La perte d'un être cher

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 Nous arrivons en Novembre 1998, le mercredi 11, nous étions invités à passer la journée chez mon oncle et ma tante, parents de Nicolas, souvenez-vous, mon cher et adoré cousin. Je me souviens de ce jour si particulier, où j'ai passé un grand moment avec lui dans sa chambre, à écouter de la musique. C'était sa passion, il avait tout l'équipement du DJ, jusqu'au jeux de lumière, j'aimais l'atmosphère de sa chambre. J'ai chanté sur certaines chansons qu'il avait mis ce jour-là, mais j'ai passé la plupart de mon temps à l'observer jouer de ses platines, il le faisait si bien … Jour inoubliable pour moi, quand en lui disant aurevoir, je ne savais pas que c'était la dernière fois que la vie m'avait permis de passer du temps avec lui …

 Le vendredi 13, je me lève pour aller à l'école, comme d'habitude, et quelques minutes plus tard, papa monte à l'appartement, les yeux mouillés de larmes, le visage rouge et accablé de tristesse … Ses mots ont été « Nicolas a eu un accident, il est mort ». Sur le coup, c'est comme si je ne voulais pas comprendre, comme si je n'avais pas entendu, comme si je ne voulais surtout pas entendre... Maman a répondu « ce n’est pas vrai ? », papa ne put dire autre chose que malheureusement si … Maman a éclaté en larmes, papa a laissé couler ce qu'il retenait en nous l'annonçant, je les ai regardé, je suis partie pleurer dans ma chambre, sur mon ours, mon doudou de l'époque … Dans ma tête de gamine je me disais mais pourquoi, mais comment … mais non, pas lui, pas ça, pas maintenant, … inlassablement, les questions tournaient en boucle, comme les larmes qui inondaient mes joues … Maman m'a dit « allez, il faut aller à l'école, ça va aller ». Je n'ai pas eu d'autres choix que de me plier au quotidien, je me disais apparemment, c'est comme ça que cela se passe, on nous annonce le décès d'une personne que l'on aime et la vie doit continuer …

 J’arrive à l'école, le visage encore humide, les yeux piquants et gonflés, la tête ailleurs, maman me dépose comme d'habitude devant le portail, je lui dis, on pourra aller le voir quand j'aurai fini la journée, sa réponse a été brève « nous verrons tout à l'heure, je ne sais pas comment ça va se passer ».

 Je me suis assise sur les marches en arrivant à côté des filles de ma classe, je leur ai dit bonjour très timidement. Elles m'ont lancé un regard, en me disant ben alors t'es triste t'as mal dormi ou quoi … Je les ai détesté à ce moment précis, je me suis dit, ça ne se voit pas que je vais pas bien, mais vraiment, pas juste à cause d'une mauvaise nuit. La réponse ne se fit pas attendre « mon cousin est mort, voilà pourquoi je pleure ». Je n'ai eu aucune compassion, rien de leur part … Juste un « d'accord » ou un « ok ». La journée a été si longue, je me suis sentie si seule dans ma tristesse … J'avais besoin de quelqu'un, d'un mot, d'un regard, juste une attention … J'ai attendu la fin de journée, sans aucun de tout ça.

 Maman est venue me chercher, m'a demandé si je voulais toujours aller le voir, je lui ai dit que oui. Nous sommes parties à la chambre funéraire, il y avait le père de mon père, son amie, mon oncle, ma tante, mon cousin Olivier qui était le frère de Nicolas. Maman m'a dit reste là un instant je rentre en premier et je t'appelle ensuite … Quand elle est venue me chercher, je suis allée à la porte de la pièce où il se trouvait … Puis je suis restée stoïque, incapable de bouger, je l'ai vu de loin, et je me suis enfuie loin de cette porte en pleurant toutes les larmes de mon corps ...Je venais de réaliser que toute la journée, j'avais espéré que ce ne serait pas lui, qu'ils se soient trompés … Mais là, c'était réel, c'était lui, mon Nicolas, mon grand frère, celui que j'aimais tant … Je suis restée dans la salle d'attente, sur une chaise sans dire un mot, on me parlait, je n'entendais pas … Maman est venue me voir pour qu'on rentre. J'étais déçue de moi-même, de ne pas avoir pu aller jusqu'au bout, et triste aussi de pas avoir eu le courage, j'avais des regrets, je devais le faire, je devais le voir, lui dire au revoir, il n'avait pas le droit de partir comme ça !

 Le soir était déjà là, il était l'heure de manger, dans la cuisine du restaurant, comme tous les soirs. Il y avait une atmosphère très lourde je me souviens … mes parents ne parlaient presque pas … Je n'osais rien dire … Puis papa m'adressa la parole, en me disant « si tu veux, on y va tous les deux après manger voir Nicolas, tu rentreras avec moi et tu verras ça ira ». Je n'ai pas compris pourquoi maman est devenue folle de rage, elle a hurlé sur papa, en lui disant que si je n’y arrivais pas il ne fallait pas me forcer, que ce n'est pas parce que dans sa famille, ils vivaient avec les morts que je devais être pareil … Je rappelle, j'étais à un mois d'avoir mes dix ans … Je ne comprenais rien à ce qui se passait. Là, mon monde s'est écroulé une deuxième fois dans la même journée, maman m'a lancé « oui, parce qu'il faut que tu saches, ton père a été marié avant moi, sa femme est morte dans un accident, je vis avec son fantôme depuis le début ». J'ai pris une violente claque, c'était si sauvagement dit, il y avait tant de colère dans la voix et les yeux de maman … Pourquoi me dire ça, je n'avais pas à savoir ça, là, maintenant, ce jour-là … Papa, en colère aussi a répondu « c'est le soir des confidences, alors tu veux savoir ta mère aussi a été mariée avant moi, son mec lui tapait dessus, voilà comme ça tu sais tout ». Deuxième claque plus que violente … Pourquoi me dire tout ça, pourquoi ne pas m'avoir épargné leur passé, aussi douloureux soit-il, je n'avais pas à être au milieu d'un règlement de compte … Ce soir-là, je voulais juste arriver à aller voir mon cousin qui m'avait abandonné dans ce monde.

 Papa et moi sommes malgré tout aller à la chambre funéraire, c'était calme, moins pesant que l'après-midi, il n'y avait personne …

 Papa m'a pris dans ses bras, je suis entrée dans la pièce blottie contre lui, le visage tourné sur lui, incapable de tourner la tête vers le corps inerte de mon cousin … Puis papa m'a dit « je suis là, retourne-toi doucement, ça va aller », je l'ai écouté, j'ai pu enfin le regarder. Il était paisible, comme endormi … j'ai pleuré dans les bras de papa, je me souviens plus de mes mots, mais il m'a répondu « je sais, je sais ». Puis je me suis approchée, je l'ai bien observé, je lui ai parlé, comme si j'attendais sa réponse, mais en vain … Mon cousin, Olivier est arrivé, il était debout à ses pieds, mon papa lui a demandé ce qu'il en pensait … il a juste répondu « c'est horrible ». J'avais perdu mon frère de cœur, mais lui son frère de sang … J'avais le cœur lourd, mais vide, tellement j'avais pleuré, mais grâce à papa j'avais réussi à affronter ce dur moment, bien ou mal je ne sais pas, j'étais jeune pour voir ce genre de choses... Mais ce que je sais, c'est qu'il le fallait, c'était important pour moi pour réaliser que son corps n'était plus, que je ne verrai plus jamais son sourire que j'aimais tant, que je ne l'embêterai plus sur sa petite queue de cheval que je trouvais ridicule, que plus jamais je ne pourrai partager des moments avec lui tout simplement …

 Je me suis réfugiée vers Dex, je ne sais plus trop à quel moment, mais rappelez-vous, un peu avant je disais que Nicolas était le seul qui avait le droit de jouer avec mon chien, mais pas trop longtemps quand même, c'était le mien, je grognais quand il était trop avec d'ailleurs. Il le faisait exprès pour me faire enrager en plus … Quelle complicité on avait malgré nos 8 ans d'écart … J'ai donc annoncé à mon chien, que Nicolas était parti, qu'il ne le verrait plus, j'étais persuadée qu'il me comprenait, ce qui est certains, c'est qui ressentait ma tristesse, j'avais pleins de câlins … Pour moi, Dex était le souvenir vivant de mon cousin, je savais qu'avec lui je pourrais en parler souvent, car il était la plupart du temps avec nous …

 Maman m'a alors dit, que je pourrais parler le jour de l'enterrement, lui écrire un mot, un texte que je voudrais partager avec les personnes présentes le jour du départ aux cieux … Maman ne pouvait pas parler devant un public comme cela, elle voulait donc me confier cette tâche. Je m'en sentais la force.

 Le samedi, nous sommes retournées avec maman à la chambre funéraire, je suis rentrée de nouveau, j'ai même pu toucher ses cheveux, lui faire un bisou … Son corps était froid, glacial, je posais des questions, car il est vrai qu'à mon âge, on n’avait pas trop l'occasion de parler de ce genre de choses, je ne comprenais encore une fois pas tout … Il avait des traces marquées sur le visage, un draps blanc sur jambes, les mains entrelacées, mais ses doigts étaient anormalement tordus, comme cassés, encore une fois je posais des questions … peut être un peu trop, mais j'avais besoin de savoir, je ne voulais pas être protégée à ce moment-là, je voulais comprendre, même si je devais avoir mal, ça m'aidait à envisager le futur, je ne sais pas comment expliquer …

 Il avait eu un accident de moto, de 125 plus précisément, j'ai su qu'il n'y était pour rien dans cette tragédie, il rentrait du travail, il était boulanger. Il a rencontré sur sa route un chauffard, sans cœur, roulant en pleine gauche, très vite, ils ne se sont pas vus, mon cousin certainement épuisé par sa nuit de travail et l'autre en face sûrement par stupidité, par négligence, par connerie ! Il avait ôté la vie à un jeune homme de 18 ans, plein de vie, de projets, tellement généreux, travailleur, courageux, souriant et gentil. Je me souviens de lui encore aujourd'hui comme s'il n'était jamais parti … Son image est restée intacte dans ma tête, dans mon cœur ! J'étais donc triste, dubitative mais aussi en colère contre cet homme aussi malveillant que cupide qui l'avait abandonné lâchement sur la route après l'avoir percuté ! Comment pouvait-on être aussi ignoble, mais surtout sans remord, avide de sentiments envers celui qu'il avait tué, envers sa famille, ses amis … Pour lui, c'était un accident de parcours, le destin … La vie continuait comme une phrase après une virgule ! Je demande pardon pour la colère que vous sentez dans mes mots, pour les sentiments profonds de dégoût que j’éprouve encore envers cet homme effroyablement inhumain, je vous demande pardon à vous lecteurs, mais à l'univers aussi de ne pas avoir su pardonner à cette personne, de m'avoir pris une partie de mon enfance, d'avoir brisé mon petit cœur, qui était encore innocent quelques heures avant d'apprendre ce qu'était la mort d'un être aimé !

 Le dimanche, veille de l'enterrement, je suis restée trois heures, assise à côté de Nicolas, silencieuse, pensive, on me demandait, « tu ne veux pas sortir un peu ? » « Tout va bien ? », « tu veux parler ? »... J'avais juste envie de leur dire à tous, mais laissez-moi, demain je ne pourrai plus jamais le regarder, je ne pourrai plus jamais être avec lui, même s’il ne me répond pas quand je lui parle, je sais qu'il m'écoute alors foutez moi la paix. Mais je n'ai rien dit … Je me suis contentée de répondre oui ou non aux questions qu'on me posait … Ce fût un déchirement quand on m'a dit qu'il fallait qu'on s'en aille … Maman m'a demandé ce à quoi j'avais pensé pendant ces trois heures passées … Rien de particulier, j'avais juste envie de le sentir près de moi et de penser aux bons moments le peu de temps que cela m'était encore permis …

 Nous y sommes, lundi 16 Novembre, 14h je crois, heure de l'enterrement, c'est maman qui m'avait écrit le texte pour le jour J, je n'ai pas réussi à aligner deux mots, c'était trop dur et trop de pression.

 Nous sommes allés à la chambre funéraire lui faire un dernier bisou, sur son lit froid. Puis je suis sortie, la famille était toute présente, c'est étrange cette façon de se retrouver que pour les occasions, et de ne pas avoir de nouvelles presque le reste du temps … Comme si le fait de se voir ce jour c'était « cool », personnellement, je n’en avais rien à faire de voir la famille ce jour-là … On nous a demandé si on voulait le voir dans son cercueil, j'y suis allée, j'ai glissé un petit mot, dont je suis incapable de me souvenir de ce qui était marqué … encore aujourd'hui, impossible de savoir, je me souviens juste que j'avais envie qu'il parte avec ce papier, et que j'avais marqué à la fin « je t'aime ». Ma tante avait trouvé ça gentil … Puis ils ont refermé le cercueil, je savais que je ne le verrais plus jamais, à cet instant, ça a été très dur pour moi …

 Nous sommes arrivés à l'église, ma tante était croyante, nous étions dans les premiers rangs, elle était pleine à craquer, il y avait même des personnes dehors … Il était connu et apprécié mon Nicolas … Puis là, je me suis dit, je dois lire devant tout ce monde … le stress me gagna, mais je voulais être présente jusqu'au bout. Quand se fit mon tour, je montai sur la marche qui mène au micro, j'ai sorti mon texte, court mais long à la fois quand il s'agit de le lire dans ce contexte avec toute la tristesse que j'avais en moi. Je regardai tout ce monde réunis autour de mon cousin, et je commençai ma lecture, au fur et à mesure ma voix tremblait, je sanglotais, c'était si dur … Je l'ai terminé tant bien que mal, j'ai vu dans le regard des gens de la compassion, de l'amour, et des remerciements pour mon courage. Je suis redescendue de cette petite marche en regardant le cercueil et en me disant, pour toi, je l'ai fait !

 Pour finir, nous avons terminé tous autour de lui au cimetière, la famille seulement réunie pour un dernier aurevoir, ils ont descendu le cercueil dans ce trou si petit, si étroit, il aimait tant l'espace, tant la vie, tanr la liberté … Ces instants douloureux restent dans ma tête, je sais que d'autres personnes perdent un parent aussi jeune que j'ai perdu mon cousin, malgré tout, je sais que c'était pour moi un être très important dans ma vie de petite fille, et qu'il avait pallié des moments où j'aurais été seule s'il n'avait pas été sur cette terre.

 « Ce n'était que ton cousin », les filles de l'école m'ont dit le lendemain, mais pour moi ce n'était pas que mon cousin, c'était tellement plus, elles ne pouvaient pas comprendre, elles s'en moquaient surtout je pense de ce que je pouvais éprouver … Déjà si jeune, j'ai compris que je n'avais pas d'amie, ce n'était même pas des copines, juste des filles de la même classe qui me suivaient depuis la maternelle ! Des filles, égoïstes et centrées sur leur nombril … Quelle tristesse de découvrir le vrai visage de ces personnes qui sont avec toi depuis la première année d'école … Dans le lot, il a avait toujours cette fille qui m'avait poussé quelques années avant, qui m'avait coûté une fracture de la clavicule. Depuis ces jours-là, je n'avais qu'une hâte, partir en 6ème pour ne plus devoir être près d'elles sans arrêt même sans le vouloir.

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