Chapitre 14 : Randonnée glacée

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 Je me réveillai les pieds glacés, déçue de ne pas tenir une tasse d’un bon thé brûlant entre mes mains. Orialis et Asuna dormaient encore dans mes bras ; nous étions toutes trois blotties contre Swèèn. Avorian me fit un petit signe de tête puis s’assit auprès de l’âtre magique.

– Cet igloo était une merveilleuse idée, Nêryah. Très inspirée. Il y a eu une tempête de neige cette nuit, et pas des moindres ! On l’a échappé belle grâce à toi, annonça-t-il.

 Le Limosien remua. Je pris soin de déplacer doucement les filles, et d’asseoir la Noyrocienne sur mes genoux pour qu’elle ne prenne pas froid. Enfin dégagé de nos trois corps, le lion ailé s’étira comme un chat.

– L’idée vient des Inuits, rectifiai-je, un peuple vivant au Nord de la planète Terre. J’imagine que vous avez peu dormi Avorian, puisque vous avez entendu la tempête.

– Je veillais sur le feu…

– Vous aviez peur qu’en vous endormant, il perde son intensité ? devinai-je.

 Orialis bougea dans mes bras, je desserrai mon étreinte afin qu’elle puisse se redresser.

– Le vent semble plus calme ce matin, remarqua-t-elle d’une petite voix ensommeillée.

– Oui. Il fait moins froid, et le ciel est bleu. Le soleil va te faire le plus grand bien, avisa Avorian.

– Je vais dès à présent en profiter ! répondit cette dernière en s’étirant pour se diriger hors de l’igloo.

 Juste avant de sortir, elle se retourna vers nous et me dit :

– Tu fais un très bon matelas Nêryah, merci !

 Je haussai les sourcils en guise de réponse, l’air dédaigneux, pour la faire rire.

 « Couvre-toi bien ! » lui lançai-je. J’étais ravie de la voir plus en forme.

 À parler si fort, nous avions réveillé la petite Asuna.

 Nous profitâmes du beau temps pour faire un brin de toilette en utilisant la neige comme nettoyant. C’était froid, certes, mais vivifiant. Asuna ne s’en plaignait pas. Elle ne ressentait pas la morsure de la glace. Au moins, elle pouvait prendre le temps de bien se nettoyer, contrairement à nous.

 Après avoir mangé un peu et s’être bien couverts, nous repartîmes à l’assaut de la montagne sous un soleil bienfaisant, dans les profondeurs de l’étendue verglacée. Nous glissions, nos pieds constamment mouillés, mais n’atteignîmes toujours pas le sommet.

 Environ cinq heures plus tard, le ciel commença à se couvrir. Le soleil d’Orfianne disparut, laissant place aux nuages gris et à de larges flocons. Orialis grommela quelques jurons typiquement Noyrociens. Nous progressâmes laborieusement trois heures durant, sous la neige qui tombait de façon dense, et grignotâmes les restes de nourriture tout en marchant pour ne pas finir pétrifiés.

 Bien que la plus chaudement habillée de nous tous, Orialis semblait de nouveau mal en point. Voyant qu’elle commençait à vaciller, Asuna et moi bondîmes à ses côtés. Je la pris dans mes bras. Elle était glacée. La petite Moroshiwa caressait doucement sa tête.

– Ses antennes ! s’écria soudain Swèèn de sa voix double. Elles sont gelées ! C’est une catastrophe !

 Et ce mot n’avait rien d’exagéré. La température avait brusquement chuté ces dernières heures.

– Il faut les réchauffer ! criai-je, totalement affolée.

 J’observai ses paupières closes, ses lèvres violacées et ses cils verglacés par le froid. Quelques flocons maculaient ses joues, glissant telles des larmes le long de son visage assoupi. Je serrai fort son buste contre le mien pour la maintenir debout, mais ne parvins plus à la soulever : elle était bien plus grande que moi. Asuna m’aida comme elle put, elle aussi déséquilibrée.

 Avorian sortit une épaisse couverture, attrapa le corps inanimé d’Orialis et la déposa sur le tissu moelleux. Swèèn se coucha à ses côtés pour la réchauffer. En un accord tacite, Avorian et Asuna employèrent leur pouvoir de guérison pour décongeler ses antennes. La magie opérait : une lueur verte s’échappait de leurs paumes, s’étirant sur chacun de ses fins appendices dorés. Deux minuscules billes jaune-or sortirent de leur extrémité.

 Je soupirai, soulagée. Elle se réveilla enfin. J’approchai mon visage contre le sien en embrassant sa joue glacée.

– Comment te sens-tu ? lui demandai-je d’une voix fébrile.

– En vie…, souffla-t-elle. Mes antennes risquent de se geler d’un instant à l’autre.

– Nêryah, Asuna, je vais avoir besoin de vous. Nous allons construire une sorte de bouclier qui protégera Orialis de la neige, du froid et du vent. Nêryah, tu vas mettre tes mains sur les siennes. Visualise ta sphère se détacher de ton corps pour l’entourer de la tête aux pieds. Asuna, utilise ton halo doré et tes spores pour maintenir le tout en place, et fais en sorte que les pieds d’Orialis ne touchent plus le sol. Compris ?

 Nous acquiesçâmes d’un signe de tête. Je posai mes paumes contre celles de mon amie. J’inspirai à fond, fermant mes paupières pour me relier à la magie d’Orfianne. Avec la concentration nécessaire, je fis apparaître une forme transparente qui se mit à grossir progressivement pour devenir une bulle géante. J’usai de mon pouvoir de la pensée pour qu’elle se sépare de moi et se place autour du corps d’Orialis.

 J’ouvris les yeux : cela fonctionnait ! Mon bouclier quitta mon corps, mes mains, jusqu’à l’englober. Avorian créa quant à lui une autre sphère translucide, de la même taille que la mienne, teintée de jaune. Les deux carapaces protectrices se fondirent en une seule autour de la Noyrocienne. Asuna déploya sa propre magie. Une étincelle émana d’elle, et vint se coller sur nos boucliers. Les petites spores apparurent, s’étalant sur son pourtour. Complètement entourée par cette sphère, Orialis ne touchait plus la neige.

 Je m’écartai d’elle, la regardant avec de grands yeux, émerveillée. Le bouclier s’ornait d’une multitude de petites billes d’or, s’alignant et s’accrochant les unes aux autres, comme des guirlandes.

 Nous reprîmes la marche. Grâce à cette formidable idée, Orialis semblait revivre. Elle nous offrit son plus beau sourire, puis s’élança dans les monticules neigeux, tournoyant sur elle-même, dansant sous les flocons. La bulle magique l’accompagnait dans ses mouvements, se déplaçait en même temps qu’elle, comme une seconde peau : elle s’animait sous ses pas. Notre amie ressemblait à une acrobate.

– C’est parfait ! clama-t-elle joyeusement.

– Nêryah, Asuna, grimpez donc sur mon dos, suggéra notre Limosien.

– Quelle charmante idée, mon petit Swèèn adoré. J’en rêvais ! claironnai-je.

 Toute enchantée, je bondis tel un cabri, oubliant que la chute allait être redoutable : je ne fis que m’enfoncer davantage dans la neige, basculant en avant et me retrouvant ventre à terre, incapable de me relever. Au lieu de m’aider, tout le monde éclata de rire.

« C’est froid ! » me plaignis-je.

 Asuna accourut pour me remettre debout – non sans glousser.

 Nous grimpâmes prudemment sur l’échine de Swèèn. Asuna s’accrocha à sa belle crinière argentée tandis que j’enserrai sa taille. Les longues ailes du Limosien se déployèrent de chaque côté, brassant l’air comme pour s’échauffer.

– On n’est pas trop lourdes ? s’inquiéta la petite Moroshiwa, alors que je songeais à la même chose qu’elle.

– Vous deux ? Haha ! Des plumes, oui ! répondit-il dans un éclat de rire.

 Sur ces mots, il décolla pour survoler la neige. Nous pouvions enfin nous reposer un peu.

– Mmmh, j’aime beaucoup ! Cela me change de mon pouvoir de lévitation, et c’est très confortable ! s’exclama Asuna.

 Nous contemplâmes le paysage immaculé. Les pentes enneigées étincelaient. À cette altitude, les grands arbres ne poussaient plus. La montagne offrait peu de végétation, à cause du vent et du froid. Cette étendue blanche à perte de vue me fit songer aux dunes du désert et son horizon sans fin, tout aussi aride que ces monts enneigés.

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