Chapitre 28 :

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Lorsque j’ouvre les yeux et que je tourne ma tête, je vois Nathanaël qui est réveillé. Même avec un lit, on n’a pas vraiment passé une bonne nuit. On doit préparer l’attaque, c’est plus stressant qu’autre chose. On a peur des conséquences, si cela se passe mal, si le marché ne tient pas. On ne fait pas confiance totalement aux personnes de la surface, mais entre nous, oui.

Tu penses à Mathilde. Tu as peur pour elle, deviné-je alors qu’il détourne le regard dès qu’il entend le prénom de notre amie.

Et toi ? Ne me dis pas que tu ne penses pas à Damien. Cela doit bien être la seule personne avec qui tu n’as pas commencé une relation en te battant avec.

Crois le ou non, je ne me battais pas avec ma sœur. Ni avec Mathilde.

T’es chiante, lâche le jeune homme en se redressant avant de pivoter vers moi. Que veux-tu savoir ? Qu’elle me manque ? Que j’ai peur pour elle ? Que je suis en colère contre elle de ne pas être venue ?

Que tu l’aimes aussi ça serait bien ? complété-je sans non plus oser le dire plus fort car je sais que cela le dérangerait.

On est sorti ensemble c’est vrai. Puis elle était jalouse quand une fille m’approchait et je l’étais quand elle approchait un mec. Mais c’est fini depuis un moment. Avec Mathilde, il y a toujours un truc de spécial, mais ce ne sera plus jamais de l’amour.

Pourtant elle semblait plus vouloir nous rapprocher plutôt que de m’écarter, affirmé-je sans vraiment croire qu’il me disait la vérité.

Au début elle ne voyait pas du tout cela d’un bon œil que l’on devienne ami, explique Nathanaël en se mordillant les ongles. Elle pensait que tu avais pu me taper dans l'oeil. C’est sûr que tu étais jolie mais on se ressemble beaucoup trop pour pas que l’on se dispute une fois sur deux.

Cela je te le confirme. Dès que je voyais ta tête j’avais envie de te foutre une claque au début, avoué-je sans vraiment avoir peur de sa réaction. Et tu sais quoi ? Tu vas retrouver Mathilde, je vais retrouver Damien et on pourra vivre à la surface, sans le bunker en étant heureux.

Espérons…

Je tente de me montrer optimiste mais c’est bien compliqué. Je ne sais pas l’être, donc convaincre les gens de l’être… c’est définitivement trop dur pour moi. Je sors de la chambre avec Nathanaël et on arrive dans une salle de taille moyenne. Césars est en train de boire du café et une dame un peu forte et qui n’a pas de bras prépare à manger. Elle doit avoir l’habitude d’utiliser sa télékinésie sur les objets car cela ne semble pas lui demander beaucoup de concentration. Elle nous voit et nous ordonne de nous asseoir Nathanaël et moi pour que l’on puisse manger. Je salue Césars. Gérard la regarde faire en croquant dans du pain. On a quand même de la nourriture en commun. La mère de Césars et Sarah s’appelle Kate. Elle est très gentille et conviviale et reste forte pour ses enfants malgré la mort de son mari. Sûrement la mère la plus incroyable que je connaisse. Nathanaël pense sûrement la même chose. Kate n’a que du café et du pain pour nous. On ne s’en plaint pas car on a déjà de la chance de pouvoir manger. Sarah débarque à son tour. Elle ne se pose jamais sur une chaise, elle reste toujours en lévitation. Comme elle n’a pas de jambes, elle ne flanche pas.

Karima veut partir à l’attaque demain je crois, informe Césars en débarrassant sa tasse.

Demain ! s’écrient Nathanaël et moi.

Elle a pris de la drogue ou quoi ? Les bunkers sont préparés. Ce n’est pas en faisant un plan pendant un jour que vous allez arriver à atteindre les hauts-dirigeants ! assure Nathanaël.

Je vois bien que Césars est du même avis que nous, mais face à Karima… il n’y a peut-être que moi qui peut tenter de lui faire comprendre que c’est une mauvaise idée de se précipiter. Alors que je me lève, Gérard me force à me rasseoir pour que je mange. Il est hors de question pour lui que je ne me nourrisse pas. Sûrement s’est-il promit de veiller sur moi pour mon père. Je remercie encore une fois Kate de nous accueillir et je pars en trombe pour trouver Karima. Nahanaël et Sarah me suivent. Gérard nous fait confiance pour gérer les relations avec la cheffe de la communauté. Ce qui est étrange mais on a connu pire.

Je débarque donc dans la cahute de Karima qui est toujours accompagnée de deux hommes. Certes elle a un don, mais sa perte de vue reste handicapante pour certaine situation. Bien évidemment qu’elle devait y être habituée, mais je n’imaginais même pas la galère pour se préparer à manger ou je ne sais quoi d’autre.

— Vous ne pouvez pas vous précipiter comme cela dans la gueule du loup sans avoir prévu un plan qui tient la route et minimum trois plans de secours ! rétorqué-je en tirant une chaise pour m’asseoir face à elle.

— Parce que vous aviez tout cela lorsque vous vous êtes enfuis de votre bunker ? Le vôtre comporte une faiblesse. Cela sera moins risqué, réplique la femme qui ne semblait absolument pas d’humeur pour débattre.

— On vient de s’échapper, ils ont sûrement renforcer la sécurité. Qu’est-ce qui vous dérange dans le fait que je puisse avoir raison ? m’énervé-je en balayant l’air de ma main. Qu’est-ce que vous avez vu dans vos visions ? Envoyez tout le monde sans plan vous sauve de la mort alors que vous serez la seule à mourir si on construit un plan digne de ce nom ? Allez-y ! J’attends votre argument.

— Constance a raison, renchérit Nathanaël en s’approchant un peu plus. Si on part demain, on ne sera pas assez préparés.

Cela dérange fortement Karima qu’on fasse attention aux autres personnes. Néanmoins elle nous crache à la figure qu’on a déjà discuté de nos contreparties et qu’on n’a rien à décider de plus car on ne vaut rien dans la communauté. Elle se montre forte et dure mais dès que je m’approche elle tente de reculer comme paniquer. Je lui fais peur, et c’est tant mieux. Nathanaël aussi pourrait avoir cet effet. Il n’a pas encore fait de démonstration de sa capacité auprès des habitants de la surface.

— Veux-tu vraiment voir ce que j’ai vu ? Vas-y, sers-toi, grogne la cheffe entre ses dents en tendant ses bras pour que j’en saisisse au moins un.

— Pourquoi ne pas me le dire directement ?

— Les gens croient plus facilement ce qu’ils voient que ce qu’on leur rapporte.

Sur ce point elle n’a pas tort. Alors j’empoigne son bras et me glisse par la faille dans son esprit. Les souvenirs de Karima m’attaquent encore une fois. Ils se jettent sur moi mais je parviens par je ne sais quelle manière, peut-être par la force de la volonté, à les stopper. Je ne sais pas exactement comment cela fonctionne, personne avant toi n’a osé pénétrer dans mon esprit. Donc débrouille-toi pour trouver toi-même ce que tu cherches. Dommage que je ne puisse pas bouger mon corps dans le but de la gifler. Elle oublie un peu vite que je demeure novice dans ce domaine et que je n’y connais rien. Pendant un long moment j’essaye d’examiner souvenir par souvenir sans me faire aspirer dedans. Karima vit depuis un moment d’ailleurs. Nous amassons tellement d’informations, qu'elles soient importantes ou non… je suis persuadée que même les souvenirs les plus refoulés m’apparaissent sous les yeux. Alors comment les distinguer d’une vision ? Si seulement cela pouvait fonctionner simplement… genre en disant vision. Vision ? J’ai un mouvement de recul alors que je ne peux absolument pas contrôler mon déplacement. Je vois des souvenirs se désintégrer et j’ai peur d’avoir enlevé des choses. Qu’est-ce que j’ai fait ? Je vois des souvenirs rester. Beaucoup moins qu’avant. Mais lequel choisir ? Est-ce vraiment les visions ? Je n’en sais rien mais une d’elles s’approche trop de moi et m’aspire en elle.


Je reconnais le bunker, je vois des gens convulser aux sols dans du sang. Je reconnais aussi des gens de la surface morts ou agonisants. Je vois Césars qui dit qu’on a mis trop de temps avant d’agir. Puis je me sens reculer mais je ne pars pas hors d’un souvenir. Non, je suis dans une autre version du souvenir. Je le comprends car on est à nouveau dans le bunker. Je réalise aussi qu’il s’agit de deux visions différentes. Enfin, deux déroulements différents qui dépendent des choix faits avant. Dans cette seconde vision, essentiellement des gens du bunker décèdent, je vois même ma mère morte et Césars dit tout en étant surpris qu’il ne pensait pas qu’ils s’en sortiraient réellement après peu d’organisation. Et je me fais propulser définitivement hors de l’esprit de Karima.


Nathanaël me rattrape par les épaules alors que je tombais en arrière. Il ne lâche pas mes bras et je fixe Karima. Elle sait que j’ai compris. Elle sait que je dois choisir entre la vie de personne que je connais et les vies de plusieurs personnes inconnues. Ce qu’elle ne sait absolument pas, c’est que je n’identifie même plus ce que je ressens pour ma mère. Amour ? Haine ? Rancoeur ? Mon père avait été tout pour moi. Ma mère, souhaitait me façonner comme elle. Elle voulait me façonner en bonne petite habitante sans avis qui se contentait de fournir des gosses aux bunkers. Elle voulait toujours que je prenne sa relève malgré l'existence de Léa qui le faisait déjà. Elle voulait que je sois invisible, inexistante et soumise. Elle ne souhaitait pas que je sois vraiment moi. Elle ne supportait pas le fait que je ne lui ressemblais pas et que je ne lui ressemblerais jamais.

— Je te laisse deux jours si tu veux, fait Karima plus compréhensive que d’habitude, et donc plus suspecte à mes yeux.

— Non. On partira demain.

Ai-je précipité le destin de ma mère ? Cela je le saurai dans quelques jours. Mais je ne me sens pas vraiment bien. Je me demande juste si c’est le sentiment d’appréhender le futur ou de devoir prendre un choix difficile qui va impacter sur d’autres personnes. Je ressens les picotements entre ma peau et celle de mon ami et à la manière à laquelle il se crispe, il comprend la mesure de la situation. Il m’entraîne loin de la cahute de Karima. Sarah nous suit.

— Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Qu’allons-nous faire ? Que doit-on faire ? assène-t-elle anxieuse même si elle semble aussi excitée et impatiente.

— On va partir rejoindre notre bunker, commence Nathanaël en s'asseyant derrière moi.

— Et il faut espérer. Espérer de rester en vie, complété-je en basculant ma tête sur l’épaule de mon ami.

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