Chapitre 2 : Sabotage

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 Nous nous arrêtâmes devant un nouveau sas. D’un petit mouvement des doigts, notre guide ouvrit la substance violette. Les Métharciens pouvaient passer, faire disparaître les passages, mais pas les prisonniers. Sans lui, impossible de quitter une pièce, ou de sortir du souterrain. Je me rendis compte de la chance que nous avions de l’avoir à nos côtés.

 Nous entrâmes dans une salle aux structures d’une technologie qui me dépassait. Je n’arrivais pas à définir la matière qui composait ses murs, d’un bleu transparent. Ils ne semblaient pas compacts, ni tangibles, mais plutôt cotonneux, flexibles. Comme si cet endroit était vivant.

 Un gigantesque cône, partant du sol pour rejoindre le haut du plafond, trônait au milieu de cet endroit magique. Des petits carrés lumineux le recouvraient et clignotaient par intermittence.

 Au pied de cet assemblage conique siégeait un large récipient de forme ronde, grossièrement taillé dans du granit. On aurait dit un mortier de cuisine géant. Il devait bien faire un mètre de diamètre. Je pus distinguer à l’intérieur un tourbillon de nuages noirs, gris, blancs ; quelques éclairs y apparaissaient par moments. Ces étranges nuées tournoyaient à la façon d’une tornade.

– Qu’est-ce que c’est ? demandai-je.

 « Le générateur de boucliers. Il permet également de rendre le royaume invisible », répondit notre nouvel ami.

 Orialis poussa un : « Ouah » ! Elle s’approcha du bassin de pierre, scrutant les nuages gris à l’intérieur. Elle resta figée, fascinée par les petits éclairs violets venants troubler le tourbillon de brume.

– Ne te penche pas trop, Orialis. On ne sait jamais ! lui prévins-je.

– C’est étrange comme système, dit-elle enfin en relevant la tête. Tu crois qu’on va réussir à neutraliser cette chose ?

– Je l’espère.

 Je fis quelques pas, arborant un sourire admiratif malgré moi, exactement comme un enfant lorgnerait les vitrines des magasins de Noël. De somptueux piliers se succédaient de part et d’autre de la salle, finement sculptés. Un tuyau céruléen s’enroulait autour de chacun d’eux, exactement comme dans la salle du trône. À l’intérieur des longues canules circulait un liquide violacé.

 Je regardais autour de l’énorme bol de granit, espérant trouver un levier à abaisser ou quelque chose à appuyer… n’importe quoi, en fait. Je ne trouvais rien.

À quoi pensais-tu ? Ce n’est pas un générateur comme dans Star Wars avec ses boutons et leviers intégrés ! me sermonnai-je. Ce serait trop simple !

– Cette magie ressemble beaucoup à celle des émotions, déduisit Orialis. Une magie sombre, dangereuse.

– Pas étonnant puisque l’Ombre a été générée par les Terriens. On le détruit ? proposai-je.

– Il faut peut-être prendre quelques précautions…, suggéra la Noyrocienne.

 Le Métharcien avança vers nous et désigna de son doigt l’immense cône aux carrés clignotants. Il se mit à pianoter sa surface comme s’il s’agissait d’un clavier d’ordinateur. Les touches se teintaient d’un rouge lumineux sous la pression de ses doigts.

– Qu’est-ce qu’il fait ? s’interrogea Orialis.

– Aucune idée.

 « Je reprogramme l’un des systèmes de défense. Vous allez devoir dissoudre le générateur, c’est lui qui alimente les boucliers », expliqua-t-il dans nos têtes.

 Je me penchai au-dessus de ces étranges nuages en perpétuel mouvement.

– Recule-toi, Orialis, je vais essayer quelque chose, la prévins-je.

 Je lançai une salve de sphères d’un bleu sombre à l’intérieur de la structure en pierre. Encore une fois, privée de ma connexion avec Orfianne, j’employais ma propre force. Mes pouvoirs se révélaient loin d’être aussi puissants qu’à l’accoutumée. Mes émotions et mes pensées suffiraient-elles ?

 Loin de l’effet escompté, la brume semblait simplement tournoyer plus vite. J’attrapai alors ma Pierre de Vie. Orialis s’avançait déjà avec la sienne. Elle reproduisit le même processus d’aspiration que tout à l’heure, avec le bouclier. Cette fois, les nuages s’élevèrent de la structure de pierre, irrémédiablement attirés par son joyau doré.

Je t’en prie, protège-nous !

 Ma Pierre se mit à luire de sa belle teinte argentée, et soudain, un globe translucide apparut autour de mon corps, puis un autre vint enrober Orialis, créant une deuxième armure magique.

Aide-nous ! implorai-je. Fais que nous puissions nous téléporter en-dehors du royaume de l’Ombre !

 Notre ami Métharcien se redressa subitement et pivota pour nous faire face.

 « Ils arrivent. J’ai presque terminé… il faut les retenir ».

 Il retourna à sa tâche avec attention, tandis que trois Métharciens venaient d’entrer, se dressant face à nous, l’air menaçant. Je cachai ma Pierre contre moi et me postai spontanément devant eux, prête à en découdre. Sans plus attendre, je projetai un rayon brunâtre. Mes adversaires le contrèrent avec leurs faisceaux dorés. Le bouclier fabriqué par ma Pierre me protégea de leurs jets mortels. Je ripostai par des orbes, avec une telle rapidité que je parvins à en blesser un au bras.

 Notre guide nous rejoignit. Il chargea ses congénères avec virulence.

 « Je les retiens, occupez-vous du réceptacle », nous ordonna-t-il.

 J’hésitais à le laisser seul contre eux. Protège aussi notre ami ! suppliai-je à ma Pierre de Vie. Mais aucune armure ne se matérialisa autour de lui.

Peut-être parce que les Métharciens ne sont pas originaires d’Orfianne ? songeai-je.

 Orialis œuvrait de son côté, son visage crispé par l’effort. Je la rejoignis, rongée par la peur de perdre notre sauveur. Je lâchai mon rayon brun. Les nuages flottants dans le récipient s’affolaient, sa structure vibrait, les éclairs devinrent de plus en plus nombreux.

 J’entendis des cris derrière mon dos. D’autres gardes arrivaient…

 Je propulsai toute la magie dont j’étais capable, à contre-cœur, tirant sa source de mes propres émotions, de ma rage. Le système résistait encore, mais le vrombissement s’intensifia.

– Ça va bientôt exploser ! me lançai Orialis.

 Je filai porter secours à notre ami, tandis que la Noyrocienne terminait notre mission. Je découvris, horrifiée, qu’il était gravement blessé. Je confectionnai en un temps record un bouclier et le dirigeai sur notre allié, me concentrant pour qu’il englobe entièrement son corps. Il restait encore un adversaire à vaincre.

 Soudain, une ombre apparut par flash dans la salle, comme si l’intru avait du mal à se matérialiser complètement. Je frissonnai, craignant de découvrir le maître des lieux. L’être en question venait enfin de stabiliser sa densité. Je poussai un cri de surprise.

– Sèvenoir ! m’écriai-je, ravie qu’il ait réussi à nous rejoindre.

 Il me lança un bref regard, puis lâcha un jet sombre contre le Métharcien ennemi. Alors qu’il allait vraisemblablement faire de même pour notre allié, je hurlai :

– Non ! Pas celui-ci ! Il est avec nous !

 L’homme masqué saisit de suite la situation, et rejoignit Orialis d’un bond. Il déchaîna toute sa puissance sur le générateur, alternant sphères et rayons obscurs.

 Le sol se mit à trembler, un son grave résonna dans la salle. Je priai pour que nos armures magiques ne cèdent pas. Deux nouveaux gardes surgirent. Ils firent immédiatement demi-tour pour fuir en voyant le carnage que nous avions provoqué. Rapide comme l’éclair, Sèvenoir les mitrailla de ses orbes rouges. Nos adversaires s’effondrèrent. Il retourna à sa tâche, comme si de rien n’était, et je me retrouvai à l’observer bêtement, médusée. Je ne parvenais même pas à suivre ses actions tant il allait vite, sûr de lui. Je retournai à l’entrée pour surveiller l’intrusion d’éventuels nouveaux ennemis.

 Le réceptacle se craquela, les nuages se mirent à tournoyer à une vitesse affolante, sortant de leur contenant. J’entendis un mot dans ma tête : « piliers ». C’était la voix de notre allié Métharcien. Que voulait-il dire ?

 Tout explosa dans un bruit assourdissant, répandant pêle-mêle morceaux de pierres et éclairs violets, le tout recouvert de volutes de fumée diaphanes. Nous fûmes propulsés sur plusieurs mètres, jusqu’à l’autre bout de la salle. Fort heureusement, ma carapace translucide amortit ma chute.

 À bout de forces et trop sonnée pour pouvoir m’enquérir de l’état de mes amis, je me sentis défaillir.

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