Chapitre III

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L’âme de Lucie agissait toujours dans ma tête lorsque je prévis effectivement, me rendant à mon douillet gourbi, de stagner en m’alcoolisant toute l’après-midi sur le net. Par contre une chose allait changer, j’avais un but, un objectif : goûter à nouveau à l’âcreté de la mort. Je fus prolixe cette journée sur le site de rencontre que je fréquentais assidûment, site ressort pour moi parce qu’excepté Lucie et Nono, que nous découvrirons plus tard, je n’avais que ce filon pour me relier au monde. Je n’espérais pas être aussi en verve, mais mes nouvelles espérances ne pouvaient que tonifier mon désir de tenir la barre. Ce fut donc moi qui menais les débats ce jour-là, jonglant avec virtuosité de « Calypso » en passant par « Jaï » et « Hélène_30 » jusqu’à d’autres pseudos tout aussi précieusement réfléchis. Puis ce fut le flou, la bière avait pris possession de ma raison et je ne me souviens plus comment j’ai pris congé de ces « demoiselles », ce qui créait souvent des quiproquos malvenus, des oublis irréparables, quand je revenais sur le site et que je prenais contact avec mes favorites. Je me réveillai, répandu sur mon canapé, dans la moiteur de cette deuxième fin de journée. J’eus un regain de vigueur lorsque je m’obligeai à sortir pour me « pourvoyer » en rosé. Les fantômes de la veille revenaient heure pour heure comme des réminiscences et l’envie de « prédater » me repris à la gorge… Et ce n’est pas un hasard si j’ai choisi cette expression. La moitié de la seconde bouteille me tira très haut vers le ciel et ma volonté de réitérer s’en trouva confirmée. Mais pour le moment, laisser un peu de large entre moi et mon exaction me semblait plus sage. De plus il fallait que je fasse le point, que je repasse en revue tout ce qui s’était passé avec Virginie, mais ne pas reconstruire chronologiquement les événements de la soirée, cela restait un rêve pour moi duquel me parvenait des bribes de paroles, des odeurs, des caresses, et surtout l’incroyable sentiment de gouverner ma vie en ôtant la sienne.

Je ne m’étais jamais imaginé meurtrier, bien que l’envie m’ait traversé l’esprit comme tout un chacun. J’avais du mal à déterminer ce qui m’avait motivé, mais je m’en contrebalançais. Ce qui était sûr c’est que ses derniers instants furent les miens et j’en tirais de la satisfaction, une satisfaction d’artiste, je m’excuse du terme, comme un cinéaste qui aurait filmé les derniers instants d’une vie, un film réel à outrance [1].

Voilà c’est l’outrance qui me faisait jouir, le sexe de ma victime n’avait de l’importance que parce que j’étais un homme. Je terminais la soirée dans ces divagations et je finis par me traîner jusqu’à mon lit pour me repaître mentalement de ce que j’avais fait et surtout apprécier la facilité avec laquelle je ressentais sa mort, ou plutôt son absence définitive pour être plus précis.

Le lendemain, je me réveillais avec un étrange sentiment de distance vis-à-vis du monde, je fis quelques emplettes et je me « scotchai » une fois de plus sur Internet jusqu’au soir en m’assurant dans la presse en ligne si Virginie refaisait surface. Mais rien, alors je me rabattis sur mes pseudo-préférés tout en laissant mûrir une tension qui ne me quitterait plus. Lucie ne m’appela pas ce jour-là, cela voulait dire qu’elle avait décidé de ne pas aller à la réunion, moi non plus d’ailleurs, j’étais trop bourré pour me traîner à l’autre bout de la ville. J’avais fait un deuil a contrario, celui de mourir avec ma bouteille. Ce n’était pas reluisant j’en conviens, mais en l’espace de vingt-quatre heures toutes mes convictions tant religieuses que médicales s’étaient consumées. Comme je l’avais dit à Lucie je muais pour devenir un éphémère.

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