Chapitre 2

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  Les premières heures, les premiers jours et les premiers mois passent très vite. Les jeunes parents ont une peur viscérale de mal faire, ce qui est une réaction physiologique face au magnifique voyage vers l'inconnu qui les attend. On doute, on hésite, on a peur. Peur de faire des erreurs, peur de ne pas être à la hauteur. Je n’y fais pas exception. Mais je suis prêt. Je serai à ma hauteur et rien d’autre. Je suis prêt à rien et prêt à tout. Je suis prêt à faire de mon mieux, à découvrir les bonheurs de choyer sa progéniture, à la voir grandir et l'aider à s'épanouir.

Les anciens pensaient que ce rôle incombe par nature à l’être qui met bas dans la souffrance. Je n'ai pas prétention à souscrire au lien indéfectible qui unit une mère et son enfant qui ont partagé les mêmes globules, mais je compte bien jouer de ma botte secrète de papa poule et d'être l'astre de sa vie. S’il faut m’entailler la paume pour faire un pacte de sang - quand mon fils sera en âge de tenir un couteau - et rattraper mon retard alors qu’à cela ne tienne. L'excès de zèle et l’excitation me montent à la tête.

Mais les temps ont changé. Et ils emportent avec eux la dichotomie étriquée et monotone qui place la mère comme unique éducatrice écervelée et le père comme simple protecteur du foyer, spectateur lui-même de ce qu'il croit avoir fondé sans même s’être usé à participer. Allez, soyons indulgent puisque le jour J a-t-il eu au moins le mérite de contracter ses glandes séminales pour concourir à la course effrénée de ses gamètes, émancipées de son joug scrotal dès lors qu'elles se sont échappées. Suis-je bien sévère avec mes homologues ; mais cette monarchie familiale imaginée et menée par le patriarche est à mes yeux tellement désuète.

Alors oui, le manque de sommeil est rude, les pleurs un peu, parfois, souvent stridents et mon temps me manque. Mais y a-t-il plus satisfaisant que de voir son enfant braver un à un les échelons de l'évolution pour s'affirmer en tant qu'être humain ?

Et pourtant, les premiers jours, je ne suis plus certain de l'identité de mes ancêtres tant ce petit Elïo, malgré toute sa bonne volonté à progresser, ne semble capable que de gigoter sans but sinon au mieux ramper tel un reptile invertébré. Je vous avoue avoir vérifié de mes doigts agiles d’archéologue la présence d'une colonne vertébrale chez notre petit loustic. Surprise, toutes les vertèbres étaient là. Je les ai comptées. Vingt-quatre ou vingt- six ? Je ne sais plus. Julie houspilla mon idiotie comme à chaque fois que ma curieuse spontanéité reprend le dessus sur ma raison déjà peu pondérée par les codes sociaux.

Mais les premiers sourires, sa volonté d'agripper chacun de mes doigts comme s’il était sur le point de chuter de la tour Montparnasse, et la découverte de chaque marche de son développement font de cette aventure une épopée que je ne veux pas rater. N’en déplaise aux anciens.

Il a aujourd’hui six mois. Six mois de selles jaunâtres. Je me demande si la vitamine D qu’on lui donne n’est pas assaisonnée de stabilo. Six mois de régurgitations. Vous êtes sûr que la chaîne de production n’a pas oublié la valve anti-retour ? Six mois de rots élégants. Moi aussi j’aimerai être félicité pour ce type d’exploit. Six mois de pleurs, de fatigue. Six mois de querelles conjugales, de réconfort mutuel. Six mois de bonheur.

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