Prologue

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Isabelle


Nouveau bar pour une nouvelle soirée hivernale avec encore et toujours le même objectif en tête: trouver un homme. Je me moque complètement de son apparence physique. Un abri chaud et un peu d'argent sont mes seules motivations pour choisir cet homme.

Il est 2h du matin. Dans une heure, le bar fermera ses portes. De nombreux couples s'étaient déjà formés. Les hommes encore seul sont soit trop timide, soit rejeté par le sexe opposé. Ils sont ma cible idéale.

Dans ces jeux de séduction, les femmes ont tous les pouvoirs. Elles n'ont qu'à patienter et se laisser aborder. Elles choisissent ensuite celui qui aura su trouver l'approche et les mots adaptés pour les mettre en confiance.

Attendre, c'est justement ce que font les trois étudiantes assises à la table sur ma droite. J'envie leur insouciance. Elles rient entre elles en espérant que l'homme de leur vie se manifeste. Mais à cette heure-ci, elles ne pourront obtenir qu'un homme pour la nuit.

Je connais ce genre de filles. Elles vivent dans leur monde de paillettes, d'arcs en ciel et de licornes. Elles se bercent d'illusions. Si elles ont de la chance, dans une dizaine d'années, elles se retrouveront avec un mari et deux enfants. Le samedi soir, ce sera le genre de femme épuisée de crier après sa progéniture. Habillée d'un jogging et d'un peignoir usé, elle cherchera sous les traits de l'homme bedonnant, allongé sur le canapé la bière à la main devant un match de foot, le jeune homme qui l'avait séduite.

Un jeune blondinet, sourire aux lèvres, s'avance d'un pas déterminé vers le petit groupe d'étudiantes. Il commence à discuter avec la brune à la robe moulante à sequins dorés. Elle sourit...

Elle rigole...

L'affaire a l'air bien engagée pour ces deux-là.

Arrêtes de mater, Isa! Il est temps que tu passes à l'action.

Je quitte des yeux la table voisine pour balayer le bar du regard et observer mes proies potentielles.

La soirée touche à sa fin. L'ivresse commence à se faire sentir. A cette heure-ci, les derniers hommes, accoudés au bar, sont alcoolisés et plus disposés à finir la nuit avec moi.

Il y a 5 ans, je n'étais pas obligée d'attendre la fin de la soirée. J'aurais presque pu être comme cette étudiante brune, la langue du blondinet au fond de la bouche. Malheureusement, le destin en a décidé autrement.

D'un coup, mes mains deviennent moites et s'agrippent à la table devant moi...

Je peine à trouver mon souffle...

Mon coeur bat de plus en plus fort...

Mon regard se bloque sur un point au loin...

Je me sens partir dans mes souvenirs...

Devant moi du sang coule, beaucoup de sang. J'ai mal à la gorge d'avoir autant crié mais je continue d'hurler. Mes joues sont toujours plus humides de larmes. Des mains d'hommes parcourent mon corps nu sans défense. J'entends leurs rires gras...

NOOOOONNN!

...

STOP! ISABELLE STOP!

RESPIRE... lentement... profondément

Le moment est mal choisi pour une crise de panique. Le passé doit rester au passé.

Le passé, c'est du passé...

INSPIRE... EXPIRE...

Mes muscles se détendent au rythme de mes expirations. Je reprends doucement mes esprits. Je distingue au loin le bruit de la musique et des conversations autour de moi. Je ferme les yeux quelques secondes pour chasser mes cauchemars et revenir au présent. J'ai un objectif ce soir et je ne peux pas me laisser entraîner comme ça. Je dois me ressaisir. J'ai besoin d'argent pour rembourser mes prêts étudiants. Mon corps rêve aussi d'une longue douche chaude et d'un endroit à l'abri des courants d'air et du froid de ce mois de février.

Mes paupières s'ouvrent de nouveau. Mes yeux cherchent une cible. Il me faut un homme désespéré de ne pas avoir trouver une femme pour la nuit. Il doit croire que je suis sa seule option ce soir. J'ai besoin d'un homme alcoolisé juste ce qu'il faut pour se concentrer sur les courbes de mon corps plutôt que sur la cicatrice barrant ma joue gauche. Et dernier point important, il doit avoir une apparence sophistiquée. On trouve toujours plus de billets dans les poches d'un homme soigné.

Je parcours la salle. Je fais mentalement le tri. Je repère trois proies potentielles mais je vais concentrer mes premiers efforts sur cet homme accoudé au bar. Dos à moi, il a les cheveux bruns coupés courts, les épaules voûtées. Il semble perdu dans ses pensées.

Je décroise mes longues jambes, me lève et passe les mains sur mon top et ma jupe droite pour les défroisser. Je me met dans la peau d'une femme sure d'elle. Mes hanches oscillent sensuellement. D'une démarche féline, je m'approche lentement de mon objectif.

Je suis prête à passer à l'attaque.

Je me place à la gauche de cet homme pour cacher ma difformité et ne pas l'effrayer avec ma balafre. Je prends le temps de le détailler pour être sûre de mon choix. Il porte un pantalon de costume Hugo Boss bleu marine, une chemise blanche et une cravate rouge légèrement desserrée. Sa veste repose plié sur ses cuisses. Son apparence est soignée, c'est un bon point.

Il n'est pas d'une beauté à couper le souffle. Sa chemise est un peu tendue par son ventre gras. Il n'est pas moche non plus. La trentaine, son visage un peu arrondi lui donne un air de gentil garçon.

Il regarde sa pinte de bière à moitié pleine et porte son verre à ses lèvres. Lorsqu'il le repose sur le comptoir, je passe à l'action. Je m'installe sur le tabouret voisin en posant une main sur son bras. Je me penche vers son oreille.

-Accepteriez-vous que je vous tienne un peu compagnie? Je n'aime pas boire toute seule, explique-je en désignant mon cocktail au nom évocateur: sex on the beach.

-Avec plaisir belle demoiselle, dit-il d'un air à la fois surpris et ravi que je fasse le premier pas. Je me présente Maxime. Et toi, quel est ton petit nom, ma jolie?

Son sourire arrogant et ces phrases toutes faites m'exaspèrent et me rassurent en même temps. Mes plans pour cette soirée sont en train de se concrétiser. Il prend le temps de m'observer de haut en bas. Ses pupilles se dilatent. Il humidifie ses lèvres et plante ses dents dans sa lèvre inférieure. Il apprécie ce qu'il voit. C'est bon signe. Je dois la jouer finement pour ne pas qu'il m'échappe.

-Enchantée Maxime, moi c'est Isabelle. Mais tous mes proches m'appellent Isa, lui indique-je avec un sourire timide.

Toujours passer pour une jeune femme sans défense, les hommes baissent la garde. Ils ont besoin de se sentir en position de force. C'est tellement facile de flatter leur égo.

-Puis-je te poser une question indiscrète?

-Je répondrai à toutes tes questions, me répond-t-il tout en fixant mon décolleté plongeant.

-As-tu déjà fait appel aux services de professionnelles du sexe?

C'est direct et concis. C'est aussi un peu brutal mais je n'ai pas le choix. Je ne peux pas me permettre de perdre mon temps. Tout va se jouer maintenant. Ça passe ou ça casse.

Maxime a écarquillé les yeux en entendant ma question. Son regard est remonté vers mes yeux bleus. Il cherche à savoir si je me moque de lui. Il reporte de nouveau son attention sur mon décolleté tout en réfléchissant.

Résigné à l'idée et ne voulant pas perdre l'occasion de repartir accompagné ce soir, il m'avoue:

-Oui. Tu fais partie du milieu?

-Oui, je suis à mon compte. Tu ne trouves pas que les choses sont plus simples ainsi? Pas de paroles superflues, juste des actes et du plaisir.

-Quelles sont tes conditions? me demande-t-il en posant sa main gauche sur la peau de ma cuisse.

Ça n'est effectivement pas sa première fois avec une pute. Il se permet de poser les mains sur moi. Je me retiens de lui casser les doigts d'avoir osé me toucher sans ma permission. Mais l'affaire n'est pas encore conclue. Je dois trouver un compromis entre l'encouragement à aller plus loin et mes réticences. Je pose ma main sur la sienne pour l'empêcher de glisser ses doigts sous ma jupe.

Je lui expose mes exigences.

-Tu peux disposer de mon sexe jusqu'à 6h du matin, si tu me ramènes chez toi, tout de suite. Tous les rapports seront protégés. Tu ne devras ni m'attacher, ni me battre. Mais je peux te le faire, si tu aimes ça.

-Très peu pour moi le sado-masochisme. On fait affaire pour 100€? me propose-t-il en regardant les billets dans son portefeuille.

-Tu rigoles. 100€, c'est le prix pour 30 min. Là, tu vas pouvoir passer 3h avec moi, mon chat. Je suis sûre que tu peux faire mieux.

Je sens Maxime hésiter. Je dois être plus entreprenante. Alors, je me rapproche de lui avec un sourire aguicheur. J'effleure son bras avec ma poitrine et dépose ma main sur sa cuisse. Elle remonte jusqu'à trouver son entrejambe. Je le caresse du bout des doigts, d'abord lentement. Puis j'exerce une pression de plus en plus importante sur son sexe qui commence à se durcir. Il ferme les yeux pour profiter de mes gestes.

Quand il les ouvre à nouveau, je vois qu'il a pris sa décision. Je continue de le caresser. Maxime lève son verre et avale sa bière d'une traite.

-Ok, j'accepte pour 500, me dit-il en se tournant vers moi. Et tu me caches cette affreuse cicatrice sur ta joue!

Je m'attendais à sa requête. J'ai l'habitude. Je finis rapidement mon verre et me lève de ma chaise haute. J'attrape ma pochette de soirée posée sur le comptoir. Je me tourne vers lui avec un grand sourire plaqué sur les lèvres.

-Allons-y!

Maxime se lève à son tour. Il pose une main sur le bas de mon dos pour m'accompagner jusqu'à la sortie, puis sa voiture. Malgré mon statut d'escort, il reste prévenant et ouvre la portière du côté passager. Je m'installe sur le siège en cuir. Son coupé BMW série 4 est confortable. Il fait le tour de la voiture, puis prend place derrière le volant. Il se tourne vers moi et sort le montant convenu pour cette nuit. Mon client démarre et nous nous éloignons du bar.

Je frissonne et frotte mes mains sur mes cuisses pour me réchauffer un peu. Maxime le remarque et allume le chauffage. Il m'indique également le bouton pour enclencher le siège chauffant.

Après l'avoir remercié, je me réfugie dans mes pensées et tourne mon visage vers la vitre. Les rues défilent devant mes yeux. Je suis à l'abri du froid dans cette voiture, tout devrait bien se passer ce soir.

Je sens une douce chaleur sous mes fesses et dans mon dos. C'est tellement agréable que je ferme les yeux pour me laisser aller à ce bien-être. Un léger gémissement m'échappe.

-Tu te sens mieux maintenant? me demande-t-il en frictionnant ma cuisse.

-Oui, c'est parfait.

J'accepte qu'il me touche et écarte un peu les jambes. Il a payé pour ça après tout.

Ses doigts remontent et trouvent ma culotte. Je chasse les mauvais souvenirs et laisse Maxime utiliser mon corps.

Je ne me fais pas d'illusions sur cet homme. Il est comme tous ces autres à qui j'ai prêté mon corps, ces dernières années. Il ne saura pas m'offrir un orgasme. Si j'ai de la chance, un gémissement franchira mes lèvres. Je suis la seule personne à pouvoir m'accorder du plaisir. Mes clients ne sont qu'un moyen pour m'éviter de passer la nuit dans une ruelle sombre et froide.

Ce soir, j'ai gagné une nouvelle nuit au chaud. C'est tout ce qui compte. Demain soir, le même manège devra reprendre...

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