VIII

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VIII

Dans la rue le mélange cannabis, alcool, sexe me réussissait plutôt bien, J’avais largement déboutonné ma chemise, je marchais sans crainte, je me dirigeais chez moi pour me vautrer dans le sommeil, je n’appréhendais pas le coup de réel qui me frapperait à mon réveil. Je rêvai de miroirs cette nuit-là, ils avaient été très présents durant cette soirée, de mises en abîmes qui attiraient ma chute, mais je me cramponnais suffisamment à mon canot de sauvetage. Épaté par ma résistance onirique je me réveillai toujours aussi nauséeux après mes soirées de " bourzingue ". Avant même d’avoir l’envie de fumer une blonde je me précipitai dans les toilettes pour vomir les glaires acides qui stagnaient dans mon estomac. Cela dura un quart d’heure, puis, toujours incapable d’avaler un café, trop acre et vomitif, je cherchai avec angoisse la bière forte que j’avais mise de côté. Comme d’habitude elle se trouvait au même endroit et comme d’habitude j’avais eu peur de l’avoir bue la veille. Mes mains tremblaient, l’idée de boire quelques goulées de bière à neuf degrés me répugnait, mais je savais qu’après l’alcool s’emparerait de mon cerveau et du reste et je reprendrais mes esprits avec plus ou moins bonne conscience. Je m’installai sur le canapé, je fis un peu de place sur la table basse pour y poser mes pieds et je me mis soigneusement à verser la bière dans une pinte en évitant la mousse. Les trois premières gorgées furent écœurantes, mais comme j’étais à jeun l’ivresse monta très vite et m’accorda une poussée euphorique. Je regardais l’esquisse que j’avais mise bien en évidence dans le salon, je trouvais le travail pas si mal bien que le modèle paraisse vivant. La nausée était partie et je m’accordais la première clope de la journée ; moment béni que cette première cigarette qui n’apporte que du plaisir et ne masque pas un état d’anxiété, d’énervement ou de désœuvrement. Le soleil frappait de ses rayons le milieu de la fausse cheminée qui ornait le bord ouest de mon salon, il devait donc être onze heures trente. Je repensais à la soirée d’hier, sans amertume ni regret, pourtant Émilie était une chic fille, on aurait pu se revoir et même devenir amants, sa conversation était plus qu’intéressante, son physique agréable et pour couronner le tout elle faisait très bien l’amour. Bien sûr, je ne me considérais pas comme une référence mais j’étais persuadé que nous avions été en phase et nous nous étions mutuellement donnés du plaisir, son ultime orgasme n’avait pas été du chiqué. Je fis une corrélation avec Freud et sa " petite mort " qui conditionnait l’acte sexuel ; je l’avais pris au mot, une fois de plus j’esquissais un sourire mesquin. L’alcool me rendait plus confiant, le produit me donnait son assentiment et je me laissai aller à des divagations esthétiques complètement amorales. Je savais que je ne pouvais plus rien entreprendre dans la vie sans m’être alcoolisé, surtout vis-à-vis des femmes, mais aujourd’hui une exigence nouvelle venait de naître. L’idée d’éliminer mes conquêtes me rendait irrésistible, de plus la vie semblait s’acoquiner avec moi en des hasards prodigieux. Car en fait mes chances de trouver une fille comme Émilie, jeune et cultivée, sexuellement libre, étaient minces. Mes intentions criminelles me donnaient sans doute une aisance supplémentaire. Il est vrai que lors de la soirée d’hier j’avais, avec facilité, plongé dans son cœur, je l’avais regardée dans sa totalité et ce en toute « honnêteté » ; quel paradoxe si l’on considérait la conclusion ! En d’autres termes je m’évertuais à trouver des excuses à mes actes tout en ayant l’outrecuidance de me considérer comme quelqu’un d’honnête. Je chassais ces creuses constructions d’esprit en exorcisant le fort sentiment de honte qui m’assaillait.

Ma bière était finie et elle était responsable de mes divagations ; quelle excuse ! Le portable me rendit mon sens commun ; c’était Lucie.

– Allô Thomas, je te réveille pas j’espère ? – Non ma grande je viens de déjeuner.

– Ouais moi aussi mais j’ai toujours un de ces mal au crâne ! – Il faut éviter le Picon ma chérie.

– Le Picon ? Ah oui ! Mais t’es passé voir Nono hier soir ?

– Ouais, il m’a dit que tu étais bien déchirée et que tu te faisais même du souci pour moi. – Je me fais toujours du souci pour toi Thomas et tu le sais.

– Je le sais ma puce et je t’en suis reconnaissant, mais tout le monde le sait, alors pour que Nono m’en parle tu devais te faire plus de bile que d’habitude.

Il y eut un silence, je n’aimais pas les silences mais je décidai de ne pas le combler présumant ce qu’il sous-entendait.

– On se voit dans une demi-heure et on parlera d’accord ? Me dit-elle.

– O.K. au troquet comme d’habitude ou chez toi ?

Je savais qu’elle me proposerait de la rejoindre chez elle, sa voix résonnait de trémolos maladifs ; c’était sérieux, elle le masquait mais je la sentais bouleversée. – Je préfère chez-moi si tu veux bien.

– D’accord, j’amène du carburant ou tu es pourvue ?

– Je suis pourvue mais prends des clopes au passage.

Je me hasardai à jouer la carte de la naïveté et lui demandai : « C’est si grave que ça ? » – Je sais pas encore, on verra… allez dépêche-toi.

Je décidai de ne pas me doucher pour préserver l’odeur de la nuit, par nostalgie et par respect posthume, de plus le timing ne me le permettait pas. C’était cynique j’en conviens mais on ne se refait pas.

La culpabilité ne me torturait plus alors qu’il y a deux jours elle était ma néfaste compagne. J’enfilai mon Lévis préféré usé jusqu’à la trame, passai le tee-shirt que je portais hier, il sentait toujours le JP Gaultier. L’odorat particulièrement développé de Lucie ne manquerait pas de le remarquer ; j’attendais sa réaction.

Une fois dehors, je me dirigeai vers le bar-tabac du coin avec l’idée de jeter un œil dans le journal et de m’enfiler de surcroît un café largement arrosé.

Il n’y avait rien en première page ni dans les faits divers, on n’avait pas encore remarqué sa disparition. J’en fus presque déçu mais je savais que tôt ou tard la police ferait le rapprochement entre Virginie et Émilie, mon ADN et mes empreintes maculaient leur appartement.

Je remontais l’interminable côte qui balafrait le centre-ville, le manque de sommeil et mes excès de ces derniers jours se faisaient sentir, je transpirais comme un bœuf et j’admirais les gens de mon âge ainsi que les plus vieux qui gravissaient en VTT, à rythme soutenu, cette pente à seize pour cent. Je savais que c’était le dernier carat, qu’il fallait que je me réveille et que j’arrête l’alcool, la cigarette, le manque d’exercice et le reste. J’avais déjà fait une cure qui m’avait permis trois mois d’abstinence. Être clean m’avait rendu la vie plus facile mais n’avait pas nourri mon besoin de folie, je m’étais senti terne, même si mon esprit était plus alerte, j’avais perdu mon sens de l’improvisation et tous les cadenas que j’avais installés pour me protéger handicapaient fortement mon aptitude à la création.

Toujours est-il qu’actuellement mon espérance de vie s’en trouvait très amoindrie. Malheureusement mon espoir en la vie était bien ténu, je pensais avoir loupé le coche et considérais que le bonheur n’était plus pour moi. Une femme très pieuse, une ancienne voisine m’avait dit que je portais sur moi les péchés de ma famille. Aujourd’hui je ne portais que les miens et quelque part ça me réconfortait.

C’est en faisant ce triste constat que j’arrivais essoufflé devant chez Lucie. Je sonnai, elle n’ouvrit pas sa fenêtre pour savoir qui était là, elle fit tinter la petite porte cochère et je gravis ce très bel escalier en colimaçon du quinzième. Les marches étaient fortement patinées, elles s’incurvaient en leur milieu et j’imaginais les drames et les bonheurs qui s’étaient déroulés lors de la montée de ces marches.

Pour ma part j’appréhendais de voir Lucie, j’entendis sa porte s’ouvrir au troisième, une odeur de cigarette et d’encens me parvenait aux narines en plus de l’odeur caractéristique de Lucie qui mêlait laisser-aller, odeur de cuisines exotiques et baumes de toutes sortes.

J’arrivais enfin jusqu’à son palier, elle m’y attendait en peignoir, les cheveux encore mouillés. Nos regards se croisèrent, le sien s’esquiva une fraction de seconde puis se focalisa à nouveau sur le mien. Elle esquissa un sourire forcé, je compris que c’était vraiment grave. Je me dis à ce moment que je pourrais tout lui dire mais cela demeurait du conditionnel.

– Bonjour ma puce tu vas bien ? lui dis-je sans conviction.

– C’est plutôt à moi de te le demander, on dirait que tu sors d’un bain tout habillé.

Effectivement j’étais trempé de sueur mais ce n’était pas le trac cette fois-ci, c’était les toxines qui suintaient par tous les pores de mon corps.

– Le manque d’exercice mais j’ai pas de dessin à te faire tu sais ce que c’est.

– Moi j’ai un dessin à te faire par contre. Le ton était donné. Son appartement s’ouvrait immédiatement sur la cuisine, le désordre y était indicible, excepté la table de cuisson qui elle était irréprochable. La poubelle débordait, elle n’avait pas dû prendre soin d’elle depuis ces quelques jours. On pénétrait après dans la pièce principale, une vaste chambre qui comportait, elle aussi, une cheminée mais une vraie celle-ci. Son clic-clac était ouvert, les draps en chantier et un nombre incalculable de vêtements côtoyaient des livres de toutes sortes. Des reliquats de cuites remplissaient la table et les cendriers débordaient.

– Si je peux me permettre Lucie, bien que je ne sois pas une référence, il règne une certaine anarchie ici, c’est pas dans tes habitudes mais je pense qu’aujourd’hui ça t’importe peu.

– Tu dis vrai mais buvons un coup d’abord avant que je te parle.

– Écoute Lucie, assez de mystère, va droit au but.

– Non pas tout de suite j’ai mal au crâne, il faut que je boive un coup pour faire passer cette migraine

– Soit, qu’est-ce que tu proposes ?

– Vodka, ça te conviendra comme ça on n’aura pas des haleines d’alcoolo.

– C’est corsé pour un début de journée ou plutôt pour un début d’après-midi, mais soyons fous.

Je regrettais cette dernière phrase, je voulais détendre l’atmosphère de manière trop grossière, elle me le fit d’ailleurs comprendre par un soupir. J’avais totalement perdu mon naturel, Lucie provoquait toujours en moi cette défection lorsqu’elle était préoccupée ou en colère, je devenais le petit toutou à sa mémère quand le reproche était dans l’air. Je succombais toujours face au courroux d’une femme, un signe de faiblesse sans doute. Du moins je me contenterais de cette conclusion si je veux éviter de remonter trop loin dans mon vécu. Je m’assis sagement sur le clicclac entre une paire de jeans, un soutien-gorge et des romans de SF. Elle me servit un copieux verre de vodka.

– Au fait tu as pris des clopes au passage ? Je lui remis son paquet sans mot dire.

Elle ne s’assit pas quant à elle, elle s’accoudait à la tablette de la cheminée, elle but son verre en trois gorgées et s’alluma une cigarette. Sa lente expectoration indiquait qu’elle n’avait pas fumé de la matinée. Elle me toisa ostensiblement quelques instants qui me parurent interminables, puis elle radoucit son regard y mêlant interrogation et incompréhension.

Je finis mon verre aussi vite que possible parce que je savais que c’était elle qui mènerait la confrontation ; je ne pus m’empêcher d’ouvrir la bouche le premier.

– Je t’écoute.

– Tu dois te douter du sujet non ?

Cette question avait valeur d’affirmation presque de la connivence.

– Dis toujours lui répondis-je, je me faisais peut-être des illusions sur ses intentions on ne sait jamais.

– Tu m’emmerdes Thomas ! Il s’agit de Virginie tu veux vraiment que je te le fasse ce dessin. Les flics sont venus m’interroger, ils ont trouvé mon téléphone sur son portable de plus une voisine a confirmé qu’elle me connaissait.

À ce moment je me dis que j’aurais dû effacer tous les numéros de son portable mais ce qui était fait était fait, de plus à ce moment-là l’appareil policier était aux antipodes de mes pensées, comme je l’ai dit plus haut je me sentais intouchable. – Et alors tu as dit quoi ?

– Que veux-tu que je leur dise, j’allais pas nier que je la connaissais, par contre quand ils m’ont demandé si elle fréquentait quelqu’un je leur ai dit que j’en savais rien, ce qui est faux. – Effectivement.

– Tu es la dernière personne à l’avoir vue je pense, alors dis-moi si c’est toi.

Cette fois-ci je compris que nier n’aboutirait à rien et m'attirerait plus d’ennuis qu’autre chose, de plus Lucie semblait en connaître suffisamment pour avoir tiré elle-même ses conclusions. Il fallait donc que je lui avoue au risque qu’elle me dénonce. Mais j’étais devenu un meurtrier, je me sentais capable d’éliminer un témoin gênant même Lucie, malgré toute l’affection que je lui portais et même si l’idée me répugnait. Pourtant une fois éliminée les flics remonteraient très rapidement à moi. En fait j’étais acculé et le vieux précepte que la vérité vaut mieux que le mensonge s’imposa. Ces pensées fusèrent en une fraction de seconde dans mon crâne, tous les voyants étaient au rouge et bien que j’y aie déjà réfléchi j’avais le sentiment d’y réfléchir pour la première fois.

– Oui c’est moi…

Elle devint livide, même si elle l’était déjà à mon arrivée, sa pâleur était extrême, elle venait de recevoir un uppercut, elle ne dit mot et se resservit un verre. Elle s’assit en tailleur sur le tapis, posa ses coudes sur la petite table et cacha son visage entre ses mains, elle sanglotait. Puis, presque inaudible, elle marmonna : « Dis que c’est pas vrai ! Dis-moi que t’as pas fait ça ! Pourquoi ?! Pourquoi ?! Pourquoi?! »

Face à cette question en apparence si simple je me sentais désemparé, jusqu’à présent je m’étais simplement contenté de comprendre tout cela avec superficialité, mais à cet instant il fallait que je justifie mes actes. Lucie ne s’attendait pas à une version édulcorée, elle ne supporterait pas que j’inverse les rôles et que je prenne la place de la victime, travers que j’avais depuis longtemps.

Le problème était que je ne savais pas concrètement pourquoi j’avais fait ça ; de plus elle ne savait rien pour Émilie. Mais elle avait droit à une réponse pour deux raisons : Virginie m’avait été présentée par elle, ensuite notre amitié m’obligeait à un minimum de sincérité. Je me resservis un verre, son visage était toujours caché par ses mains. Je bus le verre cul sec et une fois de plus je décidai de me jeter dans l’arène en étant, dans la mesure de mes possibilités, le plus vrai possible. – Lucie je sais que je te fais horreur, je me dégoûte aussi mais je te jure que je ne sais pas ce qui m’a poussé à faire ça. C’est comme une quête morbide et esthétique…

– Esthétique ! Tu te fous de ma gueule ! hurla-t-elle, son visage toujours enfoui dans ses mains.

– Laisse-moi essayer de finir, je t’en prie, je suis au bout du rouleau, je n’ai plus confiance en la vie ou plutôt je ne crois plus en elle, alors je la galvaude, je la brûle en choisissant l’attitude la plus extrême qui soit. Je crois que j’ai tué gratuitement. Ça m’a pris sans que je prémédite vraiment quoi que ce soit, ensuite…

Elle releva la tête en larmes, mon dernier mot l’avait interpellée.

– Ensuite quoi ?

– Ensuite j’ai recommencé.

Elle se resservit un verre et alluma une cigarette.

– Mais tu es un malade ! Qu’est-ce que je vais faire maintenant, je suis complice puisque je suis dans le secret.

– Non je ne suis pas malade, je l’ai fait en toute lucidité, l’alcool n’y est pour rien, du moins pas ces fois-là, j’assume ce que j’ai fait et je n’ai aucune circonstance atténuante. Quant à ce que tu veux faire, fais ce que tu veux, appelle les flics, coupe tous les ponts avec moi, que sais-je...

– Je ne sais pas ! J’ai l’impression d’avoir sur le dos la culpabilité que tu devrais avoir et… – Mais j’ai un sentiment de culpabilité, il ne m’empêche pas de me regarder dans la glace et ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé.

– Tu es un monstre froid et jamais je n’aurais imaginé que tu puisses être plus égocentrique que tu ne l’étais déjà, narcissique même, nombriliste et j’en passe et des meilleurs ! – Alors tu décides quoi ?

– Je sais pas parce que malgré ce que tu as fait tu as encore une place dans mon cœur, je sais que c’est paradoxal mais c’est comme ça.

– C’est le propre des femmes dis-je maladroitement.

– Et c’est pour ça que tu les tues ! En tout cas je ne veux rien savoir sur ton deuxième… meurtre ou assassinat je ne sais pas… – Tu ne diras rien donc ?

– Non Thomas mais quelque chose s’est cassé entre nous, quelque chose d’irréversible. Ton pseudo-esthétisme tu sais où je me le mets !? Ce ne sont que des élucubrations d’intellectuel déséquilibré qui cherche une justification à ce qui n’est pas pardonnable !

La vodka avait fait son effet, elle commençait à s’emporter, pourtant elle me couvrait et pourtant encore, cette relative mise au point n’avait altéré en rien l’influence du démon qui me faisait revivre depuis ces quelques jours. Le silence s’était installé, nous finissions la bouteille, elle regardait partout dans la pièce sauf moi, moi qui cherchais dans ses yeux qui me fuyaient, son impossible pardon. Je me rendis compte que j’aimais cette femme car c’était la seule à qui je tenais à rendre des comptes. Je me sentais nu devant elle et l’idée de la perdre m’était insupportable. Mais à présent que le rideau s’était levé sur mes agissements, je ne savais plus s’il fallait que je l’oublie à jamais, et advienne que pourra, ou que je fasse une dernière tentative pour ressouder notre amitié. À ce moment dans mon esprit ce mot d’amitié me paraissait incongru. Oui je l’aimais, elle était mon idéal, mon maître étalon féminin. Je décidais de tout faire pour la reconquérir comme il y a plus d’un an où nous vivions ensemble. Mais comment avoir du crédit après ce que je venais de lui avouer. Nous finîmes la bouteille, fumant clope sur clope, elle était déchirée par ce qu’elle venait d’apprendre et moi parce que je la perdais. Elle se releva toujours sans mot dire sortit de son freezer une deuxième vodka, glacée celle-ci, nous resservit et cette fois-ci me toisa avec un regard plein de lucidité et d’intelligence. Elle me lança : « Je me fous de Virginie, pour ce que j’avais comme atomes crochus avec elle, je m’en veux seulement de te l’avoir présentée, je me sens coupable quelque part, pour ce qui est de l’autre je ne la connais pas. Leur mort m’est indifférente, ce qui me taraude c’est que tu les aies tuées sans haine, sans raison, gratuitement pour combler ton vide existentiel, au nom d’une fadaise esthétique comme un anarchiste qui ferait sauter des innocents au nom d’un idéal innommable. Tu es intelligent Thomas, comment as-tu pu faire une chose aussi extrême, ce n’est pas leur mort qui m’attriste, c’est la gratuité de ton acte. La vie est sacrée bon dieu ! »

– Mais je me fous de la vie, en tout cas j’ai oublié ce que c’était, j’ai voulu la retrouver par ce biais-là. Ma vie n’est qu’un kaléidoscope d’images, de pensées, sans aucun rapport entre elles, des flashs d’alcoolique qui n’ont ni queue ni tête. Il n’y a que toi qui me paraisses bien réelle, vraie, authentique.

– N’essaie pas de m’amadouer avec tes phrases à la noix, c’est plus possible, je crois que tu m’as perdue Thomas.

– C’est pire qu’une mort alors.

– Ça vaut mieux qu’une mort physique, du moins aux yeux de la loi. Moi aussi je suis en deuil tu sais, j’avais l’espoir que l’on se remette ensemble parce que tu valais plus que ce que tu disais de toi et parce que je te croyais vraiment à part, mais après ce que tu as fait ! C’est bizarre je n’ai pas peur de toi, je sais que tu ne me feras pas de mal et que tu entretiens des sentiments similaires à mon égard. Il me suffisait de te regarder pour m’en rendre compte. Par contre cette partie aliénée de toi je ne l’aurais jamais crue d’une telle intensité. Je crois maintenant qu’il faut que tu m’évites, je ne peux pas pardonner ce que tu as fait. – Je comprends, finissons au moins la bouteille.

– La bouteille, l’échappatoire par excellence ! Buvons nos derniers verres ensemble soit, après ces confessions on peut se le permettre mais je ne veux pas me mettre en danger par ta présence, je risque la taule tu sais en ne disant rien et je ne sais pas ce que les autres diront quand ils ne nous verront plus ensemble. Tous les cas de figures sont possibles. Soit ils font le lien entre toi et

Virginie, soit ils gobent le fait qu’on se voit plus pour des raisons X ou autre chose encore.

Nous finîmes la bouteille silencieusement, nous n’échangeâmes plus aucune parole, elle cessa de me regarder tout en fumant des cigarettes à la file. Une fois le flacon terminé je me levai.

– Au revoir Lucie.

– Adieu Thomas.


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