VII

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VII

Elle n’habitait effectivement pas très loin, un appartement au troisième dans la vielle ville. Son logement avait été refait à neuf et on notait que cela faisait peu de temps qu’elle y vivait. Tout était propre et bien rangé, une bibliothèque visiblement peu utilisée, aucun trou ni livre couché, la table du salon irréprochable de propreté, une cuisine américaine sans trace de gras ni relique de repas.

– T’es en poste depuis pas longtemps lui dis-je ?

– Oui je viens de m’installer, j’attends la rentrée.

Elle sortit deux verres carrés et une bouteille de bourbon à moitié vide; elle s’assit à côté de moi sur le canapé et nous servit deux copieuses rasades. Mon cœur battait très vite, nous n’avions jamais été aussi proches physiquement. L’envie de la prendre dans mes bras avait monté d’un cran. Je pris mon verre et l’invitai à « tchiner » avec moi la regardant, sans ambiguïté, au fond des yeux. Elle me rendit le regard et je bus cul sec. Je reposai mon verre sur la table basse, je m’emparai très doucement du sien, qu’elle me livra sans résister et j’apposai mes lèvres au gout sucré du bourbon sur sa lèvre inférieure. Je lui fis sentir par une forte respiration la chaleur brûlante de mon haleine.

Mon baiser se fit plus pressant, je l’enlaçai complètement et elle s’abandonna. La suite des évènements ne regarde que moi ou plutôt que nous. De toute façon ce que nous fîmes ensemble était trop guidé par nos émotions respectives. Tout ce que je puis dire aux plus curieux d’entre vous, c’est qu’elle fut une très bonne partenaire, nous sentions réciproquement ce que l’autre désirait. Je me souviens que son miel avait un goût sublime et la texture de ses entrailles suave et douce comme de la soie. J’étais sur le point de jouir lorsqu’elle se trouvait sur moi, je la fis basculer, sentant que son orgasme n’était pas loin non plus. Je redoublais d’ardeur dans mon vaet-vient, elle poussa un petit cri, rentra ses ongles dans mon dos et je me laissai aller, fou de plaisir. Immédiatement mes mains empoignèrent son cou et je serrais avec autant de force que mon éjaculation avait été intense. Mais je continuais à serrer une fois cette vague de bonheur passée, elle ne se débattit pas, surprise en plein orgasme, quasiment asphyxiée par la force de mon étreinte.

Peu de temps après son vagin s’assécha, plus aucun souffle n’était perceptible ni mouvement, elle était morte. Je mis ma tête sur son sein gauche pour m’en assurer, je pris aussi son pouls. L’idée de ne pas l’avoir tuée m’était inconcevable. Tout d’abord parce que je me sentais incapable de serrer sa gorge à nouveau et j’éprouvais le sentiment anormal que ce qui venait de se passer avait été parfait, qu’il ne fallait plus rien toucher.

Au bout de cinq minutes je pénétrais nu dans son salon, j’y trouvais le joint que j’avais roulé et que nous n’avions pas jugé bon de fumer et le reste de bourbon.

Je m’assis sur le fauteuil en rotin qui se trouvait dans sa chambre, j’allumai le" pécos ", aspirai quelques " lattes " et pris une grosse gorgée de bourbon.

Le radio-réveil sur la table de nuit indiquait 3h14, comme le nombre PI. Je me dis que c’était un signe, que les chiffres, eux aussi, étaient en relais avec les destins et le pâle quotidien. Un peu comme ce fameux nombre d’or des anciens.

PI était un judicieux raccourci pour le calcul d’un cercle. Je regardais son joli corps de femme avant que la raideur cadavérique ne fasse son effet (je n’avais aucune notion à ce sujet), je ramenai ses jambes sur le côté, la jambe droite plus recroquevillée que l’autre, je laissai son dos à plat ce qui arrondissait nettement ses seins.

Je fumais plus encore sur le joint toujours accompagné du whisky américain et je laissais divaguer mon regard dans la pièce quand je fus surpris par mon reflet sur le miroir de son armoire qui se trouvait à ma gauche. Je fus surpris de ne pas voir dans mon regard une étincelle de folie, seulement de la fatigue due à nos effusions corporelles et à tout l’alcool que j’avais ingéré. Les fous ne se croient pas fous dit-on. Pourtant mon expérience de la folie au travers de mes nombreux séjours en « HP » m’avait permis de repérer le paradoxe d’une personnalité. Mon regard demeurait doux, ni songeur, ni anxieux, il émanait de mes yeux une sorte d’absence de désir. J’avais beau savoir que ce que j’avais fait été mal, rien ne raturait mon sens moral. Était-ce à dire que j’étais fou puisque je ne croyais point en ma propre folie et que je n’avais aucun remords ?

Je pensai aux enfants que j'aurais pu avoir et jamais je ne me serais posé de question sur le bien-fondé des interdits que j’appliquerais avec eux. Encore de l'orgueil mal placé !

Le bourbon via l’herbe m’étaient montés à la tête et je pouvais trouver dans mon esprit des raccourcis réconfortants.

Je décidai de faire abstraction du miroir et de fouiller dans son bureau s’il n’y avait pas un marqueur noir.

Je trouvai un gros feutre de la même couleur, j’arrachai un pan d’un carton pas encore déballé et plein de livres et je me mis en position de scribe sur le fauteuil.

Je me mis à dessiner son corps en prenant bien soin de respecter les drapés qui cachaient ses petits pieds. Mes traits fusèrent, je n’eus aucun mal à en faire une nymphe aussi inepte soit la situation.

Le réveil indiquait quatre heures trente, j’enfilai mes vêtements, récupérai tout ce qui m’appartenait, notamment ma montre sur la table de nuit ainsi que le carton. Je la regardai une dernière fois, rapprochant mon visage du sien, le JP Gaultier avait tourné avec la transpiration et la mort subite, je l’embrassai sur les lèvres et lui susurrai à l’oreille une prière de ma composition.

J’avais même un trophée avec moi : je connaissais son tatouage.


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