à voir Nayan. Asuna et moi la suivîmes, ravies de rencontrer le Gardien. Un Limosien très aimable nous montra la chambre de l’Ewaliens.

 À peine Nayan avait-il ouvert sa porte qu’Orialis se jeta dans ses bras, le bouscula dans son élan. Il la souleva en riant, autant surpris qu’enchanté de la voir.

– Tu es enfin arrivée ! s’exclama-t-il, réjoui.

 Ils s’échangèrent quelques mots, Asuna et moi demeurâmes sur le pas de la porte, discrètes, pour les laisser se retrouver.

 Orialis nous présenta à Nayan. Je me sentis troublée par la beauté de sa peau céruléenne. Ses cheveux bleu marine mi-longs, ondulés, épousaient joliment la forme de son visage aux lignes bien définies et à la mâchoire volumineuse. Il était vêtu d’un sarouel couleur argent, et d’une tunique marron clair, légèrement ouverte sur son torse musclé. Je compris pourquoi Orialis le dévorait des yeux, et me mis à rougir bêtement lorsqu’il m’adressa la parole. Je me sentais tellement insignifiante face à une telle créature, qui pouvait se métamorphoser en ondin sous les flots.

 Nayan nous apprit que son voyage avait été long, sans embûche grâce à l’intervention d’Arianna. Notre fée avait transmis le message d’Orialis. Sous ses bons conseils, les Ewaliens avaient pris la voie des eaux pour éviter les armées de Métharciens. Ils avaient nagé pendant des jours entiers en direction du Royaume de Cristal, arrivant épuisés par cette course effrénée, mais au moins, indemnes.

 « Je me suis beaucoup inquiété pour toi, tu sais ! » répétait sans cesse Nayan à Orialis.

 La pauvre Noyrocienne n’avait en effet pas été épargnée : entre l’Ombre et les Métharciens, nous avions enduré bien des épreuves. Orialis les relata brièvement au Gardien. Asuna les écoutait attentivement.

 Je les trouvais adorables tous les deux. Je me demandais si une Noyrocienne pouvait se « marier » avec un Ewalien. Les peuples d’Orfianne semblaient cloisonnés dans leur espèce. Ils vivaient pourtant en paix. S’unissaient-ils entre eux ? Quel joli métissage cela produirait-il alors, entre une nation qui vit sous l’eau, et l’autre sur la terre ferme ? Une sirène avec des antennes dorées ? Un Noyrocien capable de se transformer sous l’eau ? Je n’osais poser la question, ni la murmurer à Asuna. Je ne voulais pas me montrer maladroite, et encore moins gâcher leurs retrouvailles.

 Asuna m’attrapa le bras et le secoua doucement.

– Nêryah ? Tu écoutes ou quoi ? Nayan vient de te poser une question ! me sermonna Orialis.

Prise dans mon tourbillon de pensées, je n’avais pas entendu l’Ewalien, persuadée qu’ils discutaient entre eux.

– On dit que tu as vécu toute ta vie sur la planète Terre, est-ce vrai ? répéta Nayan.

– Oui, on m’a placée là-bas pour que je survive au génocide des Modracks.

– C’est… incroyable ! Une Orfiannaise capable de supporter les ondes terrestres ! Je n’en reviens pas. Tu es une véritable légende… la dernière représentante féminine des Guéliades, l’unique Gardienne d’un peuple disparu !

 Asuna me considéra avec des yeux ronds, comme si ces révélations la surprenaient.

 Je me sentis gênée. Vivre sur Terre n’avait rien d’extraordinaire pour moi. C’était une planète accueillante, où des parents formidables avaient pris soin de moi, comme leur propre fille. Les joues empourprées, je me dis qu’il était bien plus étonnant de séjourner sur Orfianne, un monde « extraterrestre », et de changer de vie du jour au lendemain !

 Comment être à la hauteur de tant d’éloges, de toutes ces attentes ? Je représentais tellement de choses aux yeux des Orfiannais.

– Pardon… je t’importune, s’excusa Nayan, avisant mon air embarrassé.

– Ne t’en fais pas, j’ai réagi comme toi lorsque j’ai rencontré Nêryah.

 Orialis se tourna vers lui et ajouta :

– Elle a vécu tant d’épreuves sur Orfianne, c’est dur pour elle. Je suis impressionnée par la façon dont elle s’est adaptée à notre planète.

 La Noyrocienne inclina la tête vers moi, me lança un regard admiratif. Je marmonnai un « merci », ébauchant un sourire timide.

– C’est un honneur de te rencontrer. Si tu as besoin de conseils ou d’une main tendue, je suis là pour toi, me dit doucement Nayan.

– C’est adorable. Je suis très reconnaissante pour le soutien qu’on m’offre ici.

 Je jetai un regard à Asuna pour l’inclure dans mes louanges.

 Nayan proposa d’aller nous baigner dans le grand bassin. La salle se situait juste en-dessous de nos chambres. Nous nous dirigeâmes d’abord vers nos appartements pour nous changer. Il n’existait pas de maillots de bain sur cette planète. Les Orfiannais n’étaient nullement pudiques, et ne portaient pas ce regard vicieux ou malsain sur un corps. Ils étaient simples, naturels, purs. Mais je ne me sentais pas encore prête à me montrer nue.

 Je m’habillai d’une petite jupe et d’une brassière, puis rejoignis Orialis et Asuna dans la salle au bassin. On avait aménagé de nombreuses parcelles de terre pour y faire pousser arbustes, plantes et fleurs dégageant mille parfums.

 Des Orfiannais se baignaient, nus ou parfois habillés d’un tissu dissimulant leur sexe, d’autres se reposaient sur de larges coussins ; les voyageurs avaient besoin de récupérer après leur longue route jusqu’au Royaume.

 Asuna accourut vers des membres de son peuple. J’examinai une nouvelle fois les feuilles et les lianes sur leur tête. Même si j’avais déjà côtoyé les Moroshiwas, et même visité l’une de leurs cités, cela m’intriguait toujours autant de voir des végétaux pousser sur leur crâne. Par quel miracle cela se produisait-il ? On aurait dit des arbres vivants. Ils formaient une race très particulière, se situant entre l’humanoïde et le règne végétal, vivaient en harmonie avec la nature et se fondaient littéralement dans leur environnement.

 Il y avait aussi une Noyrociennes qui se trempait les pieds avec son enfant. Orialis les salua.

– Orialis ! Nous nous inquiétons tellement pour vous ! s’exclama la mère. Nous avons su pour votre emprisonnement par les Métharciens. Nous vous attendions avec impatience. Soyez la bienvenue !

 Je me sentis vaciller sous son délicat regard ambré. Elle portait une robe verte qui mettait en valeur sa taille élancée. Une petite Noyrocienne d’une dizaine d’années tenait sa main, se cachant à moitié derrière elle. Ses longs cheveux verts dégringolaient en bataille sur son dos. Ses antennes, quant à elle, étaient encore toutes petites.

– Voici donc la Gardienne qui a sauvé notre chère Orialis. Merci infiniment.

 L’Orfiannaise prit mes mains dans les siennes, me regarda droit dans les yeux puis inclina sa tête, comme pour me rendre grâce. Elle semblait sonder mon âme. Cela n’avait rien d’intrusif, ni d’intimidant, bien au contraire : juste une découverte paisible, pleine de douceur.

– À moi de remercier le destin d’avoir mis Orialis sur notre route, déclarai-je. Sans elle, nous n’aurions jamais pu atteindre le Royaume de Cristal

 La Noyrocienne relâcha lentement mes doigts. Un sourire serein se dessina sur ses lèvres.

 Nayan arriva, vêtu d’un simple pagne. Je faillis ouvrir la bouche devant son corps si bien dessiné, sa musculature saillante.

 Je m’empressai d’aller plonger dans l’eau tandis qu’Orialis discutait avec la Noyrocienne. Nayan me suivit, et je pus voir son extraordinaire métamorphose dans l’eau. En quelques secondes, ses jambes se fondirent en un seul membre. Une splendide queue de poisson argentée apparut à la place, brillant de mille éclats. Immergée sous l’eau, je contemplais ce spectacle fascinant. Des Ewaliennes rejoignirent Nayan. Ensemble, ils descendirent jusqu’au fond du bassin et virevoltèrent les uns autour des autres avec agilité. Émerveillée par ce ballet aquatique, j’en oubliai que je n’étais point une sirène : l’air commençait cruellement à me manquer. Je remontai à la surface pour respirer.

 Je sortis du bassin et décidai de laisser Orialis à ses retrouvailles avec son ami Nayan. Ils avaient sans doute bien des choses à partager. La famille mon amie et celle d’Asuna n’avaient malheureusement pu les accompagner lors de ce long périple : tous les Gardiens se devaient de voyager le plus discrètement possible, car l’ennemi convoitait nos Pierres de Vies. Leurs proches assuraient la protection de leurs Royaumes respectifs. Je comprenais ce besoin d’aller vers des membres de leur peuple et souhaitais respecter cela.

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