Chapitre 11

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Cela faisait déjà cinq minutes qu'Ace se tenait devant le portail fermé. Il pouvait entendre au loin la musique étouffée qui venait de la maison, qui devait être assourdissante à l'intérieur. Après dix minutes de métro pour traverser le Queens et rallier la côte ouest de Manhattan, Ace avait dû faire une marche forcée à travers un quartier résidentiel où chaque maison qu'il dépassait semblait rivaliser de grandeur pour paraître plus belle que la précédente, afin de parvenir jusqu'à la maison de Tyler. Le manoir, devrait-il plutôt dire, d'après ce qu'il pouvait apercevoir à travers les minces interstices du portail. La propriété était entourée d'un haut mur de briques, et Ace était quasiment sûr qu'il y avait également bons nombres de caméras de vidéosurveillance.

Le jeune homme fixait du regard le petit interphone en face de lui. Maintenant qu'il se retrouvait là, planté devant le portail en fer forgé noir, il se demandait s'il avait fait le bon choix. Il pouvait encore faire demi-tour et rentrer chez lui, à l'abri dans son petit appartement, en compagnie d'Andreï et mater un bon vieux film d'action.

En fait, Ace avait peur. Pas cette peur qui vous paralyse face à un animal sauvage ou à un gars tenant une arme à feu, mais plutôt celle que n'importe quel comédien ou chanteur ressent avant de monter sur scène. Le trac. Malgré son air dur qu'il prenait soin d'entretenir, Ace avait peur de plonger dans un univers méconnu, un monde où il ne pensait ne jamais devoir se rendre. S'il appuyait sur le petit bouton blanc, alors il serait projeté dans une foule d'inconnus et dans un lieu qu'il ne voulait pas connaître.

Redevenant presque sûr de lui, Ace s'approcha de l'interphone, serrant dans sa main la bouteille de vodka qu'il avait acheté quelques heures plus tôt.

— Oui ? retentit la voix de Tyler, légèrement déformée par un léger crépitement.

Ace pouvait entendre la musique en bruit de fond. Elle devait être quasiment assourdissante lorsqu'on était dans la villa.

— C'est Ace, je suis devant chez toi.

— Ace ! On attendait plus que toi. Je t'ouvre, s'exclama Tyler d'une voix un peu trop euphorique.

L'espagnol se demandait s'il n'avait déjà pas commencé à boire un ou deux verres d'alcool.

La soirée allait s'annoncer pesante si les trois quarts des personnes présentes étaient déjà raides mortes à 8:00pm.

Un léger cliquetis résonna et le grand portail s'ouvrit de lui-même. Ace fit quelques pas, avant de s'arrêter net.

— Joder...

Ace était stupéfié. Devant lui, s'étendait une vaste pelouse très bien entretenue où serpentait un chemin jusqu'à l'entrée de la maison. Des fleurs de multiples couleurs et autres petits arbustes étaient plantés çà et là, et le tout s'harmonisait parfaitement.

La bâtisse quant à elle, était deux fois plus grande que sa maison familiale à Hackettstown. Ace pouvait voir qu'il y avait deux étages et un grand garage était adjacent à la maison.

Le jeune homme sortit de sa contemplation et commença à marcher. Il se croyait dans un autre endroit, un autre monde, tant la beauté du lieu contrastait avec son quartier au Queens et son appartement.

Lorsqu'il arriva à la porte, il n'eut pas le temps de frapper qu'elle s'ouvrit sur une tête blonde qu'il connaissait.

— Je suis content que tu ai pu venir, s'écria Tyler pour couvrir de sa voix grave la musique assourdissante qui s'échappait par l'entrée.

Ace sourit légèrement, presque timidement. Là, les deux hommes restèrent ainsi à se relooker mutuellement, inconsciemment pour l'un, purement intéressé pour l'autre. Tyler avait revêtu un pantalon gris clair à bretelles ainsi qu'une chemise blanche. Ses cheveux blonds tombaient naturellement sur son front, et une mèche cachait parfois ses yeux bleus.

Ace, lui, était habillé comme à son habitude de vêtements sombres : polo noir à manches courtes, laissant apparaître son tatouage sur l'avant-bras et quelques traits de celui sur son biceps droit, avec un jean de la même couleur.

Ace se racla la gorge.

— Hum... J'ai apporté de quoi boire.

Il tendit à Tyler la bouteille de vodka qu'il gardait dans la main.

— Il ne fallait pas, j'ai déjà beaucoup trop de bouteilles, mais merci, ça sera notre bouteille VIP, souffla-t-il en la prenant. Entre, je t'en prie.

Il s'effaça pour laisser passer Ace. Dès qu'il mit un pied à l'intérieur, Ace fut totalement saisi par la grandeur de la pièce à vivre malgré la foule de gens qui dansaient et le fait qu'elle soit plongée dans le noir, seulement éclairée par quelques spots de couleur. Son appartement pouvait quasiment tenir sans problème. Le sol en marbre et les murs blancs contrastaient avec le noir des meubles. Tout semblait moderne, de la table à manger à la télévision en passant par le canapé en cuir.

Tyler s'approcha d'Ace.

— Suis-moi, on va rejoindre Abby et Matthew.

Il prononça ces mots dans le creux de son oreille, et son parfum d'homme fouetta le nez d'Ace.

Guidant Ace à travers les corps qui dansaient, Tyler se dirigea vers les baies vitrées ouvertes afin qu'il puissent sortir sur la terrasse. Là aussi, des personnes se trémoussaient au rythme de la musique que crachait une enceinte. À quelques pas de là, se trouvait une grande piscine où des garçons en maillot de bain s'amusaient à sauter dedans, éclaboussant au passage des jeunes filles qui buvaient un verre autour.

Sous l'afflux de tout ce que ses sens lui envoyaient comme messages, Ace se sentit mal. Cette soirée se révélait être exactement comme on pouvait voir dans les films pour adolescents : piscine, musique et alcool coulaient à flots.

Tyler, tenant toujours la bouteille d'Ace, s'arrêta devant une table où s'entassaient des gobelets en plastique et diverses bouteilles d'alcool. À côté, se trouvait un gros fût d'une boisson inconnue à Ace. Tyler se saisit de la louche et se saisit d'un verre qu'il tendit à Ace, avant de faire de même pour lui. Le léger tremblement de sa main lorsqu'il versa le liquide indiqua à Ace qu'il n'était déjà plus tout à fait sobre.

Après que Tyler eût bu une longue gorgée, Ace trempa ses lèvres dans son verre avant de faire une grimace. Le breuvage avait un goût très – trop – prononcé de vodka, mélangé à d'autres saveurs qu'Ace ne put reconnaître.

Tyler lui sourit avant de l'inviter d'un geste de la tête à le suivre. Ils s'éloignèrent de quelques mètres et rejoignirent un groupe de personnes assises sur des poufs et des fauteuils d'extérieur autour d'une petite table basse.

— Il ne manquait plus que toi pour que la fête commence ! s'exclama Abby en voyant arriver les deux jeunes hommes.

— Je vois que vous avez déjà pris de l'avance, taquina Ace en lorgnant les bouteilles de bière vides et les verres d'alcool que tenaient les personnes autour.

Abby se leva pour lui faire la bise, accompagnée de Matthew, puis Ace salua les autres. Il y avait en plus Morgan et Damon.

La jeune femme reprit sa place sur le petit canapé qu'elle partageait avec Morgan et tapota la place à côté d'elle, invitant Ace à s'asseoir en se serrant près du meilleur-ami de Tyler. Ace soupçonna fortement son amie d'avoir méticuleusement préparé cette soirée. Elle portait une longue robe noire, fendue sur un côté, laissant dévoiler ses jambes nues, avec un décolleté. Elle avait lissé ses cheveux, mettant en valeur son balayage blond. Elle adressa un clin d'œil à Ace, en souriant de toutes ses dents.

— C'est donc toi le fameux Ace ! engagea Morgan la conversation.

— C'est ça, hésita Ace en jetant un regard à Tyler qui buvait sa boisson.

— Si j'ai bien compris ce que Tyler m'a expliqué, vous faites un Mémoire sur le consentement lors d'agressions sexuelles ?

— Tout à fait. Mais bon, je vais pas te cacher qu'on galère un peu niveau recherche de sources.

— Nous aussi, intervint Abby. Il faut dire que nous ne sommes pas très studieux...

Morgan lui fit un sourire charmeur qui ne manqua pas de faire chavirer la jeune femme.

— Et donc, vous vous connaissez depuis combien de temps, vous trois ? changea de sujet Tyler.

— Ça va faire un an, répondit Matthew, depuis les premiers cours. Abby et moi, étions amis depuis le lycée, et on a choisi la même faculté pour rester ensemble. On a fait la connaissance d'Ace dès le début des premiers cours.

— Abby s'était mise en tête de devenir mon amie, et rien ne peut se mettre en travers de sa route, une vraie tête de mule ! renchérit Ace, s'attirant ses foudres et par la même occasion, un coup de poing dans son épaule.

Tous rirent de la bataille feinte qui naquit entre les deux amis.

— N'empêche, j'ai réussi à percer ta carapace ! répliqua Abby. Vous savez, souffla-t-elle en s'adressant aux autres sur le ton de la confidence, Ace est comme une huître : il se cache derrière ses muscles et son air maussade mais à l’intérieur, c'est une vraie perle rare.

— Sympa la comparaison, grogna Ace, faisant de nouveaux éclater de rire les jeunes gens.

Une fois la bouteille de vodka qu'avait emmenée Ace entièrement bu, Damon alla chercher quelques bouteilles de réserve et les verres s'enchaînèrent tandis que la discussion devenait moins protocolaire et que chacun apprenait à se connaître. Une bonne ambiance s'installa rapidement dans le groupe.

— J'en ai marre d'être assise, ça vous dis d'aller danser un peu ? demanda Abby en se levant après avoir fini son verre.

— Pourquoi pas, acquiesça Morgan en se levant à son tour. Puis-je t'inviter ?

Il lui présenta son bras, et Abby rougit timidement.

— Mais dites-moi, ça pue la tension sexuelle par ici ! s'exclama Tyler d'une voix forte.

— Ta gueule Ty, et viens plutôt nous rejoindre, lui répondit Morgan avant de s'éloigner vers la piste en chuchotant quelque chose à Abby.

Le blond haussa les épaules et les rejoignit, entraînant avec lui les trois autres garçons sur la grande terrasse devant la piscine.

Ils dansèrent tous ensemble, timidement au début, puis l'alcool et l'ambiance les déridèrent ; Morgan et Abby s'éloignèrent peu à peu du groupe, engageant une danse sensuelle. Il ne faisait aucun doute pour Ace que les deux allaient conclure ce soir.

Tyler partit bientôt se trouver un énième verre, et il ne restait plus que sur la piste Damon, Matthew et Ace.

Ace se laissa emporter par la musique, son cerveau assez embrumé par l'alcool qu'il avait ingurgité, faisant abstraction de tout ce qu'il se passait autour de lui. Ses sens étaient émoussés, il n'était plus tout à fait lui-même. Pourtant, il finit par sentir un regard posé sur lui et s'arrêta aussitôt de danser pour se retourner. À travers un léger brouillard, il réussit à identifier la personne : Tyler était accoudé contre le chambranle de la baie vitrée et le fixait, en buvant de petites gorgées de temps en temps. Lorsqu'il s'aperçut qu'il avait été démasqué, il se contenta d'adresser à Ace un grand sourire. L'espagnol sentit une vive chaleur au creux de son ventre et dût fermer les yeux sous l'emprise de cette étonnante sensation pour ne pas vaciller. Un martèlement résonna dans son crâne, comme si une course de chevaux était en train de se jouer. Décidément, il s'était sous-estimé, il avait pensé pouvoir mieux tenir l'alcool.

Soudain, il sentit une odeur connue lui chatouillait les narines et deux mains se posèrent sur ses avants-bras. Le calme revint instantanément dans son crâne.

— Tu vas bien ? s'écria Tyler près de son oreille. J'ai cru que tu allais t'évanouir.

Ace ouvrit les yeux et tenta de se dégager de la poigne de Tyler. Le blond, le voyant faire, le lâcha brusquement, de peur qu'il ne s'écroule.

— Je suis juste un peu fatigué, je vais me reposer.

— Tu veux que je t'accompagne ? proposa Tyler.

— Non, ça ira. Je reviens dans quelques minutes.

Ace se fraya un chemin dans la foule de corps qui se déhanchaient et rentra à l'intérieur. Il essaya de repérer dans la semi-obscurité des escaliers qui lui permettraient de rejoindre le premier étage, loin du bruit assourdissant de la musique qui résonnait dans ses oreilles. Il grimpa doucement les marches de l'escalier en colimaçon et s'engagea dans le couloir. Il choisit la pièce la plus éloignée et y entra. C'était une chambre, une grande chambre. Ace devina la forme d'un lit sur sa gauche et de meubles. Il ne préféra pas allumer, de peur que la lumière artificielle ne lui agresse les yeux. Il traversa prudemment, aperçut son reflet dans la psyché qui faisait face au lit et ouvrit la porte-fenêtre donnant sur un petit balcon. L'air frais lui fit du bien, chassant de son corps toute la chaleur accumulée lorsqu'il avait dansé en bas.

De son perchoir, il avait une vue sur le jardin et la piscine, et il pouvait voir les plus téméraires plonger dans l'eau. Heureusement, la piste lui était cachée et la musique était moins forte de là où il se trouvait. Voir tous ces gens tourner en rond et sauter lui donnait envie de vomir. Il s'assit dos au mur et fouilla dans sa poche arrière à la recherche de son paquet de cigarettes et de son briquet. Il en alluma une, et appuya sa tête en arrière en soufflant la fumée qui se dispersa dans la nuit. Il tenta de fermer les yeux mais il se sentit partir alors il les rouvrit.

Ace se contenta donc de fixer un point au-delà de ce qu'il pouvait voir et laisser vagabonder son esprit.

L'alcool lui faisait passer plusieurs phases : Ace était somme toute heureux d'être ici ce soir, invité par Tyler. Il pouvait passer un moment avec ses amis, en dehors de l'université et des cours. Il avait rigolé et avait rencontré d'autres personnes. Il avait même dansé un peu. Il s'était amusé. Et puis d'un coup, le souvenir de sa mère le frappa de pleine face, et il se sentit honteux de sa gaieté, c'est comme s'il trahissait sa mère, elle qui ne pouvait plus vivre. Il s'en voulait d'oublier son fantôme, ne serait-ce que quelques secondes. Il n'en avait pas le droit.

Ace tira une taffe et expira doucement la fumée de ses poumons pour essayer de contenir la douleur qui lui cisaillait son cœur et les larmes qui menaçaient de sortir.

Le bruit de la porte-fenêtre qui s'ouvrit le fit sursauter et il se sécha furtivement ses yeux humides.

— Ah tu... tu es là Ace ! Je t'ai cherché partout...

Tyler surgit de l'obscurité, une bouteille de bière dans la main, son téléphone avec la lampe torche allumée pour s'éclairer dans l'autre. Sa chemise était débraillée et il bégayait légèrement, signe qu'il était déjà bien imbibé d'alcool. Mais cela ne gêna pas Ace, lui-même n'avait pas les idées tout à fait claires.

Le blond se laissa glisser contre le mur à aux côtés d'Ace. Ils étaient si proches que leurs jambes prenaient mutuellement appui l'une contre l'autre, comme si ce contact leur permettait de ne pas s’affaler à même le sol.

— Je crois que moi aussi j'ai trop bu..., marmonna Tyler avant de finir son gobelet en plastique.

— Alors pourquoi tu continues ?

Il haussa les épaules, résigné.

— Un peu plus ou un peu moins...

Le cœur d'Ace rata un battement lorsque Tyler lui adressa un grand sourire.

— Tu ressembles à un ange... chuchota Ace.

Ses yeux bleus semblaient ressortir dans la pénombre et ses cheveux ébouriffés lui donnaient un air angélique. Il approcha doucement sa main et fit passer ses doigts dans la tignasse blonde. Ils étaient aussi doux qu'il se l'était imaginé, et ils contrastaient avec la couleur mate de sa peau. Le temps sembla se dilater, comme si lui-même voulait prolonger ce moment indéfiniment.

Tyler ferma les yeux, totalement envoûté, et souffla légèrement. Tout à coup, Ace retira sa main, et se rendit compte qu'il avait retenu sa respiration. Il se détourna pour cacher son visage rougissant, et tira une longue bouffée sur sa cigarette quasiment finie.

— Tu... tu connais tous ces gens que t'as invité ? demanda Ace, plus pour éviter que Tyler ne pose des questions que par réel intérêt.

L'alcool lui faisait perdre la tête, ça ne pouvait être que cela. Il allait falloir qu'il se calme sur la boisson, et vite.

Tyler laissa échapper un petit rire.

— Si j'en connais la moitié, c'est déjà bien. Je peux t'en prendre une ? ajouta-t-il en se saisissant du paquet de cigarettes.

— Je croyais que tu ne fumais pas, s'étonna Ace en hochant la tête.

— Je ne fume qu'en pour de rares occasions, répondit Tyler d'une voix ferme.

Mais le clin d'œil qui lui fit lorsqu'il se pencha pour qu'Ace lui allume sa clope semblait vouloir dire le contraire.

— Je suis content qu'on soit ami, tu sais, avoua Tyler après un moment.

Et bien qu'Ace soit imbibé d'alcool, il savait au fond de lui que lui aussi était heureux de connaître Tyler.

— Moi aussi, Tyler

Les yeux du plus âgé brillèrent de bonheur à ces mots, et un sourire mangea ses lèvres.

Les deux jeunes restèrent dans le silence, chacun appréciant la présence apaisante de l'autre, bien qu'un des deux ne voulait pas se l'admettre, jusqu'à ce que Tyler finisse de tirer la dernière taffe.

D'un commun accord, ils décidèrent de rejoindre la fête en bas, et de tenter de retrouver leurs amis dans la foule. Ils quittèrent donc leur perchoir et sortirent pade la chambre de Tyler.

Ace allait descendre les marches lorsque Tyler le retint par le bras et le força à se retourner. Il se regardèrent dans les yeux un instant, chacun dévisageant les traits de celui qui lui faisait face. Alors, cédant à une intense pulsion qui ne cessait de bouffer Tyler depuis qu'ils s'étaient rencontrés, il plaqua Ace contre le mur, prit son visage entre ses mains et écrasa ses lèvres sur les siennes dans un baiser fou mais aussi inespéré.

Cette fois-ci, le temps se suspendit pour de bon. Ace resta figé de stupeur, ne comprenant pas tout de suite ce qu'il lui arrivait. Son cerveau était comme déconnecté, son corps lui transmettait tellement de sensations différentes que le sur-plein l'avait fait « disjoncter ». Ce n'est que lorsqu'il sentit la respiration de Tyler s'échouer sur ses lèvres qu'il reprit soudainement ses esprits. Il repoussa violemment Tyler contre le mur opposé.

— Tu fous quoi là, putain ?!

Son sang se mit à bouillir dans ses veines et il fixa Tyler d'un regard rempli de haine mêlé de dégoût.

— Tu peux me dire ce que t'as voulu faire là ? hurla-t-il au visage de Tyler, à présent coincé entre le corps massif d'Ace et le mur.

Ace saisit son col de chemise et le souleva légèrement pour le forcer à le regarder dans les yeux. Ce que Tyler fit avec un calme olympien, ses émotions sans doute endormies par l'alcool.

— Je t'ai embrassé, répondit-t-il calmement, en plongeant son regard dans les iris verts de son ami, qui luisaient de rage.

Ace relâcha durement Tyler et se recula.

— Tu crois que parce que j'ai accepté d'être ton ami, que je t'ai prêté une cigarette que je suis un maricón ?

Tyler ne dit rien, il se contentait de regarder Ace qui lui faisait maintenant dos.

— Joder, no es posible...

Sa langue natale refaisait surface, signe qu'Ace ne se contrôlait plus totalement. Il parlait toujours espagnol lorsqu'il était dépassé par ses émotions, ce qui signifiait dans son cas, par sa colère. Il faisait les cent pas devant Tyler pour tenter de se calmer tout en évitant de croiser les yeux bleus océan de son ami, de peur de faire quelque chose qu'il regretterait. Il savait qu'il était complètement bourré et il tremblait de tous ces membres. Il était au bord de l'explosion.

— J'ai été con... Je savais que je n'aurais jamais dû t'approcher.

Il s'arrêta net et fit face à Tyler.

— Tu es tout ce que je déteste. Regarde-toi, le petit fils à papa. Tu pues l'argent, la luxure, le bonheur. Tu es né avec une cuillère en argent dans la bouche, tu crois que tout t'es dû, et tu te dis être bi juste pour contredire papa et maman.

Ace s'arrêta pour reprendre son souffle et fixa Tyler d'un regard haineux.

— Tu me dégoûtes, cabrón.

Il avait dit ses derniers mots d'un ton si calme et pourtant si venimeux que Tyler frissonna. Mais avant qu'il ne puisse dire quelque chose, pour s'expliquer ou le retenir, Ace avait dévalé les escaliers, laissant Tyler avec pour seule compagnie, les mots d'Ace qui résonnaient encore à ses oreilles.

Pour le coup, Ace avait décuvé tout l'alcool ingéré plus tôt dans la soirée. Ce n'est que lorsqu'il sortit dans la rue quelques secondes plus tard – le temps de se faufiler à travers la foule qui dansait – qu'il entendit quelqu'un derrière lui.

— Ace ? Mais qu'est-ce que tu fais ? s'exclama Abby. Tu pars ?

— Ouais, il vaut mieux je crois, répondit-il d'une voix sèche.

Abby comprit tout de suite que quelque chose n'allait pas.

— C'est à cause de Tyler ? Il m'a demandé où tu étais passé tout à l'heure, je crois qu'il voulait te parler...

Ace retint de justesse une réflexion mordante qui menaçait de franchir ses lèvres.

— Écoute Abby, je n'ai qu'une envie : partir d'ici. Bonne soirée, et amuses-toi bien, la coupa-t-il.

La vérité était qu'il tombait de fatigue et qu'il ne voulait pas penser à ce qu'il venait de se passer plus tôt. Sans plus de cérémonies, il sortit son téléphone portable pour s'éclairer et s'éloigna dans la nuit noire.

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