Le Royaume de Butua

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 Le Royaume de Butua se situe en Afrique. Celui-ci est peuplé de sauvages cannibales et tous les crimes sont commis en public. Au lieu d’être réprimandés, ceux-là sont même encouragés. Un plaisir immense de la part des criminels se dégage alors : ceux-là sont véritablement sadique. La brutalité et la violence sont ainsi présentes dés la première mention du mot Butua, comme si le Royaume était d’ores et déjà lié au macabre de Sade, où un des sauvages Jagas se plaît à tuer des prisonniers : « Arrivé là, le chef examina ses malheureux captifs, il en fit avancer six, qu’il assomma lui-même de sa massue, se plaisant à les frapper chacun sur une partie différente, et à prouver son adresse, en les abattant d’un seul coup. Quatre de ses gens les dépecèrent, et on les distribua tous sanglans à la troupe ; il n’y a point de boucherie où un bœuf soit partagé avec autant de vitesse, que ces malheureux le furent, à l’instant, par leurs vainqueurs. Ils déracinèrent un des arbres voisins de celui sur lequel j’étais, en coupèrent des branches, y mirent le feu, et firent rôtir à demi, sur des charbons ardens, les pièces de viande humaine qu’ils venaient de trancher. » Je ne pense pas qu’il y ai besoin d’expliquer l’extrait quant à la grande violence et brutalité que nous décrit l’auteur. Mais ceux-là ne sont pas les habitants de Butua : ils ont combattu contre eux et l’extrait se passe après leur victoire envers ce Royaume.

 Nous pouvons tout de même voir que la dystopie est ici prétexte d’aventure et que ses habitants sont proches des visions et stéréotypes que l’on avait de l’indigène d’Amérique : brutal, anthropophage, guerrier et prenant plaisir à tuer, cruel donc… bref, une bête sauvage qui avait le malheur d’être pire qu’un animal par son hybris (car l’hybris grec signifie « sortir de sa condition d’humain », et donc tenter de se prendre pour un dieu… ou faire pire que les animaux) et par son sadisme.

 Pour ce qui est du Royaume, celui-ci est un système sociétal au fonctionnement complexe mais au fonctionnement surtout tyrannique et cruel : d’après le narrateur, il est « le peuple le plus cruel et le plus dissolu de la terre ». Et Adrien Paschoud, dans son article sur cet épisode, écrit : « Dans tous les cas, le despotisme outrancier du royaume de Butua offre à la fiction (italique de moi) un terrain d’exploration privilégié pour ce qui a trait aux actions humaines dans les excès qu’elles revêtent ».

 Nous pouvons aussi remarquer cette dualité et ce contraste que j’ai défini plus tôt entre utopie et dystopie. En effet, le Royaume a son inverse total : l’Île de Tamoé, gouvernée par la raison, l’altruisme ainsi que le roi-philosophe Zamé.

 Cette Île est toutefois à grandement nuancer : Sade aime à jouer avec les codes et les glissements de l’utopie à la dystopie. En effet, l’Île de Tamoé n’a de l’utopie que l’apparence : la raison et l’altruisme peuvent, aux premiers abords, faire penser à un lieu idéal… mais tout cela devient un mécanisme sociétal de plus en plus complexe et, surtout, cela devient, à la fin, une véritable tyrannie, une véritable contre-utopie. Le Paradis devient un Enfer.

 Toutefois, nous pouvons remarquer une certaine différence par rapport à ce topos de l’isolement par rapport au reste du monde : le Royaume de Butua n’est pas une île, il n’est donc pas isolé et beaucoup peuvent y accéder (et souvent pour courir à leur perte). De plus, Butua c’est pas un lieu fictionnel : c’est un véritable royaume d’Afrique.

 C’est ainsi une incursion de l’horreur dans la réalité que fait Sade avec ce lieu qui, à l’inverse des autres dystopies, est facilement atteignable ainsi qu'existante.

 Nous pouvons retrouver cette incursion de la réalité dans la fiction dans une autre œuvre de Sade, dans l’une de ses plus violentes. Nous pouvons, en effet, retrouver l’horreur dans Les 120 journées de Sodome.

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