Chapitre 14 :

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Le mois fut long. J’aime bien être seule, mais personne n’est revenu me voir. Même pas au moins une fois par semaine. Je passe mes journées à y songer car je ne peux rien faire d’autre. C’est agaçant. Je me demande si ma mère ne fait pas pression auprès de mon père et de Léa pour qu’ils n’aillent pas me voir… son petit jeu ne fonctionnera sûrement pas avec Damien. Il ne doit sans doute pas avoir le temps de passer me voir. Ce matin, après le petit-déjeuner que je passe encore seule, Gérard vient me voir dans ma salle.

Prends tes affaires, fillette, ordonne-t-il d’un ton sec mais assez aimable malgré tout. Demain, les nouveaux arriveront. On va t’assigner avec une autre fille. Dépêche, je dois faire pareille tous ceux de ta venue.

Je soupire et hésite à demander de rester seule, mais je me dis que je trouverais bien un moyen de l’être un jour. Ce n’est qu’une question de temps. J’examine mon vêtement de la cérémonie, il est temps que je trouve quelqu’un pour me prêter des vêtements ! Alors que j’allais prendre mes seules affaires : serviettes, brosses à dents et dentifrice, Gérard attrape mon bras pour examiner ma montre. Je me tends un peu, car j’espère qu’il ne me la prendra pas, et baisse la tête alors qu’il relâche mon bras.

Où as-tu trouvé cette montre ? demande-t-il avec un regard suspicieux et une voix craquelée.

Mon père me l’a offerte, c’est la sienne, déclaré-je simplement en attrapant ma serviette.

Gérard semble vouloir ajouter quelque chose d’autre, mais il ne le fait pas. Il me regarde, intrigué, et je laisse mourir mes questions sur mes lèvres comme il l’a fait avec sa remarque. Il doit tellement y avoir de non-dit dans cet endroit… quel dommage ! Je ne fais même pas attention de prendre toutes mes affaires et je le suis à l’extérieur. Il se rapproche de plus en plus de la salle commune, et j’ai le bon espoir de me trouver dans les premières salles. Pour une fois, je n’espère pas pour rien. Au moins, je pourrais manger plus tôt. Il m’ouvre la porte et repart directement. S’il s’en va, c’est que la fille avec qui je vais cohabiter pendant je ne sais combien de temps, n’est pas dangereuse. En voilà une bonne nouvelle ! Je pénètre dans la chambre qui est plus grande que mon ancienne, il y a deux matelas en guise de lit, et une armoire, et je me demande comment ma colocataire peut avoir autant de vêtements ! Et elle n’est pas là, sûrement en train de manger ou de prendre sa douche. Tant mieux ! Je ne suis vraiment pas prête à faire la discussion à quelqu’un. Le serais-je un jour ? Peut-être pas… j’étale mes affaires sur le matelas et contemple la salle dans laquelle je me trouve. Elle paraît moins sombre que celle où j’étais.

Tiens donc, j’avais presque oublié que je devais avoir une nouvelle colocataire ! déclare une voix féminine dans mon dos. Cela remonte déjà à un petit bout de temps depuis ma dernière colocataire !

Je me retourne méfiante, sans ciller. C’est la grande fille blonde qui traîne toujours avec le gars brun, dès que je passe, je les observe en train de parler. À chaque fois je me demande s’ils parlent de moi, et je les ignore. Elle s’avance vers moi, un petit sourire coincé.

Et qu’est-elle devenue ? questionné-je sans détour.

Elle est morte, répond la jeune femme. Enfin, je crois puisqu’on ne l’a plus jamais revue dans l’asile depuis.

Je ne sais pas si elle dit cela pour chercher à me déstabiliser ou si elle en est juste insensible. Je ne réponds pas et m’allonge sur mon lit pour lui faire comprendre que je ne veux pas vraiment faire connaissance. Elle a l’air bizarre. Puis quand je me déplace pour fermer la porte, elle se met à m’examiner et tourne autour de moi. Non, je ne vais pas lui coller une baffe, mais ce n’est pas l’envie qui m’en manque. Je n’aime pas autant de proximité avec une inconnue.

Je sais qui tu es Constance, murmure-t-elle en s’arrêtant juste devant moi. Et Nathanaël est encore plus intrigué que moi sur toi.

Et toi, qui es-tu ? Je ne te connais pas, affirmé-je. Et je m’en fiche que ton petit-copain s’intéresse à moi. Je me suis réveillée plus tôt OK, mais je n’y suis pour rien, ce n’est pas moi qui me suis endormie toute seule, ce sont eux qui m’ont injecté un produit. Ils ont dû mal doser, point final.

Oui, et cela arrive rarement mais cela arrive, confesse la blonde. Mais Nathanaël pense que tu pourrais être intéressé par notre proposition.

Quelle proposition ? m’intéresse-je malgré les mises en garde de Damien qui me disait de ne rien faire de risquer.

Je ne peux rien te dire pour le moment. Je dois attendre que mon ami arrive, et cela ne risque pas te tarder de toutes manières.

Si c’est pour me forcer à faire quelque chose, je m’en vais directement même si cela me vaut d’être dans la salle commune. Je ne sais pas qui vous êtes, et ce que vous me voulez, mais je ne vois pas pourquoi j’intrigue des gens, et c’est plus flippant qu’autre chose.

La jeune fille soupire avec un petit sourire, en marmonnant que je suis têtue et casse-pied. Tant mieux, peut-être que ses lubies de propositions passeront ! Je m’allonge sur le lit et elle farfouille dans son armoire pour en sortir des vêtements et me les jette à la figure.

Tu me fais pitié à porter la même tenue pendant un mois. Quand je suis arrivée il y a deux ans, je faisais ta taille, et j’ai beaucoup grandi depuis. Alors ses affaires devraient faire l’affaire.

Comment as-tu fait pour obtenir des vêtements ?

Cela ne tombe pas de ciel, répond ma colocataire. Il faut faire quelque chose, accepter de faire des trucs dont tu n’as pas forcément envie et d’autres qui te consument quelquefois avant de te rappeler que tu es obligée de tenir. Mais tu verras, tu apprendras avec le temps.

Je ne sais pas de quoi elle parle exactement, mais j’ai l’impression que c’est le genre de sujet que je ne risque pas d’aimer. Malgré tout je la remercie et enfile la tenue. C’est un accoutrement basique, comme je les aime. Le jean bleu est pile à ma taille et le t-shirt gris est un peu trop grand, si bien que l’on peut penser que c’est une tunique.

Je m’appelle Mathilde, m’annonce ma colocataire en me regardant. Et même si pour le moment, t’es vraiment pas sympa, je serais là si tu as besoin d’aide. Je te montrerais aussi comment on survit ici. T’as intérêt à ouvrir ta bouche Constance, car ici, vaut mieux avoir beaucoup d’alliés que beaucoup d’ennemis. Crois-moi, si tu ne te trouves pas un clan, tu finiras mal !

Je ne sais pas si je dois prendre cela au sérieux. Bien évidemment que j’ai remarqué qu’il a des clans, mais je n’en connais pas la raison. À quoi sert-il ? À empêcher de se faire tuer ou à précipiter la mort ? Très peu pour moi ! Il est préférable de rester seule. Je m’allonge sur le lit et fixe le plafond. Mathilde se maquille pour je ne sais quelle raison. Elle aurait été sûrement génitrice si elle n’avait pas atterri dans l’asile. Elle me fait penser à ma mère et ma sœur, et cela rend séparation encore pire ! Je ne peux réclamer aucune visite, et je crains que ma mère ne laisse pas Léa me voir… et mon père ? Les reverrais-je un jour ? Je sens les larmes me monter aux yeux et je les frotte avec mes mains pour qu’elles ne coulent pas, pour que Mathilde ne pose pas de questions. Puis la porte s’ouvre bruyamment et je me relève bien vite.

C’est l’ami de ma colocataire de chambre qui arrive, le fameux Nathanaël. Il a la peau aussi blanche que moi, presque maladif ce qui fait ressortir ses cheveux marron, presque noirs. Il est crispé, et semble énervé et en colère. Cela n’échappe pas à Mathilde qui me lance un regard noir, comme pour me dire de ne pas prononcer un seul mot. Pour une fois, cela a l’effet escompté, parce que son pote n’a vraiment pas l’air commode en cet instant. Il fait abstraction de ma présence et fait les cent pas avant de s’arrêter devant la blonde.

Philippe ne veut pas faire passer ma demande de m’entretenir avec mon père ! s’écrit-il avec tant de haine que j’ai bien l’impression d’avoir trouvé mon homologue. Cela fait plus d’un mois que j’y travaille, que j’essaye de lui montrer que j’existe et que je suis sympa avec tous les encadreurs ! Et monsieur, ne souhaite pas voir son fils pour une discussion ! Pourtant il sait que j’ai une certaine influence, que je peux contrer toutes ses volontés ! Mais non, mon cher petit papa ne veut pas me voir.

Il dit cette dernière phrase sur un ton sarcastique qui malgré tout, fait sourire Mathilde qui le regarde tendrement. Il passe une main rageuse dans ses cheveux. Il n’est toujours pas calmé a priori, et je ne devrais sûrement pas intervenir. Néanmoins j’ai besoin de savoir une chose :

Tu es un enfant des familles ?

Non, répond-il froidement. C’est plus compliqué que cela.

Je ne comprends pas sa réponse, mais malheureusement, on semble avoir les mêmes caractères, et sa mauvaise humeur déteint sur moi. Sauf que je ne veux pas causer de dégâts. Du coup, je me lève, prête à sortir. Lorsque je passe devant lui, je le sens serrer très fort mon bras et me faire retourner vers lui alors que Mathilde lui dit très clairement de se calmer, comme une maman qui ne veut pas voir ses progénitures se bagarrer.

Pourquoi pars-tu ? Tu dois nous suivre, on a des choses à te dire.

Des propositions à me faire ? insinué-je en ne regardant même pas Mathilde qui soupire en s’allongeant sur son lit. Tu es comme moi quand je fais des excès de colère, et je suis donc bien placée pour savoir que cela ne sers à rien de discuter avec moi pour le moment. Alors redescend, mais pour le moment, vos propositions, je n’en ai rien à faire !

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