La porte du bureau de M. Hamm grince en s’ouvrant théâtralement. Le plancher craquelle sous les pas affirmés de deux visiteurs.

— Voici notre cadavre, mon grand ! s’écrie une vieille dame, pleine de conviction. Prends note, mon Lecker, quelqu’un a pris soin d’ébouillanter le corps pour éliminer toute trace de chair et rendre l’identification impossible.

Elle finit de contempler le squelette pendu dans une étonnante mise en scène : il pend d'un support, comme s'il était debout. Mais quel esprit tordu a pu faire ça ?
Son jeune assistant, Lecker, regarde lui aussi tout en prenant note.

— Tata, j’ai vu à la télé un reportage qui disait qu’on pouvait reconstituer les visages à partir d’un crâne...

— Silence, jeune homme ! Je sais reconnaître lorsqu’on est face à un criminel sadique! Et puis arrête de m’appeler Tata si tu veux m’accompagner ! Quand on travaille, je suis Madame Heaulme.

— D’accord, Madame ma tante. Mais, en fait pour revenir au mort...

— Chut, je vais sortir ma loupe pour l'examiner.

Tandis que la vieille dame fouille son sac, la porte grince à nouveau.

— Mais que faites-vous là ? s’écrie un individu, la veine du front palpitant d’énervement.

— Ah ! Je le savais, un criminel revient toujours sur le lieu du crime ! s’exclame la vieille dame, brandissant sa loupe comme une arme. Qui êtes-vous, que faites-vous là ?

L’individu croise ses bras et jette un regard assassin au jeune Lecker, qui lorgne à son tour Madame Heaulme.

— Mais vous savez très bien qui je suis ! Lecker, pourquoi tu...

— Ah ! l’interrompt la fine enquêtrice. C’est très suspicieux, ça ! C’est toujours vous qui apparaissez pour constater les décès !

— Euh ? C’est normal, Madame, je suis médecin, le seul au village...

— Oui, oui, et du coup vous êtes le seul à déterminer s’il faut ouvrir une enquête criminelle ou pas ! renchérit la vieille dame en approchant sa loupe vers le squelette.

L’homme soupire, tend le bras et montre la porte.

— De toute façon, vous n’avez rien à faire ici ! Sortez !

— Ah ! Nous sommes des témoins gênants, non ?

L’enquêtrice se retourne et examine le squelette. L’homme fait signe à Lecker de s’approcher et s’adresse à lui en chuchotant.

— Lecker, pourquoi te laisses-tu embarquer par ta tante ?

— Papa dit que ça lui fait du bien, elle était une grande enquêtrice.

— Non, mais je vous dérange ? les interrompt la vieille dame en se retournant. Ton papa est très occupé avec le tueur en série qui sévit sur notre paisible village !

— Un tueur en série ?

— Éboueurs en série, souffle Lecker au médecin. Vous savez Monsieur, la bande de rigolos qui renverse les poubelles.

— Il dit ça pour te rassurer, mon petit, mais...

—Ça suffit ! Sortez tous les deux ! Ceci est mon cabinet et ce squelette en plastique est juste pour décorer.