Chapitre 26 - Gameloriansinoreban

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*Une heure plus tard après la capture de Ludwig…

La guerre.

Les habitants d'Halikali, neuvième planète du seizième district galactique mournien, levèrent les yeux vers les cieux ; les nuages s'étaient amoncelés pour former un visage aux traits nébuleux, mais à la voix de tonnerre. Ils paniquèrent et coururent dans tous les sens, tandis que les forces épistimalines tentaient de ramener l'ordre à coup de matraques et de tasers.

Le visage tonna de nouveau :

La guerre. Nous déclarons la guerre à tous ceux qui ne s’assujettiront pas. Nous déclarons la guerre à tous ceux qui font fi de la magie et de la toute-puissance de ses élus. Nous déclarons la guerre.

Mais ce n'était pas qu'à Halikali ; Draamna, Took, Milon… Tous les mondes autrefois colonisés avaient subi ce sortilège, et personne ne pouvait envisager qu'un sort puisse atteindre l'univers entier, pour que parle un mournien dans toutes les langues connues.

* * *

Ludwig se réveilla. Il avait… parlé avec le Valargus. Mais la discussion était encore trop brouillée dans son esprit.

Soudain, il entendit :

— La guerre. Nous déclarons la guerre aux humains. Nous déclarons la guerre à la Ferroul Squad. Nous savons que vous avez la Liqueur. Qu'importe. Nous possédons déjà le Tranchecoeur, l'Ehtpyhäveri et l'Histomoira. Vous n'avez aucune chance. Choisissez entre le salut et la destruction. Vous avez une semaine.

Ludwig se rendit compte que Karmeni parlait en posant sa main sur le front du blond. Ce dernier sentait une sorte de connexion entre lui et le mage, mais à sens unique ; il puisait dans son don pour les paroles… pour parler à l'ensemble des anciens mondes conquis, comprit Ludwig.

Karmeni termina son message, et retira sa main vivement. Il la secoua et la cacha dans les plis de sa robe, avant de sourire à Ludwig, qui était attaché dans une chaise.

La salle dans laquelle ils se trouvaient était circulaire, et entièrement faite de chair pulsante. On aurait crû être à l'intérieur d'un cœur qui battait… mais c'est en remarquant les centaines de câblage que Ludwig comprit qu'il s'agissait du fameux poste de contrôle d'Apraxia, farouchement gardé par les Exécuteurs.

— J'imaginais un message moins… agressif, maugréa Ludwig après s'être raclé la gorge ; il avait l'impression d'avoir parlé durant des heures.

— C'est un prix à payer quand on veut régner : montrez des « signes de faiblesse » face à des idiots, et ils finissent par croire que vous n'êtes pas à la hauteur.

— Classique discours de méchant.

— Oh ! Bien sûr que oui. Je ne vais pas commencer à t'expliquer le monde… (Karmeni claqua des doigts, et une chaise apparut de nulle part pour qu'il s'y assoit ; réussir à lancer un sort pareil sans Mots ni Runes montrait à quel point le magicien était puissant) Mais je consens à te donner quelques réponses à tes questions.

— Fort sympathique de votre part… (Ludwig aurait voulu lui répondre d'aller se faire voir, mais passer à côté d'une occasion pareille aurait été idiot) J'accepte.

— Tu es plus sage que tes congénères. Peut-être que, dans un autre univers, nous aurions pu être amis.

— On ne refait pas le monde avec des « si » (Karmeni lui sourit, et lui intima de poser sa première question) Premièrement, qui êtes-vous ?

Le magicien haussa un sourcil.

— Ne faites pas l'innocent ; un des plus anciens amis d'Edward débarque de nulle part au meilleur moment pour nous délivrer ? C'est trop beau pour être vrai.

— Je savais que la blondinette le savait déjà, mais je pensais que toi et ta secrétaire allaient passer à côté… (le magicien marqua une pause) Quand à Edward, c'est un vampire ; ils ne croient pas aux coïncidences, et il a trop côtoyé le Typhon de Typhus pour être étonné par quelqu'un qui revient du pays des morts après soixante ans d'absence.

— Vous aviez prévu que je le devinerais, arrêtez de nier.

— Tu m'as eu ; j'ai voulu rendre ça le plus évident possible afin que tu penses que j'étais le piège, alors que je n'étais que l'appât. Tu n'as rien d'un stratège, mais je ne t'en tiens pas rigueur.

— Êtes-vous réellement mournien ?

— Je suis autant mournien qu'un Exécuteur, qu'un Archimage ou qu'une peccadille de paysan.

— Très bien, vous jouez sur les mots… Est-ce que vous êtes de la race actuelle des mourniens ?

— Non, sourit le faux Karmeni.

— Alors qu'êtes-vous ?

GAMELORIANSINOREBAN.

Les murs de chair veinés de métal tremblèrent, et le cerveau de Ludwig vrilla sous la puissance brute à l'entente de ce seul nom. Ses tympans sifflèrent alors qu'il répondit en haletant :

— Vous êtes un Ancien.

— Bingo ! gloussa le dominateur de mondes, avant de continuer d'un ton plus grave : J'ai toujours eu un faible pour les leaders de résistance. Ils veulent, accusent et agissent comme personne avant eux… jusqu'à que leur mission se soit accomplie. Après, ils se brisent. Quel intérêt ? Moi, quand je finis de dévorer une planète, je passe à la suivante. Mais les leaders s'arrêtent toujours au bout d'un moment, il leur manque toujours cette étincelle de voracité, ce feu qui brûle éternellement jusqu'à que la dernière cendre soit consumée. J'aime à penser que, un jour, il y aura un leader qui puisse se soulever, et ce à jamais. Je m'ennuie tellement, je m'effraie parfois quand je me regarde dans le miroir ; je me dis : « Oh, Gamelor, pourquoi es-tu trop parfait ? ». Il n'y a rien d'autre que moi. Les autres sont enfermés, et qu'ils y restent ! Il n'y avait de toute façon pas assez de place pour nous tous… Bref ! Tu as d'autres questions ?

— Oui ; qu'est-ce qui vous pousse à faire tout cela ?

— Ah, la fameuse question du « sens », de la « raison » ! Et je vais te répondre le plus simplement : je vais supplanter l'Auteur

— Qui ?

Pour la première fois de sa vie, Ludwig ne pouvait comprendre un langage.

— Qu'importe, il ne va pas me laisser dire son nom. Il n'a pas peur que je le révèle, c'est juste qu'il veut jouer tant qu'il est encore temps.

— D'accord, donc ce… ce personnage dont vous parlez, vous voulez le remplacer. Comment comptez-vous vous y prendre ?

— Très simplement encore : je vais boire la Liqueur Complète versée à même dans l'Ehtpyhäveri, puis je lirais la formule dans l'Histomoira en portant le Desadrohi-Mukuta, et me taillerais les veines avec le Tranchecoeur. J'utiliserais mes larmes pour écrire mon nom sur l'Hexasceptre à l'aide du Phururuna, et je frapperais le sol sanctifié du sang des Porteurs de Vérité pour atteindre l'Ultime Absolu.

Ludwig n'avait absolument rien compris. Enfin, à part pour la Liqueur et le Tranchecoeur, mais le reste ? Tout ce qu'il saisissait, c'est qu'un Ancien était revenu pour faire la guerre, et gagner une bonne fois pour toutes.

La réalité s'effondra sur lui à la manière d'un immeuble de douze étages, avec des résidents très avides de breloques et autres agréments.

— Je vois que tu n'as plus de questions – « Gamelor » se leva de sa chaise, qui disparut – Je te laisse donc te morfondre sur ton sort, Ludwig Lénot. Je reviendrais te chercher pour que tu me serves de tremplin à la véritable transcendance. Salut !

L'Ancien partit. Il laissa Ludwig seul… Seul avec son monde…

…de nouveau, il se trouvait dans la demeure. Son regard s'était immédiatement porté sur le vitrail, qui était terminé : la dernière image représentait un personnage qui se trouvait dans le livre que lisait la femme dans la tour, ce personnage levant un tranchoir rouillé au dessus de sa tête. Ce tranchoir qui s'embrasait à son fil… non, en fait, il s'agissait juste du soleil couchant ; le vitrail était vide à cet endroit pour laisser entrer la lumière. MA lumière.

À ce moment-là, Ludwig compris qui J'étais. Puis il M'oublia aussitôt.

— Tu as ta réponse ?

Il se tourna ; la vieille femme le regardait. Toute couverte de coupures qui saignait, son bras était écharpé. Elle n'avait plus le Tranchecoeur, et son cœur ne tenait qu'à un fil. Aucun élan d'empathie envers elle, parce qu'il n'y avait rien à sauver.

— Je ne suis plus, maintenant. Alors je choisis d'agir.

La vieille dame sourit, soupira, et son corps se changea en milliers de particules scintillantes avant de disparaître. Où se brise la goutte d'eau qui tombe du nuage ? Ludwig n'avait pas la réponse, et c'était ça le plus important : chaque goutte tombait, on les oubliait. Chaque personne mourrait, on les délaissait. La tristesse du ciel reflétait celle de la terre. Ludwig pleurait. Ses larmes étaient des gouttes. Il était le nuage, et était voué à disparaître pour laisser le soleil éclairer le chemin de ceux qui se trouvaient derrière lui…

…plus de maison, plus de soleil. Seulement une salle ocre et sombre, pulsations de malsain et de magie sauvage. Pas de chaleur humaine, juste le tendre froid de la mort qui l'appelait, le tirait, encore et encore.

— Laura…, sanglota-t-il

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