Chapitre 6 : Contamination

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 Nous courûmes à toutes jambes, surveillant nos arrières et l’arrivée d’éventuels Métharciens. Le premier couloir fut désert.

– Retournons à la salle du trône, proposai-je. Il faut essayer notre idée.

 J’expliquai à Asuna en quelques mots nos hypothèses à propos de la muraille magique qui maintenait le royaume verrouillé.

– Elle doit être pleine de gardes ! s’époumona Orialis, essoufflée par notre course effrénée.

– Mon pouvoir d’invisibilité pourra nous être utile, lui répondit Asuna, pragmatique et calme comme à son habitude.

– Merveilleux, Asuna ! Et bienvenue dans l’équipe des supers Gardiennes. Ton pouvoir est extraordinaire ! Tu as pu bloquer l’Ombre, alors qu’ici, on est coupé de la magie d’Orfianne. C’est prodigieux !

– Oui, j’ai dû employer ma Pierre de Vie comme amplificateur, on ne ressent rien dans ces souterrains, confirma la jeune Moroshiwa.

 Je ralentis le pas. Nous arrivions à destination : à force d’y passer, j’avais repéré le chemin. Toujours pas de sas violet, la destruction du générateur avait bel et bien servi à quelque chose. À peine entrées dans la vaste pièce aux statues, nous reculâmes promptement : des Métharciens patrouillaient. Nous nous collâmes contre le mur du corridor.

 Asuna farfouillait dans son sac.

– Je me suis déjà entraînée quelquefois, mais avec une seule personne, dit-elle tout bas, alors que nous nous cachions un peu plus loin. J’espère parvenir à nous rendre invisibles.

 Les pouvoirs de lévitation et d’invisibilité demeuraient deux facultés inhérentes au peuple Moroshiwas. Ils ne pouvaient cependant pas rendre d’autres corps invisibles, m’avait appris Avorian dans leur cité.

 La Pierre devait manifestement amplifier cette capacité.

 Asuna la sortit de sa sacoche. Elle ressemblait à un large quadrilatère vert émeraude, assez plat, et de forme incurvée. La Pierre dépassait de ses mains.

– Viiite ! la pressa Orialis en susurrant, effrayée.

 Les gardes arrivaient. La Noyrocienne se tordait nerveusement les doigts.

– Pour ouvrir son pouvoir, je dois tenir la Pierre de mes deux mains… Tenez chacune mes poignets, chuchota Asuna. Vous devez absolument rester en contact avec moi, si vous me lâchez, le sort sera rompu.

 Elle récita une incantation, murmurant les mots pour rester discrète :

Nahalé windou, Omballe kia neyli volia…

 Sa Pierre de Vie se mit à luire d’un bel éclat émeraude. Je me sentis gagnée par la panique. Nos ennemis allaient certainement s’en rendre compte. Alors que je perdais espoir, Asuna et Orialis disparurent soudainement. J’écarquillais les yeux. Curieusement, je me voyais encore. Cela fonctionnait-il sur moi également ?

– C’est bon. Je ne vous vois plus, nous rassura tout bas la jeune Gardienne. Nous pouvons uniquement percevoir notre propre corps. Serrez bien mes bras. Sans la magie d’Orfianne, je ne pourrai pas tenir longtemps.

 Nous franchîmes discrètement l’entrée, traversâmes la salle du trône de cristal, longeant les statues. Les huit gardes ne nous distinguaient pas. Je retins mon souffle pour ne pas attirer leur attention, le cœur battant. Quelques Métharciens s’affairaient, mais curieusement, ils se dirigèrent à l’opposé de nous, pressant le pas.

 Le sort d’invisibilité tenait bon.

 Tous les soldats présents dans la salle s’en allèrent en file indienne par le deuxième passage, comme si leur maître venait de leur donner un ordre.

 Enfin seules, Asuna rompit le charme d’invisibilité.

– Dès que vous entendrez un bruit, revenez vers moi, je réactiverai le sort, nous prévint-elle.

– Puisqu’ils sont partis, profitons-en pour explorer la salle. L’Ombre a bien dit que son royaume se défendait tout seul, raisonnai-je. Comme s’il s’agissait d’un être vivant, doté d’une intelligence. Cette salle se trouve justement en plein milieu du royaume : un véritable centre de commandement.

 La lueur bleu-turquoise émanant des murs rendait cet endroit à la fois magique et inquiétant. Les statues de pierre qui bordaient l’allée centrale semblaient nous observer, provoquant en nous un certain malaise. Elles évoquaient pourtant des créatures pacifiques : Limosien, Noyrocienne, Komac, Moroshiwa, fée, Ewalienne, se dressant fièrement à côté des colonnes azurées.

 Ma peine me rongeait de l’intérieur. J’évitais de penser au drame qui venait de se produire. Je devais à tout prix anesthésier mes émotions pour rester maître de moi-même. Je pris une profonde inspiration et m’approchai du fin tuyau transparent qui s’enroulait autour des piliers. De petites bulles flottaient à l’intérieur dans un liquide violet.

 Orialis se recroquevilla, à l’affût, l’air méfiant. Elle passa devant moi et s’employa à manipuler toutes les parties du trône cristallin, cherchant un mécanisme, quelque chose à enclencher.

 Asuna inspectait les statues une à une. Elle observa plus longuement celle de la Moroshiwa. Reconnaissait-elle l’effigie ?

 Heureusement pour nous, aucun garde ne nous dérangea.

– C’est… la précédente Gardienne de mon peuple, nous dit-elle. Elle est morte pendant la Grande Bataille, et nous sommes restés environ sept cycles sans Gardien. Je suis née bien après… Je n’ai jamais su pourquoi notre Pierre est restée fermée durant tout ce temps, comme si elle attendait ma venue au monde.

 Je réfléchis quelques instants à la façon de contaminer cet étrange liquide pendant qu’Orialis palpait à présent chaque statue, explorant leur moindre recoin. En la voyant ainsi tâter la poitrine de l’Ewalienne, de manière brusque et innocente, je ne pus retenir un rire, malgré les circonstances. Elle tourna la tête pour me regarder d’un air candide, les mains posées sur les coquillages qui recouvraient les seins de la sirène, incapable de se rendre compte du comique de situation.

– Bah quoi, je trouve ces coquillages bien épais. Ça cache quelque chose, se justifia-t-elle.

– Oui, ça cache les seins de l’Ewalienne…, m’amusai-je.

 Asuna pouffa de rire, la main sur sa bouche pour faire le moins de bruit possible. Quelque part, cela me soulageait de constater que malgré son rôle de Gardienne, la petite Moroshiwa restait une enfant.

– Oui, et bien justement, sa poitrine est drôlement volumineuse ! C’est suspect, rétorqua la Noyrocienne avec une pointe de jalousie dans la voix.

 Pourtant, elle n’avait rien à envier à la réplique : Orialis était d’une beauté à couper le souffle. Même épuisée, son visage resplendissait. Elle se figea soudain devant la statue de la Noyrocienne. En la rejoignant, je notai que les antennes étaient incroyablement bien sculptées dans la pierre, fines et entortillées à leur extrémité. Une véritable prouesse à réaliser.

 Je retournai vers mes piliers en regardant plus attentivement les tuyaux qui ondulaient autour d’eux.

 Orialis sortis un petit couteau de mon sac et entrepris d’entailler l’un des tubes. La matière en laquelle était constitué le canal ne se fendait pas sous la lame. À chaque fois qu’elle l’effleurait, le tuyau se mettait à briller ; les bulles tourbillonnaient à toute vitesse. Orialis retira brusquement sa paume de la colonne, révélant une marque rouge. J’inspirai d’un coup, choquée, et dardai le tuyau d’un rayon lumineux. Rien ne se produisit.

– À vrai dire, avec ma magie, je ne sais que détruire ou guérir, mais pas contaminer quelque chose, révélai-je, dépitée.

 Je réalisai que je pouvais essayer avec mon rayon paralysant, l’un des premiers pouvoirs dont j’avais appris à me servir avec Avorian. J’instillai en continu un faisceau contre le tuyau. Mais il ne le pénétra pas, ne l’endommagea pas non plus. Je remarquai cependant que les microbulles s’agitaient de plus en plus, comme si elles étaient conscientes de l’attaque et voulaient se défendre, ce qui confirmait mon raisonnement. Orialis retint son souffle, attendant le moindre signe de réussite.

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