Chapitre 1 : Ennemis et alliés

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 Bloquées dans la prison de l’Ombre, Orialis et moi cherchions un moyen de sortir de ce véritable labyrinthe souterrain. Arianna ne se montrait toujours pas, malgré le pétale arraché de sa fleur magique. Impossible de joindre Avorian et Swèèn de façon télépathique : la sombre créature prenait ses précautions. Ses terribles pouvoirs m’effrayaient. Comment allions-nous faire, toutes seules, piégées dans cette chambre ? La Sage Orion et les autres Gardiens nous attendaient au Royaume de Cristal. Nous devions y apporter nos Pierres de Vie. Le temps pressait ; je priais pour que la magie d’Orfianne opère enfin.

– Le bouclier qui protège cette porte est indestructible. Et plus j’essaie de l’affaiblir, plus il se renforce, expliquai-je à Orialis. En fait, je pense que cette substance intelligente absorbe toutes les attaques pour les convertir en énergie.

– Tu as essayé la fleur d’Arianna ? C’est ce qui nous avait sauvés de la prison des Métharciens, lors de notre rencontre, puis à l’arbre sacré.

 La reine des fées me l’avait offert au tout début de mon voyage, dans la forêt aux mille lueurs, certifiant qu’en cas de danger, il me suffisait de détacher un pétale pour qu’elle apparaisse.

– Bien-sûr ! Mais ça n’a pas marché. Et juste avant que tu n’arrives en mille morceaux, je m’apprêtais à retenter.

 Je pris la fleur dans mon sac, m’arrêtai un instant : Orialis la regardait d’un air émerveillé, poussant un « ouah ! » admiratif. Même dans ce royaume souterrain, sa corolle resplendissait comme au premier jour, et sa parure rose semblait scintiller continuellement.

 J’effleurai doucement la fleur.

– Arrache-moi ce maudit pétale, qu’on en finisse ! ordonna Orialis.

Surprise par son ton péremptoire, je faillis éclater de rire. Devais-je prendre le risque de retirer un énième pétale ? Pris d’un élan d’impulsivité, je saisis le troisième pétale restant de la fleur.

Mon Dieu, il n’en reste plus que deux !

 Nous attendîmes.

 Longuement…

 Rien ! Rien ! Rien !

 Je secouai la tête, au bord des larmes.

– Ça ne sert à rien ! m’énervai-je.

 Je m’en voulus d’avoir encore gâché le précieux pouvoir de la fleur. J’avais envie de crier de rage, et de me fustiger de mon geste désespéré !

 Sèvenoir avait raison. Nous devions détruire le système de protection de l’intérieur avant de pouvoir quémander l’aide de la fée. J’expliquai la situation à Orialis, irritée.

– Dans ce cas, utilisons nos Pierres de Vie pour détruire le bouclier de cette porte, proposa-t-elle.

– On risque de le renforcer encore plus !

– Nêryah… ce sont des Pierres de Vie ! Pas de destruction. Je crois que tu n’as pas saisi leur fonctionnement. Ta Pierre n’aurait pas pu blesser ou tuer le guerrier Métharcien, mais seulement te protéger de ses coups. Par contre, je suis certaine qu’elles pourront absorber la totalité du sort qui maintient cette porte verrouillée. Elles s’en nourriront simplement, cela ne nuira à personne. Cela devrait fonctionner.

– Il y a des gardes partout, l’Ombre va nous surprendre ! Ce royaume est immense, et il se trouve sous terre, soulignai-je, complètement découragée. On a besoin de magie pour retourner à la surface.

– C’est là qu’Arianna interviendra !

– Lorsqu’on aura détruit le champ magnétique ? Comme dans Star Wars !

Orialis ouvrit grand les yeux en entendant ces deux termes Terriens.

– Exactement. On ne peut pas sortir sans tout désactiver. Il faut trouver l’emplacement et le fonctionnement de ces systèmes. Les sujets de l’Ombre peuvent quitter le royaume, mais pas les prisonniers. Je suppose que l’Ombre utilise une énergie intelligente, capable de distinguer ses alliés de ses ennemis.

 Sur ces mots, Orialis plaça sa Pierre de Vie devant elle.

– Fais comme moi, Nêryah, et imagine que ta Pierre aspire le sort de verrouillage.

 Je pris mon joyau et tendis mes bras vers la porte, comme si je visais une cible imaginaire. Je savais que mon pouvoir de la pensée m’allait être utile. Je visualisai la substance translucide, puis nos Pierres l’attirer vers nous, la vider de sa magie. Du coin de l’œil, je vis la Pierre d’Orialis scintiller d’un jaune or.

 Le bouclier violet apparut, comme lorsque je tentais de le détruire. Un vent puissant sortit de sa Pierre qui commença à aspirer la substance. Le bouclier se mit à vibrer, produisant un bruit sourd. J’aurais voulu me boucher les oreilles. Les gardes devaient l’entendre et se douter de quelque chose… ils allaient certainement chercher du renfort.

 Je me ressaisis immédiatement. Ma Pierre étincelait de sa lumière argentée. Je sentis qu’elle happait la protection translucide. Cela fonctionnait ! Le maléfice était irrémédiablement attiré vers nous.

 La matière violacée tremblait de plus belle. Elle pénétra nos deux joyaux. Au bout de quelques minutes, le champ de force avait totalement disparu. Orialis replaça sa Pierre dans son bracelet. Je dissimulai la mienne sous mon bustier, contre ma poitrine.

– Parfait. Maintenant, Nêryah, ouvre la porte, je te prie.

– Avec plaisir, chère Gardienne, obtempérai-je, le sourire aux lèvres.

 En poussant la porte, je cherchai du regard d’éventuels gardes. Un Métharcien se présentait déjà à l’entrée, manifestement surpris de nous voir ici.

 « C’est moi, » me dit-il par télépathie.

 Mais c’était inutile, je l’avais reconnu. Son visage reflétait une grande douceur, et ses yeux me paraissaient plus clairs que ceux de ses congénères. Peut-être était-ce non pas un mais une Métharcienne ?

– Celui-ci n’est pas comme les autres, expliquai-je à Orialis. Il va nous aider.

– Qu’est-ce qui te prend ? me rabroua Orialis. Nêryah, c’est un ennemi !

– Non. Il n’est pas d’accord avec la façon dont agit son peuple. Il joue double jeu ici.

 Je m’approchai de la créature.

– Laissez-nous partir, je vous en prie !

 Le Métharcien me répondit par un sourire et prit une nouvelle fois ma main dans les siennes. Il acquiesça en inclinant la tête : « Vous ne pouvez pas partir par transgèneur, il faut couper les systèmes de défense. Je vais vous y conduire. Vous simulerez être mes prisonnières devant les gardes. L’Ombre n’est pas ici, mais restons vigilants. »

– Merci infiniment ! lui soufflai-je. Je savais que l’on pouvait compter sur vous. J’espère que je pourrais un jour vous libérer. À moins que vous souhaitiez nous accompagner à la surface ?

 La créature sembla stupéfaite.

 « Ne serais-je pas plus utile en ces lieux ? » allégua-t-il.

 Orialis semblait elle aussi entendre sa voix dans sa tête, car elle acquiesça en haussant le menton.

 Heureusement pour nous, ce premier couloir fut désert. Nous marchions derrière notre protecteur. J’avais tellement peur de voir apparaître l’Ombre, son regard impitoyable, nous barrant le chemin.

 Nous arrivions au bout du couloir. Nous ne pouvions pas nous dépêcher, et encore moins courir, au risque de démasquer notre stratégie.

 Nous arrivions à la salle du trône. Je reconnaissais l’endroit.

 D’un geste vif de la main, notre gentil Métharcien fit disparaître le rempart violacé. Nous entrâmes discrètement dans la pièce principale, terriblement angoissées à l’idée de nous faire repérer. Notre protecteur dénombra trois gardes. Nous nous attendions à un bataillon. L’Ombre allait-elle envoyer ses sujets à notre poursuite, dans tout le royaume ? Vu l’immensité de ce dernier, nous avions encore une chance de les semer.

 Notre guide regarda ses semblables, puis se dirigea vers le deuxième sas magique, derrière le trône. Ils semblaient suspicieux. J’en déduisis qu’ils se parlaient par télépathie car notre sauveur s’arrêta un instant. Il se montra manifestement convainquant puisqu’ils le laissèrent passer. Lorsque nous quittâmes enfin la salle du trône, nous relâchâmes enfin notre respiration.

– Comment avez-vous fait ? lui demandai-je, admirative, tandis que nous traversions le couloir sans rencontrer de Métharciens.

 « Je leur ai dit que l’Ombre voulait vous voir toutes les deux, et qu’il ne fallait surtout pas faire attendre le maître. Ils m’ont cru puisqu’elle m’a assigné à votre surveillance, et que je suis le chef de toute une division. Mais je ne suis pas certain que ma ruse puisse perdurer. Nous devons nous hâter. »

 Nous pressâmes le pas.

– Un vrai labyrinthe, en effet ! commenta Orialis.

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