Chapitre 6

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Les maisons défilaient sous la clarté lunaire, tandis que mes pas martelaient le chemin gravillonné. Je parvins aux abords de la ferme en nage, l’œsophage brûlant comme un tisonnier, et compris immédiatement que je ne m’étais pas trompé : il y avait de l’agitation. Une lueur perçait les ténèbres sur le côté de la maison, dans l’enclos des poules. Je passai l’angle et m’arrêtai, interdit.

Un feu de camp avait été allumé dans le poulailler, autour duquel Seb dansait, une bière à la main. De l’autre côté du feu, Élodie Maillard tenait par le cou une poule dans chaque main, leurs corps inertes pendant au bout de son bras, au rythme de ses déhanchés. Une radiocassette crachait Smells like a teen spirit.

— Seb ? Mais qu’est ce que vous foutez ?

— Hey, vlà Roucas ! Regarde Élodie, y a ton admirateur qui se ramène.

— Hmm alors comme ça t’es pas resté à la chasse, Roucas ? Tiens, ton lot de consolation.

Élodie me jeta une poule, qui s’écrasa à mes pieds en roulant mollement. Je reculai d’un pas, surpris, pendant qu’elle se mit à faire tourner l’autre au dessus de sa tête comme une fronde.

— C’est la nuit du loup, les poulettes !

L’animal quitta sa main et s’envola dans la nuit, avant de retomber dans les fourrés.

— Allez Roucas, t’as pas une blague pour nous ?, s’égosilla celui que je prenais jusque là pour un ami.

Il riait, le visage luisant sous les flammes du feu, quand un glaçon descendit le long de ma colonne. Je n’y avais pas prêté attention, mais il me semblait avoir aperçu de la lumière par la porte de la maison, juste avant de tomber nez-à-nez avec eux. Je fis demi-tour en courant et parvins à la porte. Je ne m’étais pas trompé : la clé pendait sur la serrure. Le pot de fleur était au sol, brisé.

Je pénétrai chez moi, pour y découvrir Aurélie sur le canapé, avec quelqu’un de dos en train de la peloter. Ils ne me virent pas, mais je perçus immédiatement quelque chose qui ne collait pas. Elle s’était fait une teinture.

— Qu’est ce que vous foutez chez moi !

Le gars se retourna brusquement en se levant, les yeux écarquillés, bras écartés comme pour dire « quoi, t’as un problème ? ». Mais je ne le regardais pas. Mes yeux étaient fixés sur Aurélie, qui n’avait pas fait de teinture. Elle portait une perruque, que j’aurais reconnue entre mille.

— Mais qu’est ce…

— Euh…Greg ? Mais je te croyais avec…

— Attends, c’est lui Roucas ? ricana l’autre type. Mec, j’ai entendu parler de toi, t’es une vedette.

Et il ponctua sa phrase d’un rire qui sentait l’alcool et la bêtise.

— Foutez le camp de chez moi.

Je serrai les poings, tandis que le type s’approchait. Il s’arrêta à quelques centimètres et me regarda de haut.

— Ah ouais ? dit-il avec l’haleine puante de bière. Et sinon ?

Je le poussai, autant par colère que pour éloigner de moi sa menace. Je reçus le coup bien avant de m’apercevoir qu’il avait levé le bras. La violence du coup me fit faire volte-face, en même temps que mon cerveau réalisait avoir entendu un craquement. Je m’effondrai contre le meuble de l’entrée. Je sentis alors la douleur, irradiante, avec un mélange de salive et de sang dans la bouche. Mes pensées étaient nappées de brouillard, j’étais prêt à sombrer lorsque le second coup me parvint dans les côtes, m’arrachant un cri de douleur.

— Sinon QUOI, HEIN petit con ? Tu vas appeler ta mère ?

Couché sur le flanc, les mains sur la tête, je perçus alors une voix, et dans l’instant, la douleur et la peur se muèrent en effroi.

— Greg…c’est toi ?

Ma mère m’appelait de l’étage, d’une voix rocailleuse brisée par la maladie. Le type tourna alors la tête, un sourire sur les lèvres.

— Mais on dirait qu’il n’y a pas besoin de l’appeler, maman est là.

Je tentai d’articuler quelque chose, mais mon corps refusa de bouger. Je sentais le carrelage froid et humide sous mes lèvres, j’entendis des pas gravir l’escalier, puis ce fut le noir complet.

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